Adénocarcinome du duodénum sur maladie de Crohn : une

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Adénocarcinome du duodénum sur maladie de Crohn :
une complication exceptionnelle
● P. Artru*, Y. Parc**, L. Beaugerie***, C. Louvet*
L’
adénocarcinome du duodénum est une maladie
rare représentant moins de 0,5 % des cancers
digestifs. Son incidence semble en augmentation
en raison d’une part de l’augmentation de la fréquence des
endoscopies hautes qui permettent une exploration facile du
premier et du deuxième duodénum et, dans une moindre
mesure, de son dépistage systématique chez les patients suivis
pour polypose adénomateuse familiale. Sa survenue sur une
maladie de Crohn duodénale est très exceptionnelle, trois cas
ayant été rapportés à ce jour dans la littérature. Nous présentons ici un nouveau cas pris en charge récemment dans nos
services.
OBSERVATION
Un homme de 32 ans était hospitalisé dans le service d’oncologie en septembre 2000 pour prise en charge d’une carcinose
péritonéale compliquant un adénocarcinome duodénal sur
maladie de Crohn.
Le diagnostic de maladie de Crohn avait été porté en 1992
devant une fistule anale nécessitant un traitement chirurgical.
En 1995, un bilan entrepris devant une altération de l’état
général avec amaigrissement de 15 kg, douleurs de l’hypochondre droit, diarrhée et anémie ferriprive révélait une sténose infranchissable du deuxième duodénum associée à des
érosions antrales. Les biopsies étaient non contributives. Par
ailleurs, il existait une atteinte de l’iléon terminal et de la valvule de Bauhin. Un traitement par corticothérapie et dérivés
salicylés (Pentasa®) entraînait une disparition des douleurs
mais il persistait une sténose duodénale infranchissable sur les
contrôles endoscopiques de 1996.
En février et septembre 1999, une recrudescence des douleurs,
prédominant en épigastre et à l’hypochondre gauche, avait
motivé de nouvelles hospitalisations. Il persistait une atteinte
ulcérée de l’iléon terminal associée à une sténose duodénale
infranchissable. De nouvelles biopsies duodénales étaient non
contributives. Une corticothérapie était alors reprise puis le
malade était mis sous immunosuppresseurs (Imurel ®). En
novembre 1999, il était réalisé une dérivation gastroduodénale
*Services d’oncologie et de **chirurgie digestive, hôpital Saint-Antoine,
***service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Rothschild, Paris.
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 1 - janvier/février 2001
et une résection iléocaecale avec anastomose iléocolique termino-latérale. Lors de la laparotomie, il était constaté une sténose fibreuse de la région prépylorique et des premier et
deuxième duodénums. L’examen anatomopathologique de la
pièce de résection iléocaecale confirmait le diagnostic de
maladie de Crohn.
En août 2000, le malade était réhospitalisé dans un autre hôpital en raison de l’apparition d’un ictère et d’un nouvel amaigrissement de 15 kg. Il existait une dilatation de la voie biliaire
principale sans obstacle tumoral visible au scanner abdominal.
Le cathétérisme rétrograde ne permettant pas une opacification
de la voie biliaire principale, une bili-IRM était réalisée et
retrouvait une sténose du bas cholédoque dans sa portion intrapancréatique (figure 1). Le malade était alors transféré vers
notre hôpital. De nouveaux examens d’imagerie n’identifiaient
pas d’obstacle mais notaient l’existence d’adénopathies
cœliaques et pédiculaires. Une laparotomie exploratrice était
pratiquée, mettant en évidence de multiples nodules indurés de
2 à 3 mm de diamètre sur le mésentère et le péritoine pariétal,
dont l’examen anatomopathologique affirmait la nature adénocarcinomateuse. La région antroduodénale était extrêmement
Figure 1. Bili-IRM : sténose serrée du bas cholédoque avec dilatation
des voies biliaires intra-hépatiques et de la voie biliaire principale.
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infiltrée et non dissécable. Il n’était pas constaté de métastases
hépatiques mais il existait des adénopathies cœliaques centimétriques. Il était alors réalisé une dérivation cholécysto-jéjunale. L’indication d’une chimiothérapie était retenue, d’autant
que le malade a présenté rapidement un nouvel état occlusif.
Après réalisation d’un nouveau scanner (figures 2 et 3) il était
administré une cure de FOLFOX 7 (association d’une perfusion d’acide folinique 200 mg/m2 avec oxaliplatine 130 mg/m2
en 2 heures en Y, suivie d’une perfusion continue de 5-FU
2 400 mg/m2 sur 46 heures). Une deuxième cure était réalisée à
J14.
L’évolution était marquée par la persistance du syndrome
occlusif et l’apparition de troubles neurologiques avec syndrome pyramidal et troubles sphinctériens. Le bilan neurologique (TDM et IRM cérébrales, ponction lombaire) retrouvait
des lésions de la substance blanche évoquant une vascularite.
Secondairement, l’état respiratoire du malade se dégradait,
avec probables métastases pulmonaires bilatérales à la radiographie de thorax, et le décès survenait trois semaines après
son admission dans le service.
Figures 2 et 3. Scanner abdominal. Épaississement de la paroi duodénale. Adénopathies cœliaques. Ascite abondante.
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DISCUSSION
L’adénocarcinome duodénal demeure une localisation exceptionnelle. Il représente 0,35 % des cancers digestifs et, sur une
série autopsique de 500 000 malades, n’était retrouvé que chez
0,035 % des sujets (1-5). Cliniquement, les circonstances de
diagnostic sont peu spécifiques : la douleur, un amaigrissement, des nausées et des vomissements sont le plus souvent
rapportés. Le siège le plus fréquent est le deuxième duodénum
(1-5). L’endoscopie haute avec biopsie est l’examen-clé du
diagnostic, la tomodensitométrie étant généralement décevante
et ne visualisant que la moitié des tumeurs (1). L’intérêt de
l’écho-endoscopie reste à évaluer. Le traitement consiste en
une exérèse tumorale large, généralement une duodéno-pancréatectomie céphalique qui permet une résection “en bloc”
des aires ganglionnaires. Une résection duodénale segmentaire
simple semble néanmoins possible pour les tumeurs du troisième et quatrième duodénum, avec une moindre morbidité
(2). L’analyse des principales séries chirurgicales publiées
montre une survie à 5 ans de 30 à 45 %, la médiane de survie
tombant à moins d’un an en cas de chirurgie palliative. Les
principaux facteurs pronostiques seraient la taille de la tumeur,
la présence d’une extension transmurale, la différenciation cellulaire (1-5). De façon intéressante, l’envahissement ganglionnaire n’est pas un facteur de mauvais pronostic, contrairement,
par exemple, à l’adénocarcinome pancréatique de sorte que la
découverte per-opératoire d’un envahissement ganglionnaire
ne doit pas faire récuser une chirurgie à visée curative (1-4).
Nous ne disposons pas de données quant à l’intérêt d’un traitement néoadjuvant ou adjuvant par chimiothérapie ou associations de radio-chimiothérapie, mais des associations comprenant essentiellement du 5-FU et de la mitomycine C ont été
proposées (2).
Sur le plan physio-pathologique, il existe de forts arguments
pour valider une séquence polype-cancer comme principale
mode de carcinogenèse. En effet, la coexistence de lésions
adénomateuses (avec souvent un contingent villeux, notamment dans le deuxième duodénum) et d’adénocarcinomes est
notée dans 20 à 50 % des cas, de même que l’existence de
lésions de dysplasie (5).
L’atteinte du duodénum dans la maladie de Crohn n’est retrouvée que chez 1 à 4 % des malades (6). Trois cas d’adénocarcinomes du duodénum sur maladie de Crohn ont été rapportés
(7-9). Dans notre cas, comme dans les deux observations pour
lesquelles les données cliniques sont disponibles, le diagnostic
de transformation maligne n’a été fait qu’en per-opératoire.
Le risque de transformation maligne dans la maladie de Crohn
est connu. En ce qui concerne le risque de cancer du côlon, il
est considéré comme 4 à 20 fois supérieur à celui de la population normale et 50 fois supérieur en ce qui concerne les cancers de l’intestin grêle (9-10). Le rôle de phénomènes inflammatoires persistants, des traitements immunosuppresseurs
prolongés et aussi de facteurs environnementaux et génétiques
particuliers a été évoqué. Les cancers de l’intestin grêle sur
maladie de Crohn se développent essentiellement sur le grêle
distal, à l’inverse des cancers de l’intestin grêle de la population générale, dont 45 % touchent le duodénum. Les principaux facteurs de risque de cancer de l’intestin grêle sur malaLa Lettre du Cancérologue - volume X - n° 1 - janvier/février 2001
die de Crohn seraient le sexe masculin, des sténoses multiples,
une longue durée d’évolution sans résection, des fistules et des
anses exclues (11-12). La coexistence de plusieurs de ces facteurs de risque est certainement responsable de la transformation adénocarcinomateuse de notre malade.
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