La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 1 - janvier-février 2012 | 19
EVIDENCE-BASED MEDICINE
MICI
Comment prévenir et traiter
la récidive postopératoire
dans la maladie de Crohn ?
A. Buisson (Clermont-Ferrand)
niveau
de preuve
1
La récidive postopératoire (RPO) endoscopique ou clinique est fréquente
dans la maladie de Crohn (MC).
Les patients doivent être stratifiés selon le niveau de risque de RPO.
Un sevrage tabagique doit être proposé à tout patient fumeur.
En prévention de la RPO, les 5-ASA ont une efficacité discutable ; les thio-
purines parfois associées au métronidazole ont une efficacité démontrée,
mais limitée alors que les anti-TNF semblent très efficaces.
Les patients à faibles risques peuvent être surveillés ou traités par 5-ASA.
Ceux ayant un seul facteur de risque peuvent être traités par thiopurines
(± métronidazole). Quant aux patients ayant au moins 2 facteurs de
risque ou traités en préopératoire par anti-TNF depuis au moins 6 mois,
ils devraient bénéficier d’un traitement par anti-TNF.
Les anti-TNF semblent être le traitement le plus efficace de la RPO endos-
copique.
Ce qu’il faut retenir
À
l’heure actuelle, malgré l’avènement des
biothérapies, le recours à la chirurgie dans
la maladie de Crohn (MC) reste important,
puisque près de la moitié des patients subiront une
intervention chirurgicale dans les 10 ans suivant
le diagnostic. Une récidive postopératoire (RPO)
clinique s’observe chez plus de 1/4 des patients à
1 an de l’opération, et des lésions endoscopiques
significatives sont présentes chez environ 2/3 des
patients 1 an après la chirurgie.
De nombreux facteurs de risque potentiels de RPO
ont été étudiés ces 20 dernières années. Le tabagisme
actif est le plus important des facteurs de risque de
RPO en le multipliant par 2. Une atteinte anopéri-
néale, un phénotype pénétrant, un antécédent de
résection chirurgicale intestinale et une résection
intestinale de plus de 50 cm sont considérés comme
des facteurs de risque établis de RPO. Ainsi, on peut
distinguer 3 types de risque pour les patients :
➤faible risque : aucun facteur de risque ;
➤risque modéré : 1 seul facteur de risque ;
➤risque élevé : au moins 2 facteurs de risque.
Quels traitements
pour prévenir la récidive
postopératoire ?
Les 5-aminosalicylés (5-ASA) ont été largement
étudiés en prévention de la RPO. Les données de la
littérature sont discordantes mais 2 récentes méta-
analyses semblent montrer un très léger bénéfice
de la mésalazine malgré une grande hétérogénéité
de posologies (1).
Les antibiotiques nitro-imidazolés (métronidazole
[20 mg/kg/j], ornidazole [1 g/j]) ont montré une
diminution significative du taux de RPO clinique
et endoscopique au prix de nombreux effets indé-
sirables conduisant près de 1 patient sur 5 à arrêter
ces traitements (1).
Les thiopurines (azathioprine [AZA] 2-2,5 mg/kg/j ou
6-mercaptopurine) ont montré une plus grande effi-
cacité que le placebo dans la prévention de la RPO
clinique, endoscopique ou chirurgicale. Toutefois,
ce bénéfice reste modeste et les meilleurs résultats
ont été obtenus avec une bithérapie AZA/métroni-
dazole (750 mg/j) montrant une diminution de la
RPO endoscopique à 12 mois de 23 % (2, 3).
Les anti-TNF sont à l’heure actuelle le traitement
le plus efficace pour prévenir la RPO. Un essai
contrôlé randomisé incluant 24 patients a montré
qu’aucun des patients sous infliximab (IFX) [5 mg/kg]
n’a présenté de symptômes durant la première
année postopératoire. Le taux de RPO endoscopique
sous IFX était significativement diminué (−75 %)
par rapport au groupe placebo (9 versus 84 %) [4].
Cette efficacité se poursuit sous traitement 2 et
3 ans après l’opération, mais les patients ayant
arrêté le traitement ont tous rechuté dans les 2 ans
(4). Des études ouvertes concernant l’adalimumab
sont encourageantes, avec notamment des patients
répondant à la molécule après échec de l’IFX.
La nutrition entérale a montré une bonne effi-
cacité dans des séries asiatiques pour prévenir la