24 | La Lettre du Sénologue • n° 41 - juillet-août-septembre 2008
Progestatifs et cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
0,59-1,01 ; non significatif). Cela venait conforter
des données antérieures sur la notion d’un risque
plus faible avec les estrogènes seuls par rapport aux
estroprogestatifs.
Bien que scientifiquement, on ne puisse pas
comparer les études WHI-1 et WHI-2 (la popula-
tion de l’étude WHI-2 est uniquement constituée de
femmes hystérectomisées), l’association théorique
des deux études permet de chiffrer un différentiel
de 15 cas de cancers du sein en moins lorsque l’on
remplace le THM combiné par un traitement estro-
génique seul (ECE).
L’étude MWS
➤
(3) [beaucoup plus critiquable sur le
plan méthodologique] a apporté des arguments supplé-
mentaires pour attribuer aux progestatifs la responsa-
bilité de l’augmentation des cancers du sein.
Pour la MWS (3), le RR de cancer du sein n’évolue pas
dans le temps avec le traitement estrogénique seul
(RR : 1;45 : IC95 : 1,02-2,06), à l’inverse de ce qui est
observé avec le traitement estroprogestatif où le RR
augmente à plus de 2 après 10 ans de THM.
Dans cette étude, le risque attribuable de cancers du
sein est de 19 cas supplémentaires pour 10 000 AF
avec le traitement estroprogestatif et de 5 cas supplé-
mentaires avec le traitement estrogénique seul.
On pourrait donc théoriquement diminuer le risque
de 14 cancers du sein pour 10 000 AF avec le traite-
ment estrogénique seul. La MWS a quantifié à 20 000
le nombre de cancers du sein imputables au THM. Limiter
le nombre de cancers du sein en ne prescrivant qu’un
traitement estrogénique trouve son rationnel dans ces
différentes comparaisons. En fait, l’intégration de toutes
ces données est complexe, car il faut tenir compte non
seulement du terrain de chaque femme (polymorphisme
génétique), mais également de la diversité des THM : les
molécules différentes, les voies d’administration diffé-
rentes et les schémas d’administration différents n’ont
pas les mêmes effets sur la glande mammaire. Alors,
quelle décision doit prendre le clinicien ?
Établir pour chaque patiente
la balance bénéfices-risques
La balance bénéfices-risques des THM doit intégrer tous
les risques de cancer (côlon, endomètre, ovaire).
Intégrer la diminution du risque
du cancer du côlon
Pour ce dernier cancer, la WHI-1 a montré une dimi-
nution de 6 cas de cancer du côlon en moins pour
10 000 AF avec le traitement combiné. Avec le trai-
tement estrogénique seul, il n’y pas de différence
dans l’incidence du cancer du côlon. Sur cette simple
comparaison, le choix est difficile car pour le cancer
du sein, l’incidence est d’environ 41 000 nouveaux cas
par an avec une mortalité de 27 % alors que le cancer
du côlon chez la femme a une incidence de 18 000 cas
par an mais avec une mortalité de 44 %. L’intégration
des cancers du sein, de l’endomètre et du côlon rend
beaucoup moins attrayante la prescription d’un trai-
tement estrogénique seul.
Associer les risques cardiovasculaires
et métaboliques
Ces risques sont également différents pour les
traitements combinés et estrogéniques seuls. Ces
évaluations sont disponibles pour certains types
de traitements, mais le traitement estrogénique
est généralement plus favorable que l’association
estroprogestative. Soulignons que les différences
sont non significatives avec la progestérone micro-
nisée et certains progestatifs tel que l’acétate de
chlormadinone.
Intégrer chaque molécule
de progestérone ou de progestatif
L’administration du progestatif par voie endo-utérine
(système intra-utérin [SIU] délivrant la progestérone
ou du lévonorgestrel [LVN]) apparaît une excellente
alternative, mais en France aucun SIU n’est adapté
pour le THM. L’administration percutanée du LVN
n’a pas fait l’objet d’évaluation mammaire.
L’étude française E3N a le mérite d’avoir souligné la
différence de résultats selon les progestatifs en France.
L’ étude E3N (11) [étude épidémiologique des femmes
de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale]
concerne 54 548 femmes nées entre 1925 et 1950 qui
ont répondu, depuis juin 1990, à un autoquestionnaire
envoyé tous les 2 ans. Au cours du suivi, 948 cancers du
sein ont été colligés, dont 55 avec l’association estro-
gènes et progestérone micronisée (les 168 carcinomes
in situ n’ont pas été pris en compte). Le risque relatif
de cancer du sein chez les femmes traitées, dans leur
ensemble est de 1,2 (IC
95
: 1,1-1,4). Avec les estrogènes
seuls, l’augmentation est non significative (RR : 1,1 ;
IC95 : 0,8-1,6), ce qui est un résultat comparable à celui
de la WHI-2, mais non à la MWS. Avec les estropro-
gestatifs, les auteurs notent une augmentation signi-
ficative du RR à 1,3 (IC95 : 1,1-1,5). Cependant, quand
les auteurs distinguent la progestérone micronisée
des autres progestatifs, ils notent une différence en
termes de RR, avec pour les progestatifs de synthèse
un RR de 1,4 (IC
95
: 1,2-1,7) et de 0,9 (IC
95
: 0,7-1,2)
pour la progestérone micronisée, c’est-à-dire non signi-
ficatif. Ces résultats ont été actualisés en 2008 (12)
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Références
bibliographiques