Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011
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dossier thématique
Endocrinopathies
induites par les traitements
anticancéreux
Les “vrais” déficits corticotropes (déficits en ACTH),
moins fréquents, sont liés essentiellement à une radio-
thérapie crânienne à forte dose (le plus souvent > 30 Gy)
[16]. Rose et al. ont retrouvé ce déficit dans 18 % des
cas durant une période de 1 à 13 ans suivant le cancer.
Les facteurs de risque mis en évidence étaient l’irradia-
tion intracrânienne et la localisation intracérébrale des
tumeurs (notamment du fait de l’extension locale ou de
la chirurgie) [17]. L’insuffisance corticotrope étant le plus
souvent associée à d’autres déficits hypothalamo-hypo-
physaires, cette atteinte doit être systématiquement
recherchée dès lors qu’il existe un autre déficit hypo-
physaire ou, bien sûr, lorsqu’il existe des signes cliniques
évocateurs (hypoglycémie, fatigue…). Le dosage de
cortisol à 8 heures semble insuffisant pour établir le
diagnostic d’altération de la fonction corticotrope, et
le test au Synacthène
®
et/ou à la Métopirone
®
a donc
tout son intérêt dans cette indication (16).
Traitements anticancéreux
et minéralisation osseuse
Le déficit en GH est l’une des causes du déficit minéral
osseux classiquement rapporté chez les enfants atteints
de cancer. Il peut également être dû à la diminution de
l’activité physique et/ou à la dénutrition fréquemment
observées chez ces patients (18). L’atteinte gonadique,
secondaire à la chimiothérapie (notamment les agents
alkylants) et/ou à la radiothérapie contribuent égale-
ment largement à ce risque, par le biais de la diminution
de la sécrétion des hormones sexuelles qu’elle entraîne,
hormones dont l’action sur l’os et le cartilage de crois-
sance est bien connue. Ainsi, on comprend aisément
que le risque de déminéralisation osseuse dépend de
l’âge et du sexe, avec une atteinte particulièrement
importante au moment de la puberté, moment clé de
l’acquisition de la masse osseuse (19). Ce risque semble
majoré chez les filles, suggérant un rôle majeur des
œstrogènes (9).
Si l’effet direct de la radiothérapie sur l’os est bien connu,
avec risque de déminéralisation dose-dépendant, l’effet
de la chimiothérapie sur l’os pourrait également être
avéré. Pour preuve, la toxicité du méthotrexate – en
particulier sur les cellules progénitrices –, qui entraîne
une diminution de l’ostéoformation, a récemment été
démontrée chez le rat. Cet antimétabolite peut aussi
induire la résorption osseuse, ainsi responsable d’une
perte globale de masse osseuse (7). Chez l’homme, un
effet néfaste du méthotrexate sur la masse osseuse a
également été observé, surtout lorsqu’il est utilisé à
forte dose, tout comme a été confirmé celui des glu-
cocorticoïdes. Notons qu’en plus de leur effet toxique
sur le turnover osseux, ces 2 molécules interfèrent
avec l’axe somatotrope, réduisent la force musculaire
et perturbent le métabolisme phosphocalcique, ce qui
aggrave la perte globale de masse osseuse (20).
En pratique, il est donc nécessaire de surveiller réguliè-
rement la minéralisation osseuse des enfants ayant eu
un cancer, en particulier en période pubertaire, et ce
d’autant plus que les effets des agents anticancéreux
peuvent être occultes et ne devenir significatifs qu’à un
âge plus avancé, prédisposant ainsi à la survenue d’os-
téoporose précoce (19). L’absorptiométrie biphotonique
à rayons X (DEXA) est la méthode de référence pour
mesurer la densité minérale osseuse (DMO). Cependant,
le déficit minéral osseux, lorsqu’il est exprimé en Z-score,
peut être artificiellement majoré en raison du retard de
croissance et de maturation osseuse et de l’anomalie
de composition corporelle parfois observés. Ainsi, la
QCT (Quantitative Computed Tomography) pourra être
discutée pour une estimation plus juste de la DMO (21).
La déminéralisation osseuse est l’une des complica-
tions pour lesquelles des mesures préventives simples
existent, comme la supplémentation en calcium et
vitamine D, l’exercice physique et/ou l’arrêt du tabac.
N’oublions pas que l’hormonothérapie substitutive par
GH et hormones sexuelles, quand elle est indiquée,
permet également d’améliorer la DMO et de limiter le
risque fracturaire à long terme (19).
Composition corporelle
et désordres métaboliques dans les suites
d’un cancer survenu dans l’enfance
Le surpoids (IMC > 25 kg/m
2
) et l’obésité (IMC > 30 kg/m
2
)
sont des complications fréquentes après traitement pour
un cancer dans l’enfance, notamment en cas de leucémie
aiguë lymphoblastique (LAL) et de tumeur cérébrale à
type de craniopharyngiome ; ces complications sur-
viennent parfois rapidement après le diagnostic. Dans
l’étude de Withycombe et al. portant sur 1 638 patients
atteints de LAL, 23 % des sujets étaient obèses à la fin
du traitement (versus 14 % au diagnostic) [22]. Toutefois,
cette prise de poids varie selon le traitement utilisé. Si elle
est majeure après l’emploi de corticoïdes et/ou l’irradia-
tion crânienne (en particulier lorsque la dose est supé-
rieure à 20 Gy), la chimiothérapie ne semble pas entraîner
de prise de poids (23, 24). L’utilisation d’anthracyclines
peut même susciter une perte de poids, notamment en
phase aiguë du traitement, du fait de leur gastrotoxicité
lorsqu’elles sont utilisées à forte dose. Ainsi, on comprend
aisément que la prise de poids varie selon la phase et