L’infarctus du myocarde Conférence UV internat 14 mars 2006 Définition L'infarctus du myocarde (IDM) est une nécrose ischémique du myocarde dont l'étendue dépasse 2 cm2. Il correspond généralement à une thrombose occlusive brutale d'une artère coronaire. Cette définition classique de l'IDM correspond à une réelle entité diagnostique (associant douleur et sus décalage persistant de ST) et thérapeutique. Définition (2) Une nouvelle définition de l'infarctus a été proposée récemment (conférence de consensus européenne et américaine, 2000) qui est différente car elle repose sur une définition biologique (ascension des marqueurs de l'infarctus troponines et MB-CK). Cette définition est plus large car elle inclue aussi des infarctus " rudimentaires ", " sans onde Q ", ou sans sus décalage initial du segment ST. Epidémiologie L'infarctus du myocarde constitue une urgence cardiologique absolue dont l'incidence reste encore élevée avec 120 000 cas par an en France. Son pronostic reste grave puisque l'IDM est responsable encore de 10 à 12% de la mortalité totale annuelle chez l'adulte. Cardiopathies ischémiques = 1ère cause de décès dans les pays développés Physiopathologie L'infarctus résulte d'une THROMBOSE CORONAIRE AIGUË, elle-même secondaire à une fracture de plaque d’athérome (au niveau de l’intima de l’artère) entraînant l'agrégation plaquettaire puis l'occlusion coronaire. Les conséquences myocardiques sont la DESTRUCTION CELLULAIRE se propageant de l'endocarde jusqu'à l'épicarde. La nécrose myocardique entraîne une altération de la fonction pompe du ventricule gauche (insuffisance ventriculaire gauche, parfois insuffisance ventriculaire droite) dès qu'elle atteint ou dépasse 20% du myocarde ; elle est incompatible avec la survie lorsqu'elle atteint 40% de la masse myocardique (choc cardiogénique). La conséquence de cette nécrose est l'apparition d'une zone myocardique fibreuse non contractile. Diagnostic positif Circonstances de survenue : – soit l'infarctus est inaugural (la moitié des cas) – soit il existe des antécédents coronariens Douleur rétro sternale constrictive avec irradiations – le plus souvent d'apparition spontanée, elle survient parfois après un effort, une exposition au froid ou au stress et dure plusieurs heures – ne cède jamais complètement après la prise d'un dérivé nitré. – signes associés : sueurs, troubles digestifs, agitation. Examen clinique est essentiel pour rechercher les éventuelles complications : – Auscultation cardiaque – TA – Recherche de crépitants pulmonaires Diagnostic positif (2) L'électrocardiogramme (ECG) : – A la phase initiale, grandes ondes T géantes – Puis onde en dôme de Pardee : sus décalage de ST – + tardivement apparaît l’onde Q de nécrose Sur ces seuls signes, il faut : - évoquer le diagnostic, - demander l'hospitalisation d'urgence en USIC Diagnostic différentiel Péricardite aiguë Embolie pulmonaire Urgences digestives (ulcère gastro duodénal, pancréatite aiguë) Dissection aortique Et la biologie… Dans la cas de formes atypiques (+++) – Validation à posteriori du diagnostic – Valeur pronostique Caractéristiques du marqueur idéal: – – – – – Cardiospécificité Libération précoce dans la circulation Stable dans le sang pr permettre son dosage C° sanguine mesurable après nécrose myocardique Méthode de dosage rapide et fiable Critères de choix des marqueurs But: combiner précocité, sensibilité et spécificité Associer 2 marqueurs (NACB 1999): – L’un précoce: myoglobine – L’autre cardiospécifique et restant élevé plusieurs jours: troponine – Tendance 2005: prescrire uniquement troponine et répéter le test si négatif à l’admission Marqueurs biochimiques de l’IDM Marqueurs obsolètes (car non cardiospécifiques) – ASAT et ALAT – CK totale – LDH Marqueurs biochimiques de l’IDM (2) Myoglobine: – Protéine cytosolique de bas PM (18kD) – Dosage en immunonéphélémétrie et en – – – – – immunoturbidimétrie 1ère protéine à être libérée dans le sang après IDM 1ère à être éliminée: 24h après IDM, retour à des valeurs normales Métabolisme rénal: Δ° si IR Non cardiospécifique: s’élève après tout traumatisme musculaire (chirurgie, effort intense, IM, chute, rhabdomyolyse, myopathies, IR) Excellente VPN: exclusion IDM si <130 µg/L 6h après le DDL Marqueurs biochimiques de l’IDM (3) Troponines: – Protéines structurales de la fibre musculaire – Trimère: Tnc, Tni, TnT – Rôle: régulation de la contraction musculaire – Tni: 3 isoformes, cTni spécifique du muscle cardiaque – Tnt: 5 à 12 isoformes squelettiques, 4 isoformes cardiaques – Tnc: forte similitude entre les formes squelettiques et cardiaques seules la cTnT et surtout la cTnI ont un intérêt concret dans le diagnostic et le suivi de l'infarctus du myocarde Marqueurs biochimiques de l’IDM (4) Troponine I: – Spécificité moléculaire: séquence de 32 aa à l’extrémité N-terminale, différencie la cTnI des formes du muscle squelettique – Spécificité clinique: absence de cTnI dans le muscle squelettique humain spécificité cardiaque de la cTnI Marqueurs biochimiques de l’IDM (5) En cas d’IDM, élévation des troponines entre la 3ème et la 6ème h après le DDL Retour à la normale en 1 à 2 semaines diagnostic rétrospectif TnT: 1 seule trousse, dosage breveté TnI: nbreuses trousses, dosages corrélés entre eux ms non superposables seuils différents selon la trousse utilisée! Marqueurs biochimiques de l’IDM (6) Créatine kinase (CK): – La CK est un dimère cytosolique ou mitochondrial de 2 sous-unités polypeptidiques: M (muscle) et B (brain) – Cette association 2 à 2 détermine 3 isoenzymes: CKMM, CK-MB, CK-BB CK-MM = 99% de l'activité totale dans le muscle strié et 80% dans le muscle cardiaque la CK-BB = 100% de l'activité totale du cerveau la CK-MB = 20% de l'activité cardiaque et 1% dans le muscle strié. utilisation de la CK-MB comme marqueur de la cytolyse cardiaque (CK totale obsolète car non cardiospécifique) Marqueurs biochimiques de l’IDM (7) La CK-MB augmente 3 à 4h après le DDL CK-MB: méthodes de dosage – CK-MB: Électrophorèse ou chromatographie: % de l’activité totale Immunoinhibition: CK-MB activité (UI/L) Massique: technique immunoenzymatique (ng/ml) Cinétique des marqueurs biologiques de l’IDM Marqueur PM (kDa) Délai d'apparition Pic Normalisation Myoglobine 18 2-3h 8-12h 24-36h (CK) 86 6-8h 20-26h 3 jours CK MB masse 86 3-8h 10-24h 3-4 jours cTni 24 6-12h 2-4 jours 1-2 semaines Myoglobine/troponines: caractéristiques analytiques comparées Myoglobine TnI TnT Sensibilité +++ ++ ++ Précocité +++ +/- +/- Fenêtre diagnostique Cardiospécificité Etroite Large Large 0 +++ +++ Applications des marqueurs cardiaques (ischémie) Suivi reperfusion Diagnostic réinfarctus IDM rétrospectif Détection µinfarctus Myoglobine TnI TnT +++ +/- +/- +++ 0 0 0 +++ +++ +/- +++ +++ Algorithme diagnostique Douleurs thoraciques Évaluation des facteurs de risque CV ECG Pas d’élévation du segment ST Dosage troponine Autres causes d’élévation des troponines? HBPM + anti Gp IIb/IIIa Coronarographie semi urgente Troponine + Haut risque de complications CV IDM sans onde Q Troponine nle 2ème dosage 4 à 6h après Troponine nle et suspicion clinique ou électrique d’IDM 3ème dosage 12h après Troponine nle Risque faible de complications CV Conduite à tenir devant un SCA Ttmt sur place en attendant le SAMU: – Calmer la douleur (pas d’IM!) – Dérivé nitré en sublingual Transport en urgence par le SAMU: scope, voie veineuse, défibrillateur A l’arrivée en USIC: – Calmer la douleur – Initier le plus rapidement possible une stratégie de reperfusion coronaire adaptée au patient considéré – limiter les conséquences de l'ischémie (Trinitrine et surtout bétabloquants) Traitement de l’IDM Calmer la douleur: chlorhydrate de morphine IV Stratégies de reperméation coronaire – Traitement thrombolytique: Doit être initié le + tôt possible / rapport au début de la douleur ( au mieux avant la 6ème h, pas d’intérêt après la 12ème h) Altéplase, Rétéplase, Streptokinase, Tenectéplase Attention aux CI! – Désobstruction immédiate par ballonet ou angioplastie primaire – Anti agrégants plaquettaires – Héparinothérapie Traitements limitant les csquences de l’ischémie: dérivés nitrés et ß bloquants Evolution Complications aiguës: – Troubles du rythme et conduction : troubles du rythme ventriculaire, BAV, blocs de branche… – Complications hémodynamiques : IVG avec OAP, choc cardiogénique, choc hypovolémique, infarctus du ventricule droit… – Complications mécaniques: ruptures septales… – Récidive ischémique précoce (4% des infarctus) Complications à distance – récidive ischémique à distance – évolution vers l’IC gauche – troubles du rythme