La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 | 149
Résumé
Les patients ayant un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement avancé au thorax et non
résécable représentent 30 % de ceux atteints de CBNPC ; leur pronostic est de l’ordre de 20 % de survivants
à 5ans. Pour une minorité de patients, le traitement de référence comporte l’association concomitante
d’une chimiothérapie à base de sels de platine et d’une radiothérapie de conformation en 3dimensions
(RC3D) réalisée en étalement et fractionnement conventionnels, délivrant une dose totale de 60 à 66 Gy.
L’intérêt de l’adjonction de traitements d’induction ou de consolidation à cette radio-chimiothérapie (RT+
CT) concomitante n’est pas démontré. La majorité des patients pris en charge en pratique quotidienne,
plus âgés, en mauvais état général ou ayant des comorbidités rédhibitoires, ne présente pas les critères
d’éligibilité exigibles pour une RT + CT concomitante. Ces patients devront alors être traités par l’associa-
tion séquentielle d’une polychimiothérapie d’induction à base de sels de platine et d’une RT thoracique,
voire par une RT thoracique exclusive.
Mots-clés
Cancer bronchique
non à petites cellules
localement avancé
Non résécable
Radio-chimiothérapie
concomitante
Patients sélectionnés
Summary
Patients with unresectable,
locally advanced thoracic
non-small-cell lung cancer
(NSCLC) account for 30% of
NSCLC patients. Their 5-year
survival rate is around 20%. For
a minority of selected patients,
standard treatment includes
the concomitant association of
platinum-based chemotherapy
and three-dimensional thoracic
conformal radiation therapy
performed with convention-
ally spread-out and fraction-
ated delivery, for a total dose
of 60 to 66 Gy. The benefit of
induction and/or consolidation
treatments in conjunction with
concurrent chemoradiotherapy
is unproven. Most patients
managed in daily practice
do not meet the eligibility
criteria for concurrent chemo-
radiotherapy because of old
age, poor general condition
or because they present with
prohibitive comorbidities. These
patients should then be treated
with a sequential combination
of platinum-based induction
polychemotherapy and thoracic
radiotherapy, or exclusively
with thoracic radiotherapy.
Keywords
Locally advanced non-small-
cell lung cancer
Unresectable
Concurrent
chemoradiotherapy
Selected patients
de 3 000 patients (7), s’effectue grâce à un meilleur
contrôle de la maladie micrométastatique, sans
apporter d’amélioration du contrôle local, qui reste
inférieur à 40 % des cas. Afin de tenter d’améliorer
ces résultats, de nombreux essais randomisés déve-
loppés au milieu des années 1990 ont comparé un
traitement séquentiel par CT-RT avec une association
concomitante RT + CT, l’objectif étant d’utiliser les
propriétés radiosensibilisantes de la CT conduisant à
un effet synergique tout en maintenant le contrôle
de la maladie micrométastatique. Les résultats de
ces travaux ont été regroupés et analysés dans une
méta-analyse publiée en 2010 portant sur 6 essais et
1 200 données individuelles de patients : il y a un gain
significatif de survie avec le traitement concomitant :
dans le bras RT + CT, le bénéfice absolu de survie est
de 4,5 % à 5 ans, et la survie médiane, de l’ordre de
16 mois, au prix d’une majoration significative des toxi-
cités non hématologiques, en particulier les toxicités
œsophagiennes, dont l’incidence est quadruplée (8).
À l’inverse de ce qui était observé précédemment, le
bénéfice de survie obtenu est lié à une amélioration du
contrôle local, alors qu’il n’y a pas de gain en termes
de contrôle métastatique par rapport au traitement
séquentiel. Tout cela est parfaitement illustré par
l’essai français GLOT-GFPC 95-01, dont les résultats
ont été publiés en 2005 (9), dans lequel le bras de trai-
tement RT + CT donnait lieu à une survie médiane de
16,5 mois grâce à un meilleur contrôle local (41 % de
rechute locale, versus 53 % pour le bras CT-RT), mais
au prix d’un surcroît de toxicité, avec une augmenta-
tion du nombre de décès toxiques (9 % versus 6 %)
et une majoration significative (32 % versus 3 %) des
toxicités œsophagiennes de grade 3-4 dans le bras
RT + CT. À l’issue de l’ensemble de ces travaux, la
radio-chimiothérapie concomitante est actuellement
considérée en 2012 comme le traitement de référence
chez des patients sélectionnés présentant un CBNPC
non résécable localement avancé au thorax.
Sélection des patients inclus
dans les essais thérapeutiques
et gain de survie
De 10 mois au début des années 1990, la survie
médiane des patients présentant un CBNPC loca-
lement avancé non résécable est donc passée
à 12 mois vers le milieu des années 1990, puis à
16-17 mois au début des années 2000 avec l’avène-
ment des schémas de RT + CT, pour dépasser actuel-
lement régulièrement les 20 mois, y compris dans
les essais de phase III (10). Si les avancées théra-
peutiques décrites dans le paragraphe précédent
sont bien réelles, puisque validées par des essais
randomisés et contrôlés, les critères de sélection des
patients dans ces essais se sont également affinés
au fil du temps conduisant de fait à un gain de survie
grâce à une sélection de plus en plus drastique des
patients, s’appuyant sur des critères ayant une inci-
dence pronostique. Outre l’exclusion progressive des
essais thérapeutiques de patients âgés (≥ 70 ans) ou
présentant des critères cliniques tels qu’un Perfor-
mance Status (PS) supérieur à 1 ou une perte de poids
de plus de 5 %, dont l’impact pronostique est claire-
ment démontré dans ces populations (11), la réali-
sation de plus en plus fréquente (d’environ 5 % des
cas au début des années 2000 à plus de 80 % 10 ans
plus tard) [12] d’une tomographie par émission de
positons au fluorodésoxyglucose (TEP au 18FDG)
préthérapeutique permet également d’exclure de
ces programmes de RT + CT les maladies métasta-
tiques auparavant non détectées par les techniques
d’imagerie conventionnelle (13) et d’augmenter arti-
ficiellement la survie des patients inclus dans les
essais par effet de migration de stade, ou effet “will
rogers” (14). Enfin, à la suite des travaux montrant
l’existence d’une corrélation entre le pourcentage de
volume pulmonaire irradié à une dose donnée et le
risque de toxicité pulmonaire (15), l’attitude actuelle
est de n’inclure dans les essais de RT + CT que les
patients présentant une dosimétrie compatible avec
ces contraintes volumétriques afin de limiter le plus
possible le risque toxique, ce qui a pour conséquence
la sélection de maladies présentant un plus faible
volume tumoral. Il est difficile d’évaluer l’impact
spécifique de cette sélection sur la survie des patients
et de l’extraire du gain thérapeutique réel obtenu
au cours de ces 2 dernières décennies. Toutefois, il
est instructif d’analyser de manière comparative les
survies médianes de 2 populations traitées exac-
tement par le même schéma de RT + CT, mais à
10 ans d’intervalle. Par exemple, la survie médiane
des patients japonais traités par une association