Cinétique Chimique des Systèmes Hétérogènes 2005-06 Bernard Pieraggi 1 Notions élémentaires de cinétique hétérogène Introduction La cinétique des réactions chimiques qui se produisent au sein des systèmes chimiques hétérogènes présente des caractéristiques spécifiques. L'objet de ce cours est de préciser ces spécificités, d'en développer les conséquences et de proposer une méthodologie d'analyse des mécanismes et cinétiques des réaction hétérogènes. Le caractère hétérogène des systèmes considérés implique notamment que plusieurs des processus et étapes réactionnelles se déroulent au niveau des interfaces qui délimitent et séparent les diverses phases du système réactionnel. Le rôle et l'influence des étapes et processus interfaciaux sont des éléments fondamentaux de la cinétique hétérogène. Cette influence se traduit également par le rôle très important de la forme et de la taille des réactifs et produits de réaction qui déterminent l'étendue des zones interfaciales et leur éventuelle variation. Les applications industrielles de la cinétique hétérogène sont nombreuses et diverses. Les exemples suivants sont seulement destinées à illustrer, de façon non exhaustive, la variété des situations qui peuvent être rencontrées. 2005-06 Bernard Pieraggi 2 Notions élémentaires de cinétique hétérogène Exemple 1 : Fabrication des circuits intégrés La fabrication des circuits intégrés nécessite de très nombreuses opérations : nettoyage, dopage, gravage, oxydation, dépôts divers pour réaliser les architectures 3D des circuits actuels… La micrographie ci-dessous illustre deux opérations importantes : la formation des couches isolantes de SiO2 et le dépôt de Si polycristallin. Si polycristallin Dépôt CVD de Si polycristallin Ces deux opérations, ainsi que le dopage des substrats Si, résultent d'une combinaison, parfois très complexe, de processus et étapes réactionnelles entre phases gazeuse et solide. SiO2 amorphe Si monocristallin 2005-06 Oxydation du substrat Si Le contrôle de ces opérations exige une connaissance approfondie et précise des mécanismes et cinétiques des différentes étapes réactionnelles mises en œuvre. Dopage du substrat Si Bernard Pieraggi 3 Notions élémentaires de cinétique hétérogène Exemple 2 : Désulfuration des gaz de combustion Le soufre est présent dans de nombreux combustibles naturels, notamment le charbon et divers types de fuels lourds. Il se transforme, lors de la combustion en SO2, gaz polluant notamment responsable des pluies acides. Afin de limiter les impacts environnementaux des gaz de combustion, les législations actuelles imposent aujourd'hui l'emploi de combustibles et carburants désulfurés pour les usages privés (voiture, chauffage…). Gaz de combustion (CO2, H2O, SO2…) (CO2,H2O) Le coût des combustibles désulfurés ne permet pas de les utiliser dans les centrales thermiques de production d'énergie. Il est alors nécessaire de "désulfurer" les gaz de combustion. L'un des procédés actuellement employé utilise le lavage de ces gaz de combustion par une solution aqueuse de CaCl2, la formation et la précipitation de gypse (CaSO4.6H2O) permet d'éliminer le SO2 présent. Dans un tel procédé, il y a donc transfert de matière entre la phase gazeuse et la phase liquide. En outre, la formation de la phase solide (CaSO4.6H2O) implique une étape germination qui peut jouer un rôle important sur la cinétique de formation et croissance des précipités de (CaSO4.6H2O). 2005-06 Bernard Pieraggi 4 Notions élémentaires de cinétique hétérogène Exemple 3 : Prise des ciments hydrauliques Les processus physico-chimiques qui interviennent lors de la fabrication et de l'utilisation des matériaux de construction usuels tels que ciment, plâtre et chaux font intervenir des processus hétérogènes souvent très complexes. Ainsi, le mécanisme de durcissement du ciment (prise du ciment) fait intervenir des réactions chimiques complexes. Les ciments usuels (ciment Portland) contiennent, selon les propriétés recherchées, des proportions variables de silicate tricalcique 3CaO.SiO2 ou C3S par abréviation, de silicate dicalcique C2S, d'aluminate tricalcique, 3CaO.Al2O3 ou C3A, d'aluminate monocalcique CaO.Al2O3 ou CA et de ferro-aluminate 4CaO.Al2O3.Fe2O3 ou C4AF. L'hydratation de ces constituants conduit à la formation de silicates, d'aluminates et de chaux hydraté qui se recombinent et se lient en conférant sa résistance au ciment. Par exemple, l'aluminate monocalcique CA est impliqué dans les réactions suivantes où tous les constituants, hormis ceux indiqués comme solides, sont en phase liquide: CaO.Al2O3(solide) + 4H2O = Ca2+ + 2[Al(OH)4]Ca2+ + 2[Al(OH)4]- + 6H2O = Ca[Al(OH)4][Al(OH)6].6H2O(solide) 2[Al(OH)4]- = 2Al(OH)3 + 2(OH)2[Al(OH)4]- + Ca2+ + 2(OH)- + 3H2O = Ca2[Al(OH)4][Al(OH)6].3H2O(solide) Ces réactions déterminent la résistance des ciments alumineux lors des premières stades de la prise. 2005-06 Bernard Pieraggi 5 Notions élémentaires de cinétique hétérogène Ouvrages traitant de cinétique hétérogène - Bernard Delmon, Introduction à la Cinétique Hétérogène, Editions Technip, Paris, 1969 - Pierre Barret, Cinétique Hétérogène, Gauthier-Villars Editeur, Paris, 1973 - Michel Soustelle, Modélisation Macroscopique des transformations physicochimiques, Masson, Paris, 1990 - Hermann Schmalzried, Chemical Kinetics of Solids, WeinHeim, VCH, 1995 - Gérard Scachhi, Michel Bouchy, Jean-François Foucaut, Orfan Zahraa, Cinétique et Catalyse, Techniques et Documentation, Paris, 1996 - Andrew K. Galwey, Michael E. Brown, Thermal Decomposition of Ionic Solids, Elsevier, Amsterdam, 1999 2005-06 Bernard Pieraggi 6 Plan du cours 1 – Spécificités de la cinétique hétérogène 2 – Adsorption et réactions solide-gaz 3 – Germination et transformations par germination-croissance 4 – Diffusion et transformations par réaction-diffusion 2005-06 Bernard Pieraggi 7 Spécificités de la cinétique hétérogène 1 Thermodynamique et cinétique chimique 2 Cinétique chimique des systèmes homogènes 3 Cinétique chimique des systèmes hétérogènes 4 Notion de zone réactionnelle 5 Principes fondamentaux de la cinétique chimique macroscopique 6 Avancement, degré d'avancement et vitesse de réaction 7 Influence des conditions expérimentales 8 Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction 2005-06 Bernard Pieraggi 8 1 - Thermodynamique et Cinétique chimique Lors de la transformation d'un système l'amenant d'un état initial défini à un état final également défini, les variations des fonctions d'état sont indépendantes du chemin suivi lors de la transformation entre ces deux états. Ces variations sont donc également indépendantes de la séquence des étapes ou réaction chimiques choisies pour expliciter cette transformation. Thermodynamique : fonctions d'état indépendantes du temps Transformation Etat initial Etat final Réaction Cinétique chimique : évolutions variables en fonction du temps La cinétique d'une transformation et/ou réaction est déterminée par son mécanisme, c'est-à-dire par la succession d'étapes élémentaires permettant d'en décrire quantitativement l'évolution temporelle. Conséquence : le choix des équations-bilans traduisant les évolutions d'un système n'influe pas sur les résultats de l'analyse thermodynamique. En revanche, le résultat de l'analyse cinétique est déterminé par le choix les réactions élémentaires utilisé pour décrire le mécanisme réactionnel; ces réactions élémentaires ne doivent faire intervenir que des entités strictement élémentaires. 2005-06 Bernard Pieraggi 9 1 - Thermodynamique et Cinétique chimique Exemple de l'oxydation du carbone (graphite ou diamant) Aspect thermodynamique : l'oxydation du carbone peut conduire à la formation de CO et CO2. Deux réactions indépendantes suffisent pour rendre compte des évolutions d'un système constitué de C, O2, CO et CO2. C'est le cas des deux réactions suivantes : 1 C O2 CO 2 1 CO O2 CO2 2 Aspect cinétique : les deux réactions ci-dessus ne permettent pas de réaliser une analyse cinétique correcte car l'entité 1/2O2 n'est pas une entité élémentaire. De plus, ces réactions sont des réactions globales portant sur les seules entités stables présentes dans l'état initial et/ou final du système. Elles ne décrivent pas le mécanisme de la réaction entre le carbone et l'oxygène qui fait intervenir des entités intermédiaires, notamment des espèces adsorbées comme cela est fréquemment le cas pour les réactions solide-gaz. 2005-06 Bernard Pieraggi 10 2 - Cinétique chimique des systèmes homogènes - Cinétique chimique homogène Les caractéristiques essentielles de la cinétique homogène sont schématisées ci-dessous: En tout point du système : - une seule phase - mêmes réactions élémentaires - même mécanisme réactionnel Principaux mécanismes élémentaires : Collision Energie (kT et/ou hn) Dissociation + + Les vitesses de réaction sont fréquemment décrites par la théorie des vitesses absolues de réaction déduite du modèle du complexe activé. Les principes de la cinétique homogène classique s'appliquent essentiellement aux réactions ou séquences de réactions se produisant en phase gazeuse ou liquide. (cf. cours de cinétique chimique homogène) 2005-06 Bernard Pieraggi 11 2 - Cinétique chimique des systèmes homogènes - Cinétique chimique homogène en phase solide ? La réaction de décomposition thermique de du carbonate de calcium CaCO3 en chaux CaO et et gaz carbonique CO2 est apparemment une réaction très simple : CaCO3 CaO CO2 Mais, la transformation de CaCO3 se traduit en fait par un changement de phases. Le calcaire, CaCO3 et la chaux, CaO forment, en effet, deux phases solides aisément discernables et séparables. Ainsi, deux phases solides différentes et une phase gazeuse sont toujours présentes dans le système en cours de transformation. Par ailleurs, le gaz CO2 formé à l'interface CaCO3/CaO doit pouvoir se dégager librement pour que la réaction progresse. La chaux CaO doit donc former un solide poreux ou pulvérulent permettant la circulation de CO2, ce qui est effectivement le cas car la transformation s'accompagne d'une réduction de volume. CO2 CaCO3 CaO 2005-06 Les transformations d'une phase solide en une ou plusieurs autres phases solides sont très communes en cinétique hétérogène. Les réactions affectant une phase solide sans en induire la transformation sont, au contraire, rares. Les réactions chimiques au sein d'un système solide homogène, donc constitué d'une unique phase solide, sont peu nombreuses. Bernard Pieraggi 12 2 - Cinétique chimique des systèmes homogènes La régularité de l'arrangement cristallin peut être perturbée par des défauts cristallins. Ces défauts ont une grande influence sur plusieurs des propriétés physico-chimiques des solides cristallins. Diverses catégories de défauts peuvent être distinguées selon leur géométrie et leur étendue. Les plus simples sont les défauts strictement localisés sur les positions et sites normaux de la structure cristallographique; il peut s'agir de position normalement occupées par un atome, un ion ou une molécule ou bien de sites susceptibles d'accueillir un atome, ion ou molécule en insertion. Ils sont dénommés "défauts ponctuels". Ces défauts ponctuels ont une grande influence sur la réactivité des solides et le transport de matière en phase solide. Ces défauts ponctuels étant strictement localisés sur les positions et sites normaux de la maille cristalline, leur présence ne modifie pas la structure cristallographique du cristal défectueux. Ainsi, les réactions de formation des défauts ponctuels et la migration de ces défauts sont des réactions élémentaires en phase solide qui n'induisent aucun changement de phases et peuvent être donc traitées à l'aide du formalisme usuel de la cinétique homogène. Description sommaire des défauts ponctuels et de leur notation 2005-06 Bernard Pieraggi Défauts ponctuels Notation de Kröger-Vink 13 2 - Cinétique chimique des systèmes homogènes Exemple : Formation de défaut de Frenkel dans le composé ionique MX. Quelle que soit la nature du solide considéré, un défaut de Frenkel est l'association d'une lacune et d'un interstitiel. La formation de ces défauts ne modifie pas la stœchiométrie des composés chimiques. En outre, dans le cas des composés ioniques, la neutralité électrique n'est pas affectée. La formation de ces défauts résulte, en règle générale, de l'agitation thermique. Les entités les moins volumineuses peuvent passer de leur position normale à une position interstitielle, conduisant ainsi à la formation simultanée d'une lacune et d'un interstitiel. Cristal + défaut de Frenkel Cristal parfait X- M+ X- M+ Agitation thermique Lacune cationique 2005-06 Bernard Pieraggi Cation interstitiel 14 2 - Cinétique chimique des systèmes homogènes Ce processus peut être décrit par une réaction chimique élémentaire. Ainsi, la réaction suivante traduit l'équilibre de formation des défauts de Frenkel du composé ionique MX lacune cationique Equilibre de formation des défauts de Frenkel ' 0 VM Mi cristal parfait cation interstitiel La loi d'action de masse peut être appliquée aux équilibres de formation des défauts ponctuels. Les concentrations des défauts ponctuels étant généralement très faibles, leur activité peut être assimilée à leur fraction molaire. Lois d'action de masse appliquée à l'équilibre de formation des défauts de Frenkel Fractions molaires en lacunes et interstitiels dans un solide en équilibre 2005-06 Enthalpie libre de formation des défauts de Frenkel g xV x M KF exp f F M i kBT Bernard Pieraggi Constante de Boltzmann 15 3 - Cinétique chimique des systèmes hétérogènes Les différents exemples de l'introduction montrent que la caractéristique essentielle de la cinétique hétérogène est, outre les réactions susceptibles de se produire au sein des phases en présence, la prise en compte de réactions entre les phases en présence, au niveau des surfaces de contact de ces phases, dénommées interface ou interphase. Les réactifs et produits de réaction consommés ou formés au niveau de ces interfaces doivent, en outre, pouvoir atteindre ou quitter ces zones de réaction. Enfin, ces réactions peuvent conduire à la formation d'une ou plusieurs nouvelles phases, fréquemment solides. HETEROGENE PLUSIEURS PHASES INTERFACES OU INTERPHASES Réactions dans et/ou entre les phases 2005-06 Bernard Pieraggi 16 3 - Cinétique chimique des systèmes hétérogènes Ainsi, l'analyse cinétique des réactions et transformations se produisant dans un système hétérogènes devra, en général, prendre en compte un ensemble de processus spécifiques tels que: Transfert de matière entre phases : réactions interfaciales localisées aux zones de contact des phases réagissantes Transport de matière au sein des phases réagissantes : diffusion Formation de nouvelles phases : germination L'intervention simultanée de réactions interfaciales et de diffusion des réactifs ou produits de réaction correspond au processus de réaction-diffusion ou diffusion réactive. Les contraintes thermodynamiques spécifiques à la formation d'une nouvelle phase conduisent au processus spécifique de germination. Les germes de nouvelle phase croissent ensuite en faisant intervenir des réactions interfaciales et, éventuellement la diffusion des réactifs. Cette combinaison germination-réaction-diffusion correspond au processus de germination-croissance. 2005-06 Bernard Pieraggi 17 3 – Cinétique Chimique des systèmes hétérogènes Les spécificités de la cinétique hétérogène découlent donc de la présence de plusieurs phases dans le système réactionnel et de la localisation, au niveau des interfaces, des réactions entre les phases en présence: Réactifs Produits de réaction phases différentes Localisation géométrique des réactions Conséquences: - Les phases dont les constituants participent aux réactions/transformation sont nécessairement en contact. - La création d'une nouvelle phase implique généralement une étape de germination. - Une ou plusieurs étapes réactionnelles au moins sont localisées sur les interfaces ou interphases. - L'une au moins des étapes réactionnelles interfaciales doit assurer le transfert de matière entre les phases en contact. - La mobilité ou les obstacles à la mobilité des interfaces sont des paramètres importants qui doivent pris en compte dans l'analyse cinétique. - Les processus de transport de matière vers les interfaces ou à partir des interfaces sont des étapes du mécanisme réactionnel. - La morphologie, la distribution et la taille des réactifs ou des produits de réaction auront une influence sur le déroulement et la vitesse apparente des réactions. 2005-06 Bernard Pieraggi 18 3- Cinétique Chimique des systèmes hétérogènes Exemple 1 : Réaction d'Acheson SiO2 C SiC CO2 Réactifs pulvérulents Pas d'obstacle au dégagement de CO2 au sein du système réactionnel. SiC Réactifs massifs et polis appliqués l'un sur l'autre SiO2 C CO2 peut seulement se dégager à la périphérie des réactifs. La cinétique de la réaction varie en fonction de l'étendue des zones de contact des phases solides, C et SiO2, avec la phase gazeuse. Elle dépend donc de la géométrie des réactifs et des chemins permettant le dégagement du CO2 produit par la réaction. 2005-06 Bernard Pieraggi 19 3 – Cinétique Chimique des systèmes hétérogènes Exemple 2 : Réaction d'oxydation des métaux et de réduction des oxydes Les réactions d'oxydation d'un métal pur ou de réduction d'un oxyde sont apparemment de simples réactions opposées. Cependant, ces deux schémas montrent que les processus réactionnels sont très différents. Les cinétiques de croissance de la couche d'oxyde MOn ne fourniront donc aucune indication sur la cinétique de réduction de cet oxyde. PO POeq oxyde 2 2 2M nO2 2MOn métal cations 2 PO POeq 2 métal oxyde anions oxygène POeq : pression partielle d'oxygène à l'équilibre M/MOn 2 Oxydation du métal : selon les défauts ponctuels prédominants, l'oxyde se forme à l'interface oxyde/métal ou à l'interface oxyde/gaz. Le métal est toujours consommé à l'interface oxyde/métal. Réduction de l'oxyde : la transformation se produit nécessairement à l'interface métal/oxyde et s'accompagne de la consommation de l'oxyde. Remarque : Les volumes molaires équivalent du métal et de l'oxyde sont généralement inégaux (vM<vMOn). Cette différence de volume induit des contraintes mécaniques susceptibles de modifier les cinétiques globales d'oxydation ou de réduction. 2005-06 Bernard Pieraggi 20 4-Notion de zone réactionnelle Exemple : oxydation d'un métal L'oxydation d'un métal pur par l'oxygène est une bonne illustration de la diversité des réactions et processus associés à la formation et la croissance d'une couche d'oxyde séparant le métal oxydable et son environnement oxydable. Lorsque les conditions (T et PO2) sont telles que la germination de l'oxyde est rapide, son influence sur le processus global étant alors négligeable, il faut tenir compte: - du transport de l'oxygène dans la phase gazeuse; le flux d'oxygène atteignant l'interface O2/MOn dépendra de la pression partielle d'oxygène, de la température, de la géométrie du réacteur… - des réactions se produisant aux interface O2/MOn et MOn/M et traduisant les transformation de O2 en O2- et M en Mn+ (n=2n), - du transport des ions O2- et Mn+ dans la couche d'oxyde. Transport en phase gazeuse O2 Transport en phase solide Métal M Oxyde MOn Interface O2/MOn L'aire des interfaces varie lorsque la réaction progresse. L'amplitude de la variation dépend de la différence des volumes molaires vM et vMOn et du déplacement de l'interface métal-oxyde.) Interface Mon/M Les interfaces oxyde/gaz et métal/oxyde sont les surfaces de contact entre les réactifs et les produits de réaction. Elles sont le siège des réactions entre les phases en contact. 2005-06 Bernard Pieraggi 21 4-Notion de zone réactionnelle La croissance de la couche d'oxyde MOn résulte donc de la combinaison de processus de transport au sein de différentes phases et de réactions localisées au sein de certaines phases ou des interfaces séparant deux phases. La modélisation cinétique de l'évolution d'un tel système doit donc considérer l'ensemble de ces processus, leur localisation et les éventuelles variations de taille des diverses zones considérées. La notion de Zone Réactionnelle ou ZR introduite par M. Soustelle facilite beaucoup la prise en compte de ces divers éléments dans la modélisation cinétique des systèmes hétérogènes. Michel SOUSTELLE, Modélisation Macroscopique des transformations physico-chimiques, Masson, Paris, 1990 2005-06 Bernard Pieraggi 22 4 - Notion de zone réactionnelle Zone réactionnelle (ZR) : région de l'espace où se produit une ou plusieurs étapes du mécanisme réactionnel. Les ZR sont caractérisées par leur dimension géométrique (en général 2D ou 3D) et le nombre de phases impliquées dans les processus qui s'y produisent. Transport de matière au sein d'une phase : ZR3D1 ou ZR2D1 Transfert de matière (réaction) à l'interface entre deux phases : ZR2D2 ou ZR1D3 Exemple: oxydation du métal M Interface oxyde/oxygène (ZR2D2) Transport en phase solide Interface métal/oxyde (ZR2D2) Métal M(ZR3D1) Oxyde Mon (ZR3D1) O2(ZR3D1) La première étape de la modélisation cinétique doit être la détermination des diverses ZR, de leur dimension et du nombre de phases impliquées Remarque : Toute comparaison de l'évolution de systèmes semblables doit tenir de la géométrie et de la taille des ZR. 2005-06 Bernard Pieraggi 23 4 - Notion de zone réactionnelle Exemple: Fabrication de la chaux CO2 CaCO3 (ZR3D1) (ZR2D2) CaO Les ZR3D1 d'un tel système réactionnel sont faciles à distinguer. Cependant, seules les zones correspondant à la phase gazeuse et à la phase CaO sont des zones de transport. Aucune réaction n'affecte la zone constituée de CaCO3. Toutes les réactions impliquant cette phase se produisent dans la ZR2D2 correspondant à l'interface CaCO3/CaO. Exemple: Réaction d'Acheson CO2 C SiC SiO2 (ZR2D2) 2005-06 Le système réactionnel est ici limité à deux grains adjacents de C et SiO2 qui réagissent en formant le carbure SiC. Le transport de matière est limitée à la phase gazeuse. C'est donc la seule ZR3D1 de transport à considérer. L'évolution du système dépendra des réactions se produisant dans les deux ZR2D2 correspondant aux interfaces C/SiC et SiO2/SiC. Il est alors évident que la taille et la forme initiales des grains de SiO2 et C auront une influence sur l'aire de ces ZR et, en conséquence, sur la vitesse globale de réaction. Bernard Pieraggi 24 5 - Principes fondamentaux de la cinétique chimique macroscopique Réactions élémentaires et vitesse de réaction Molécularité Molécularité R d'une réaction = somme des coefficients stœchiométriques arithmétiques des réactifs. Les coefficients stœchiométriques arithmétiques sont des entiers positifs et premiers entre eux. A B produits de réaction R Réaction élémentaire thermique Une réaction élémentaire thermique est une réaction : se produisant dans une seule ZR, dont les ordres partiels sont égaux aux coefficients stœchiométriques arithmétiques des réactifs, la vitesse de réaction est donc de la forme: v k aA aB aA et aB sont les activités des réactifs A et B au sein de la zone réactionnelle, dont la variation de la constante de vitesse k en fonction de la température obéit à la loi d'Arrhenius : Q k k0 exp( ) RT 2005-06 Bernard Pieraggi 25 5 - Principes fondamentaux de la cinétique chimique macroscopique Modélisation des transformations des systèmes hétérogènes La première étape de l'analyse des transformations d'un système hétérogène doit viser à distinguer les principaux processus susceptibles d'intervenir: Réactions élémentaires Processus de diffusion Processus de germination Identification des variables Il est ensuite nécessaire d'identifier les différentes variables et leur influence sur la vitesse de réaction: Variables classiques : T, Ptotale, Ppartielles, V, composition Autres variables : - Conditions statiques ou dynamiques - Etat de dispersion des réactifs et produits de réaction solides - Etat de surface des réactifs et produits de réaction solides -… Détermination du mécanisme d'une transformation La détermination du mécanisme réactionnel s'effectue par étape : Identifier les différentes étapes élémentaires Définir les ZR, les étapes élémentaires et processus de diffusion qui s'y déroulent. Déterminer la façon dont les diverses étapes de réaction et de diffusion se combinent pour conduire à la transformation. Les variations de vitesse observées expérimentalement doivent alors être en accord avec l'expression de la vitesse déduite du mécanisme . 2005-06 Bernard Pieraggi 26 5 - Principes fondamentaux de la cinétique chimique macroscopique Etapes élémentaires en série et en parallèle Exemple : Réactions élémentaires pour le dépôt CVD du silicium par pyrolyse du silane SiH4 R1 SiH4( gaz ) 2( s ) ( s SiH3 ) ( s H ) R2 ( s SiH3 ) ( s ) ( s SiH2 ) ( s H ) R3 ( s SiH2 ) ( s ) ( s SiH ) ( s H ) R5 2( s H ) H2( gaz ) 2( s ) R4 (s-) représente un site d'adsorption (R-s) : espèce R adsorbée ( s SiH ) Si( sol ) ( s H ) R1 R2 R3 R4 2R5 SiH4( gaz ) Si( sol ) 2H2( gaz ) - Etapes en série : étapes élémentaires successives telles qu'une espèce intermédiaire donnée soit seulement impliqué dans une étape de formation et une étape de consommation. Par rapport aux constituants contenant du Si, les réactions R1, R2, R3 et R4 sont en série - Etapes parallèles : étapes élémentaires telles qu'un même constituant soit impliqué dans plusieurs étapes élémentaires. Par rapport aux constituants contenant de l'hydrogène, les réactions R1, R2, R3, R4 sont en parallèle. 2005-06 Bernard Pieraggi 27 5 - Principes fondamentaux de la cinétique chimique macroscopique Equivalent électrique : vitesse de réaction et flux de réaction jouent le même rôle que l'intensité de courant dans une résistance - Etapes en série : les étapes élémentaires en série se déroulent toutes à la même vitesse vSi v1 v2 v3 v 4 - Etapes en parallèles : les vitesses des étapes élémentaires en parallèle s'additionnent. La production de (s-H) est telle que: vH v1 v2 v3 v 4 4vSi La réaction v5 est en série avec les réactions R1, R2, R3 et R4 La réaction globale implique effectivement que: vH2 2vSi 2005-06 Bernard Pieraggi 28 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse absolue de réaction La vitesse absolue de réaction d'un système donné est définie à partir de l'avancement des réactions qui permettent d'en exprimer l'évolution. Les réactions à considérer sont définies à partir de l'analyse thermodynamique des évolutions possibles. Cette analyse permet notamment de déterminer le nombre de réactions indépendantes à considérer. Remarque: ces réactions indépendantes sont toujours des réactions globales. Elles peuvent toujours être décomposées en un ensemble de réactions élémentaires faisant intervenir des intermédiaires réactionnels n'apparaissant pas dans ces réactions globales. Cas d'une réaction isolée Lorsque une seule réaction indépendante permet de définir les évolutions d'un système, cette réaction est dite "isolée": 1A1 i Ai 1A1 j Aj n k Ak 0 k Les coefficients i et 'i sont les coefficients stœchiométriques arithmétiques, ils sont toujours positifs. Les coefficients ni sont les coefficients stœchiométriques algébriques, ils sont positifs pour les produits de réactions et négatifs pour les réactifs. Les variations élémentaires des nombre de moles dni des réactifs ou produits de réaction i sont liées et proportionnelles à l'avancement de cette réaction isolée: dn1 n1 dn2 n2 dni ni d L'avancement est représenté par un nombre sans dimension. C'est la grandeur extensive conjuguée de l'affinité de la réaction. 2005-06 Bernard Pieraggi 29 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse absolue de réaction Vitesse absolue de réaction va (s-1) Pour une réaction isolée, La vitesse absolue de réaction est égale à la vitesse de variation de l'avancement de cette réaction: d 1 dni va dt ni dt Cette vitesse s'exprime en s-1. Les vitesses de consommation des réactifs ou de formation des produits de réaction (exprimées en nombre de moles par unité de temps) se déduisent directement de la vitesse absolue de réaction: dni d ni va ni dt dt Vitesses spécifiques Les vitesses de consommation d'un réactifs ou de formation d'un produit de réaction sont fréquemment déterminées par rapport à une grandeur extensive telle que la masse totale du système, le volume ou la surface de la ZR au sein de laquelle se déroule la réaction… Ces vitesses sont des vitesses spécifiques qui seront alors dites massique, volumique ou surfacique selon la grandeur extensive de référence. Vitesse spécifique = vitesse par unité de grandeur extensive (masse, volume, surface…) caractéristique de la ZR considérée. 2005-06 Bernard Pieraggi 30 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Exemple : vitesse spécifique volumique vV vV v 1 dni ni a V dt V La vitesse vV sera alors exprimé en mol.cm-3.s-1. En introduisant les concentrations volumiques Ci dans l'une des phases du système: dC i d ni 1 dni ni dV 1 dni Ci dV 2 dt dt V V dt V dt V dt V dt Ci = concentration du réactif ou produit i dans la phase du système réactif V = volume de la phase considérée 1 dni dC i Ci dV vV V dt dt V dt Attention : Dans le cas d'un système réactif hétérogène, les grandeurs extensives telles que le volume ou la surface ne sont généralement pas constantes. La définition de grandeurs spécifiques volumiques ou surfaciques relatives aux quantités des réactifs et/ou produits de réaction présents dans une phase ou sur une surface interphase n'est donc pas toujours commode, utile ou même possible. 2005-06 Bernard Pieraggi 31 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Degré d'avancement La relation entre variation de l'avancement d'une réaction isolée et variation du nombre de moles d'un réactif ou d'un produit de réaction dépend du choix des coefficients stœchiométriques. Afin de s'affranchir de cette dépendance, il est commode d'utiliser les variations relatives de l'avancement. Pour simplifier, il est commode de considérer un système qui, dans son état initial, contient seulement les réactifs en proportions stœchiométriques. Soit nr(0) le nombre de moles d'un réactif r à t=0 et np(t) le nombre de moles d'un produit de réaction p à t>0. Par intégration à partir de la définition de l'avancement, il vient: nr ( t ) nr ( 0 ) nr ( 0 ) nr ( t ) np ( t ) t>0 nr r r p Les réactifs étant initialement en proportions stœchiométriques, les rapports nr ( 0 ) sont r tous égaux et la valeur de ces rapports représente la valeur maximale max de l'avancement lorsque la réaction est complète après consommation de la totalité des réactifs. De même, n (t ) pour les produits de réaction p, les rapports p sont également tous égaux. Le nombre de moles np() de p est égal à maxp lorsque lapréaction est complète. Il est facile d'en déduire que: max 2005-06 1 nr ( t ) max r np ( t ) max p Bernard Pieraggi 1 nr ( t ) np ( t ) nr ( 0 ) np ( ) 32 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction La valeur relative de l'avancement par rapport à sa valeur maximale max définit le degré d'avancement de la réaction. La valeur de est toujours comprise entre 0 et 1, elle est indépendante du choix initial des coefficients stœchiométriques. : degré d'avancement 0 1 max 1 0 max nr ( t ) np ( t ) nr ( 0 ) np ( ) Réactif limitant Lorsque, dans l'état initial, seuls les réactifs sont présent dans le système réactionnel, mais en proportions quelconques différentes des proportions stœchiométriques, un ou plusieurs réactifs pourront être entièrement consommés alors que d'autres demeureront présents en excès. Les réactifs entièrement consommés sont les réactifs limitants. Ils correspondent à la plus faible valeur du rapport nr ( 0 ) r Dans ce cas, le degré d'avancement sera déterminé à partir des produits de réaction ou de la consommation des réactifs limitants. 2005-06 Bernard Pieraggi 33 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Cette situation est fréquemment rencontrée. Cela est notamment le cas des réactions solide-gaz lorsqu'une quantité limitée d'une ou plusieurs phases solides réagit avec un gaz alimentant en continu le système réactionnel (réacteur). Il est également fréquent que l'état initial du système réactif corresponde à un mélange de réactifs et produits de réaction en proportions quelconques. Le degré d'avancement sera également déterminé à partir du ou des réactifs limitants. Dans ce cas, il est souvent commode de considérer comme état initial, un état fictif ne contenant aucun réactif limitant. Cet état fictif est calculé en considérant que la réaction qui doit se produire se produit dans le sens opposé jusqu'à "consommation" des produits de réaction initialement présents. L'avancement et le degré d'avancement pourront être définis à partir de l'état initial fictif ou de l'état initial réel. Les bornes de variation de l'avancement dépendent de ce choix. Elles modifie également les valeurs du degré d'avancement qui, en général, varie entre deux bornes comprises entre 0 et 1. Dans tous les cas : j d va dt n j ( 0 ) 2005-06 Choisir le constituant j (réactif ou produit de réaction) le mieux adapté aux mesures (facilité de mesure, précision…) Bernard Pieraggi 34 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Cas de plusieurs réactions simultanées Il est fréquent que les évolutions globales d'un système réactionnel ne puissent pas être décrites par une seule réaction. Il faut alors considérer: - plusieurs réactions simultanées et indépendantes entre les constituants d'une phase donnée donc localisée dans une ZR3D1 et les ZR2D1 et/ou ZR2D2 adjacentes. - qu'un même constituant Aj (réactif ou produit de réaction) d'une phase donnée, intervient dans plusieurs réactions. Ainsi, lorsque m réactions simultanées seront considérées, chacune des réaction sera caractérisée par son propre avancement, donc par sa propre vitesse absolue. Pour chaque réaction k et constituants j (réactifs ou produits de réaction): dk 1 dn jk vk dt n jk dt m dn j n jk dk k 1 Il est peu utile de définir le degré d'avancement de chaque réaction. Il vaut mieux définir un degré d'avancement global à partir du bilan global portant sur toutes les phases, toutes les ZR et toutes les réactions qui s'y déroulent. Les nombreux de moles de réactifs ou produits de réaction déduits de ce bilan global permettront de calculer le degré d'avancement global à l'aide des expressions développées pour une réaction isolée. 2005-06 Bernard Pieraggi 1 nr ( t ) np ( t ) nr ( 0 ) np ( ) 35 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Exemple: réaction carbone-oxygène (oxydation du carbone) L'oxydation du carbone en CO et CO2 exige de prendre en compte deux réactions globales simultanées, par exemple: ( R 1) 2C O2 2CO ( R 2) C O2 CO2 La vitesse de consommation du carbone sera donc: ( 1) dnC( 2 ) d1 dnC dnC d 2 2 v a( 1 ) 2v a( 2 ) dt dt dt dt dt Le degré d'avancement global pourra être facilement déterminé à partir du nombre total de moles de carbone à l'instant t et à l'instant initial : 1 nC ( t ) nC ( 0 ) Il suffira pour cela de mesurer la variation de masse de la phase solide en fonction temps. Les mesures thermogravimétriques à l'aide d'une thermobalance sont précises faciles en mettre en oeuvre. Elles seront suffisantes pour une analyse cinétique simple. revanche, la détermination du mécanisme réactionnel demandera très vraisemblablement couple ces mesures thermogravimétriques avec une analyse des gaz formés afin déterminer l'importance relative des deux réactions considérées. 2005-06 Bernard Pieraggi du et En de de 36 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Relation entre avancement, degré d'avancement et variations de masse Il est souvent facile de mesurer en continu, à T et P constantes, les variations de masse des phases solides présentes dans un système réactionnel quelconque. Cela est notamment le cas des réactions solide-gaz en système ouvert. L'analyse cinétique de ces réactions nécessite souvent de relier les variations de masse ainsi mesurées à l'avancement et/ou au degré d'avancement de la réaction. Exemple : oxydation du Cr 4Cr(s) +3O2(g) 2Cr2O3(s) nCr ( t ) nCr2O3 ( t ) 1 nCr ( 0 ) nCr O ( ) Cr = réactif limitant 2 3 dnCr ( t ) dnCr2O3 ( t ) d nCr ( 0 ) nCr O ( ) 2 3 Les masses ou nombres de moles repérés (0), (t) ou () représentent respectivement les valeurs initiales, au temps t et après réaction complète. L'indice s se réfère aux espèces présentent dans la ou les phases solides. Grandeurs connues et mesurées : mCr(O) et m(t) t 0 ms ( 0 ) mCr ( 0 ) t 0 ms ( t ) mCr ( t ) mCr O ( t ) 2 3 m( t ) ms ( t ) ms ( 0 ) mOs mOs : masse d'oxygène fixé sous forme de Cr2O3 2005-06 Bernard Pieraggi 37 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction De la réaction: 4Cr(s) +3O2(g) 2Cr2O3(s), il est déduit que: dnCr O dnO dnCr 2 3 2 d 4 3 2 dnCr O 2 3 dnOs 3 nCr O ( ) 2 3 dmOs 3MO dm( t ) 3MO nCr ( 0 ) mCr ( 0 ) 2 2MCr d 1 dm( t ) dt 6MO dt m( t ) 6MO MCr dm( t ) d 2 dt 3MO mCr ( 0 ) dt 2MCr m( t ) 3MO mCr ( 0 ) Ce raisonnement est généralisable à toute les transformations d'un système réactif s'accompagnant d'une variation de masse et pouvant être décrites par une réaction isolée. Il sera alors souvent commode d'analyser les cinétiques de ces transformations par thermogravimétrie, notamment à l'aide d'une thermobalance. Thermogravimétrie 2005-06 Bernard Pieraggi 38 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Lorsque les transformations doivent être décrites à l'aide de plusieurs réactions indépendantes, les mesures thermogravimétriques ne suffisent pas à déterminer précisément les transformations de tel système. Exemple : Oxydation du sulfure de nickel Ni3S2 NiS2 NiS NiO SO2 Ni2S3(s) + O2(g) 3 réactions indépendantes (R1) Ni3S2(s) + O2(g) NiS2(s) + 2NiO(s) (R2) NiS2(s) + O2(g) NiS(s) + SO2 (g) (R3) 2NiS(s) + 2O2(g) 2NiO +SO2(g) Les avancements des trois réactions sont indépendant: ( dnNiO )1 3S2 2 2 2 d2 ( dnNiS )2 ( dnO )2 ( dnNiS )2 ( dnSO )2 d1 ( dnNi )1 ( dnO )1 ( dnNiS )1 2 d3 2005-06 2 2 ( dnO )2 ( dnNiO )2 ( dnNiS )3 2 ( dnSO )3 2 2 2 2 Bernard Pieraggi 39 6 - Avancement, degré d'avancement, vitesse de réaction Les variations de masse induites par chacune des trois réactions sont aussi indépendantes: m dm1 2MO d1 dm2 MS d2 mtotal dm3 2( MS MO ) d3 T= 255 °C PO2 = 0,1 bar dm dmi i Des analyses complémentaires sont nécessaires, pour déterminer les variations de composition du système réactionnel en fonction du temps. mNi3S2 Le réactif limitant est le sulfure Ni3S2. Il est donc possible de définir un degré d'avancement global apparent: m( t ) m ( ) Cependant, la variation m() doit être mNiS2 déterminée à partir de la réaction traduisant la transformation totale de 5 10 Ni3S2 en NiO qui n'est pas représentative de l'évolution réelle du système: 2Ni3S2 + 7O2 = 6NiO + 4SO2 2005-06 Bernard Pieraggi mNiS mNiO 15 t (heure) 40 7 - Influence des conditions expérimentales Le rôle majeur de la localisation géométrique des réactions et des processus de transport de matière a déjà été souligné et constitue l'une des spécificités essentielles de la cinétique hétérogène. Le but de cette partie est seulement d'illustrer ce rôle en mettant en évidence, à partir d'exemples simples, l'importance des conditions expérimentales sur la vitesse des transformations considérées. Le terme "condition expérimentale" regroupe ici toutes les variables susceptibles d'avoir une influence sur la vitesse apparente des processus considérés. Cela concerne aussi bien la géométrie et la taille des réactifs que les conditions de température, pression… Exemple : dissolution du permanganate de potassium KMnO4 dans l'eau Le permanganate de potassium KMnO4 est très soluble dans l'eau, les solutions obtenues sont d'une intense couleur violette. Cependant, la vitesse de dissolution, à la température ambiante, d'un cristal de KMnO4 dans H2O dépend fortement des conditions opératoires. En effet, comme en cinétique homogène, la vitesse surfacique, exprimée en mol.m-2.s-1, de cette simple réaction de dissolution sera proportionnelle à l'écart à l'équilibre, ce qui peut s'écrire: vdiss k ( Csat C ( t )) Csat est la concentration de la solution saturée en KMnO4 et C(t) la concentration, au temps t, à l'interface cristal/solution. Ainsi, la vitesse de dissolution est nulle lorsque la solution est saturée en KMnO4 (C(t) = Csat, le cristal est en équilibre avec la solution) et maximale lorsque lorsque C(t) est nulle. 2005-06 Bernard Pieraggi 41 7 - Influence des conditions expérimentales Milieu dynamique en circulation Lorsque le cristal de KMnO4 est immergé dans de l'eau constamment renouvelée et circulant très rapidement, la concentration de la solution en contact avec le cristal est toujours nulle et la vitesse spécifique de dissolution demeure constante et égale à sa valeur maximale. Cette situation est schématisée ci-dessous. t1 > 0 t=0 H2O H2O H2O C (t ) 0 t2 > t1 H2O H2O H2O t Cependant, si la vitesse surfacique demeure constante, il est évident, cela sera détaillé ultérieurement, que la vitesse apparente de dissolution du cristal dépend de l'étendue de l'aire de contact entre le cristal et la solution. Or, cette aire diminue au fur et à mesure que le cristal se dissout. La vitesse de dissolution apparente décroît donc en fonction du temps, au cours de la dissolution. 2005-06 Bernard Pieraggi 42 7 - Influence des conditions expérimentales Milieu dynamique non renouvelé (agité) Lorsque le cristal de KMnO4 est initialement immergé dans de l'eau pure constamment agitée mais non renouvelée, la concentration de la solution en contact avec le cristal est constante en tout point mais évolue en fonction du temps. t1 > 0 t=0 t2 > t1 C(t) varie avec la concentration de la solution Cette situation, schématisée ci-dessous, est plus complexe que la situation précédente. En effet, la vitesse surfacique de dissolution décroît au cours du temps, au fur et à mesure que la solution s'enrichit en KMnO4. Mais, il faut aussi combiner cette variation de vitesse surfacique avec la variation de l'aire de contact cristal/solution. Naturellement, par rapport à la situation précédente, une même cristal de KMnO4 se dissoudra moins vite dans ces conditions de non renouvellement de la solution. 2005-06 Bernard Pieraggi 43 7 - Influence des conditions expérimentales Milieu statique (non agité) Lorsque le cristal de KMnO4 est immergé dans de l'eau pure non renouvelée et non agitée, la concentration locale au contact du cristal atteint rapidement la saturation et la vitesse surfacique est alors nulle. Cependant, le système étant statique, un gradient de concentration en KMnO4 dissous s'établit dans la solution qui n'est donc pas dans un état d'équilibre. Ce gradient de concentration, donc de potentiel chimique, est la force motrice du transport de matière dans la solution. Ce transport de matière tend à établir constamment une déséquilibre au niveau de l'interface cristal/solution, le cristal se dissout pour maintenir l'équilibre local au niveau de cet interface. Lorsque ces processus de transport sont suffisamment lents, la cinétique de dissolution n'est plus contrôlée par la réaction de dissolution mais par les processus de transport. t=0 t1 > 0 t2 > t1 Dans ce cas, la variation de l'aire de contact cristal/solution est, en général, négligeable. En revanche, la cinétique du processus de transport dépendra de l'étendue du système qui détermine les conditions aux limites. 2005-06 Bernard Pieraggi 44 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction Exemple : Sublimation d'un solide La sublimation est le passage de l'état solide à l'état vapeur. Cette transformation se produit nécessairement à la surface du solide, c'est-à-dire à l'interface solide/gaz. En outre, à température et pression constantes, dans un courant constamment renouvelé d'un gaz porteur quelconque, la vitesse de sublimation spécifique surfacique des solides est constante. La vitesse globale de sublimation est donc directement proportionnelle à l'aire totale d'interface solide/gaz et dépend donc de l'état de division du solide. La cinétique de cette transformation apparemment très simple peut être très aisément suivi à l'aide de mesures thermogravimétriques permettant de mesurer en continu la variation de masse de phase solide, comme cela est schématisé ci-dessous. Entrée du gaz porteur Sortie des gaz 2005-06 four Bernard Pieraggi Thermobalance Phase solide sublimable 45 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction Soit vS la vitesse spécifique surfacique de sublimation, exprimée en mol.m-2.s-1, et S l'aire totale, en m2, d'interface solide/gaz au temps t. La vitesse globale instantanée de sublimation, exprimée en mol.s-1, vaut donc: dn vS S dt Cette vitesse globale se relie aisément à la vitesse de perte de masse du solide mesurée à l'aide de la thermobalance. En effet, La variation du nombre n de moles de phase solide est proportionnelle à la variation de volume V de phase solide et à la variation de masse m de cette phase solide. dn 1 d V 1 d m dt W dt rW dt Dans cette expression de la vitesse globale, W est le volume molaire (m3.mol-1) de la phase solide considérée et r sa masse volumique (kg.m-3). Les mesures thermogravimétriques sont des mesures globales. La mesure de la vitesse de variation de masse permet de mesurer la vitesse globale de sublimation, mais cette mesure intègre également la variation de l'aire d'interface solide/gaz résultant de la sublimation. C'est là un problème fréquent et important de la cinétique hétérogène: déterminer la vitesse spécifique d'un processus à partir de mesures expérimentales effectuées dans des conditions où il n'est pas toujours possible de maintenir constante la variable extensive associée à la vitesse spécifique à déterminer. Dans le cas présent, il est bien évident qu'il sera difficile de mesurer la vitesse de sublimation en conservant la surface constante, d'autant plus que ces mesures sont souvent effectuées sur des échantillons pulvérulents. 2005-06 Bernard Pieraggi 46 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction Dans le cas d'un solide pulvérulent, la détermination de la vitesse spécifique surfacique sera possible lorsque la réaction impliquant ce solide est une réaction isotrope. Dans ce cas, la forme des grains de solide demeure homothétique à la forme initiale de ces grains. Ainsi, selon toutes les directions de l'espace, issues du barycentre d'un grain de poudre et en tous points de la surface de ce grain, le rapport entre la dimension au temps t et la dimension initiale demeure constant : r0 h( t ) rt G G : barycentre r0 : dimension initiale à t=0 rt : dimension à t>0 : facteur de forme S : surface externe du réactif rt r0 Cette conservation homothétique de la forme du solide se traduit par une propriété importante: les variations de volume et dimension sont reliées par la relation suivante: dV S dr est un facteur de forme, S l'aire de la surface externe du grain et r une dimension, selon une direction donnée. Il est facile de vérifier cette relation et de déterminer le facteur de forme correspondant à des formes simples (sphère, cube, plaquette…), 2005-06 Bernard Pieraggi 47 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction Cette relation permet de relier la vitesse globale instantanée et la vitesse spécifique surfacique aux variations de dimension de la phase solide: dn 1 dV dr vS S S dt W dt W dt Lorsque le facteur de forme est calculable, il devient possible de la vitesse de variation des dimensions de la phase solide et la vitesse spécifique surfacique : dr W vS k dt Lorsque les conditions expérimentales telles que T, P, concentration… demeurent constantes, la vitesse spécifique surfacique vS est également constante, comme le facteur de forme pour une réaction isotrope et le volume molaire W. La vitesse de variation dr/dt, est donc aussi constante, sa valeur absolue k est assimilable à une constante de vitesse. Cette propriété des réactions isotropes est à la base du modèle du noyau récessif (shrinking core model). Les dimensions caractéristiques des grains de solide varient donc linéairement en fonction du temps et il est possible de calculer le temps t correspondant à la réaction complète d'un grain de taille initiale r0 : r k t 0 r r0 ( 1 t ) k r0 2005-06 Bernard Pieraggi 48 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction Plusieurs méthodes expérimentales, telles que la thermogravimétrie, permettent de déterminer l'évolution du degré d'avancement en fonction du temps. C'est un moyen commode de déterminer expérimentalement les grandeurs cinétiques utiles sans chercher à établir précisément le mécanisme réactionnel. C'est la méthode de la cinétique formelle. Ainsi, dans le cas très simple de la sublimation d'un solide, le degré d'avancement peut s'exprimer à l'aide des différentes relations suivantes: 1 nS ( t ) V (t ) m ( t ) mS ( 0 ) mS ( t ) m( t ) 1 S 1 S nS ( 0 ) VS ( 0 ) mS ( 0 ) mS ( 0 ) mS ( 0 ) nS(t), VS(t), mS(t) = nombre de moles, volume et masse de solide au temps t nS( 0), VS( 0), mS( 0) = nombre initial de moles, volume et masse de solide à t = 0 m(t) = variation de masse mesurée au temps t La mesure expérimentale de la variation de masse m permet donc de déterminer la variation du degré d'avancement en fonction du temps dès que la masse initiale de solide est connue. Or, la relation: V (t ) 1 S VS ( 0 ) permettra d'expliciter les variations de taille des grains de phase solide dès lors que leur forme est connue et/ou qu'une hypothèse simplificatrice réaliste peut être appliquée. 2005-06 Bernard Pieraggi 49 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction Exemple : cas de grains sphériques de même rayon initial L'hypothèse simplificatrice de grains de forme sphérique de même dimension permet de relier directement le degré d'avancement et le rayon des grains de phase solide 3 r V (t ) 1 1 V0 r0 Dans ce cas, la cinétique ne dépend pas de la masse de solide initiale, les cinétiques déterminées à partir d'un seul grain ou d'un nombre quelconque de grains sont identiques. En tenant compte de la variation de r en fonction du temps : k r r0 ( 1 t ) r0 La relation entre et r peut se mettre sous la forme: f ( ) 1 1 1 3 k t r0 Il suffira donc de calculer la pente de la droite traduisant les variations de la transformée f() en fonction du temps pour déterminer k/r0, donc k lorsque la granulométrie du solide a été déterminée. L'hypothèse de grains de même taille sera valide lorsque la granulométrie du solide pulvérulent sera caractérisée par une distribution monomodale simple et bien centrée, ce qui permettra de définir une dimension moyenne représentative. 2005-06 Bernard Pieraggi 50 8 - Influence de la géométrie des réactifs et/ou produits de réaction La vitesse absolue peut-être relié à la vitesse d/dt (diapo 28). Cette vitesse peut être déterminée à partir des relations précédentes: d k k k 3 ( 1 t )2 3 ( 1 )2 3 dt r0 r0 r0 La vitesse apparente de réaction d/dt dépend de la taille initiale des réactifs L'influence de la taille des réactifs sur les vitesses apparentes de réaction est une spécificité importante de la cinétique hétérogène qui doit toujours être considérée, particulièrement dans le cas de réactifs pulvérulent. Cas de grains discoïdaux de rayon initial r0 et d'épaisseur e0 << r0 Considérons la même phase solide sous forme de grains discoïdaux de faible épaisseur et soumis aux mêmes conditions expérimentales de sublimation. Le degré d'avancement s'exprime maintenant par: er 2 V (t ) 1 e 1 1 e r 2 V0 e0 00 d k e k 1 t , d'où: Lréaction étant isotrope: dt e0 e0 e0 La vitesse apparente de réaction d/dt dépend de la forme des réactifs 2005-06 Bernard Pieraggi 51 Thermogravimétrie Technique fréquemment utilisée afin de déterminer les cinétiques des réactions solidegaz, des réactions de décomposition, de pyrolyse, de dépôt, de corrosion…. Thermobalance symétrique de haute sensibilité (1µg) Thermobalance monoplateau classique) (sensibilité de 10-100 µg Convection et turbulence dans une balance monoplateau. 2005-06 Bernard Pieraggi 52 Défauts ponctuels dans les solides Définition: les défauts ponctuels sont des défauts localisés sur une position du réseau cristallin. Les deux principaux types de défauts ponctuels sont: - les lacunes qui correspondent à un site vacant du réseau alors qu'il devrait être occupé par une espèce chimique (atome, molécule ou ion) de la phase solide considérée. Les lacunes sont représentées par le symbole V (recommandation IUPAC), - les interstitiels qui correspondent à des espèces chimiques localisées sur des sites normalement non occupés du réseau cristallin. Solide cristallin Lacune (vacancy, V) Interstitiel (i) Défauts extrinsèques : impuretés en substitution ou insertion Défauts intrinsèques : lacunes ou interstitiels (ou autointerstitiels) 2005-06 Bernard Pieraggi 53 Notation de Kröger-Vink Les défauts ponctuels sont des espèces chimiques qui peuvent être impliquées dans des réactions et équilibres chimiques qui peuvent être traites comme tous les équilibres et réactions chimiques. Ils est donc nécessaire de disposer d'un mode de notation de ces espèces chimiques qui soient compatibles avec l'écriture usuelle des réactions et équilibres chimiques en permettant d'exprimer la conservation de la matière et la neutralité électrique. La notation actuellement recommandée par l'IUPAC est la notation de Kröger-Vink dans laquelle: - les lacunes sont représentées par le symbole V - les interstitiel par l'indice i En outre, dans le cas des composés ioniques, il est nécessaire de prendre en compte la conservation de la neutralité électrique du cristal considéré. La présence de défauts ponctuels implique alors la présence de défauts électroniques, trous positifs et électrons libres, qui seront responsables des propriétés de semi-conductibilité de ces composés. La charge des défauts ponctuels est exprimée par leur charge effective : charge effective = charge du site dans le cristal réel - charge du site dans le cristal parfait Les charges effectives sont représentées par des symboles différents des signes + et - : charge effective positive : point . charge effective négative : virgule , charge effective nulle (neutre) : x 2005-06 Bernard Pieraggi h trou positif e électron libre 54 Notation de Kröger-Vink La notation de Kröger-Vink permet de rendre compte à la fois de l'occupation réelle des sites, de leur occupation normales et de leur charge effective. Il est donc relativement facile d'exprimer les conditions de conservation à l'aide de cette notation. Cette notation est de la forme: Soq . La signification de cette notation est explicitée cidessous: charge effective Soq Occupant effectif du site Exemple : Oxyde NiO x NiNi x CoNi " VNi ' ou VNi 2 2005-06 Nii 2 Exemple : Oxyde ZrO2 , OOx LiNi . CrNi . occupant du site dans le cristal parfait Cri 3 . Lii . Bernard Pieraggi . SOx ClO VO ou VO2 . Oi 2 .. , NO , Ni 3 , Cli , 55