La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 8 - octobre 2011 | 509
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du col de l’utérus
Curiethérapie
tridimensionnelle intégrant
l’imagerie (en particulier
l’IRM) dans la prise en charge
des patientes porteuses
d’un cancer du col utérin
Three-dimensional adaptive brachytherapy integrating
imaging modalities (especially MRI) in the treatment
of patients with cervix cancer
C. Haie-Meder 1, I. Dumas 2, R. Mazeron 1, J. Gilmore 1, C. Lhommé 3, P. Morice 4
1. Service de curiethérapie, institut
Gustave-Roussy, Villejuif.
2. Service de physique, institut Gus-
tave-Roussy, Villejuif.
3. Service d’oncologie gynécologique,
institut Gustave-Roussy, Villejuif.
4. Service de chirurgie oncologique,
institut Gustave-Roussy, Villejuif.
L’
efficacité de la curiethérapie repose sur le
gradient de dose très élevé lié à la situation
de la source radioactive au contact même de
la tumeur. Ces caractéristiques physiques, associées
aux possibilités actuelles d’optimisation, permettent
à la curiethérapie gynécologique de conserver une
place compétitive, même en comparaison des
techniques sophistiquées d’irradiation, comme la
protonthérapie ou la modulation d’intensité (1). Par
conséquent, la curiethérapie représente toujours une
étape fondamentale dans le traitement des patientes
atteintes d’un cancer du col utérin de stades FIGO
(Fédération internationale des gynécologues et
obstétriciens) I à IV. La dose délivrée en curie thérapie
varie suivant l’inverse du carré de la distance, ce
qui permet de délivrer une dose très élevée tout
en protégeant les tissus sains environnants. Des
recommandations publiées ont précisé les modalités
d’expression de la dose dans la tumeur et les zones
définissant les organes à risque, essentiellement la
vessie et le rectum. Plus récemment, les résultats
se sont encore améliorés dans les formes de stade
supérieur ou égal à IB2 grâce à la chimiothérapie
concomitante à l’irradiation externe, réduisant à la
fois le risque de récidive locale et de développement
de métastases à distance (2-4).
Rôle de l’imagerie : imagerie
par résonance magnétique
et tomodensitométrie
L’imagerie de référence dans l’évaluation de l’exten-
sion tumorale locale des cancers du col utérin est
l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Dans
une série de 15 patientes atteintes de cancer du col
de stade avancé, N.A. Mayr et al. (5) ont démontré
la supériorité statistiquement significative de l’IRM
sur la tomodensitométrie (TDM) et sur l’examen
clinique dans l’évaluation de l’extension tumo-
rale. Les données histologiques postopératoires de
99 patientes porteuses d’un cancer du col utérin ont
été comparées aux résultats TDM et IRM par S.H. Kim
et al. (6) : une supériorité incontestable de l’IRM sur
le scanner a été démontrée. L’IRM a ainsi conduit à
une amélioration de la connaissance de la tumeur et
de ses extensions. Au moment de la curiethérapie,
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Figure. Représentation tridimensionnelle de la tumeur, des organes sains et de la distribution de dose.
La flèche blanche indique le CTV-IR.
CTV-IR
Isodose 100 %
Vessie
CT
Rectum
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Résumé
La curiethérapie joue un rôle fondamental dans le traitement des patientes atteintes de cancer du col utérin.
Les caractéristiques physiques de la curiethérapie sont représentées par un gradient de dose élevé, permet-
tant de délivrer une dose élevée dans la tumeur tout en maintenant des doses relativement faibles dans les
organes sains (essentiellement la vessie, le rectum et le sigmoïde). Le développement récent de l’imagerie a
contribué à l’amélioration de la connaissance des volumes tumoraux et des organes à risque. En 2005 et 2006,
la publication des recommandations du groupe gynécologie du GEC-ESTRO a permis de définir ces différents
volumes d’intérêt. Ces recommandations ont ensuite été validées par des processus de délinéation entrant
dans le cadre d’études comparatives. Le développement concomitant de projecteurs de sources contenant une
source miniaturisée a permis de planifier la dose d’irradiation avec des ajustements des temps par position.
Ces procédures ont abouti à une meilleure couverture des volumes tumoraux en épargnant relativement les
tissus sains. Les données récentes de la littérature mettent en évidence une amélioration du contrôle local
sans augmentation du risque de complications. Les études ultérieures permettront de mieux déterminer les
doses à la fois dans la tumeur et dans les tissus sains. C’est l’un des buts de l’étude prospective EMBRACE.
Mots-clés
Cancer du col utérin
Curiethérapie
Curiethérapie àdébit
pulsé
Dosimétrie
tridimensionnelle
Optimisation
Summary
Brachytherapy plays a crucial
role in the treatment of patients
with cervical cancer. The phys-
ical characteristics of brachy-
therapy are represented by a
rapid fall-off gradient, which
allows delivering a high dose
to the tumour, while main-
taining relative low doses to
the organs at rik (OAR [mainly
bladder, rectum and sigmoid]).
The recent development of
imaging has contributed to
the improvement in target
and organs at risk knowledge.
In 2005and 2006, GEC-ESTRO
recommendations publica-
tions on 3D-based image
brachytherapy have defined
the different volumes of
interest. These recommenda-
tions have been validated with
intercomparison delineation
studies. With the concomitant
development of remote after-
loading projectors, provided
with miniaturized sources, it
is now possible to plan radia-
tion doses by adjusting dwell
positions and relative dwell
time values. These procedures
allow better coverage of the
targets while sparing OAR. The
recent literature data evidence
a significant improvement in
local control with no increase in
complications. Further studies
are needed to better define the
dose recommended in both
tumour and organs at risk.
This is one of the goals of the
EMBRACE study.
Keywords
Cervix cancer
Brachytherapy
Pulsed dose rate
Three-dimensional dosimetry
Optimization
la mise en place d’applicateurs vaginaux compatibles
avec l’IRM a permis également de progresser dans
l’évaluation des volumes tumoraux résiduels après
radio-chimiothérapie concomitante (7).
Cette connaissance plus sophistiquée a donné lieu
à des définitions cliniques de volumes d’intérêt
dénommés Clinical Target Volume (CTV) à haut risque
(CTV-HR) et CTV à risque intermédiaire (CTV-IR)
[8, 9]. Ces volumes d’intérêt sont largement utilisés
en pratique curiethérapique gynécologique et
servent de base à la dosimétrie tridimensionnelle
guidée par l’image. La figure montre un exemple
de représentation tridimensionnelle de la tumeur et
des organes sains environnants, et de la dosimétrie.
Lexploration de nouvelles techniques d’imagerie,
comme la tomographie par émission de positrons
(TEP) ou l’échographie de contraste, permettra sans
doute d’améliorer encore la qualité diagnostique
de l’évaluation de la réponse à la radiothérapie, en
particulier lors de l’étape de la curiethérapie.
Cependant, pour de nombreuses équipes le scanner
représente la seule imagerie possible pour un accès
à une curiethérapie tridimensionnelle. A.N. Viswa-
nathan et al. (10) ont rapporté les résultats d’une
étude portant sur 10 patientes ayant eu à la fois
une IRM et un scanner per-curiethérapiques. Ils ont
montré que les dimensions portant sur la hauteur,
l’épaisseur et le volume de la tumeur n’étaient pas
différentes entre l’évaluation par scanner ou par IRM.
En revanche, les dimensions portant sur la largeur
du CTV-HR et du CTV-IR étaient significativement
plus grandes sur le scanner, comparativement à
celles obtenues avec l’IRM. L’injection de produit de
contraste lors de la réalisation des scanners entraî-
nait une prise de contraste de l’ensemble du col
utérin, facilitant la délinéation du CTV-HR, même si
la tumeur ne pouvait être différenciée du col. De plus,
elle permettait la visualisation de l’artère utérine,
indiquant la limite anatomique supérieure du col
utérin. Dans certains cas, le produit de contraste
pouvait également être utile dans la délinéation
des organes à risque.
Modalités d’optimisation,
doses aux différents CTV
Outre des définitions volumétriques et anatomiques,
les recommandations du groupe gynécologie du
GEC-ESTRO ont porté sur les doses à délivrer dans
les 2 CTV définis : dose d’au moins 60 Gy dans le
CTV-IR (qui correspond au volume tumoral inté-
grant l’extension tumorale initiale) et d’au moins
80 Gy dans le CTV-HR (qui correspond au volume
tumoral résiduel au moment de la curiethérapie,
après l’irradiation externe) [9]. Une étude menée
à l’institut Gustave-Roussy (Villejuif) a conclu à
une augmentation du risque de reliquat tumoral
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DOSSIER THÉMATIQUE
histologique postopératoire si la dose au niveau
des CTV n’était pas suffisante (11). Une équipe de
Louvain (Belgique) a étudié l’impact de l’optimisa-
tion sur les organes à risque et sur la couverture des
CTV. Cette stratégie d’optimisation a permis une
augmentation moyenne de 3 Gy dans les CTV et
une diminution moyenne de 7 Gy pour la vessie et
le sigmoïde (12). Une équipe d’Aarhus (Danemark)
a également montré une amélioration significative
des histogrammes dose-volume avec une réduction
de la dose à la vessie et au sigmoïde (13).
La couverture insuffisante des CTV, en particulier
les CTV-HR, a conduit à revisiter les techniques de
curiethérapie interstitielle. Ce type de curiethérapie,
qui se faisait autrefois avec des gabarits de type Syed
ou Martinez conduisant à la mise en place d’au moins
une dizaine d’aiguilles, se limite actuellement à un
nombre limité d’aiguilles (2 à 3) dirigées sélective-
ment dans les reliquats tumoraux.
Les rares études publiées à ce jour rapportant les
techniques de curiethérapie optimisée à l’aide de
l’imagerie tridimensionnelle montrent une amélio-
ration significative des données dosimétriques
avec cependant des différences importantes dans
les histogrammes dose-volume (14). Les doses
seront vraisemblablement modulées en fonction
du stade de la maladie, les doses les plus élevées
étant réservées aux stades les plus étendus. La place
de la curiethérapie interstitielle devra également
être précisée, certains auteurs la recommandant
de façon systématique lorsque l’extension dans le
paramètre excède 20 mm (15).
Impact de ces nouvelles
modalités d’optimisation
sur le contrôle de la maladie
Seules 2 études ont rapporté les résultats de la
curiethérapie avec optimisation fondée sur l’IRM
(14, 15). R. Pötter et al. (14) ont rapporté ceux d’une
série de 145 patientes traitées par curiethérapie à
haut débit de dose avec un contrôle local de plus de
85 %. L’amélioration des résultats liée à l’optimisation
portait essentiellement sur les tumeurs de plus de
5 cm avec un contrôle local de 90 %, contre 67 % sans
optimisation. Dans une série de 45 malades ayant
au moins 2 ans de recul, traitées par curiethérapie
pulsée optimisée, C. Chargari et al. (15) n’ont retrouvé
aucune récidive locale. Tous les échecs observés
étaient soit ganglionnaires lomboaortiques ou métas-
tatiques (n = 11), soit ganglionnaires pelviens (n = 3).
Doses au niveau des organes
à risque
Classiquement et avant l’avènement de la curie-
thérapie tridimensionnelle, la relation entre la dose
au niveau des organes à risque et le risque de compli-
cations était dominée par 2 éléments fondamentaux :
aucune relation n’a été mise en évidence entre la
dose au point vésical et le risque de complications,
alors que cette relation dose-effet existait entre la
dose au niveau du rectum et le risque de compli-
cations (16).
Les données dosimétriques actuelles, fondées sur
l’imagerie, ont permis une meilleure caractérisation
de la dose réellement reçue par la vessie. C. Kirisits
et al. (17) ont rapporté les paramètres dosimétriques
d’une série de 22 patientes traitées par curie thérapie
à haut débit de dose. On a ainsi pu démontrer que
les doses tolérables au niveau de la vessie étaient
beaucoup plus élevées que celles délivrées avant
l’ère de l’IRM.
Les données des doses concernant le rectum sont
relativement plus simples, car il y a peu de diffé-
rences entre les doses reçues anciennement et celles
reçues depuis l’ère de la 3D. Même s’il existe des
variations de dose en cours de curiethérapie, les
recommandations sur les contraintes de dose sont
de l’ordre de 65 à 75 Gy (9). Le sigmoïde a fait l’objet
de peu d’études, cet organe ne pouvant être claire-
ment mis en évidence avant l’ère de la curiethérapie
tridimensionnelle. B. Erickson et al. (18) ont insisté
sur l’importance du déplacement de cet organe en
cours de curiethérapie, ces études étant réalisées à
partir d’opacifications et de clichés radiologiques
conventionnels. Actuellement, par analogie avec
le rectum, les recommandations portant sur les
contraintes sont de l’ordre de 65 à 70 Gy (9).
Le vagin est l’organe à risque pour lequel les données
sont le plus difficilement analysables. La dose peut
varier de 25 % pour des déplacements de la source
de 1 mm du fait de la très faible distance entre la
muqueuse vaginale et les sources radioactives. Dans
une série de 40 IRM per-curiethérapiques, D. Berger
et al. (19) ont rapporté l’absence de corrélation entre
les doses aux points et les données des histogrammes
dose-volume. Sur l’IRM, il est difficile de repérer avec
précision les parois vaginales. De plus, ces parois sont
très proches des sources, donc le siège de gradients
de dose très élevés. Cette difficulté de délinéation
varie selon la technique utilisée, la mise en évidence
de la paroi vaginale étant plus aisée avec la tech-
nique du moulage (20). Les déviations entre les doses
calculées et les doses mesurées atteignaient 21 %.
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Curiethérapie tridimensionnelle intégrant l’imagerie (en particulier l’IRM)
dans la prise en charge des patientes porteuses d’uncancer du col utérin
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du col de l’utérus
Il n’existe actuellement aucune recommandation
sur les contraintes des doses vaginales.
Étude EMBRACE
La curiethérapie optimisée guidée par l’image repré-
sente une opportunité d’amélioration du contrôle
local chez les patientes atteintes de cancer du col
utérin. L’avantage majeur de cette technique est
la possibilité de conformer la dose délivrée par la
curiethérapie en tenant compte à la fois du volume
tumoral (3D) et de la régression tumorale pendant
la radio-chimiothérapie concomitante (4D). Un
protocole observationnel multicentrique, dont le
but est de recueillir les données dosimétriques curie-
thérapiques pour des patientes porteuses de cancer
du col utérin, a été mis en place en juillet 2009. Les
objectifs de cette étude sont :
d’étendre les modalités de curiethérapie
tri dimensionnelle fondées sur l’IRM dans les cancers
du col utérin ;
d’établir des données comparatives sur le
contrôle local, la survie et la morbidité pour un
effectif important ;
de corréler les histogrammes dose-volume
des CTV et des organes à risque à l’évolution des
patientes ;
d’établir des paramètres radiobiologiques qui
permettent d’évaluer les possibilités de nouveaux
protocoles thérapeutiques ;
de développer des modèles statistiques prédictifs
pronostiques des résultats cliniques, incluant des
facteurs de risque biologiques, cliniques, dosi-
métriques et volumétriques.
Six cents patientes sont prévues dans cette étude
qui en inclut 450 à l’heure actuelle.
Conclusion
Les premiers résultats cliniques publiés portant
sur la curiethérapie optimisée à l’aide de l’ima-
gerie tri dimensionnelle dans la prise en charge des
patientes atteintes de cancer du col utérin suggèrent
une amélioration significative du contrôle local de
la maladie. Les données plus précises concernant
les doses à délivrer dans les différents CTV et les
contraintes sur les organes à risque nécessitent
des investigations complémentaires. Des études
cliniques prospectives, comme celle menée actuelle-
ment dans le cadre du groupe gynécologie du proto-
cole EMBRACE, apporteront vraisemblablement
une contribution importante à la connaissance des
facteurs liés au contrôle local et aux complications
dans ce type de maladie.
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