PRISE EN CHARGE DU CANCER COLO-RECTAL Dr Laurence Choné Conseillère scientifique ADECA 54 Cancer colo-rectal 3ème cancer le plus fréquent : 2ème cancer chez la femme (après le cancer du sein) 3ème cancer chez l’homme (après les cancers du poumon et de la prostate) 2ème cancer le plus mortel : Cancer colo-rectal Incidence du CCR en France en 2012 : 42 152 nouveaux cas Cancer colo-rectal Cancer colo-rectal Mortalité du CCR en France en 2012 : 17 772 Chirurgie : traitement curatif +++ Type de chirurgie selon la localisation de la tumeur : – – droite transverse hémicolectomie droite hémicolectomie droite prolongée colectomie transverse colectomie splénique + transverse – gauche colectomie splénique hémicolectomie gauche colectomie sigmoïdienne Chirurgie possible sous coelioscopie (Clinical Outcomes of Surgical Therapy Study Group. N Engl J Med 2004) – – – 872 patients randomisés entre chirurgie ouverte ou laparotomie pas de ≠ en termes de récidive, de survie, de complications durée de séjour + courte, et - d’utilisation d’antalgiques / laparotomie Chirurgie : traitement curatif +++ Qualité de l’exérèse chirurgicale : facteur pronostique de récidive et de survie – ligature 1ère et à l’origine des vaisseaux et des lymphatiques – marges pariétales : marge distale de 5 cm avant section suffisante – si adhérences entre tumeur et organes de voisinage résection en monobloc si possible (survie à 5 ans passe de 0% si dissection des adhérences à 85% si résection monobloc) – curage ganglionnaire : nombre de ganglions examinés sur pièce conditionne la classification TNM de la tumeur, l’indication d’un traitement complémentaire et le pronostic nombre minimal recommandé actuellement : 12 Classification anatomo-pathologique (TNM 2009) Stade 0 Tis N0 M0 Stade I T1,T2 N0 M0 Stade II T3,T4 N0 M0 Stade IIa T3 N0 M0 Stade IIb T4a N0 M0 Stade IIc T4b N0 M0 Stade III Quelque soit T N1,N2 M0 Stade IIIa T1,T2 T1 N1 N2a M0 M0 Stade IIIb T3,T4a T2,T3 T1,T2 N1 N2a N2b M0 M0 M0 Stade IIIc T4a T3,T4a T4b N2a N2b N1,N2 M0 M0 M0 Stade Iva Quelque soit T Quelque soit N M1a Stade IVb Quelque soit T Quelque soit N M1b Place du traitement endoscopique ? Polypes dégénérés – prévalence: 0.2% à 11% dans les séries endoscopiques ( en raison des programmes de dépistage) – pronostic lié : Qualité de l’exérèse : monobloc/piecemeal; marge de sécurité Critères histologiques :degré de différenciation, envahissement veineux et/ou lymphatique, présence de cellules carcinomateuses au-delà du front d’invasion de la tumeur, niveau d’invasion du polype Classification histologique Risque d’envahissement ganglionnaire selon l’extension sous-muqueuse 0% épithélium lamina propria muscularis mucosae 1/3 > sm m1 m2 0% - 1% m3 sm1 6-8% 14-25% sm2 sm3 1/3 moy sm 1/3 < sm musculeuse Kobayashi M, Stomach Intestine 1994; Yokoyama J, Acta Medica Biologica, 2002; Gastrointest Endosc, 2003 Référentiel ONCOLOR – T1 polype pédiculé – polypectomie suffisante si tous les critères suivants sont réunis : exérèse et examen anatomopathologique complet cancer bien ou moyennement différencié absence d'embols vasculaires caractéristiques absence de cellules carcinomateuses au delà du front d'invasion (tumor budding) marge de sécurité > 1mm – En l'absence d'un de ces critères : colectomie dans les règles carcinologiques nécessaire Référentiel ONCOLOR – T1 polype sessile, adénome plan et autres cas sm1 : traitement endoscopique suffisant après discussion en RCP et information du patient, et si tous les critères de sécurité sont réunis : – En l'absence d'un de ces critères : colectomie dans les règles carcinologiques nécessaire sm2 et sm3 : colectomie segmentaire à visée carcinologique car risque d’envahissement ganglionnaire élevé Traitement adjuvant Indications en fonction de l’analyse anatomopathologique – stade I : pas de traitement complémentaire – stade II : discuté en RCP en fonction des facteurs de risque et du statut MSI: – complication révélatrice, nbre de gg <12, tumeur peu ≠ciée, T4, emboles vasculaires ou engainements périnerveux stade III : chimiothérapie adjuvante en l’absence de CI Traitement adjuvant Quelle chimiothérapie adjuvante ? – Modulations du 5FU LV5FU2 (5FU+ac folinique en administration de 2j ts les 15j pdt 6 mois) (André T et al; J Clin Oncol 2003) – par rapport au 5FU bolus (FUFOL) : ↓neutropénies (7% vs 16%; p<0.001) ↓diarrhées (4% vs 9%; p<0.001) ↓mucites (2% vs 7%; p<0.001) Traitement adjuvant des CCR Etude X-ACT : capécitabine vs FUFOL – – équivalence des 2 bras en termes de survie sans rechute et de survie globale effets secondaires moins fréquents dans le bras capécitabine (p<0.001) Xeloda 1250 mgx2/j per os dans la 1/2h qui suit les repas 2 semaines sur 3 (8 cures) Twelves C. N Engl J Med 2005; 352 :2696-704. Traitement adjuvant des CCR Essai MOSAIC : FOLFOX4 vs LV5FU2 (André T. N Engl J Med 2004; J Clin Oncol 2009) du RR de rechute de 23% dans le bras FOLFOX – effets secondaires les + fréquents dans le bras FOLFOX paresthésies (92%) neutropénies (79%) thrombopénies (77%) – Traitement adjuvant des CCR FOLFOX 4 : – oxaliplatine 85 mg/m2 en 2 h à J1 acide folinique 200 mg/m2 (ou l-folinique 100 mg/m2) en 2 h en perfusion en Y puis 5-FU bolus 400 mg/m2 puis 5-FU 600 mg/m2 en perfusion continue de 22 h à J1 et J2 – reprise à J15 12 cures en adjuvant FOLFOX : standard actuel des CCR de stade III Surveillance +++ Rythme : ts les 3 mois pendant 3 ans puis ts les 6 mois pendant 2 ans Modalités : ex clinique écho abdo ou TDM TAP ( au moins 1 / an pdt 5 ans) ACE Coloscopie : à 2 à 3 ans puis ts les 5 ans – cas particuliers : colo initiale incomplète : contrôle à 3 ou 6 mois – présence de 3 adénomes dt un > 1 cm ou villeux (contrôle à 1 an) – Syndrome de Lynch : ts les 1 à 2 ans avec coloration CCR métastatique – 30% des patients au diagnostic et 50% des patients développent secondairement des métastases – survie à 5 ans après résection des métastases : 37% à 58% – au moment du diagnostic de métastases : 10% à 20% sont considérés comme résécables; Kopetz S, et al. J Clin Oncol 2009; 27: 3677-3683 2470 patients (MD Anderson et Mayo Clinic) 231 résections hépatiques Le cancer colo-rectal Métastases hépatiques bilatérales – Analyse rétrospective de patients répondeurs à une polychimiothérapie – chimiothérapie (74% avec béva) puis chirurgie hépatique en 2 tps (n=65) – chimiothérapie seule (61% avec béva) (n=62) survie globale à 5 ans : 64% vs 15% Brouquet A, et al. J Clin Oncol 2011; 29:1083-90 Le cancer colo-rectal Chirurgie : seul espoir de guérison – La résécabilité des métastases hépatiques des CCR doit toujours être discutée et rediscutée aussi souvent que nécessaire en RCP comprenant un chirurgien et un radiologue experts en pathologie hépatique – 85% des résections réalisées dans l’année suivant le diagnostic Kopetz S, et al. J Clin Oncol 2009 Trois situations différentes Cancer colo-rectal métastatique Facilement résécables Jamais résécables Potentiellement résécables si réponse Prise en charge au stade métastatique Discussion de la résécablité des métastases en RCP +++ – si « jamais » résécables : chimiothérapie sans attendre l’apparition des symptômes si l’état général est bon (OMS 0-2) – si « potentiellement » résécables : chimiothérapie à fort taux de réponse (triplet, doublet + thérapie ciblée) – si résécables : exérèse chirurgicale en particulier si un seul organe envahi encadrée par une chimiothérapie (FOLFOX 6 cycles puis chirurgie puis FOLFOX 6 cycles) (Nordlinger B et al. Lancet 2008) augmentation de la survie sans progression de 8.1% à 3 ans Prise en charge au stade métastatique Au stade palliatif : multiples molécules disponibles PFS (mois) AVASTIN 9 5-FU + CPT11 5-FU + oxaliplatine 6 5-FU continu 5-FU bolus 3 UFT/Capécitabine Taux de réponse (%) 10 20 30 40 50 Traitement des cancers colo-rectaux en phase métastatique Bévacizumab + irinotécan / 5FU vs irinotécan / 5FU – survie sans progression (10.6 vs 6.2 mois), de la survie globale (20.3 vs 15.6 mois) et des taux de réponse (44.8% vs 34.8%, p=0.004) Hurwitz H, et al. N Engl J Med 2004; 350 : 2335-42. Traitement des cancers colo-rectaux en phase métastatique Bévacizumab + 5FU vs 5FU* * Kabbinavar FF, et al. J Clin Oncol 2005; 23 : 3706-12. Traitement des cancers colo-rectaux en phase métastatique FOLFIRI vs cétuximab+FOLFIRI (Van Cutsem E. N Engl J Med, 2009) ITT Cétu+ FOLFIRI Kras wild type FOLFIRI Cétu+ FOLFIRI FOLFIRI Kras mutant Cétu+ FOLFIRI FOLFIRI OR 1.4 (1.11-1.76) 1.91 (1.24-2.92) 0.80 (0.44-1.44) p 0.0038 0.0025 0.46 PFS p OS p 8.9 8.0 0.0047 19.9 8.7 0.016 18.6 0.3 9.9 24.9 0.22 7.6 8.1 0.75 21.0 17.5 0.85 17.7 Aujourd’hui : multiples choix en L1 5-FU FOLFOX FOLFIRI FOLFIRINOX Panitumumab (wtRAS) Cetuximab (wtKRAS) Bevacizumab capecitabine XELOX XELIRI 4 mois 1/2 Doublet chemo Doublet ++ Doublet Bevacizumab Bevacizumab Doublet + Bevacizumab Doublet ++ Doublet Bevacizumab Bevacizumab Triplet chemo Doublet+ Doublet+ panitunumab panitunumab Doublet+ panitumumab Doublet+ Cetuximab Doublet+ Doublet+ Cetuximab Cetuximab Irinotecan Irinotecan ouFOLFIRI FOLFIRI ou FOLFOX FOLFOX LV5-FU2 * LV5-FU2 * + Biologics * capecitabine;UFT CT Holiday Irinotecan Irinotecan ouFOLFIRI FOLFIRI ou >3rd ligne 3rd ligne Doublet+ Cetuximab Doublet+ panitumumab FOLFOX Doublet+ Cetuximab Irinotecan Ou FOLFIRI Cetuximab + Irinotecan/ FOLFIRI FOLFOX Regorafenib FOLFOX (LV5-FU2 *) 2nd ligne Bev beyond bev 1st ligne Aflibercept post oxali Adjuvant Cetuximab + Irinotecan FOLFOX Cetuximab + Irinotecan Prise en charge au stade métastatique Stratégies envisageables en 1ère ligne : – – Dans tous les cas, réévaluation après 2 à 3 mois de chimiothérapie en cas de réponse, discussion résécabilité en cas de stabilité ou de réponse (mais non opérable), discussion poursuite de la chimio, traitement d’entretien (en cas de bithérapie) ou pause thérapeutique avec surveillance régulière en cas de progression, chimiothérapie de 2ème ligne Cas particuliers : Métastases potentiellement résécables : – envisager thérapeutique « agressive » type FOLFIRINOX (5FU, irinotécan, oxaliplatine) ou bithérapie avec thérapie ciblée Métastases non résécables et peu nombreuses, non menaçantes ou patient souhaitant privilégier la qualité de vie – possibilité de débuter par une monothérapie (Koopman, Lancet 2007; Seymour, Lancet 2007) Caractéristiques des principales molécules CAMPTO (irinotécan) – Inhibiteur de la topo-isomérase I – EI : diarrhée; toxicité hématologique (neutropénie); syndrome cholinergique; alopécie – CI : MICI; Bilirubine > 3N; association avec le millepertuis – Gestion EI : – syndrome cholinergique et diarrhée précoce : atropine diarrhée retardée : lopéramide 4mg puis 2 mg / 2 h dès la 1ère selle liquide jusqu’à 12 h après dernière selle liquide + réhydratation ++ ; diarrhée + neutropénie; diarrhée fébrile; diarrhée > 48H hospitalisation (AB) pas de lopéramide en ttt préventif de la diarrhée Poso : en assoc avec 5FU/ac fol : 180 mg/m2 ttes les 2 s; en monothérapie, 350 mg/m2 ttes les 3 s Caractéristiques des principales molécules ELOXATINE (oxaliplatine) – dérivé du platine – EI : toxicité hématologique; nausées, vomissements; toxicité neurologique favorisée par le froid (paresthésies distales périphériques, péri-orales, aérodigestives) (efficacité possible du CYMBALTA) pas de toxicité rénale Surveillance : neurologique et hématologique Poso : 85 à 130 mg/m2 ttes les 2 à 3 s (selon les protocoles) – – Caractéristiques des principales molécules AVASTIN (bévacizumab) – Ac monoclonal anti-VEGF – Indication : en 1ère ligne des CCR métastatiques en association avec une chimio par 5FU/ac folinique ± irinotécan et en 2ème ligne avec une chimio par FOLFOX – EI : perforations gastro-intestinales et hémorragies; thromboembolies artérielles; hypertension artérielle; protéinurie – CI : artériopathie; protéinurie >1g/L; IDM < 6 mois; métastases cérébrales; < 28j après chirurgie lourde. – Surveillance : TA et protéinurie avant chaque cure – Poso : 5 mg/kg ttes les 2s Caractéristiques des principales molécules ERBITUX (cétuximab) – Ac monoclonal anti-EGFR – Indication : Erbitux est indiqué dans le traitement des patients présentant un cancer colorectal métastatique avec gène KRAS sauvage en association avec une chimiothérapie, et en monothérapie après échec d'un traitement à base d'oxaliplatine et d'irinotecan – EI : réactions à la perfusion; réactions cutanées (éruption acnéiforme, desquamation, anomalies unguéales) – Surveillance : prémédication par corticoïdes et anti-H1 et surveillance car risque d’allergie. – Poso : 400 mg/m2 la 1ère semaine puis 250 mg/m2 ttes les s (ou 500 mg/m2 ttes les 2 s) Caractéristiques des principales molécules VECTIBIX (panitumumab) – Ac monoclonal, humain, anti-EGFR – Indication : cancer colorectal métastatique KRAS non muté en 1ère ligne avec un protocole FOLFOX, en 2éme ligne avec un protocole FOLFIRI, en monothérapie après échec des protocoles de chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, oxaliplatine et irinotécan – EI : réactions cutanées (rash, érythème, fissures, paronychies); diarrhée; hypoMg; hypoCa – Poso : 6 mg/kg ttes les 2s Conseils de prise en charge des EI des anti-EGFR (cetuximab,panitumumab) Xérose – – maintien bonne hydratation cutanée (ex : Dexeryl® crème 2 appl /j) antihistaminiques si prurit (ex :Clarityne® 1cp/j) Eruption acnéiforme – – Traitements préventifs : émollients, éviction solaire, écran total, toilette avec pain dermato. pas de CI concernant les crèmes teintées couvrantes Traitements curatifs Formes minimes : Dexeryl® crème 1 à 2 appl /j après la toilette Formes inflammatoires du tronc : Cutacnyl® gel 10% Formes intermédiaires :par ex : – Dexeryl® crème 1 application le soir – Tolexine ® Gé 100mg 1/j au milieu des repas pendant 1 mois puis 1 cpr à 50 mg / j renouvelable sur plusieurs mois. – Diprosone® crème 1 application le soir Conseils de prise en charge des EI des anti-EGFR (cetuximab,panitumumab) Périonyxis = « faux panaris » – Traitements préventifs : soins pédicures avant de débuter le traitement ne pas couper les ongles à ras dans les coins bonne hygiène, éviter les microtraumatismes – Traitements curatifs : antiseptiques (ex : Betadine® scrub 4% bain 1 fois par jour) si douloureux : antiseptiques + corticoïde local classe IV – Biseptine® spray 1 application par jour puis – Dermoval® crème une couche épaisse puis pansement occlusif si surinfection : avis dermatologique Spécificités de la prise en charge des cancers du rectum Radiochimiothérapie pré-opératoire (ou RT seule si CI à la chimio) RT préopératoire > RT postopératoire car meilleure compliance et plus faible toxicité RT préopératoire diminue de moitié la fréquence des récidives locales RT+chimio ↓ récidives locales à 5 ans / RT seule (8% vs 16%) proposée pour les tumeurs classées T3 ou T4 ou N+ au bilan pré-op Chirurgie : 4 à 8 semaines après la radiothérapie résection monobloc + exérèse du mésorectum intérêt de la conservation si possible de l’innervation génito-urinaire marge de sécurité > 2 cm (éventuellement à 1 cm pour T du bas rectum pour conservation sphinctérienne). CONCLUSION Augmentation ces dernières années de l’importance de la chimiothérapie et du nombre des molécules disponibles Chirurgie : seul traitement à visée curative Prise en charge de plus en plus complexe et multidisciplinaire discussion de 100% des dossiers en RCP Dépistage : seul moyen permettant de diminuer significativement la mortalité et l’incidence du cancer colorectal