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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007
Entretien
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Entretien
Onco-psychologie : “Laisser la parole circuler”
●● Entretien avec P. Caudron, psychologue clinicienne, service de cancérologie, hôpital Bichat-Beaujon, Clichy,
réalisé par G. Mégret
“
La rencontre d’une personne avec une maladie grave”. Simple
mais explicite. Cette formule, qui peut paraître lapidaire, donne
néanmoins d’emblée accès aux deux éléments constitutifs de
l’onco-psychologie : la personne, sujet unique, et le cancer, maladie
toujours perçue comme “grave” malgré les progrès constants
obtenus en matière de survie. Pascale Caudron, psychologue
clinicienne dans le service de cancérologie de l’hôpital Bichat-
Beaujon, évoque avec conviction les multiples facettes de cette
activité d’un type de soignant devenu incontournable dans cette
discipline à très haute charge émotionnelle.
UN PARCOURS PROFESSIONNEL ATYPIQUE
Pascale Caudron a mené une longue carrière hospitalière
et a travaillé dans des services de cancérologie, où elle a été
confrontée à des situations extrêmes. Par ailleurs, l’environne-
ment de la maladie – familles, soignants, médecins – l’a parti-
culièrement intéressée, tandis que les soins de support, l’ont
naturellement conduite à s’interroger sur son rôle de soignant
dans toutes ses composantes. Elle reprend alors le chemin de
l’université pour s’engager dans un DESS de psychologie clinique
et pathologique, accompagné d’une formation personnelle au
travers de séminaires et d’un travail analytique.
Non pas un, mais des credo pour sa réfl exion : “Qu’est-ce que
les malades traversent à l’hôpital ? Comment appréhendent-ils
la maladie, qui est aussi une crise de la vie ? Et même si l’on
soigne bien sûr ‘tout-venant’ , on ne peut qu’être interpellé par
la singularité de chaque personne.” Au-delà, s’interroger sur
l’essentiel, notre relation à la souff rance de l’autre, à la mort
même, réfl exion menant obligatoirement sur l’éthique : comment
et jusqu’où aller dans le soin [...]. Et ainsi “parvenir, par ce trajet,
à faire le pont avec la psychologie”.
DE LA PSYCHOLOGIE À LA PSYCHO-ONCOLOGIE
“Je ne me sers pas pour le moment d’outils de mesure dans ma
pratique. Je m’eff orce de ‘repérer des choses’ lors de la rencontre
du malade avec le cancer, en particulier dans la phase diagnos-
tique et dans la mise en place de ses mécanismes de défense”.
Autant d’observations indispensables pour optimiser la relation,
saisir le retentissement “périphérique’’ du cancer sur l’environne-
ment social, familial du malade. Mais il s’agit aussi d’appréhender
les conséquences possibles sur les soignants eux-mêmes, dans
leur travail de prise en charge du patient atteint d’un cancer, ainsi
que la pertinence de leurs propres mécanismes de défense. “Je
me trouve ainsi souvent à l’interface des soignants, des méde-
cins, mais aussi des structures extérieures, puisque je travaille
avec des réseaux d’accompagnement, de type associatifs”. Ces
derniers viennent aider les malades à rester dans leur environ-
nement, chez eux, dans une confi guration comparable à une
hospitalisation à domicile, en coordination avec le médecin
référent, le cancérologue hospitalier, l’infi rmière, et souvent un(e)
psychologue. “Pour moi, cette dimension de ‘respiration avec
l’extérieur’ semble essentielle, tout à fait en écho avec le réseau
ville-hôpital que soutiennent les directives du Plan cancer”.
LES DISPOSITIFS D’ANNONCE DU CANCER
Autre implication majeure des onco-psychologues : leur participation
active au dispositif d’annonce du cancer au malade, tel qu’il est défi ni
dans la mesure 40 du Plan cancer. “On a compris qu’on ne pouvait
faire alliance avec un patient et travailler avec lui dans le temps, le
soutenir, le traiter si, en amont, on ne l’accompagne pas dans les
diff érents temps de la prise en charge.” Et l’annonce du cancer, la mise
en route du traitement, impliquent un temps de réfl exion permettant
en particulier d’appréhender la personne dans sa globalité afi n de
saisir au mieux pour elle ce et ceux qui pourront l’aider. Ainsi, l’an-
nonce faite par le médecin, qui va lui traduire les conséquences des
résultats d’examens, à savoir les nécessités du traitement, représente
une sorte de vérité médicale. Mais elle sera toujours accompagnée de
“la vérité de la personne, ce qu’elle va ressentir, ce qu’elle va traverser,
et mon rôle sera alors de permettre parfois la bascule de certaines
questions, d’interpeller les deux personnes en présence, de sorte
que des interrogations qui ne se seraient pas exprimées puissent
voir le jour, afi n d’établir une vraie collaboration entre eux”. Cela
peut d’ailleurs se manifester par un refus du malade – temporaire
le plus souvent – de comprendre, voire d’entendre, attitude qu’il
conviendra de rendre très perceptible au médecin afi n qu’il puisse
diff érer le processus d’annonce ou le modifi er dans sa formulation.
“Double rencontre, en fait : avec une personne mais aussi de cette
personne avec une maladie grave.”
D’autant que, si plus de 50 % des cancers guérissent, nombreuses
sont les rechutes, qui, elles aussi, vont devoir se traduire par
une “nouvelle’’ annonce, une nouvelle approche dans l’explica-
tion. Des diffi cultés supplémentaires peuvent surgir “lorsqu’à la
maladie s’ajoutent les écueils culturels ou linguistiques (parfois
les deux), qui nécessitent de faire intervenir des intermédiaires
‘traducteurs’ facilitant la compréhension du malade”.