Peut-on se passer des progestatifs dans le traitement hormonal de

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DOSSIER THÉMATIQUE
Progestatifs et cancer du sein
Peut-on se passer
des progestatifs dans
le traitement hormonal
de la ménopause ?
Could we give estrogen alone for menopausal hormone
replacement therapy?
P. Lopes*
L
* Gynécologue obstétricien, professeur
des universités, service de gynécologie
obstétrique et médecine de la reproduction, 38, bd Jean-Monnet, CHU de
Nantes, 44093 Nantes Cedex.
e traitement hormonal de la ménopause (THM)
est efficace contre les symptômes climatériques, il prévient l’ostéoporose et les fractures
ostéoporotiques et améliore la trophicité. Les principaux risques du THM sont, en fonction des molécules et des voies d’administration, l’augmentation du
risque thromboembolique, les accidents vasculaires
cérébraux et l’augmentation du risque de cancer du
sein. Ces faits sont acquis bien que différents si l’on
tient compte du terrain et des formes d’administration
du THM (1). Le risque le plus médiatisé concerne les
risques carcinogènes et plus particulièrement l’augmentation de l’incidence du cancer du sein. Les THM
sont nombreux et associent généralement les estrogènes et les progestatifs.
Dès 1989, la publication de L. Bergkvist (2) attirait
l’attention sur le rôle des progestatifs dans l’augmentation du risque de cancer du sein et depuis presque
20 ans, ce débat est récurrent et très polémique.
Le rôle délétère des progestatifs a fait émettre l’idée que
le traitement estrogénique pouvait être proposé seul et
améliorerait la balance bénéfices-risques du THM.
Cette idée, qui peut paraître saugrenue, a été écrite
au chapitre de la discussion de la publication de la
Million Women Study (MWS) [3] faisant état de
20 000 cancers du sein attribuables au THM et aux
progestatifs, en particulier chez les femmes de 50
à 64 ans pour les dix dernières années.
➤➤ Peut-on, si le traitement estrogénique augmente
beaucoup moins le risque de cancer du sein que le
traitement estroprogestatif, accepter une augmentation du risque du cancer de l’endomètre ?
22 | La Lettre du Sénologue • n° 41 - juillet-août-septembre 2008 ➤➤ Quels sont les éléments rationnels permettant
une telle attitude ?
➤➤ Le médecin ne risque-t-il pas d’être poursuivi
en cas de cancer de l’endomètre s’il a prescrit un
traitement estrogénique seul ?
Après avoir fait le bilan de la balance bénéfice-risque
des progestatifs vis-à-vis des cancers, nous réfléchirons
à la philosophie de cette attitude en soulignant le risque
médico-légal qu’entraînerait la décision de ne pas prescrire de progestatif, car chacun sait qu’un cancer évité
ne fait pas l’objet d’une prise de conscience alors qu’un
cancer induit peut expliquer l’attitude revendicatrice
de la personne touchée par cette complication.
De très nombreuses études sont disponibles mais,
par souci de rigueur scientifique et pour éviter la
confusion inhérente aux résultats variables des
études cas-témoins, nous insisterons sur les résultats
des études d’intervention (en particulier la Women
Health Initiative [WHI], l’étude de référence), sur les
résultats des métaanalyses, sur la grande étude de
cohorte : la MWS, et nous ferons appel à la grande
étude de cohorte française E3N.
Administration des progestatifs
pour éviter les cancers de
l’endomètre estrogéno-induit
L’Institut de veille sanitaire avait en 2000 fait le
point en France sur les cancers de l’endomètre : il y
avait eu 1 809 décès (3,1 % de l’ensemble des décès
par cancer). Le taux de mortalité standardisé était
Mots-clés
de 2,4. Le pronostic était jugé favorable avec une
survie à 5 ans en Europe de 75 %, voire de 93 %
pour les stades I.
Une femme de 50 ans a, durant son espérance de vie,
une probabilité de développer un cancer de l’endomètre
de 2,5 % et d’en mourir de 0,3 %. C’est le neuvième
cancer féminin pour les décès.
Avant 1975, dans le cadre du THM, le traitement estrogénique seul était prescrit aux États-Unis. En 1976, les
études ont montré une augmentation du risque des
cancers de l’endomètre.
D. Grady (4), en 1995, a bien évalué le risque de cancer
de l’endomètre avec ce traitement estrogénique seul.
Le risque relatif (RR) est de 1,4 après 1 an d’utilisation, il
monte à 4,3 pour 5 ans d’utilisation pour atteindre 9,5
(IC95 : 7,4-12,3) pour une utilisation supérieure à 10 ans.
L’augmentation significative du risque de cancer
de l’endomètre a fait modifier les prescriptions aux
États-Unis et le THM a ensuite associé un estrogène
à de la progestérone ou un progestatif.
L’association estroprogestative n’augmente pas le
risque de cancer de l’endomètre (ce résultat n’est
pas retrouvé dans toutes les études). Dans la métaanalyse de Grady (4), le RR est de 0,4 (IC95 : 0,2-0,6)
pour les études de cohortes.
Pour l’étude d’intervention WHI (5), avec les traitements associant estrogènes conjugués équins (ECE) +
acétate de médroxyprogestérone (MPA), le RR est de
0,83 (0,47-1,47), le nombre de cancers de l’endomètre
observé étant de 47.
Dans l’étude MWS (6) publiée en 2005, le risque
par rapport aux non-utilisateurs était :
– réduit par le THM combiné continu (RR : 0,71 ; IC95 :
0,56-0,90 ; p = 0,005) ;
– augmenté avec le traitement estrogénique seul
(RR : 1,45 ; IC95 : 1,02-2,06 ; p = 0,04).
Plusieurs faits doivent être soulignés :
➤➤ La durée de la séquence progestative est très
importante, 12 à 14 jours semblent être le minimum
pour arrêter le cycle de stimulation de l’endomètre,
l’augmentation des doses d’estrogènes nécessite une
dose plus forte de progestérone, l’effet protecteur
des progestatifs sur l’endomètre est indépendant de
la survenue d’une hémorragie de privation (7).
Dans l’étude cas-témoins de Beresford (8), le RR est
de 1,3 (IC95 : 0,8-2,2) lorsque les progestatifs sont
prescrits plus de 10 jours par mois. Dans la MWS,
il n’y a pas d’augmentation du risque de cancer de
l’endomètre avec l’association estroprogestative.
➤➤ La durée du THM semble modifier ces résultats.
Dans l’étude de Beresford (8), avec plus de 5 ans de
THM, même avec une séquence progestative de plus
de 10 jours, le RR est de 2,7 (IC95 : 1,2-6,0).
➤➤ Les cancers observés sont plus souvent bien
différenciés et de meilleur pronostic, avec un
diagnostic souvent plus précoce chez ces femmes
bien surveillées. En calcul de risque attribuable au
THM, l’étude WHI (5) note une diminution d’un cas
de cancer de l’endomètre pour 10 000 années-femmes
(AF) avec le THM combiné alors que l’évaluation du
risque sous estrogène seuls est de 10 cas de cancers
de l’endomètre en plus pour 10 000 AF.
Le traitement estrogénique
seul augmente moins le risque
de cancer du sein que les
traitements estroprogestatifs
➤➤ L’effet global des THM est fondé sur la métaanalyse d’Oxford (9) de 1997, qui avait déjà précisé le
risque attribuable au THM. L’information donnée aux
patientes est une augmentation de 2 cas supplémentaires de cancer du sein pour 1 000 femmes traitées
pendant 5 ans, de 6 cas de cancer du sein supplémentaires pour 10 ans de THM et de 12 cas de cancers du
sein supplémentaires pour 15 ans de traitements.
Aucune précision ne pouvait être extraite de cet
article concernant la voie d’administration, le type
de progestatif et la différence n’était pas faite entre
estrogènes seuls et estroprogestatifs. La comparaison peut se faire à l’aide des études WHI, de la
MWS et d’E3N.
➤➤ L’étude prospective randomisée de la WHI (5) est
démonstrative si on compare les publications WHI-1
(ECE + MPA) et WHI-2 avec traitement estrogénique
seul (10). On constate une différence importante
sur le risque mammaire.
Dans l’étude WHI-1 : l’association ECE et MPA
augmente de façon significative (en incluant les
femmes antérieurement traitées par un THM) le risque
de cancer du sein. Pour cette étude prospective randomisée, 290 cancers du sein ont été observés, soit un
RR de 1,26 (IC95 : 1,01-1,59). Le risque absolu de cancer
du sein était de 8 cancers du sein supplémentaires
pour 10 000 AF. Le nombre de cancers colorectaux
observés a été de 112, soit un RR de 0,63 (IC95 : 0,430,92) et un nombre absolu de 6 cancers du côlon
en moins (10 dans le groupe THM versus 16 dans le
groupe placebo).
La publication de la WHI 2 en avril 2004 (10), qui ne
comportait que l’administration d’estrogènes chez
des femmes hystérectomisées, a montré que les
estrogènes seuls (CEE) diminuaient de 7 pour 10 000
AF le nombre de cancers du sein (RR à 0,77 ; IC95 :
THM
Traitement hormonal
de la ménopause
Cancer du sein
Cancer de l’endomètre
WHI
MWS
Progestatifs
Keywords
Menopause
HRT
Hormone replacement
therapy
Breast cancer
Endometrial cancer
WHI
MWS
Progestin
La Lettre du Sénologue • n° 41 - juillet-août-septembre 2008 | 23
DOSSIER THÉMATIQUE
Références
bibliographiques
1. Lopes P, Trémollières F. Guide
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3. Beral V, Million Women Study
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the Million Women Study. Lancet
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Prentice RL et al. Writing group
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hormone-replacement therapy in
the Million Women Study. Lancet
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7. Grady D, Ernster VL. Hormone
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8. Beresford SA, Weiss NS, Voigt
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estrogen combined with cyclic
progestagen therapy in postmenopausal women. Lancet 1997;
349:458-61.
9. Collaborative group on hormonal
factors in breast cancer. Breast
cancer and hormone replacement
therapy: collaborative reanalysis
of data from 51 epidemiological
studies of 52 705 women with
breast cancer and 108 411 women
without breast cancer. Lancet
1997;350:1047-59.
10. Anderson GL, Limacher
M, Assaf AR et al. Effects of
conjugated equine estrogen in
postmenopausal women with
hysterectomy: the women’s health
initiative randomized controlled
trial. JAMA 2004; 291:1701-12.
Progestatifs et cancer du sein
0,59-1,01 ; non significatif). Cela venait conforter
des données antérieures sur la notion d’un risque
plus faible avec les estrogènes seuls par rapport aux
estroprogestatifs.
Bien que scientifiquement, on ne puisse pas
comparer les études WHI-1 et WHI-2 (la population de l’étude WHI-2 est uniquement constituée de
femmes hystérectomisées), l’association théorique
des deux études permet de chiffrer un différentiel
de 15 cas de cancers du sein en moins lorsque l’on
remplace le THM combiné par un traitement estrogénique seul (ECE).
➤➤ L’étude MWS (3) [beaucoup plus critiquable sur le
plan méthodologique] a apporté des arguments supplémentaires pour attribuer aux progestatifs la responsabilité de l’augmentation des cancers du sein.
Pour la MWS (3), le RR de cancer du sein n’évolue pas
dans le temps avec le traitement estrogénique seul
(RR : 1;45 : IC95 : 1,02-2,06), à l’inverse de ce qui est
observé avec le traitement estroprogestatif où le RR
augmente à plus de 2 après 10 ans de THM.
Dans cette étude, le risque attribuable de cancers du
sein est de 19 cas supplémentaires pour 10 000 AF
avec le traitement estroprogestatif et de 5 cas supplémentaires avec le traitement estrogénique seul.
On pourrait donc théoriquement diminuer le risque
de 14 cancers du sein pour 10 000 AF avec le traitement estrogénique seul. La MWS a quantifié à 20 000
le nombre de cancers du sein imputables au THM. Limiter
le nombre de cancers du sein en ne prescrivant qu’un
traitement estrogénique trouve son rationnel dans ces
différentes comparaisons. En fait, l’intégration de toutes
ces données est complexe, car il faut tenir compte non
seulement du terrain de chaque femme (polymorphisme
génétique), mais également de la diversité des THM : les
molécules différentes, les voies d’administration différentes et les schémas d’administration différents n’ont
pas les mêmes effets sur la glande mammaire. Alors,
quelle décision doit prendre le clinicien ?
Établir pour chaque patiente
la balance bénéfices-risques
La balance bénéfices-risques des THM doit intégrer tous
les risques de cancer (côlon, endomètre, ovaire).
Intégrer la diminution du risque
du cancer du côlon
Pour ce dernier cancer, la WHI-1 a montré une diminution de 6 cas de cancer du côlon en moins pour
10 000 AF avec le traitement combiné. Avec le traitement estrogénique seul, il n’y pas de différence
24 | La Lettre du Sénologue • n° 41 - juillet-août-septembre 2008 dans l’incidence du cancer du côlon. Sur cette simple
comparaison, le choix est difficile car pour le cancer
du sein, l’incidence est d’environ 41 000 nouveaux cas
par an avec une mortalité de 27 % alors que le cancer
du côlon chez la femme a une incidence de 18 000 cas
par an mais avec une mortalité de 44 %. L’intégration
des cancers du sein, de l’endomètre et du côlon rend
beaucoup moins attrayante la prescription d’un traitement estrogénique seul.
Associer les risques cardiovasculaires
et métaboliques
Ces risques sont également différents pour les
traitements combinés et estrogéniques seuls. Ces
évaluations sont disponibles pour certains types
de traitements, mais le traitement estrogénique
est généralement plus favorable que l’association
estroprogestative. Soulignons que les différences
sont non significatives avec la progestérone micronisée et certains progestatifs tel que l’acétate de
chlormadinone.
Intégrer chaque molécule
de progestérone ou de progestatif
L’administration du progestatif par voie endo-utérine
(système intra-utérin [SIU] délivrant la progestérone
ou du lévonorgestrel [LVN]) apparaît une excellente
alternative, mais en France aucun SIU n’est adapté
pour le THM. L’administration percutanée du LVN
n’a pas fait l’objet d’évaluation mammaire.
L’étude française E3N a le mérite d’avoir souligné la
différence de résultats selon les progestatifs en France.
L’ étude E3N (11) [étude épidémiologique des femmes
de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale]
concerne 54 548 femmes nées entre 1925 et 1950 qui
ont répondu, depuis juin 1990, à un autoquestionnaire
envoyé tous les 2 ans. Au cours du suivi, 948 cancers du
sein ont été colligés, dont 55 avec l’association estrogènes et progestérone micronisée (les 168 carcinomes
in situ n’ont pas été pris en compte). Le risque relatif
de cancer du sein chez les femmes traitées, dans leur
ensemble est de 1,2 (IC95 : 1,1-1,4). Avec les estrogènes
seuls, l’augmentation est non significative (RR : 1,1 ;
IC95 : 0,8-1,6), ce qui est un résultat comparable à celui
de la WHI-2, mais non à la MWS. Avec les estroprogestatifs, les auteurs notent une augmentation significative du RR à 1,3 (IC95 : 1,1-1,5). Cependant, quand
les auteurs distinguent la progestérone micronisée
des autres progestatifs, ils notent une différence en
termes de RR, avec pour les progestatifs de synthèse
un RR de 1,4 (IC95 : 1,2-1,7) et de 0,9 (IC95 : 0,7-1,2)
pour la progestérone micronisée, c’est-à-dire non significatif. Ces résultats ont été actualisés en 2008 (12)
DOSSIER THÉMATIQUE
sur une population de 80 377 femmes avec 2 354 cas
de cancers invasifs du sein. L’utilisation des estrogènes
seuls s’accompagne d’un RR de 1,29 (IC95 : 1,02-1,65),
l’association estrogène-progestérone micronisée d’un
RR de 1,00 (IC95 : 0,83-1,22), estrogène-dydrogestérone d’un RR de 1,16 (0,94-1,43), estrogène-autres
progestatifs d’un RR de 1,69 (1,50-1,91). Pour chaque
patiente, la tolérance au traitement est aussi un argument de décision.
Intégrer aussi les schémas
de traitements
➤➤ Les conséquences mammaires peuvent être différentes en fonction du schéma combiné ou séquentiel. Les résultats sont essentiellement issus d’études
cas-témoins ou de cohorte et un plus grand nombre
d’études est favorable aux traitements séquentiels. Les
résultats de l’étude de Beresford (8) rappellent que pour
éviter le risque endométrial, le traitement progestatif
doit être au minimum de 10 jours par mois.
➤➤ Les THM discontinus doivent-ils être privilégiés ?
Les études sur l’apoptose n’ont pas permis de
conclure avec certitude, mais les traitements discontinus réduisent la quantité d’hormones administrées
mensuellement. Les recommandations étant de prescrire un traitement à la dose minima efficace, ce type
d’administration du THM est donc à retenir.
Peut-on donc, à partir de ces résultats, extrapoler
sur le risque induit par les progestatifs de synthèse
utilisés en France sans évoquer des biais ? Cette étude
doit-elle modifier notre prescription du THM ? Toute
décision passe par une information à communiquer
à la patiente.
Informer la patiente
et partager la décision
Chez la femme hystérectomisée, le THM ne doit
comporter que des estrogènes seuls.
Chez la femme non hystérectomisée, l’augmentation du risque relatif de cancer du sein induit par le
THM, même si elle est significative, reste faible en
comparaison d’autres facteurs de risque : faible activité physique, obésité, prise d’alcool. L’information
concernant le risque attribuable de cancer du sein
par un THM standard doit être donné (9).
➤➤ L’étude E3N est rassurante pour l’association
estrogène et progestérone micronisée et estrogène
et dydrogestérone (12), ce qui oriente le THM vers
les hormones bio-identiques.
➤➤ L’étude “MISSION” (13), réalisée en France auprès
de gynécologues, est également rassurante dans le
choix que font les gynécologues de la population
de femmes traitées. Dans les conditions d’exercice pratique, il n’est pas observé d’augmentation
du risque de cancer mammaire. Cependant, si on
peut le réduire, ne faut-il pas systématiquement
évoquer la possibilité du traitement estrogénique
seul ? Il est difficile pour une personne d’évaluer
un traitement médical en comparant les risques
carcinogènes induits par des traitements sur des
organes différents. Aucune étude ne peut soutenir
cette évaluation, et les extrapolations faites sont
très critiquables.
Les patientes à qui nous présentons les risques et
bénéfices comparés sur le cancer du sein et le cancer
du côlon ont du mal à les analyser. Leur dire que
le THM choisi peut augmenter le risque de cancer
de l’endomètre (en l’absence de progestatifs) pour
rester neutre en matière de risque mammaire est
un message qui impose des entretiens prolongés
pour être bien compris. Qu’en sera-t-il du risque
médico-légal ?
Induire un cancer de l’endomètre qui aurait pu être
prévenu expose le médecin à des poursuites médicolégales. Comment expliquer à une femme qui a un
cancer de l’endomètre après traitement par estrogènes seuls que la décision a été prise, en raison de
résultats épidémiologiques, pour diminuer le risque
de cancer du sein ?
L’attitude de ne prescrire qu’un traitement estrogénique seul n’apparaît pas défendable ni raisonnable
pour une patiente en dehors d’un protocole prospectif. Des protocoles d’administration des progestatifs tous les trois mois sont possibles et ont été
évalués. Ces traitements n’ont pas été commercialisés compte tenu de l’augmentation de l’hyperplasie
endométriale induite. La décision du THM doit rester
conforme aux règles de prescription :
➤➤ Le traitement doit être bénéfique pour la
patiente :
– traitement de symptômes (cas facile) ;
– traitement préventif de pathologie : ostéoporose
(prouvé), athérosclérose (non démontré), maladies
dégénératives (non démontré).
➤➤ Le médecin doit se conformer aux règles de
bonne pratique médicale (respect des recommandations) ou expliquer à la patiente pourquoi il s’en
écarte. Dans cette dernière situation, il doit prévoir
une consultation prolongée et recueillir un consentement éclairé.
■
Références
bibliographiques
11. Fournier A, Berrino F, Riboli
E, Avenel V, Clavel-Chapelon F.
Breast cancer risk in relation to
different types of hormone replacement therapy in the E3N-EPIC
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13. Espié M, Daures JP, Chevallier T, Mares P, Micheletti MC,
De Reilhac P. Breast cancer
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the MISSION study, prospective
phase. Gynecol Endocrinol 2007;
23:391-7.
La Lettre du Sénologue • n° 41 - juillet-août-septembre 2008 | 25
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