Perturbations endocriniennes après traitement anticancéreux chez l

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011
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dossier thématique
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Endocrinopathies
induites par les traitements
anticancéreux
Perturbations endocriniennes
après traitement anticancéreux
chez l’enfant
Nécessité d’une surveillance prolongée
de la croissance staturo-pondérale,
des fonctions thyroïdienne et surrénalienne
et de la composition corporelle
Endocrine dysfunction in childhood cancer survivors
Aurélie Armougon*, Mireille Castanet*
Points forts
Highlights
»
La croissance staturo-pondérale doit être systématiquement
surveillée après traitement d’un cancer chez lenfant.
»
Tout ralentissement statural doit conduire à une exploration
endocrinienne comportant le dosage d’IGF1 +/– un test de
stimulation de l’hormone de croissance et/ou une mesure
nocturne de la sécrétion spontanée ainsi qu’une étude du statut
thyroïdien et du développement pubertaire.
»
Le risque de second cancer semblant peu important, un
traitement par hormone de croissance sera discuté dès la mise
en évidence d’un déficit en hormone de croissance.
»
Lévaluation de la minéralisation par absorptiométrie biphotonique à
rayons X (DEXA) et/ou par QCT (Quantitative Computed Tomography)
doit être effectuée régulièrement après traitement d’un cancer
dans l’enfance, notamment en période pubertaire.
»
L’hypothyroïdie primaire est la dysfonction thyroïdienne la plus
fréquente après un cancer dans l’enfance, notamment en cas
d’irradiation cervicale, et peut apparaître longtemps après.
»
Le déficit corticotrope, plus rare, est observé essentiellement
après utilisation prolongée de corticoïdes à forte dose.
»
Le surpoids (IMC > 25 kg/m
2
) et l’obésité (IMC > 30 kg/m
2
)
sont des complications fréquentes après traitement pour
un cancer dans l’enfance, notamment en cas de leucémie
aiguë lymphoblastique et de tumeur cérébrale à type de
craniopharyngiome ; ces complications surviennent parfois
rapidement après le diagnostic.
»
Pour éviter le surpoids et la déminéralisation osseuse, des mesures
préventives sont à mettre en place dès la fin du traitement. Elles
font essentiellement appel à des mesures hygiéno-diététiques
simples et à la supplémentation en calcium et en vitamine D.
Mots-clés : Cancer – Endocrinopathies – Déminéralisation osseuse –
Croissance.
The growth chart should be closely monitored in all childhood
survivors.
In case of growth retardation, GH axis should be assessed
using IGF1 measurement +/- GH stimulation test and/or
overnight GH measurement as well as thyroid and pubertal
status.
If GH deficiency is diagnosed, the GH treatment needs to be
discuss taking account of the low risk of survivors to develop
a second neoplasm.
The bone density should be closely monitored by dual energy
X ray absorptiometry (DEXA) and/or QCT (quantitative
computed tomography) in childhood cancer survivors
specially during the puberty.
Primary hypothyroidism is the most frequently observed
thyroid disorders in childhood cancer survivors specially in
case of exposure of the gland to irradiation. Hypothyroidism
can occur a long time after the cancer treatment.
ACTH deficiency in childhood cancer survivors is relatively
uncommon and can be observed mainly in cases of prolonged
use of high doses of glucorticoids.
Overweight (BMI > 25 kg/m
2
) and obesity (BMI > 30 kg/m
2
)
are often observed in childhood cancer survivors especially
in cases of acute lymphoblastic leukemia or brain tumors
such as craniopharyngioma, and could occur quickly after
diagnosis.
Preventive measures (for example supplementation with
calcium and vitamin D and weight bearing-exercise) should
be encouraged from the treatment completion to avoid
overweight and/or osteopenia.
Keywords: Cancer – Endocrine dysfunction – Mineral bone
density – Growth.
*Département
de pédiatrie,
CHU Charles-Nicolle,
Rouen.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011
221
Perturbations endocriniennes après traitement anticancéreux chez l’enfant
Cas clinique
Un épendymome du 4e ventricule avec hydrocéphalie
triventriculaire est découvert chez le jeune Vincent,
alors âgé de 3 ans et 2 mois. Lépendymome sera résé-
qué largement en 2 temps, avec la mise en place d’une
dérivation ventriculo-péritonéale. Du fait du jeune âge
du patient, une chimiothérapie seule est réalisée 6 mois
plus tard, qui durera 2 ans et 3 mois, selon le protocole
BB SFOP (7 cycles de 3 cures espacées de 3 semaines,
avec pour chaque cycle : carboplatine 15 mg/kg en
1 fois et procarbazine 4 mg/kg/j pendant 7 jours suivi
d’étoposide 5 mg/kg/j et cisplatine 1 mg/kg/j pendant
2 jours, puis de cyclophosphamide 50 mg/kg et vin-
cristine 0,05 mg/kg sur 1 jour). À 6 ans et 4 mois, une
récidive de l’épendymome anaplasique de grade 3
apparaît à l’IRM dans l’angle ponto-cérebelleux, qui
sera reprise chirurgicalement et traitée par une radio-
thérapie brève de 4 mois (54 Gy en 30 séances de 1,8 Gy
dans la fosse postérieure, limitée au cervelet). À l’âge
de 8 ans et 4 mois, on remarque un infléchissement
statural qui avait débuté dans les 8 mois précédents. Le
bilan montre un taux d’IGF1 dans les limites inférieures
de la normale, et le test de stimulation de l’hormone
de croissance (Growth Hormon [GH]) confirme le déficit
complet en GH (pic de GH à 5 mUI/l). Aucun autre déficit
hypophysaire nest retrouvé par ailleurs. Un traitement
par GH est alors débuté à faible dose (0,22 mg/kg/j
initialement, puis 0,18 mg/kg/j), qui suffira à réaccélérer
la vitesse de croissance (figure 1).
Introduction
Les progrès réalisés au cours des dernières années ont
permis d’augmenter considérablement le taux de survie
des cancers de l’enfant, avec une guérison d’environ
75 % des cas à 5 ans. Toutefois, plus de deux tiers des
enfants traités développent au moins une complica-
tion à long terme, qui est due soit à l’atteinte tumorale
en elle-même – du fait, notamment, de son caractère
expansif –, soit aux traitements employés. Les complica-
tions endocriniennes sont de loin les plus fréquentes et
concernent 1 enfant sur 8. Elles se manifestent par des
troubles de croissance, du développement pubertaire
et de la fonction thyroïdienne et/ou surrénalienne. De
plus, le métabolisme glucidique, la densité minérale
osseuse et la composition corporelle peuvent égale-
ment être altérés (1).
Ces effets délétères seraient essentiellement liés à la
radiothérapie, mais la chimiothérapie ne semble pas être
dénuée d’effets indésirables, comme l’a montré la large
base de données nord-américaine du CCSS (Childhood
Cancer Survivor Study), qui a analysé de façon rétrospec-
tive le devenir de plus 14 000 sujets plus de 5 ans après
traitement d’un cancer dans l’enfance. Ces patients ayant
eu divers types de cancers et ayant reçu différents trai-
tements (chimiothérapie seule ou associée à une radio-
thérapie crânienne ou cranio-spinale), les effets de chaque
traitement ont pu être analysés de façon distincte (2).
Lobjectif de cet article est de discuter les complications
endocriniennes selon la thérapeutique utilisée, en
insistant sur le rôle de la chimiothérapie, cela afin de
mieux appréhender les modalités de surveillance et
de traitement après un cancer dans l’enfance. Nous
n’aborderons pas les aspects relatifs à la puber
et à la fertilité, exposés par J.M. Kuhn dans l’article
Répercussions gonadiques de la chimiothérapie anti-
cancéreuse (p. 228).
'JHVSF Courbe de croissance de Vincent montrant le ralentissement statural après la radio-
thérapie complémentaire, près de 4 ans après la chirurgie cérébrale pour un épendymome du
4e ventricule.
1
D’après Auxologie : méthodes et séquences. M. Sempé et al. Theraplix, Paris, 1979.
234567891011121314151617181920ans
200
cm
TN = 0,0 cm TC = 177,5 cm
PN = 3,1 kg Père = 176,0 cm
Terme = 36 sem. Mère = 166,0 cm
40 5
15
25
35
45
55
65
75
85
95
kg
TC
50
60
70
80
90
100
110
Radiothérapie
Chirurgies
Chimiothérapie
120
130
140
150
160
170
180
190
t4
4
97 %
50 %
3 %
M
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Endocrinopathies
induites par les traitements
anticancéreux
Traitements anticancéreux et croissance
La surveillance de la croissance est un point crucial
dans le suivi des enfants atteints de cancer, comme
l’illustre le cas présenté au début de cet article. Les
ralentissements staturaux sont dus, la plupart du
temps, à un déficit en GH, qui est le plus souvent
d’origine hypophysaire. Leffet de la radiothérapie est
bien connu, notamment lorsque la dose utilisée a été
supérieure à 30 Gy et/ou lorsque l’irradiation a été
précoce et prolongée. Lincidence cumulée de déficit
en GH peut atteindre près de 95 % à 4 ans (3). Dans
ce cas, le risque dépend non seulement de la dose
mais également de la localisation de l’irradiation, avec
un risque majeur en cas d’irradiation spinale. Dans
l’étude de Steffens et al., un déficit complet (pic de
GH < 3 ng/ml) a été retrouvé chez 22 % des patients
en cas d’irradiation au niveau crânien, et chez 50 % en
cas d’irradiation corporelle totale. Dans cette étude,
aucun des 44 patients traités par chimiothérapie seule
n’avait de déficit en GH, ce qui met uniquement en
cause la radiothérapie (4) [figure 2]. Cependant, dans
l’étude à plus large échelle de Rose et al., un déficit en
GH est retrouvé chez 48 % (15/31) des enfants traités
par chimiothérapie seule, ce qui rend cette hypothèse
discutable (5). Le cyclophosphamide et le busulfan,
longtemps innocentés, semblent néanmoins en cause,
avec des infléchissements staturaux dans près de 35 %
des cas traités, dus dans 1 cas sur 10 à un déficit en
GH et dans 3 autres cas à un déficit neurosécrétoire
(i.e. diminution de la sécrétion de GH spontanée avec
test de stimulation normal) [6].
Ainsi, le déficit en GH semble relativement fréquent
quelle que soit la thérapeutique employée, et la sur-
veillance de la croissance paraît primordiale chez tout
enfant traité pour cancer. Tout infléchissement statural
doit conduire à une étude de la sécrétion en GH avec, au
minimum, un dosage d’IGF1 et/ou un test de stimula-
tion de la GH (ou étude de la sécrétion nocturne de GH).
D’autres causes, telles qu’une hypothyroïdie et/ou une
puberté précoce centrale, peuvent également être à
l’origine d’un ralentissement statural. Lévaluation de la
fonction thyroïdienne et du développement pubertaire
doit donc également faire partie de l’exploration de
tout retard statural après un cancer dans l’enfance (1).
Il est à noter qu’un effet direct des traitements sur l’os et
sur le cartilage de croissance peut également expliquer
le ralentissement statural lorsque aucun trouble hor-
monal nest associé. Si le rôle direct de la radiothérapie
sur l’os, via les dysplasies osseuses quelle entraîne, est
bien connu, celui de la chimiothérapie reste discuté.
Le méthotrexate, antimétabolite largement utilisé
dans le traitement des cancers de l’enfant, a récem-
ment été impliqué dans l’apoptose et la réduction de
la prolifération des chondrocytes chez le rat (7). Ainsi,
la chimiothérapie pourrait également agir directement
sur l’os et/ou le cartilage, mais cela reste à démontrer
chez l’homme.
Ce ralentissement observé durant la période de crois-
sance est-il responsable de la petite taille à l’âge adulte ?
Dans l’étude du CCSS portant sur 2 434 patients traités
pour une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) dans
l’enfance, tous avaient une petite taille à l’âge adulte
(définie par une taille < – 2 DS), et ce quel que soit le
type de traitement (chimiothérapie seule ou associée à
une radiothérapie). Parmi les enfants traités par chimio-
thérapie seule, le risque était 3 fois plus important que
chez leurs frères et sœurs. Dans cette étude, les facteurs
de risque isolés étaient le jeune âge (avant la puberté),
le sexe féminin, une dose élevée d’irradiation crânienne
(> 20 Gy) ou une irradiation spinale, quelle que soit
la dose (8). Cependant, dans une autre étude à plus
petite échelle, aucune altération de la taille finale n’a été
retrouvée parmi les 70 adultes ayant eu un lymphome
pendant l’enfance et qui avait été traités par chimiothé-
'JHVSF Valeurs des pics de GH après test de stimulation au glucagon bétaxolol en fonction
du type de traitement.
– 1
1
3
Chimiothérapie
< 0,001
< 0,05
Pic de GH (μg/l)
10
100
Chimiothérapie
+ CI
Chimiothérapie
+ BMT/TBI
BMT/TBI : transplantation de moelle osseuse après irradiation corporelle totale ; CI : irradiation crânienne prophylactique
(d’après [4]).
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011
223
Perturbations endocriniennes après traitement anticancéreux chez l’enfant
rapie seule. Dans cette étude, seuls les garçons ayant
reçu un traitement par méchloréthamine, vincristine,
procarbazine et prednisone avaient tendance à avoir
une taille inférieure à celle prédite. Ces garçons étaient
plus jeunes que les filles au moment du diagnostic et
avaient été traités de manière plus intensive, ce qui
souligne, là encore, l’importance de l’intensité du trai-
tement avant le pic de croissance pubertaire au regard
du pronostic de taille (9).
En cas de déficit en GH, le traitement par GH est discuté,
notamment pour éviter la petite taille finale, l’altération
de la qualité de vie et les désordres métaboliques chez
l’adulte. Un risque de second cancer nest pas exclu,
même si la plupart des études rapportent un rapport
bénéfice/risque en faveur du traitement. Aussi, la mise
en route de ce traitement semble maintenant indiquée
et doit être discutée entre hématologues et endocri-
nologues pédiatres ou adultes (1, 10).
Traitements anticancéreux
et fonction thyroïdienne
L’altération de la fonction thyroïdienne est l’une des
complications endocriniennes les plus fréquentes
après un cancer dans l’enfance. Sa reconnaissance
est importante du fait du rôle majeur des hormones
thyroïdiennes sur la croissance et sur le développe-
ment neurocognitif des enfants (1). La dysthyroïdie
est le plus souvent secondaire à la radiothérapie, avec
un effet dose-dépendant, et peut intervenir tardive-
ment (figure 3). Dans l’étude du CCSS, près de 45 % des
sujets présentaient une atteinte de la fonction thyroï-
dienne dans les 30 ans suivant le traitement du cancer.
Le risque d’hypothyroïdie de ces patients était 17 fois
supérieur à celui de leurs frères et sœurs sains, surtout
s’il s’agissait de femmes ayant eu une irradiation cervi-
cale. L’hyperthyroïdie était observée dans seulement 5 %
des cas, mais avec un risque 8 fois plus important que
chez les frères et sœurs sains. Enfin, les nodules et les
cancers thyroïdiens étaient 18 à 20 fois plus fréquents
que dans la population générale (11). Notons que la
fréquence et le délai de survenue de ces dysthyroïdies
varient selon le type de tumeur sous-jacente, avec un
risque plus précoce en cas de tumeur cérébrale (délai :
1,7 an) comparée aux leucémies et aux lymphomes
(délai : 5,5 ans) [12, 13].
La radiothérapie est la principale cause de dys-
thyroïdie. Elle entraîne des hypothyroïdies primaires
lorsqu’elle a été appliquée au niveau cervical, et secon-
daires lorsquelle a touché l’hypothalamus, avec des
seuils de dose différents (> 20-30 Gy dans le 1
er
cas et
> 42 Gy dans le 2e cas) [3]. L’âge (> 15 ans, notamment
pour les cancers thyroïdiens), le sexe féminin et/ou
une élévation antérieure de la TSH ont été identifiés
comme facteurs de risque de dysthyroïdie [1]. Si le rôle
délétère de la radiothérapie est évident, a contrario,
la chimiothérapie semble n’avoir aucun effet sur la
fonction thyroïdienne dans la majorité des études (9,
12-14). Toutefois, l’idarubicine et la trofosfamide ont
été récemment impliquées dans l’apparition d’hypo-
thyroïdies frustres (15). Linnocuité de la chimiothérapie
dans les complications thyroïdiennes est maintenant
discutable.
Traitements anticancéreux
et fonction corticotrope
L’altération de la fonction surrénalienne est essentiel-
lement secondaire à la corticothérapie, agent antican-
céreux très fréquemment employé dans les cancers de
l’enfant (1). En effet, les corticoïdes employés à forte
dose et/ou de manière prolongée sont responsables
d’une mise au repos” transitoire de l’axe corticotrope
de durée variable.
'JHVSF Survie sans dysthyroïdie après le diagnostic de lymphome de Hodgkin en fonction
des thérapeutiques utilisées (d’après [1]).
0
05
Années après le diagnostic
Sans radiothérapie
< 3 500 cGy
3 500-4 499 cGy
≥ 4 500 cGy
Population non affectée
1
10 15 20 25 30
0,90
0,80
0,70
0,60
0,50
0,40
0,30
0,20
0,10
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Endocrinopathies
induites par les traitements
anticancéreux
Les “vrais” déficits corticotropes (déficits en ACTH),
moins fréquents, sont liés essentiellement à une radio-
thérapie crânienne à forte dose (le plus souvent > 30 Gy)
[16]. Rose et al. ont retrouvé ce déficit dans 18 % des
cas durant une période de 1 à 13 ans suivant le cancer.
Les facteurs de risque mis en évidence étaient l’irradia-
tion intracrânienne et la localisation intracérébrale des
tumeurs (notamment du fait de l’extension locale ou de
la chirurgie) [17]. Linsuffisance corticotrope étant le plus
souvent associée à d’autres déficits hypothalamo-hypo-
physaires, cette atteinte doit être systématiquement
recherchée dès lors quil existe un autre déficit hypo-
physaire ou, bien sûr, lorsqu’il existe des signes cliniques
évocateurs (hypoglycémie, fatigue…). Le dosage de
cortisol à 8 heures semble insuffisant pour établir le
diagnostic d’altération de la fonction corticotrope, et
le test au Synacthène
®
et/ou à la Métopirone
®
a donc
tout son intérêt dans cette indication (16).
Traitements anticancéreux
et minéralisation osseuse
Le déficit en GH est l’une des causes du déficit minéral
osseux classiquement rapporté chez les enfants atteints
de cancer. Il peut également être dû à la diminution de
l’activité physique et/ou à la dénutrition fréquemment
observées chez ces patients (18). Latteinte gonadique,
secondaire à la chimiothérapie (notamment les agents
alkylants) et/ou à la radiothérapie contribuent égale-
ment largement à ce risque, par le biais de la diminution
de la sécrétion des hormones sexuelles quelle entraîne,
hormones dont l’action sur l’os et le cartilage de crois-
sance est bien connue. Ainsi, on comprend aisément
que le risque de déminéralisation osseuse dépend de
l’âge et du sexe, avec une atteinte particulièrement
importante au moment de la puberté, moment clé de
l’acquisition de la masse osseuse (19). Ce risque semble
majoré chez les filles, suggérant un rôle majeur des
œstrogènes (9).
Si l’effet direct de la radiothérapie sur l’os est bien connu,
avec risque de déminéralisation dose-dépendant, l’effet
de la chimiothérapie sur l’os pourrait également être
avéré. Pour preuve, la toxicité du méthotrexate – en
particulier sur les cellules progénitrices –, qui entraîne
une diminution de l’ostéoformation, a récemment été
démontrée chez le rat. Cet antimétabolite peut aussi
induire la résorption osseuse, ainsi responsable d’une
perte globale de masse osseuse (7). Chez l’homme, un
effet néfaste du méthotrexate sur la masse osseuse a
également été observé, surtout lorsqu’il est utilisé à
forte dose, tout comme a été confirmé celui des glu-
cocorticoïdes. Notons quen plus de leur effet toxique
sur le turnover osseux, ces 2 molécules interfèrent
avec l’axe somatotrope, réduisent la force musculaire
et perturbent le métabolisme phosphocalcique, ce qui
aggrave la perte globale de masse osseuse (20).
En pratique, il est donc nécessaire de surveiller réguliè-
rement la minéralisation osseuse des enfants ayant eu
un cancer, en particulier en période pubertaire, et ce
d’autant plus que les effets des agents anticancéreux
peuvent être occultes et ne devenir significatifs qu’à un
âge plus avancé, prédisposant ainsi à la survenue d’os-
téoporose précoce (19). L’absorptiométrie biphotonique
à rayons X (DEXA) est la méthode de référence pour
mesurer la densité minérale osseuse (DMO). Cependant,
le déficit minéral osseux, lorsqu’il est exprimé en Z-score,
peut être artificiellement majoré en raison du retard de
croissance et de maturation osseuse et de l’anomalie
de composition corporelle parfois observés. Ainsi, la
QCT (Quantitative Computed Tomography) pourra être
discutée pour une estimation plus juste de la DMO (21).
La déminéralisation osseuse est l’une des complica-
tions pour lesquelles des mesures préventives simples
existent, comme la supplémentation en calcium et
vitamine D, l’exercice physique et/ou l’arrêt du tabac.
N’oublions pas que l’hormonothérapie substitutive par
GH et hormones sexuelles, quand elle est indiquée,
permet également d’améliorer la DMO et de limiter le
risque fracturaire à long terme (19).
Composition corporelle
et désordres métaboliques dans les suites
d’un cancer survenu dans l’enfance
Le surpoids (IMC > 25 kg/m
2
) et l’obésité (IMC > 30 kg/m
2
)
sont des complications fréquentes après traitement pour
un cancer dans l’enfance, notamment en cas de leucémie
aiguë lymphoblastique (LAL) et de tumeur cérébrale à
type de craniopharyngiome ; ces complications sur-
viennent parfois rapidement après le diagnostic. Dans
l’étude de Withycombe et al. portant sur 1 638 patients
atteints de LAL, 23 % des sujets étaient obèses à la fin
du traitement (versus 14 % au diagnostic) [22]. Toutefois,
cette prise de poids varie selon le traitement utilisé. Si elle
est majeure après l’emploi de corticoïdes et/ou l’irradia-
tion crânienne (en particulier lorsque la dose est supé-
rieure à 20 Gy), la chimiothérapie ne semble pas entraîner
de prise de poids (23, 24). L’utilisation d’anthracyclines
peut même susciter une perte de poids, notamment en
phase aiguë du traitement, du fait de leur gastrotoxicité
lorsqu’elles sont utilisées à forte dose. Ainsi, on comprend
aisément que la prise de poids varie selon la phase et
1 / 8 100%

Perturbations endocriniennes après traitement anticancéreux chez l

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