La g PsychosE © Programme TIPP DP-CHUV Service de Psychiatrie Générale Section « E.Minkowski» Programme TIPP - Section «E.Minkowski » L Le terme psychose est utilisé pour décrire un ensemble de maladies qui touchent l’esprit, et qui ont pour conséquence une perte du contact avec la réalité. Elle touche environ 1% de la population et apparaît en général au début de l’âge adulte. N’importe qui peut être atteint de psychose, mais comme toutes les maladies, elle peut être traitée. Auteurs : Jérôme Favrod Philippe Conus Pierre Bovet Illustrations: Sébastien Perroud (PET) Les manifestations les plus courantes sont la survenue de pensées ou de comportements désorganisés, d’idées inhabituelles ou étranges, ou de voix que seule la personne peut entendre. La personne peut en plus manquer d’énergie, ne plus faire d’activité et se replier sur elle-même. Parlez de ces symptômes avec votre médecin ou votre infirmier référent. Vous pouvez discuter avec eux des traitements existants qu'ils soient médicamenteux ou psychologiques. Graphisme: www.mographic.ch TÉLÉPHONES UTILES (à définir avec votre référent) : Publié en 2007 par: © Programme TIPP (Traitement et Intervention Précoce dans les troubles Psychotiques) DP-CHUV Service de Psychiatrie Générale Section «E.Minkowski» Clinique de Cery 1008 Prilly SUISSE + J’ai pas la motiv’ ) Jacques passe de nombreuses heures ne rien faire, allong sur son lit. Un jour, il dcide dÕaller chercher sa guitare dans le placard. Il joue quelques accords et ralise quÕelle est dsaccorde. Il se dit que lÕeffort de lÕaccorder nÕen vaut pas la peine. Il repose la guitare et allume la TV. Les troubles psychotiques peuvent tre accompagns dÕun effet de dmoralisation ou dÕune rduction du dsir dÕaccomplir des actions. Cet tat peut durer plusieurs semaines ou mme plusieurs mois aprs un pisode psychotique. LÕentourage peut avoir de la difÞcult comprendre cet tat et devenir critique lÕgard du manque de motivation de la personne. Ces critiques peuvent leur tour jouer un rle aggravant sur le sentiment de dmoralisation. /28"'.2$%("'$ d Quand on a perdu la motivation, on peut faire certaines choses pour la restaurer. Pour commencer, il est utile de sÕengager dans des activits que la personne trouvait agrable par le pass. Ceci mme si on nÕen a pas trs envie au dbut. La motivation est associe au plaisir et cÕest en ayant du plaisir quÕon peut la retrouver. Il faut introduire ces activits agrables progressivement et les buts Þxs doivent tre facilement atteignables. On peut augmenter la difÞcult au fur et mesure que le sentiment de plaisir rapparat. Quand une activit est perue comme agrable, il est utile de noter dans son agenda quelle activit a t agrable et le degr de plaisir quÕelle a produit. Si le sentiment de dmoralisation persiste, il est ncessaire dÕen parler son mdecin et de lui demander de lÕaide. + On -"1SYCHOSEFICHE /28"'.2$%("'$ lit dans mes pensées 2 Sophie pense quÕon peut lire dans ses penses. Elle prouve un terrible sentiment dÕhumiliation car elle a des penses quÕelle nÕaimerait pas partager avec autrui. Elle fait des gros efforts pour diriger ses penses ou essayer de ne penser rien. Mais ses efforts sont souvent vains car parfois des penses involontaires lui traversent lÕesprit. LÕimpression que les autres peuvent lire dans nos penses est assez frquente quand on souffre dÕun trouble psychotique. Il sÕagit dÕune exprience trs stressante car certaines de nos penses sont trs intimes. En effet, si on est convaincu que certaines de nos penses peuvent devenir publiques, cela peut tre trs gnant et embarrassant. x Les gens peuvent croire que les autres lisent dans leur esprit suite des expriences comme: avoir le sentiment que les penses sont si fortes quÕune personne proximit pourrait les entendre; avoir lÕimpression que des penses extrieures sont introduites dans nos propres penses; se sentir envahi par lÕenvironnement ou jug par le regard dÕautrui. Le trouble psychotique peut affecter la faon dont nous intgrons les informations qui proviennent de lÕextrieur ou de lÕintrieur de nous-mme. Le plus souvent ces expriences sont amliores par le traitement pharmacologique. Toutefois, le traitement peut mettre plusieurs semaines avant dÕavoir son efÞcacit complte. Parfois, ces expriences persistent malgr le traitement, il faut alors ajouter un traitement psychologique spciÞque pour les traiter. + Je /28"'.2$%("'$ paranoïe N ) Jean a lÕimpression que les gens lui veulent du mal. Il pense que les gens sont mal intentionns son gard. Il se sent pi, observ. Il est constamment aux aguets. Comme il a peur, il vite le contact visuel avec les gens. Nanmoins, des fois quand il jette un coup dÕÏil autour de lui, il peroit le regard dÕautrui comme intrusif et menaant. Les ides de perscution peuvent arriver nÕimporte qui occasionnellement, mais sont frquentes lors de certaines formes dÕpisode psychotique. Par exemple, la pyramide de la paranoa, ci-dessous, montre diffrentes intensits de lÕexprience. LÕexprience de la parano est probablement lie une sensibilit excessive lÕenvironnement. Les mdicaments prescrits rduisent cette sensibilit. En revanche, des produits comme le cannabis ou la cocane peuvent provoquer un sentiment de perscution mme chez les gens qui au dpart nÕont pas de troubles psychotiques. MENACE SÉVÈRE: les gens essayent de causer un dommage physique, psychologique ou social MENACE MODÉRÉE: Les gens changent leurs habitudes pour s'en prendre à vous MENACE LÉGÈRE: les gens essayent de provoquer des ennuis mineurs comme l'irritation IDÉES DE RÉFÉRENCE: les gens parlentde vous, vous regardent SOUCI DU JUGEMENT SOCIAL: Peur d'être rejeté, sentiment de fragilité, pensées que le monde est potentiellement dangereux + /28"'.2$%("'$ suis pas malade, y. toubib qui s’est gouré Je c’est le 1 Romain pense quÕil nÕest pas malade. Il dit tout le monde quÕil est victime dÕune erreur mdicale. Il sent bien quÕil a travers une priode difÞcile o certaines perceptions taient modiÞes et quÕil a eu un pisode psychotique, mais prfre lÕoublier plutt que dÕy rßchir. Il a peur de passer pour un dtraqu. Il ne prend plus son traitement et continue avoir des comportements risque comme celui de fumer du cannabis. Nier le fait quÕon a eu un trouble psychotique est une raction frquente et normale. Pendant longtemps, on a pens que le fait de ne pas reconnatre la maladie tait une caractristique de la maladie. Cette notion persiste tort dans de nombreux dictionnaires. Maintenant, on sait quÕaprs un premier pisode psychotique, 30% des personnes reconnaissent tre atteintes de la maladie et aprs plusieurs pisodes 45% en sont pleinement conscientes. Le fait dÕaccepter la maladie est un lment qui favorise le rtablissement. En effet, les personnes atteintes dÕun trouble psychotique qui parviennent intgrer de faon constructive cette exprience grent habituellement mieux la maladie de faon ce quÕelle nÕinterfre pas avec leur dveloppement et ils ont par exemple plus de chance de rester sur le march de lÕemploi. Quand on a une maladie bnigne comme un rhume, une fois quÕon est guri, on se sent comme avant la maladie. Il ne sÕagit pas dÕune exprience traumatisante. En revanche, il est difÞcile de se sentir exactement comme on tait avant, suite un pisode psychotique. CÕest une exprience bouleversante qui va affecter notre faon de voir le monde. Si on nie cette exprience, il ne sera pas possible de faire le travail psychologique ncessaire pour se familiariser avec elle et en dvelopper la matrise. + La /28"'.2$%("'$ psychose, c’est pas la fin du monde p 2 Suzanne vient dÕapprendre quÕelle a un trouble psychotique. Elle revoit dans sa tte Ç Vol audessus dÕun nid de coucou È et se dit quÕelle va Þnir comme un lgume. Elle est terrorise car il y a encore quelque temps, juste avant de tomber malade, elle avait plein de projets pour son avenir. Le terme Ç psychotique È est un mot qui a souvent t dtourn de son sens premier par les mdias. Il est utilis par ceux-ci tout vent et sans discrimination pour dsigner la peur, lÕgarement, la dangerosit, les phnomnes qui dpassent lÕentendement. Souvent les termes provenant de la psychiatrie ont pass dans le vocabulaire de la vie de tous les jours en perdant leur sens mdical. Il est vrai quÕautrefois, le traitement des troubles psychotiques comprenait des mdicaments qui assommaient les patients ou leur donnaient une dmarche rigide, des lectrochocs ou lÕenfermement. Actuellement, les mdicaments sont beaucoup plus spcifiques et sont prescrits petites doses. Ils nÕont quasiment plus dÕeffets secondaires sur le plan neurologique. LÕlectrochoc nÕest pour ainsi dire plus utilis et une fois que lÕpisode aigu est sous contrle, le traitement est ambulatoire. La rduction des facteurs de risque, le suivi dÕun traitement mdicamenteux prventif et lÕacquisition de comptences dans la gestion du trouble permettent de rduire le risque de rechute et de travailler activement la reprise des projets de vie. Environ 85% des patients nÕauront plus de symptmes de la psychose aprs six mois de traitement. Un tiers des patients se rtablissent compltement. On sait galement que les chances de rtablissement augmentent si le patient et son quipe thrapeutique parviennent dvelopper une relation cooprative. + Je pète un câble /28"'.2$%("'$ 3 / Paul a peur de devenir fou et de perdre le contrle. LÕexprience psychotique commence frquemment par une augmentation de la sensibilit lÕenvironnement comme si les sens devenaient plus aiguiss. Cette augmentation de la sensibilit lÕenvironnement va donner plus de relief au monde. Des bruits ou des dtails insignifiants vont prendre des proportions notables. Ce phnomne est accompagn par un sentiment de fragilit par rapport lÕenvironnement. Ainsi, le dmarrage dÕune voiture peut tre interprt comme un dbut de Þlature; un mot inscrit sur une afÞche publicitaire comme un message personnel ou un avertissement ; les rires dÕun groupe comme une moquerie pour un dfaut quelconque. Simultanment, lÕexprience peut tre accompagne dÕune perte de contrle. La personne peut par exemple se demander comment continuer ou arrter un mouvement ou une phrase. Elle peut avoir le sentiment que ses penses ou ses mouvements sÕacclrent ou ralentissent. Cette perte de contrle peut tre interprte comme lÕingrence dÕune force extrieure. Les deux expriences simultanes dÕaugmentation de la sensibilit lÕenvironnement et de perte de contrle vont conduire une nouvelle interprtation de la ralit. Mais cette interprtation va conserver une certaine logique avec les perceptions sensorielles et lÕinterprtation du sentiment de perte de contrle. En fait la psychose est un changement dans la faon dÕintgrer lÕexprience. Il sÕagit dÕun trouble biomdical bien connu et qui ncessite un traitement mdicamenteux et psychologique. + J’ hallucine /28"'.2$%("'$ Z / Pauline entend des voix qui commentent ses gestes ou ses penses. Ces voix peuvent parfois lui donner des ordres en la menaant de lui faire du mal si elle nÕobit pas. Pauline pense que ces voix ont beaucoup de pouvoir sur elle car elles savent des choses sur sa vie quÕelle nÕa jamais dit personne. Les hallucinations auditives sont une exprience frquente dans les troubles psychotiques. Elles peuvent toutefois survenir chez nÕimporte qui dans des conditions normales de la vie comme lors de lÕendormissement, dÕun deuil ou de la privation de sommeil. On peut galement avoir des hallucinations visuelles, tactiles ou olfactives quand on sent des odeurs que les autres ne sentent pas. Les hallucinations, comme dÕautres symptmes psychotiques, rvlent une fragilit de la dmarcation entre soi-mme et le monde qui nous entoure: il y a une confusion entre ce qui vient de soi et ce qui vient du monde. Souvent, un dlire se construit pour tenter de donner une explication aux hallucinations. Gnralement les hallucinations disparaissent avec la Þn de lÕpisode psychotique, mais elles peuvent parfois persister malgr le traitement mdicamenteux. Dans ce cas, il est important de suivre un traitement psychologique complmentaire pour viter quÕelles interfrent avec les activits de la vie quotidienne. + J’ai une /28"'.2$%("'$ pêche d’ enfer & Guillaume a la super forme. Malgr le fait quÕil ne dort plus depuis deux nuits, il a une pche dÕenfer. Il se sent gnial et plein de talent. Il a dans toute la nuit et se dit que maintenant il va mixer le prochain tube de lÕanne. Il est convaincu quÕil va devenir riche et clbre. Toutefois quand ses amis lui font remarquer quÕil nÕa jamais mix ou compos, il sÕnerve et part en pensant quÕil est une star incomprise. LÕeuphorie ou lÕirritabilit peuvent parfois dpasser les limites habituelles et devenir une maladie. On lÕappelle alors la manie. Elle est caractrise par une exaltation, une acclration de la pense, une rduction du senti- 9 ment de fatigue, la sensation dÕtre plein dÕnergie et la perte de la capacit estimer les risques. Elle peut tre accompagne de symptmes psychotiques comme des ides dlirantes ou des hallucinations. LÕpisode de manie peut par la suite laisser place une dpression qui est en quelque sorte son contraire. Mme si au dbut, cette exaltation est quelque chose de trs agrable, cÕest important de la traiter. En effet, si on la laisse se dvelopper, elle peut prendre des proportions dramatiques et avoir des consquences graves pour la rputation ou la vie. + /28"'.2$%("'$ O exagération réactions normales La psychose est une de # Dans certaines situations, on peut avoir des symptmes psychotiques sans quÕil sÕagisse dÕune maladie. Par exemple, cÕest banal dÕentendre une voix qui nous parlent lÕendormissement. Les hallucinations dans les priodes de deuil sont considres galement comme une exprience normale. Dans certaines situations extrmes, comme la privation de sommeil, les expditions en haute montagne plus de 6000 mtres ou lors de privation sensorielle, il est frquent dÕprouver des symptmes comme des distorsions des perceptions ou des erreurs de jugement qui peuvent aller jusquÕ un pisode psychotique complet. Les symptmes psychotiques sont donc une raction du systme nerveux lorsquÕil est soumis rude preuve. Dans le contexte dÕun trouble psychotique, ces symptmes deviennent cependant sufÞsamment frquents et/ou intenses pour perturber le fonctionnement de la personne et sa capacit mener sa vie sereinement. Les symptmes psychotiques sÕexpliquent par lÕinteraction entre des facteurs de stress et de vulnrabilit personnelle. Plus la vulnrabilit est grande, moins il faudra de facteurs de stress pour dclencher les symptmes. Heureusement, les traitements mdicamenteux et psychologiques permettent de rduire la vulnrabilit ou dÕaugmenter les comptences pour rduire lÕimpact du stress. + Parfois, j’ai la berlue 2 Sbastien se demande ce qui lui arrive: dans sa chambre, assis sur son lit, il a parfois lÕimpression que son armoire a rapetiss; parfois aussi, il a lÕimpression que la couleur du couvre-lit a un peu chang, quÕelle est trop fonce. Pourtant, dans ces occasions, il nÕa pas fum de cannabis, il nÕa pas la gueule de bois, et il a lÕimpression dÕavoir de bons yeux. Une fois mme, et a lÕa beaucoup inquit, en dnant avec ses parents, il a vu son pre avec des cheveux chtain clair, alors quÕil les a fonc. Des bizarreries de la perception sont frquentes dans les troubles psychotiques, et se manifestent mme souvent avant les symptmes plus importants, dans la phase quÕon appelle prodromique, celle durant laquelle la psychose Çse prpareÈ. Ces bizarreries peuvent toucher la perception visuelle comme dans lÕexemple ci-dessus, ou lÕaudition (on croit entendre le tlphone sonner alors quÕil nÕy a rien), ou la per- /28"'.2$%("'$ l ception du corps (on peut avoir lÕimpression que sa main devient trs grosse, ou que sa jambe est plie dÕune drle de faon). Si ces expriences deviennent trop frquentes ou trop intenses, on peut chercher leur trouver une explication Ð et parfois ces explications prennent une tournure dlirante (p.ex., quÕon nous a implant une puce lectronique dans le cerveau). Souvent, ces expriences sont tellement tranges quÕon nÕose pas en parler quiconque, on a peur de ne pas tre compris. Pourtant, en parler quelquÕun qui sait que ces bizarreries peuvent survenir permet gnralement de diminuer lÕanxit quÕelle gnrent. Ces expriences bizarres ne ragissent pas bien aux mdicaments Ð mais on peut essayer dÕapprendre vivre avec, et ne pas se laisser submerger par elles. + Je me sens /28"'.2$%("'$ différente # Ds la 6e anne dÕcole, en classe, Elodie sÕest sentie diffrente. Cette impression sÕest encore accentue ces derniers temps, mais elle ne saurait pas exactement comment dcrire cette diffrence. Elle se sent vraiment ÇautreÈ, mais a repose sur plusieurs sentiments assez ßous. Par exemple, quÕelle ne se pose pas les mmes questions que ses copines; ou quÕelle ne comprend des fois pas pourquoi tout le monde rigole un gag Ð ce nÕest mme pas quÕelle le trouve mauvais, mais elle ne pige pas. Elle se dit parfois quÕelle vient dÕune autre plante. Le sentiment confus de ne pas saisir lÕatmosphre, de devoir rßchir des choses qui pour les autres coulent de source, de se poser parfois des questions sur la vie que les autres trouvent idiotes, est dÕautant plus gnant quÕon nÕarrive pas vraiment se lÕexpliquer, donc encore moins en parler qui que ce soit. M Ce sentiment, sÕil persiste, peut nous amener nous isoler, avoir honte de soi. Les relations avec autrui demandent beaucoup dÕefforts, et on nÕy prend plus tellement de plaisir. La faon dont ce sentiment de diffrence se manifeste chez chacun est trs variable. Les professionnels de la psychiatrie savent que ces sentiments peuvent exister, et quÕils sont trs difÞciles mettre en mots. Ils peuvent vous aider y voir plus clair l-dedans, en essayant avec vous de trouver les expressions ou les images qui rendent le mieux compte de ce malaise. Il est important de pouvoir faire ce travail, car a permet ensuite dÕavoir une meilleure matrise de ces difÞcults, et de moins les laisser envahir notre vie.