La ou les mémoire(s) et les troubles d’apprentissage Une approche neuropsychologique M. Habib & B. Joly-Pottuz CHU de Marseille L’amygdala : La « rencontre des souvenirs et du désir » L’hippocampe: Former des souvenirs (et les consolider) Le striatum (ganglions de la base) Mémoire « procédurale » Le cervelet : automatisation et apprentissage Anatomie de la mémoire Le système central : circuit de Papez et amygdala Noyaux septaux fornix Formation hippocampique Basal forebrain Tubercule mamillaire Cavités ventriculaires Noyau amygdalien La mémoire des événements Mémoire épisodique L’hippocampe s’active lorsqu’on demande à une personne de se rappeler des souvenirs épisodiques personnels Il s’active seulement du côté droit lorsque la personne doit se rappeler un parcours ou évoquer un chemin familier Habib & Sirigu, 1987 « Pure topographical disorientation » Aguirre et al., 1998 : Imagerie fonctionnelle du cerveau lors de l’apprentissage d’un espace virtuel Présentation des 24 figures géométriques 1. Robert a une grande famille, une femme et quatre enfants. 2. La femme de Robert souhaite changer de voiture 3. Robert est heureux ; c’était son rêve depuis longtemps 4. Avoir une voiture rouge, avec un grand coffre 5. Un matin Robert se lève tôt, pour aller chez un garagiste 6. Un garagiste qui est aussi un ami d’enfance 7. Robert doit attendre un peu, car il y a beaucoup de clients 8. Le garagiste est bavard et aujourd’hui malheureux. 9. En effet il n’a plus de voiture a vendre. 10. Mais Robert remarque dans un coin une voiture rouge 11. Le garagiste lui explique qu’il a oublié cette voiture. 12. Tout simplement parce qu’elle tombe toujours en panne Présentation de la figure géométrique complexe Apprentissage de la liste de 12 mots Drapeau /jardin /église /carnet /sirop /peinture /ampoule /farine /mouche/ volcan /rasoir /bouton Rappel 1 : score /12 Rappel 2 : score /12 Rappel 3 : score /12 Note : moyenne des 2 meilleurs essais (le plus souvent R2 + R3/2) RAPPELS DIFFERES …. RECONNAISSANCE La ou les mémoire(s) : modèle d’Atkinson et Shiffrin (1968) Mémoire à court terme (quelques secondes) Mémoire sensorielle (qques millisecondes) Mémoire à long terme (depuis qques secondes jusqu’à toute la vie) Apprentissage d’une liste : effet de récence et de primauté Mémoires : des modules séparables Mémoire sensorielle (iconique, échoïque Mémoire à court terme (verbale, non verbale) Mémoire à long terme déclarative épisodique sémantique Non déclarative implicite Condition -nement procédurale Conceptions plus récente : La Mémoire de Travail « Travailler avec sa mémoire » Modèle de Baddeley (1986, 1992) • • • système de capacité limitée destiné au maintien temporaire et à la manipulation de l’information pendant la réalisation de tâches cognitives diverses (compréhension, raisonnement, résolution de problèmes…) • comprend un administrateur central amodal, de capacité limitée • aidé de systèmes « esclaves » responsables du maintien temporaire de l’information : - la boucle phonologique - le registre visuo-spatial La ou les mémoire(s) : Modèle de Baddeley (1986, 1992) Boucle Phonologique • La Mémoire de Travail « Travailler avec sa mémoire » Administrateur Central Calepin visuo-spatial Système Mnésique Stockage sensoriel Auditif Visuel MDT Calepin Administrateur Boucle visuo-spatial Central phonologique Mémoire épisodique MLT Mémoire sémantique Mémoire procédurale (schémas, routines…) La mémoire du passé immédiat Mémoire à court terme Boucle articulatoire Mémoire croquis visuo-spatiale Processeur central La mémoire de travail et ses 3 composantes Le système phonologique dans le cerveau lobe pariétal inférieur : mémoire phonologique à court terme Aire de Broca: - programmation articulatoire - traitement syntaxique - récapitulation phonologique cortex temporal postérieur: discrimination phonétique M F C H delay D L F MEMORY M F Paulesu et al., 1996 C H B L no delay RHYME Rhymes with “D”? CONTROLS DYSLEXICS RHYME MEMORY Etude des composantes de la mémoire de travail phonologique (Paulesu et al., 1996) Zones plus fortement activées dans la condition spatiale Zones plus fortement activées dans la condition d’identification Mémoire à court terme non verbale (d'après Ungerleider, 1996) La boucle phonologique • stockage temporaire de l’information verbale • contient : - Un stock phonologique : réception directe de l’information verbale, stockée sous forme phonologique; maintien de brève durée (1.5 à 2 sec) - Un processus de récapitulation articulatoire (réintroduction de l’information dans le stock phonologique) : système d’autorépétition mentale permettant de retenir, rafraîchir l’information Le système de la boucle phonologique Entrée Entrée Auditive Visuelle Analyse phonologique stock phonologique à court terme Boucle de récapitulation articulatoire Code Visuel Recodage phonologique Effet de similarité phonologique • L’empan (rappel sériel immédiat) de mots ou lettres qui se ressemblent au plan phonologique est moins bon que le rappel de mots ou lettres qui diffèrent phonologiquement. • le stock phonologique se fonde essentiellement sur un code phonologique • plus la similarité entre items est grande, plus il est difficile de les distinguer et de les récupérer L’effet de similarité phonologique est un indice du fonctionnement normal du stock phonologique Effet de longueur • le rappel sériel immédiat de mots est inversement relié à leur durée de prononciation • effet sous la dépendance du processus de récapitulation articulatoire • les mots longs prennent plus de temps pour être récapitulés que les mots courts • ce qui permet à la trace mnésique des mots précédents de s’effacer avant que ces mots puissent être réintroduits dans le stock phonologique (via la récapitulation articulatoire) L’existence d’un effet de longueur atteste du bon fonctionnement de la récapitulation articulatoire Effet de suppression articulatoire • la répétition itérative d’un son non pertinent « bla-bla-bla-bla-bla-bla……. » durant une tâche de rappel sériel immédiat altère la performance Le registre visuo-spatial • responsable du stockage à court terme de l’information visuo-spatiale • • manipulation des images mentales comprend une composante spatiale et une composante visuelle (Logie, 1986) L’ Administrateur Central • système attentionnel de contrôle • sélection des stratégies cognitives • coordination des informations de sources différentes • Planification et contrôle (procédures de gestion) La mémoire à long terme Existence de sous-systèmes, indépendance fonctionnelle Modèle de Tulving (1972, 1983) : 3 systèmes • mémoire épisodique (incluant la mémoire autobiographique) : rétention des événements récents ou plus anciens en les reliant aux événements passés, expériences personnelles du sujet (de nature subjective et contextuelle) • Mémoire sémantique - répertoire des connaissances acquises de nature langagière, à un niveau tant phonologique que lexical ou conceptuel - contenu abstrait et rationnel - le rappel s’effectue à partir des codes lexical et grammatico-syntaxique de la langue - évocation des caractéristiques associatives et fonctionnelles des mots • Mémoire procédurale - requise quand le sujet doit exécuter un geste complexe lors d’une activité qui fait appel à des habiletés perceptivo-motrices et cognitives (faire du vélo, nager…) L’encodage, la consolidation et la récupération sont également évalués comme des fonctions indépendantes : Encodage : processus actif qui transforme les éléments d’information en traces mnésiques selon leurs caractéristiques (apprentissage incidentel et intentionnel) Consolidation : processus par lequel une trace mnésique est maintenue et passe de la MCT à la MLT Récupération : processus par lequel l’information contenue en MLT retourne en MCT pour devenir directement accessible Le développement de la mémoire chez l’enfant • Piaget & Inhelder (1973) - Développement des habiletés motrices et perceptives précédant la fonction mnésique - Apparition de la mémoire au début du stade préopératoire, après 2 ans // capacité du jeune enfant à nommer un objet en son absence - cette acquisition nouvelle résulterait du passage de la mémoire procédurale à la mémoire sémantique (pensée symbolique) • Olson et Strauss (1984) Il existe des formes de catégorisation dès l’âge de 6 mois • Gathercole (1998) - MDT : système phonologique présent dès 2-3 ans (unité de stockage) - Boucle articulatoire : stratégie utilisée pas avant 7 ans Effacement rapide de l’information auditive Sensibilité aux effets de familiarité & de longueur entre les mots Banane Téléphone Balançoire - Chat, Clef Chapeau, château, cadeau ???? + Enfants présentant des troubles du langage • Efficience du système phonologique < capacités de compréhension & niveau d’intelligence non verbale • testés sur leur capacité de répétition phonologique de non mots, des enfants de 8 ans présentent un retard de 4 ans. Excellent marqueur de la dysphasie • dès 7 ans, mise en place progressive de la boucle articulatoire, qui servira de + en + à encoder du matériel non entendu • ce matériel profite d’un double encodage : phono + visuo-spatial Maximisation de l’empan • Maturation des fonctions pré-frontales d’autorégulation (préado et adolescence) Utilisation maximale de l’administrateur central Apprentissage à gérer le double traitement phonologique et visuospatial Enfant capable de : • contrôler ses actions • planifier ses comportements en fonction du but visé • utiliser à bon escient toutes les stratégies de mémorisation pour mener à bien la tâche La trace mnésique Comment sont stockés et organisés les souvenirs Diverses modifications synaptiques liées à l’apprentissage Témoin habituation à long terme sensibilisation à long terme L’aplysie : animal « vedette » de la mémoire Potentialisation à long terme (PLT) dans l’hippocampe : un train de stimulations rapprochées(tétanisation) entraîne une modification durable de l’activité électrique dans le circuit Fibres perforantes médiales Fibres perforantes latérales Gyrus dentatus Cellules hippocampiques 30 60 90 120 « Rêver un souvenir » Rêve « projeté » dans le cortex frontal L’hippocampe rejoue le film des événements de la journée Les aires visuelles passent en revue ce qui a été vu pendant la journée Pendant le sommeil onirique, le cerveau rejoue les expériences récentes pour les imprimer plus profondément dans la mémoire Mémoire et lobes frontaux • Indexation temporelle des souvenirs • Évaluation de la réalité et fausses reconnaissances • Qualité de l’encodage • Allocation de ressources attentionnelles • Rôle séparé des deux hémisphères Test d’alternance retardée delayed alternation task Encodage : Lobe frontal gauche Récupération : Lobe frontal droit Lobe frontal et mémoire des épisodes : le modèle HERA (hemispheric encoding/retrieval asymmetry : Tulving, 1994) aire classique du langage (processus instrumentaux) couleurs noms propres cortex préfrontal inférieur (syntaxe, grammaire accès aux verbes) éléments objets naturels aires de médiation (accès "catégorie-spécifique" aux mots) Mémoire sémantique : exemple de l’accès aux noms propres (1) Se lève tôt NŒUDS PROPOSITIONNELS UNITE DE RECONNAISSANCE Vend des gâteaux Cuit le pain Pétrit la pâte NŒUD LEXICAL SYSTEME PHONOLOGIQUE (directement activé par unités propositionnelles) SYLLABES ger Bou lan Noms propres : nœuds propositionnels et lexicaux ne sont plus connectés Adore le bordeaux NŒUDS PROPOSITIONNELS UNITE DE RECONNAISSANCE Parle six langues Fan de football Moine défroqué Jules Boulanger (individu) Anne Boulanger (individu) Boulanger (nom) Jules NŒUDS LEXICAUX Anne SYSTEME PHONOLOGIQUE SYLLABES Bou lan ger La mémoire des procédures et des automatismes Mémoire procédurale (naïf) (entraîné) (nouvelle) Génération de verbes à partir d’une liste de noms communs (Posner) Striatum ventr.Thalamus ny rouge vermis antérieur Aires corrélées avec les performances dans l’apprentissage Accroissement d’activité avec le conditionnement Cortex cérébell gauche Vermis antérieur hippocampe Apprentissage d’une procédure visuo-motrice (Doyon & Ungerleider, 2002) Le cervelet participe à l’apprentissage de la séquence (session 1) Les ganglions de la base (striatum) ne se mettent en jeu que lorsque le niveau de performance optimal a été atteint Le cervelet : un organe aux fonctions multiples et émergentes -motricité, coordination, posture -Modulateur des apprentissages procéduraux et des automatismes (sensorimoteurs et cognitifs) - Pace-maker des structures sus-jacentes? (Nicolson et al., 1999) Difference in activation between 6 dyslexics and 6 controls during learning of a motor sequence of the fingers: underactivation of the right cerebellum Table 1. Performance data --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Training group (SEM) Control group (SEM) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------1st 2nd 1st 2nd measurement measurement measurement measurement ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------IQ 98.00 (3.50) 93.00 (4.00) Words/correct* 23.79 (0.97) 29.38 (0.56) 23.34 (1.22) 26.78 (0.96) Speed; s/word 5.85 (0.77) 2.34 (0.29) 5.60 (0.53) 3.37 (0.45) Spelling 6.71 (0.54) 8.96 (0.35) 7.54 (0.52) 9.33 (0.22) Rem. 1st phon. 6.42 (0.52) 8.87 (0.26) 6.21 (0.51) 8.08 (0.48) Comp. test 21.71 (1.10) 27.75 (0.52) 21.04 (1.02) 24.96 (0.70) Hit % 89.33 (4.17) 92.50 (2.50) 80.83 (8.83) 88.33 (5.57 FA % 23.67 (12.17) 11.17 (7.33) 23.00 (6.50) 20.00 (11.00) RT (ms) 690.00 (59.00) 583.00 (59.00) 801.00 (64.00) 779.00 (45.00) 40ms 10ms 40ms 750 Hz 500 Hz (90%) (10%) • Méthode : « Magnetic source imaging » • 8 enfants dyslexiques testés avant et après 8 semaines d’entraînement intensif phonologique et grapho-phoémique • Enregistrements de l’activité cérébrale pendant une tâche de jugement de rimes sur des non-mots écrits avt Apr. Merzenich et al., 1996; Tallal et al., Science, 1996 Etude comparative de deux méthodes adjuvantes • groupe G1 n = 12 =entraînement phonologique et visuel (V) – F = 6 et M = 6. – âges compris entre 7 ans 7 mois et 11 ans 3 mois • Groupe G2 n=10 = entraînement phonologique et articulatoire (A) – F = 4 et M = 6. – âges entre 7 ans 9 mois et 10 ans 11 mois • 6 semaines d’entraînement. Bilans avant, après et 7 mois après Box Plot Split By: Groupe 11 0 10 0 Units 90 80 V A 70 60 50 40 Bil an i niti al Bil an final Bil an Con trôle Conscience phonologique : amélioration significative des deux groupes Box Plot Split By: Groupe 80 Units 10 0 60 V 40 A 20 0 -20 Dictée Bi Dictée Bf Dictée Co ntrôl e Dictée : amélioration significative des deux groupes Box Plot Split By: Groupe 13 0 12 0 11 5 Units 12 5 11 0 V 10 5 A 10 0 95 90 85 80 Al ou Bi moi s Al ou Bf moi s Al ou Ct mois Lecture : amélioration très significative du groupe visuel à 7 mois Potentiels Evoqués moyens enregistrés sur l’électrode au vertex au cours de la perception du stimulus /fi/ (de durée moyenne 50-60 ms.) Batty et al., 2001 Dysl baseline Dysl post-training (phon) Dysl post-training (vis.) témoins 8 semaines entraînement phono, puis 8 semaines visuel Cz /fi/ 50-60 ms NEUROLOGY 2003;61:212–219 1/ & 3/ : fMRI 2/ « instructional treatment » 28 hour (2h/d over 14 days) : • linguistic awareness • alphabetic principle • Fluency • Reading comprehens. Phoneme mapping : controls>dyslexics initial scan Follow-up scan initial scan Follow-up scan Controls : follow-up<initial Dyslexics : follow-up>initial Morpheme mapping : controls>dyslexics initial scan Follow-up scan initial scan Follow-up scan Controls : follow-up<initial Dyslexics : follow-up>initial Hebb's synapse: if axon a fires when neuron B is being activated by c and d, then the connection between A and B will be increased "voicing" neurons Learning voiced/unvoiced contrast : segregation of relevant neuron clusters Left A1 neurons Integration of multiple auditory patterns (e.g. prosody) F0 Left A1 … spectral Audit assoc. cortex temporal Specialised assemblies Hebbian learning : some examples Temporally asymmetric learning (Hebb, 1949) = spike-based temporal difference •An input synapse to a given neuron that is activated slightly before the neuron fires is strengthened, whereas a synapse activated slightlyafter is weakened •This window of plasticity ranges from -40 to +40 msec •This mechanism would cause multiple neurons in the primary auditory cortex that fire nearly simultaneously to bind together Visual word form (BA37) Learning grapheme-phoneme conversion : the fundamental defect in dyslexia Learning numerical value of quantities : the fundamental defect in dyscalculia Hebbian learning : further speculations Conclusion : la synapse de Hebb comme explication de la dyslexie et des troubles apparentés • Explique à la fois les déficits auditifs et visuels de bas niveau et des déficit de niveau plus complexe, y compris des déficits multimodaux • Peut expliquer la coexistence de signes visuels et auditifs • A mené à des applications thérapeutiques (toutefois récentes et à confirmer) • Explique que les résultats soient différents selon la nature linguistique ou non des stimuli • Explique surtout la coexistence de déficits extra-linguistiques chez les dyslexiques (dyscalculie, dyspraxie…et même précocité intellectuelle) • est compatible avec les constatations d'anomalies morphologiques intra- et interhémisphériques