Organisation des Nations Unies pour
l’Education, la Science et la Culture
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Introduction
L’introduction de l’enseignement primaire gratuit (EPG) au
Kenya en 2003 a permis à 1,3 million d’enfants pauvres de
bénéficier de l’enseignement primaire pour la première fois grâce
à la suppression des frais de scolarité 1. Le taux brut de
scolarisation dans l’enseignement primaire est passé de 86,8% en
2002 à 101,5% en 20042.
Bien qu’ayant pour objectif de dynamiser l’enseignement
primaire, l’EPG a eu des conséquences dans d’autres domaines
de l’éducation, dont le développement de la petite enfance
(DPE)3. La présente note a pour objet d’examiner l’impact de
l’EPG sur le DPE au Kenya et d’exposer deux options majeures
susceptibles de minimiser un éventuel impact négatif4.
Quelle est la situation du DPE ?
Des études5ont été menées pour déterminer les effets de l’EPG
sur les centres de DPE6. Certaines font état d’effets négatifs et
d’autres d’absence d’effets négatifs majeurs. Bien que l’impact
global de la politique reste à déterminer, la Mission
UNESCO/OCDE d’examen de la politique de la petite enfance
qui s’est rendue au Kenya en septembre 2004 a observé que la
politique avait d’impact négatif sur les centres de DPE destinés
aux enfants pauvres.
Dans la Province du Nord-Est, l’une des plus défavorisées du
pays, par exemple, on a enregistré une forte diminution des
effectifs du DPE depuis la mise en œuvre de l’EPG. Cette baisse
paraît si forte et si générale qu’on craint sérieusement
l’ « effondrement » des services de DPE. Dans les régions mieux
loties, comme la Province de la Vallée du Rift et la ville de
Nairobi, on observe un recul des effectifs dans les centres publics
et communautaires de DPE, qui accueillent généralement les
enfants les plus pauvres, mais pas dans les centres privés, qui
accueillent des enfants de familles plus aisées.
1 Dans le cadre de l’EPG, les parents doivent continuer à prendre en
charge diverses autres dépenses en rapport avec la scolarité, comme
par exemple les uniformes, les repas, les frais d’examen de fin de 8e
année – dernière année du primaire (Free Primary Education : EVERY
Child in School, Ministère de l’éducation, de la science et de la
technologie (MOEST), 2003).
2 Education Statistical Booklet 1999-2004, MOEST, juin 2004.
3 DPE est l’expression générique utilisée au Kenya pour désigner la
protection et l’éducation de la petite enfance destinées aux enfants
âgés de 0 à 5ans.
4Le présent article est fondé sur les conclusions de l’examen des
politiques réalisé au Kenya dans le cadre du Projet UNESCO/OCDE
d’examen des politiques de la petite enfance. Pour des détails, voir :
Policy Review Report : Early Childhood Care and Education in Kenya.
Early Childhood and Family Policy Series N° 11 – 2005. UNESCO.
Prière de contacter l’UNESCO pour obtenir un exemplaire.
5 The Effects of Free Primary Education on the ECD Programme in
Kenya [Effets de l’enseignement primaire gratuit sur le programme de
DPE au Kenya], Kenya Institute of Education, 2004 ; Challenges of
Implementing FPE in Kenya [Les défis de la mise en œuvre de l’EPG
au Kenya], 2005, UNESCO.
6 Le taux brut de scolarisation du groupe d’âge 3-5 ans était de 44% en
2001. Source : Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2005, Editions
UNESCO.
La principale raison de ce phénomène est que depuis la mise en
œuvre de l’EPG, les parents des familles pauvres préfèrent retirer
leurs enfants des centres de DPE et/ou les garder à la maison
jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de l’entrée à l’école primaire.
Ils refusent de payer les frais de scolarité de DPE pour le motif
que le DPE devrait être gratuit comme l’enseignement primaire.
La diminution des effectifs a pour conséquence une baisse de la
rémunération des enseignants de DPE. Au Kenya, les salaires des
enseignants de DPE sont le plus souvent financés par les frais de
scolarité acquittés par les parents, contrairement à ceux de leurs
collègues des écoles primaires qui sont pris en charge par l’Etat
en fonction du barème officiel des traitements des enseignants.
Dans les centres de DPE, les sommes versées par les parents sont
proportionnelles au nombre d’enfants inscrits et elles servent
pour l’essentiel sinon en totalité à rémunérer les enseignants. Le
niveau de rémunération des enseignants dépend donc du nombre
total d’enfants inscrits ainsi que de l’aptitude des parents à
acquitter les montants mis à leur charge. En conséquence, la
réduction des effectifs de DPE entraînée par l’EPG a été un coup
dur pour les enseignants, dont la rémunération était déjà maigre
et instable avant l’entrée en application de l’EPG7. Les parents
étant de plus en plus réticents pour payer les services de DPE,
l’EPG a eu pour effet de rendre encore plus difficile la
mobilisation de ressources auprès des parents pour financer le
DPE. L’insécurité de l’emploi s’aggrave et de plus en plus de
centres de DPE sont fermés, en particulier dans les communautés
démunies.
L’EPG a aussi eu des conséquences imprévues pour le DPE sur
le plan de l’allocation des ressources. Les classes de DPE
installées dans les locaux des écoles primaires publiques8 ont été
fermées pour accueillir la foule de nouveaux inscrits résultant de
l’EPG. Dans certains cas, les élèves et les enseignants de DPE
doivent se contenter d’un espace réduit ; dans d’autres, ils ont été
relégués dans les locaux les moins accueillants. Au niveau des
districts, l’inspection et la supervision des centres de DPE, qui
sont en partie assurées par les inspecteurs scolaires de district,
sont semble-t-il devenues moins fréquentes. Ayant été chargés
par le gouvernement de suivre de près la mise en place de l’EPG,
les inspecteurs de district passent plus de temps à visiter les
écoles primaires, et il ne leur en reste guère pour s’occuper des
centres de DPE.
Options
Pour résoudre les principaux problèmes posés par l’EPG, on peut
envisager deux grandes options. La première consiste à offrir une
année gratuite d’enseignement préprimaire à tous les enfants âgés
de cinq ans – à savoir l’année qui précède l’entrée à l’école
7 Il a été constaté que les salaires mensuels des enseignants de DPE
étaient généralement inférieurs aux salaires minimums de base
recommandés par le Ministère du travail et du développement de la
main-d’œuvre (John T. Mukui et Jotham A. Mwaniki, décembre 1995,
Report of the Sample Survey of ECD Centres).
8 La plupart des centres de DPE créés dans les locaux d’écoles primaires
se trouvent dans les zones rurales (Mukui et Mwaniki, décembre
1995).
ISSN 1813-6184
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primaire – enseignée par des enseignants du secteur public (nous
l’appellerons l’option EPP). L’autre option consiste à permettre
aux centres de DPE de continuer à assurer le développement
continu, global, des enfants, en accordant de petites subventions
publiques aux enseignants de DPE travaillant dans les
communautés démunies, quels que soient les groupes d’âge dont
ils s’occupent (nous l’appellerons l’option DPE). On trouvera ci-
après une présentation impartiale des avantages et des
inconvénients de chaque option.
L’option EPP vise à faire en sorte que tous les enfants âgés de
cinq ans suivent au moins une année de préparation à
l’enseignement primaire. Considérée comme une stratégie visant
à résoudre le double problème de l’impréparation des enfants à
l’enseignement formel et du caractère inéquitable de l’accès aux
possibilités d’apprentissage précoce, cette option est
actuellement étudiée par les autorités nationales et elle a l’appui
de nombreux enseignants de DPE et parents.
Toutefois, certains font valoir que l’option EPP n’est pas réaliste
sur le plan financier, étant donné que depuis des années, le
Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie –
organe gouvernemental responsable du DPE – alloue moins de
1% de son budget total au DPE. Une autre préoccupation que
soulève cette option est qu’elle anticiperait très probablement
d’une année les effets de l’EPG sur le DPE, causant le
surpeuplement des classes de DPE destinées aux enfants de cinq
ans tout en vidant les classes destinées aux enfants plus jeunes.
Dans ce cas, les centres de DPE se mettraient à privilégier
l’enseignement préprimaire et se soucieraient moins de
construire les bases de l’apprentissage en veillant au
développement des aspects cognitifs, sociaux, affectifs et
physiques de l’enfant. De plus, comme cette option impliquerait
le financement public des enseignants de DPE s’occupant des
enfants de cinq ans, cela voudrait dire que ces enseignants
seraient absorbés dans le corps enseignant officiel, d’où une
division du personnel de DPE entre les enseignants s’occupant
des enfants de cinq ans et ceux s’occupant des plus jeunes. Cela
pourrait en conséquence dissuader les enseignants d’enseigner
aux enfants de moins de cinq ans et accroîtrait le risque de
fermeture des classes destinées aux enfants les plus jeunes.
Quant à l’autre option, l’option DPE, elle est conçue pour aider
les enseignants du DPE travaillant dans les communautés
défavorisées en leur offrant des subventions publiques minimales
et en mobilisant les parents et les communautés pour qu’ils
consentent à verser le complément de salaire des enseignants.
Ceux qui préconisent cette option font valoir d’abord qu’elle
profiterait essentiellement aux communautés démunies. En
second lieu, et c’est peut-être encore plus important, elle ne
causerait pas de fracture systémique entre le DPE pour les
enfants de cinq ans et le DPE pour les enfants plus jeunes, mais
contribuerait à préserver les centres de DPE en tant que garants
d’un développement continu, global, des enfants. En fait, assurer
le développement global des enfants – au lieu de leur dispenser
un enseignement primaire précoce – est le meilleur moyen de
préparer les enfants à une scolarisation réussie. Les enfants ont
de meilleurs résultats à l’école quand ils ont eu des possibilités
de se développer sur les plans social, affectif, physique et
cognitif dans leur petite enfance. Les partisans de l’option DPE
pourraient aussi faire valoir que des compétences d’apprentissage
spécifiques comme la lecture, l’écriture et l’arithmétique sont
plus faciles à acquérir par la suite, à l’école, lorsque les enfants
accèdent à la maturité appropriée pour s’attaquer aux tâches
abstraites. Les enfants du préscolaire n’apprennent pas dans
l’abstrait mais par l’expérience du concret.
L’option DPE suscite des préoccupations quant à sa faisabilité
financière, encore que les fonds requis seraient moindres que
dans le cas de l’option EPP. Un autre inconvénient de l’option
DPE est qu’il serait difficile, sur le plan administratif, d’identifier
les enseignants de DPE ayant droit aux subventions publiques
proposées et d’acheminer ces subventions de manière appropriée.
D’autre part, la question de savoir si les enseignants de DPE
ayant droit à ces subventions publiques devraient être absorbés
dans le corps enseignant resterait posée. Un autre facteur à
prendre en compte est que l’option DPE serait beaucoup moins
séduisante que l’option EPP pour les parents, dont beaucoup
considèrent que la fonction première des centres de DPE est de
familiariser les enfants avec l’alphabet et les chiffres et se
contenteraient parfaitement de la fourniture d’une année gratuite
de services de DPE.
Conclusion
Il appartient au gouvernement de décider quelle option il juge
préférable, et cette décision devrait être fondée sur les besoins
spécifiques du pays. Il ne devrait pas y avoir de choix juste ou de
choix erroné. Dans semblable situation, cependant, les pays
tendent à se prononcer en faveur de l’option EPP ou d’une
variante de celle-ci, en tant que stratégie destinée à améliorer la
préparation des enfants à la scolarité et aussi à accroître les
ressources gouvernementales.
Une telle décision ne doit pas être critiquée ; elle pourrait du
reste constituer un choix stratégique, si des efforts sont consentis
pour faire en sorte que sa pédagogie soit conçue et mise en
pratique afin de promouvoir le développement global des
enfants. Le choix devrait aussi être acceptable si le
gouvernement définit un plan graduel pour les groupes d’âge
plus jeunes, indiquant des repères à atteindre pour chacun des
autres groupes d’âge du DPE. La planification par étapes et la
fixation de priorités sont souvent le seul choix disponible
lorsqu’un idéal se heurte à la contrainte de la réalité. Elles
devraient être acceptées comme des stratégies viables aussi
longtemps qu’elles garantissent le développement global des
enfants placés au premier rang des priorités.
Yoshie Kaga
Spécialiste adjointe du programme
Section de la petite enfance et de l’éducation intégratrice
Division de l’éducation de base
UNESCO, Paris
*****************
Pour d’autres numéros de cette série, veuillez cliquer sur :
http://www.unesco.org/education/earlychildhood/brief
Pour adresser vos commentaires et demandes de renseignements,
veuillez contacter la Section de la petite enfance et de l’éducation
intégratrice,UNESCO
7, place de Fontenoy, 75352 PARIS 07 SP, France
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