COURS 1-3
MODULES SUR UN ANNEAU
COURS MAT 556 ’GROUPES ET REPR´
ESENTATIONS’ - X 2012/13
(ANNA CADORET)
On supposera connues ici les d´efinitions de base concernant les groupes, anneaux, corps et alg`ebres. Les anneaux
consid´er´es seront toujours associatifs et unitaires.
Les trois premiers cours seront consacr´es aux modules sur les anneaux (non n´ecessairement commutatifs) et les
deux cours suivants aux groupes finis. Dans les quatre derniers cours, nous nous int´eresserons `a la classification
des modules sur les alg`ebres de dimension finie sur un corps (parfait) et en donnerons plusieurs applications `a la
th´eorie des repr´esentations des groupes finis.
Ce cours doit beaucoup aux notes d’un cours de M2 donn´e par P. Baumann `a l’Universit´e de Strasbourg [B09].
Tout au long du cours, nous utiliserons informellement le langage cat´egoriel (dont le lecteur trouvera un petit
lexique en appendice de ce cours) afin d’introduire progressivement ce formalisme puissant qui est devenu le lan-
guage quotidien de l’alg´ebriste moderne.
Commen¸cons par un petit exemple, illustrant comment les notions d’alg`ebre et de groupe fini sont intimement
li´ees. Etant donn´e un anneau commutatif A, `a tout groupe fini Gon peut associer une A-alg`ebre A[G] comme
suit. La structure de A-module est donn´ee par
A[G] = M
gG
Ag
et la structure multiplicative est donn´ee par le ’produit de convolution’:
X
gG
a(g)gX
gG
a0(g)g=X
gG
(X
γG
a(γ)a0(γ1g))g.
A[G] est un anneau associatif unitaire d’´el´ement neutre 1·eGpour la multiplication (eGd´esignant l’´el´ement neutre
de G). Notons que l’application
ιG:GA[G]×
g1·g
est un morphisme de groupes injectif.
Si f:GG0est un morphisme de groupes, on v´erifie que le morphisme de A-modules induit
A[f] : A[G]A[G0]
est un morphisme d’anneaux et que si Gf
G0f0
G00 sont des morphismes de groupes, on a A[f0f] = A[f0]A[f].
Autrement dit
A[] : Grp Alg/A
est un foncteur de la cat´egorie Grp des groupes finis sur la cat´egorie Alg//A des A-alg`ebre. En outre, ce foncteur
est fid`ele, c’est `a dire que pour tout groupes finis G,G0, l’application
A[] : HomGrp(G, G0) ˜HomAlg/A (A[G], A[G0])
est injective (on notera qu’elle n’est pas surjective en g´en´eral, comme le montre l’exemple G=Z/2, A=Z/4
donc que ce foncteur n’est pas plein).
On dispose d’un morphisme de groupes canonique ιG:GA[G]×(envoyant gGsur 1A·gA[G]×) et on v´erifie
facilement que ιG:GA[G]×satisfait la propri´et´e universelle suivante: pour toute A-alg`ebre Bet morphisme de
groupe φ:GB×il existe un unique morphisme de A-alg`ebres Φ : A[G]Btel que Φ ιG=φ. Inversement,
1
2 COURS MAT 556 ’GROUPES ET REPR´
ESENTATIONS’ - X 2012/13 (ANNA CADORET)
tout morphisme de A-alg`ebres Φ : A[G]Binduit un morphisme de groupes φ:= Φ ιG|B×:GB×. Ces
constructions sont inverses l’une de l’autre et d´efinissent une bijection fonctorielle en B:
HomGrp(G, B×) ˜HomAlg/A (A[G], B).
En termes cat´egoriels, on dit que les foncteurs A[] : Grp Alg/A et ()×:Alg/A Grps sont adjoints. Dans
le cas particulier o`u A=kest un corps et B=Mn(k), on obtient par exemple:
HomGrp(G, GLn(k)) ˜HomAlg/A (A[G], Mn(k)),
ce qui montre que les repr´esentations lin´eaires de dimension nde Gsur kcorrespondent bijectivement aux k[G]-
modules de k-dimension n.
Le foncteur A[] : Grp Alg/A va plus g´en´eralement permettre de ramener les probl`emes de th´eorie des
groupes finis (par exemple la classification de leurs repr´esentations, le calcul de leur groupes de cohomologie) `a
des probl`emes sur les A-alg`ebres, de type fini comme A-module (par exemple, la classification de leurs modules,
le calcul de leur groupes de cohomologie), en g´en´eral plus facile `a traiter grˆace `a la structure A-lin´eaire. C’est un
exemple du ’principe de lin´earisation’.
Contents
1. D´efinition et premiers exemples 3
2. Op´erations sur les modules 4
2.1. Sous A-module, intersection, module engendr´e par une partie 4
2.2. Limites 4
2.2.1. Produits et sommes directes 5
2.2.2. Noyaux, conoyaux 5
2.2.3. Suites exactes, lemme du serpent et lemme des cinq 6
2.3. Produits tensoriels 7
2.3.1. Produit tensoriel de A-modules - Acommutatif 7
2.3.1.1. Propri´et´es ´el´ementaires 8
2.3.1.2. Extension/Restriction des scalaires 9
2.3.2. Produits tensoriels de A-modules - Aquelconque 9
3. ’Atomisation’ d’un A-module 10
3.1. Conditions de finitude 10
3.2. Modules ind´ecomposables et th´eor`eme de Krull-Schmidt 12
3.3. A-modules simples 13
3.4. A-modules semisimples 14
3.5. Suite de composition et th´eor`eme de Jordan-Holder 15
3.6. Extensions 16
3.6.1. Structure de groupe ab´elien sur Ext1
A(M00, M 0) 16
3.6.2. Fonctorialit´e 17
3.6.3. A-modules injectifs et projectifs 17
3.6.4. Exemples de calculs 18
4. Modules de type fini sur les anneaux principaux 19
4.1. Classification 20
4.1.1. Classification des A-modules de type fini sans torsion 20
4.1.2. Classification des A-modules de type fini de torsion 21
4.2. Applications 22
5. Appendice: un peu de vocabulaire cat´egoriel 23
References 26
Les cours 1-3 constituent une introduction modeste `a la notion de modules sur des anneaux (non n´ecessairement
commutatifs). Ces objets sont au coeur de l’alg`ebre moderne: eom´etrie alg´ebrique, th´eorie des nombres, topolo-
gie alg´ebrique et, bien sˆur, th´eorie des repr´esentations. Dans un premier temps, on passera en revue quelques
d´efinitions/constructions ´el´ementaires (section 2). On commencera ensuite (section 3) `a s’int´eresser de plus pr`es
`a la classification des modules sur un anneau sous certaines conditions de finitude. L’id´ee consiste `a se ramener `a
COURS 1-3 MODULES SUR UN ANNEAU 3
des modules les plus petits possible et `a tenter de reconstruire tous les modules `a partir de ceux-ci. En g´en´eral,
cette intuition est trop naive: les petits modules auxquels on r´eussit `a se ramener sont encore trop gros (les
modules ind´ecomposables du th´eor`eme de Krull-Schmidt) pour pouvoir ˆetre classifi´es. On dispose cependant
d’une classe de modules encore plus petits que les modules ind´ecomposables et que l’on sait souvent assez bien
classifier (les modules simples du th´eor`eme de Jordan-Holder). Mais l`a le probl`eme c’est que la connaissance
des modules simples ne suffit pas en g´en´eral `a reconstruire tous les modules car deux modules simples peuvent
parfois se combiner de nombreuses fa¸cons diff´erentes; c’est le probl`eme de la d´etermination des extensions derri`ere
lequel se profilent les m´ethodes d’alg`ebre homologique. Lorsque l’anneau Aa suffisamment de bonnes propri´et´es
l’id´ee marche cependant bien. On le verra par exemple pour les modules de type finis sur les anneaux principaux
(section 4).
Nous reviendrons sur le probl`eme de la classification dans les cours 5 `a 9, o`u nous ´etudierons le cas des anneaux
semisimples (l`a, l’id´ee marche parfaitement!) et des alg`ebres de dimension finies sur un corps.
1. D´
efinition et premiers exemples
Soit Mun groupe ab´elien. L’ensemble End(M) des endomorphismes de Mcomme groupe ab´elien, muni de
l’addition induite par l’addition de Met de la composition est un anneau associatif unitaire (d’unit´e l’identit´e
IdMde M).
Soit Aun anneau. On appelle A-module `a gauche (ou module `a gauche sur A) tout couple (M, θ) o`u Mest un
groupe ab´elien et
θ:AEnd(M)
est un morphisme d’anneaux. Dans la pratique, s’il n’y a pas de confusion possible, on notera simplement
a·m:= θ(a)(m), aA,mM. On peut d´efinir de fa¸con ´equivalente un A-module `a gauche comme un couple
(M, α), o`u Mest un groupe ab´elien et
α:A×MM
une application v´erifiant les propri´et´es suivantes:
- (Distributivit´e) α(a, m+m0) = α(a, m)+α(a, m0), aA,m, m0Met α(a+a0, m) = α(a, m)+α(a0, m),
a, a0A,mM;
- (Associativit´e) α(aa0, m) = α(a, α(a0, m)), a, a0A,mM;
- (Neutre) α(1, m) = m
L`a encore, s’il n’y a pas de confusion possible, on notera simplement a·m:= α(a, m), aA,mM.
On a une d´efinition analogue de A-module `a droite. Un A-module `a droite Md´efinit un Aop-module `a gauche (o`u
Aop est l’anneau ayant la mˆeme structure additive (A, +) que Aet dont la structure multiplicative est donn´ee par
a·Aop a0=a0·Aa,a, a0A). Et inversement. Ces deux notions sont donc ´equivalentes. Lorsqu’on ne pr´ecisera
pas, un A-module sera toujours un A-module `a gauche.
Soit M, M 0deux A-modules. On appelle morphisme de A-modules tout morphisme de groupe ab´elien f:MM0
qui est A-lin´eaire i.e. v´erifie
f(a·m) = a·f(m), a A, m M.
On notera HomA(M, M0) l’ensemble des morphismes de A-module de Mdans M0. C’est encore un A-module.
Lorsque M0=A, on note M:=HomA(M, A) et on dit que c’est le A-module dual de M. Lorsque M0=Mon
note EndA(M) :=HomA(M, M).
Etant donn´es M, M0, M 00 des A-modules, on dispose d’une loi de composition
: HomA(M0, M00)×HomA(M, M 0)HomA(M, M 0)
(f0, f)f0f
qui est A-bilin´eaire, associative, poss`ede des identit´es `a gauche et `a droite. En particulier, les A-modules forment
une cat´egorie (cf. appendice), que l’on notera parfois Mod/A.
Exemple 1.1.
(1) Soit Aun anneau. Tout id´eal `a gauche (resp. `a droite) est un A-module `a gauche (resp. `a droite). En particulier,
on a
- le A-module r´egulier A;
4 COURS MAT 556 ’GROUPES ET REPR´
ESENTATIONS’ - X 2012/13 (ANNA CADORET)
- le A-module trivial {0}, qui est caract´eris´e par les propri´etes suivantes:
(i) Pour tout A-module Mon a |HomA(M, 0)|= 1;
(ii) Pour tout A-module Mon a |HomA(0, M)|= 1.
En termes cat´egoriels, (i) dit que 0 est un objet terminal dans la cat´egorie des A-modules et (ii) dit que c’est
un objet initial. On appelle 0-objet un objet qui est `a la fois terminal et initial.
(2) Lorsque A=kest un corps commutatif, la notion de k-module coincide avec celle de k-espace vectoriel rencontr´ee
dans les petites classes.
(3) La cat´egorie des Z-modules et celle des groupes ab´eliens sont ´equivalentes.
(4) Soit f:A0Aun morphisme d’anneaux alors tout A-module Mest muni d’une structure de A0-module d´efinie
par la composition
A0f
AEnd(M).
On notera f(M) le A0-module ainsi obtenu, que l’on appelle la restriction de M`a A0. En fait,
f: Mod/A Mod/A0
d´efinit un foncteur (cf. appendice).
(5) Soit Aun anneau commutatif. La donn´ee d’un A[X1,...,Xn]-module est ´equivalente `a la donn´ee d’un couple
(M, φ), o`u Mest un A-module et φ:= (φ1,...,φn) est un n-uplet d’endomorphismes A-lin´eaires de Mqui
commutent deux `a deux.
(6) Par d´efinition, tout A-module est un groupe ab´elien et tout morphisme de A-modules est un morphisme de groupes
ab´eliens. en termes cat´egoriels, on a un foncteur d’oubli naturel
Oub : Mod/A Mod/Z
qui consiste `a ’oublier’ la structure de A-module sur A. Ce foncteur est essentiellement surjectif comme observ´e
dans l’Exemple 1.1 (2). Il est ´egalement fid`ele mais il est loin d’ˆetre plein: entre deux A-modules Met M0,
il y a en g´en´eral beaucoup moins de morphismes de A-modules que de morphismes de groupes ab´eliens et, par-
tant, beaucoup plus de (classes d’isomorphismes de) A-modules que de classes d’isomorphismes de groupes ab´eliens.
2. Op´
erations sur les modules
Soit Aun anneau. Nous allons passer ici en revue quelques op´erations classiques sur les A-modules. Sans le dire,
on est en fait en train de v´erifier que la cat´egorie des A-modules est ab´elienne et que lorsque Aest commutatif,
elle est aussi tensorielle. Les preuves sont purement formelles et laiss´ees en exercices au lecteur. Le titre de la
section 2.2 vient de ce que les noyaux, conoyaux, produits, sommes directes etc. sont des cas particuliers de ce
qu’en termes cat´egoriels on appelle des limites. Par manque de temps, nous n’aborderons pas cette notion dans
sa g´en´eralit´e mais nous invitons le lecteur `a se reporter par exemple au chapitre 2 de[S10].
2.1. Sous A-module, intersection, module engendr´e par une partie. Si Mest un A-module, on appelle
sous A-module de Mtout couple (M0, i), o`u M0est un A-module et i:M0Mun morphisme injectif de
A-modules. Dans la pratique, on identifiera M0et son image i(M0)M.
Si MiM,iIest une famille de sous A-modules de M, on v´erifie imm´ediatement que l’intersection
\
iI
MiM
est encore un sous-A-module de M.
Si XMest un sous-ensemble, on note hXil’intersection de tous les sous A-modules M0Mcontenant X.
D’apr`es ce qui pr´ec`ede, c’est encore un sous A-module de Met, par construction, c’est le plus petit sous A-
module de Mcontenant X. On dit que hXiest le sous A-module engendr´e par Xet on v´erifie qu’il coincide avec
l’ensemble des ´el´ements de la forme PxXa(x)x, o`u a:XAest une application `a support fini. Si MiM,
iIest une famille de sous A-modules de M, on note
X
iI
Mi=h[
iI
Mii ⊂ M.
2.2. Limites.
COURS 1-3 MODULES SUR UN ANNEAU 5
2.2.1. Produits et sommes directes. Soit Mi,iIune famille de A-modules.
On munit le groupe ab´elien produit QiIMide la structure de A-module
A×QiIMiQiIMi
(a, m = (mi)iI)a·m= (a·mi)iI.
Avec cette structure de A-module, les projections canoniques pj:QiIMiMj,jIdeviennent des mor-
phismes de A-modules.
On note iIMiQiIMile sous A-module des m= (mi)iItels que
|{iI|mi6= 0}| <+.
Les injections canoniques ιj:Mj→ ⊕iIMi,jIsont des morphismes de A-modules.
Lemme 2.1.
-Pour toute famille de morphismes de A-modules fi:MMi,iIil existe un unique morphisme de
A-modules f:MQiIMitel que pif=fi,iI.
-Pour toute famille de morphismes de A-modules fi:MiM,iIil existe un unique morphisme de
A-modules f:iIMiMtel que fιi=fi,iI.
En termes cat´egoriels, le Lemme 2.1 dit que les pj:QiIMiMj,jIrepr´esentent le foncteur
Y
iI
HomA(, Mi) : Mod/A Mod/A
et que les ιj:Mj→ ⊕iIMi,jIrepr´esentent le foncteur
Y
iI
HomA(Mi,) : Mod/A Mod/A.
Remarque 2.2. (Unicit´e des objets universels) Lorsqu’un foncteur F:C Ens est repr´esentable, l’objet qui
le repr´esente est toujours unique `a unique isomorphisme pr`es; c’est une cons´equence du lemme de Yoneda (cf.
appendice). Ainsi les pj:QiIMiMj,jIet les ιj:Mj→ ⊕iIMi,jIsont uniques `a unique
isomorphisme pr`es. On peut bien sˆur aussi le v´erifier `a la main en utilisant l’existence et l’unicit´e de fdans le
lemme 2.1. Dans la suite du cours, nous ne le mentionnerons plus, mais, en vertu de ce principe g´en´eral, tous
les objets universels qui apparaitront (noyaux, conoyaux, produits tensoriels etc.) sont toujours uniques `a unique
isomorphisme pr`es.
Si Mi=Mpour tout iI, on notera MI:= QiIMiet M(I):= iIMi. Par construction, on a des
isomorphismes de foncteurs canoniques
Hom(A(I),)'Y
iI
Hom(A, )'()I
et on dit que A(I)est le A-module libre de base I.
2.2.2. Noyaux, conoyaux. Soit M0Mun sous A-module. C’est en particulier un sous groupe ab´elien et on
dispose donc du quotient () : MM/M 0dans la cat´egorie des groupes ab´eliens. On peut munir M/M0d’une
structure de A-module comme suit. Pour tout aA, l’application
µa:MM/M0
mam
est un morphisme de groupes ab´eliens tel que M0ker(µa); il se factorise donc en
Mµa//
()
M/M0
M/M0
µa
::
u
u
u
u
u
u
u
u
u
On pose alors
A×M/M0M/M0
(a, m)a·m:= µa(m)(= a·m).
1 / 26 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !