L`apport du dispositif d`annonce au patient : un point de vue de

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Dossier
D ossier
L’apport du dispositif d’annonce au patient :
un point de vue de psychologue
The point of view of the psychologist
IP V. Adam, A.C. Gaillot*
Q
u’ont demandé les patients lors des premiers États
Généraux de la Ligue, si ce n’est du temps, de la parole
et de l’écoute ?
Force est de constater que la mise en place du dispositif d’annonce grâce au Plan Cancer répond et satisfait cette demande.
Le médecin prend le temps de nommer la maladie, de l’expliquer
et dirige les patients vers des professionnels compétents : infirmières relais, assistantes sociales, psychologues... Les patients ne
sont plus seuls face à cet innommable qu’est le cancer : ils ont des
professionnels à leur disposition pour répondre à leurs besoins.
Besoin de temps pour pleurer, sans crainte d’être jugé ou de faire
peur...
Besoin de temps pour encaisser, digérer, reprendre pied...
Besoin de temps pour reposer des questions, car les informations
délivrées n’étaient que bruit de fond lors de la consultation avec le
médecin, seul le mot “cancer” résonne... Le dispositif d’annonce permet d’envisager le patient dans sa globalité : les quatre temps d’articulation, rappelés par D. Serin dans
l’éditorial, sont résolument tournés vers le patient, vers le sujet.
Car si le cancer vient le frapper dans sa chair, il ne se résume pas
à cela. La maladie n’est qu’un statut et non une entité totalisante :
le patient reste un sujet désirant dans un contexte familial, socioculturel.... Comment intégrer cet élément perturbateur et potentiellement destructeur dans sa vie ? Et où nous plaçons-nous,
soignants, dans tout cela ?
Il s’agit pour le psychologue d’accompagner le patient dans son
parcours de santé et dans son retour un peu plus tard au “monde
normal” par une mise en mots. Il s’agit d’offrir un temps d’écoute
bienveillant, neutre, étayant, de permettre une parole suite au
choc psychologique, suite à des bouleversements psychiques
et/ou physiques (modification du statut au sein de la famille, de
la vie professionnelle, de la société ; modification de l’image de
soi…), de remettre en mouvement des émotions qui bien souvent
s’étaient figées au moment de l’entrée en “maladie”.
La temporalité psychique du patient diffère du temps réel : le
temps du malade n’est pas celui de la maladie, ni celui du médecin. La notion de temps en cancérologie est modifiée, perturbée
par ce non-sens que porte la maladie.
Les temps médicaux, soignants et spécifiques (soins de support)
offrent ainsi aux patients un espace et un temps d’écoute afin que
puisse se restaurer leur fonctionnement psychique abasourdi par
“cette enclume”, ce “séisme” ou autre phénomène naturel ravageur qui illustrent le choc ressenti. * Psychologues, CRLCC Alexis-Vautrin, Nancy.
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À nous de nous taire pour que puissent se faire audibles la parole, le cri, les pleurs, et la ronde des sentiments d’injustice, de
révolte...
Toutefois, nous ne devons pas “psychologiser” la maladie : ce ne
peut être qu’une proposition faite au patient et à sa famille. C’est
pourquoi nous avons fait le choix, au CAC de Nancy, de ne pas
mettre les psychologues en première ligne. Nous restons à notre
place de travail dans l’après-coup : l’élaboration du choc demande, là encore, du temps.
Ainsi, deux infirmières relais ont été recrutées pour guider les patients suite à leur consultation médicale d’annonce. Entendre la
souffrance des patients n’est pas l’apanage du psychologue ! Toutefois, les rôles et les fonctions de chacun doivent être suffisamment clairs entre soignants, d’une part, et clairement expliqués
aux patients, d’autre part, afin qu’une confusion ne s’installe pas,
si facile à l’hôpital ! Qui ne s’est pas vu appeler “docteur” du fait
de la blouse blanche ?
Ces infirmières dédiées à ce temps de l’annonce ont ainsi le rôle
bien difficile d’entendre et de guider vers les professionnels compétents avec l’accord du patient. Positionnement délicat, car il demande un lien fort avec les médecins, un lien fort avec les patients
et, enfin, un lien fort avec l’équipe des soins de support. Liens
qui ne peuvent s’établir qu’avec la confiance. Positionnement
qui rime avec pluridisciplinarité et transversalité : nous sommes,
chacun avec notre spécificité, un des maillons de la chaîne autour
du patient.
Cette articulation ne doit pas être perçue comme un frein, mais
bien au contraire comme une richesse offerte au malade de pouvoir être accompagné tout au long de son cancer et lors de son
après-cancer par différents professionnels et être reconnu dans
son intégralité. Reconnaissance de sa souffrance physique induite
par la maladie, son traitement et ses effets secondaires ; reconnaissance du traumatisme psychique vécu lors de l’annonce, durant le traitement ou l’après-traitement ; reconnaissance des perturbations sociales engendrées par une mise à l’écart du monde
professionnel, social ou familial permettront au patient de s’inscrire dans la maladie et de s’adapter à ce bouleversement.
À nos yeux, globalité, respect de la temporalité et transversalité
sont les valeurs apportées par le dispositif d’annonce. Peut-être
pouvons-nous dire que ce temps angoissant de l’annonce a été
humanisé : il autorise en tout cas de nouveaux liens pour le patient avec des partenaires issus d’horizons différents, mais complémentaires en vue d’une qualité de vie maintenue, restaurée et
satisfaisante.
n
La Lettre du Sénologue - n° 37 - juillet-août-septembre 2007
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