infiltrée et non dissécable. Il n’était pas constaté de métastases
hépatiques mais il existait des adénopathies cœliaques centi-
métriques. Il était alors réalisé une dérivation cholécysto-jéju-
nale. L’indication d’une chimiothérapie était retenue, d’autant
que le malade a présenté rapidement un nouvel état occlusif.
Après réalisation d’un nouveau scanner (figures 2 et 3) il était
administré une cure de FOLFOX 7 (association d’une perfu-
sion d’acide folinique 200 mg/m2avec oxaliplatine 130 mg/m2
en 2 heures en Y, suivie d’une perfusion continue de 5-FU
2 400 mg/m2sur 46 heures). Une deuxième cure était réalisée à
J14.
L’évolution était marquée par la persistance du syndrome
occlusif et l’apparition de troubles neurologiques avec syn-
drome pyramidal et troubles sphinctériens. Le bilan neurolo-
gique (TDM et IRM cérébrales, ponction lombaire) retrouvait
des lésions de la substance blanche évoquant une vascularite.
Secondairement, l’état respiratoire du malade se dégradait,
avec probables métastases pulmonaires bilatérales à la radio-
graphie de thorax, et le décès survenait trois semaines après
son admission dans le service.
DISCUSSION
L’adénocarcinome duodénal demeure une localisation excep-
tionnelle. Il représente 0,35 % des cancers digestifs et, sur une
série autopsique de 500 000 malades, n’était retrouvé que chez
0,035 % des sujets (1-5). Cliniquement, les circonstances de
diagnostic sont peu spécifiques : la douleur, un amaigrisse-
ment, des nausées et des vomissements sont le plus souvent
rapportés. Le siège le plus fréquent est le deuxième duodénum
(1-5). L’endoscopie haute avec biopsie est l’examen-clé du
diagnostic, la tomodensitométrie étant généralement décevante
et ne visualisant que la moitié des tumeurs (1). L’intérêt de
l’écho-endoscopie reste à évaluer. Le traitement consiste en
une exérèse tumorale large, généralement une duodéno-pan-
créatectomie céphalique qui permet une résection “en bloc”
des aires ganglionnaires. Une résection duodénale segmentaire
simple semble néanmoins possible pour les tumeurs du troi-
sième et quatrième duodénum, avec une moindre morbidité
(2). L’analyse des principales séries chirurgicales publiées
montre une survie à 5 ans de 30 à 45 %, la médiane de survie
tombant à moins d’un an en cas de chirurgie palliative. Les
principaux facteurs pronostiques seraient la taille de la tumeur,
la présence d’une extension transmurale, la différenciation cel-
lulaire (1-5). De façon intéressante, l’envahissement ganglion-
naire n’est pas un facteur de mauvais pronostic, contrairement,
par exemple, à l’adénocarcinome pancréatique de sorte que la
découverte per-opératoire d’un envahissement ganglionnaire
ne doit pas faire récuser une chirurgie à visée curative (1-4).
Nous ne disposons pas de données quant à l’intérêt d’un traite-
ment néoadjuvant ou adjuvant par chimiothérapie ou associa-
tions de radio-chimiothérapie, mais des associations compre-
nant essentiellement du 5-FU et de la mitomycine C ont été
proposées (2).
Sur le plan physio-pathologique, il existe de forts arguments
pour valider une séquence polype-cancer comme principale
mode de carcinogenèse. En effet, la coexistence de lésions
adénomateuses (avec souvent un contingent villeux, notam-
ment dans le deuxième duodénum) et d’adénocarcinomes est
notée dans 20 à 50 % des cas, de même que l’existence de
lésions de dysplasie (5).
L’atteinte du duodénum dans la maladie de Crohn n’est retrou-
vée que chez 1 à 4 % des malades (6). Trois cas d’adénocarci-
nomes du duodénum sur maladie de Crohn ont été rapportés
(7-9). Dans notre cas, comme dans les deux observations pour
lesquelles les données cliniques sont disponibles, le diagnostic
de transformation maligne n’a été fait qu’en per-opératoire.
Le risque de transformation maligne dans la maladie de Crohn
est connu. En ce qui concerne le risque de cancer du côlon, il
est considéré comme 4 à 20 fois supérieur à celui de la popula-
tion normale et 50 fois supérieur en ce qui concerne les can-
cers de l’intestin grêle (9-10). Le rôle de phénomènes inflam-
matoires persistants, des traitements immunosuppresseurs
prolongés et aussi de facteurs environnementaux et génétiques
particuliers a été évoqué. Les cancers de l’intestin grêle sur
maladie de Crohn se développent essentiellement sur le grêle
distal, à l’inverse des cancers de l’intestin grêle de la popula-
tion générale, dont 45 % touchent le duodénum. Les princi-
paux facteurs de risque de cancer de l’intestin grêle sur mala-
CAS CLINIQUE
28
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 1 - janvier/février 2001
Figures 2 et 3. Scanner abdominal. Épaississement de la paroi duodé-
nale. Adénopathies cœliaques. Ascite abondante.