LES OCCLUSIONS INTESTINALES CHEZ L’ADULTE INTÉRET DE LA TOMODENSITOMÉTRIE K. LEBBAR, D. BASSOU, M. DRISSI, T. AMIL, M. BENAMEUR Les occlusions intestinales sont fréquentes. Les tableaux cliniques complets sont inconstants. Le scanner haute résolution constitue actuellement l’examen de première intention, il permet le diagnostic positif, topographique et étiologique et évalue le degré de souffrance intestinale. GÉNÉRALITÉS Les occlusions intestinales représentent 10 % des douleurs abdominales de l’adulte, les occlusions grêles sont 3 à 4 fois plus fréquentes que les occlusions coliques. L’occlusion mécanique peut être d’origine endoluminale, pariétale ou exoluminale. L’ o c clusion fonctionnelle re l è ve d’une altération de la motricité intestinale d’origine locale ou générale (2, 3, 6). SUMMARY CLINIQUE Adult intestinal occlusion. Interest of CT scan. Les tableaux cliniques complets de l’occlusion intestinale sont inconstants, ils associent typiquement la triade fonctionnelle : - Les douleurs abdominales localisées ou diffuses, sévères, elles doivent faire évoquer une occlusion par strangulation, - Les vomissements sont d’autant plus fréquents et précoces que l’obstacle est proximal, - L’ a rrêt des mat i è res et des gaz surtout net dans les occlusions coliques (3, 6). RESUME Intestinal occlusions are frequent. Complete clinical p i c t u re is inconstant. CT scan high resolution is a method of first intention. It allows to positive topographic and etiologic diagnosis. It also estimates the degree of intestinal suffering. INTRODUCTION Urgence chirurgicale abdominale, I’occlusion intestinale se définit comme un arrêt complet et permanent du transit dans un segment intestinal. L’approche diagnostic de l’occlusion intestinale a été profondément modifiée par l’utilisation en urgence de l’imagerie en coupe, en particulier du scanner haute résolution, seule technique permettant de répondre en totalité aux questions clés énoncées par M O N D O R (5) en 1943, à savoir : - Est-ce une occlusion ? - Est-ce une occlusion mécanique ou fonctionnelle ? - Quel est son siège, quelle est la nature des lésions causales ? - Y-a-t-il strangulation ? - Faut-il opérer ou un traitement médical est suffisant ? La radiologie conventionnelle, limitée aux clichés d’abdomen urgents, complétée au besoin par les opacifications digestives ne peut répondre aux questions posées. TOMODENSITOMETRIE (TDM) Le succès rapidement croissant du scanner dans l’exploration des douleurs abdominales aiguës chirurgicales, en général et de l’occlusion en particulier, témoigne de la qualité de cette inve s t i gation lorsqu’elle est corre c t e m e n t conduite. Il présente des avantages majeurs : - Il assure une exploration complète de la cavité abdomino-pelvienne en un temps re c o rd, permettant une attitude thérapeutique rapide, - Il fo u rnit des images parfaitement analy s ables sans caractère opérateur dépendant ou interprétation subjective, - Particulièrement utile dans les tableaux cliniques atypiques. S e rvi ce de ra d i o l ogie (Pr M. BENAMEUR) - Hôpital Milit aire d’Instruction Mohammed V. Rabat. Médecine du Maghreb 2001 n°87 K. LEBBAR, D. BASSOU, M. DRISSI, T. AMIL, M. BENAMEUR 22 TECHNIQUE L’examen sera réalisé sur un patient hémodynamiquement stable. Le scanogramme en décubitus est le premier temps d’examen (Fig. 1), il remplace le cliché d’abdomen sans préparation (ASP) en décubitus. Si la clinique ou les examens préalables (ASP, échographie) n’ont pas permis une orientation précise, un premier débrouillage sera réalisé par des coupes épaisses de 10 mm incrémentées (tous les 15 à 20 mm) du diaphragme à la symphyse pubienne pour repérer les zones suspectes. Toute opacification ou insufflation digestive doit être proscrite. Puis on réalise un deuxième passage en coupes de 5 mm jointives sur le niveau lésionnel avec injection de 2 ml/kg de produit de contraste iodé en injection monophasique à 2 à 3 ml/s ou mieux en injection biphasique de 50 ml à 5 ml/s puis 70 à 100 ml à un débit de 1 à 2 ml/s. devant la mise en évidence d’une distension localisée ou plus diffuse d’un segment digestif, avec la présence d’anses dilatées à plus de 25 mm de diamètre pour la grêle (Fig. 2), et de 50 mm pour le côlon (Fig. 3), ceci est associé à des anses digestives collabées ou d’apparence normale (3, 5). Figure 2 : Anses grêliques dilatées, associées à des anses collabées Figure 1 : Scanogramme : iléus paralytique au cours d’une pancréatite aiguë Figure 3 : Occlusion colique ; distension supérieure à 5 cm du côlon L’acquisition hélicoïdale permet une exploration rapide de la cavité pelvi-abdominale avec un rehaussement optimal des structures vasculaires artérielles ce qui sensibilise la mise en évidence d’une ischémie segmentaire éventuelle (5). RESULTATS L’interprétation du scanner devrait suivre le schéma suivant : La première étape : le diagnostic positif Le diagnostic positif d’une occlusion intestinale est posé Médecine du Maghreb 2001 n°87 La deuxième étape : le diagnostic topographique Il repose sur l’analyse précise de l’état de distension des s egments digestifs identifi ables, à titre d’exemple : un cæcum plat correspond à un obstacle sur le grêle, un côlon gauche plat traduit un obstacle angulaire gauche ou plus en amont, des anses grêles distales juxta-cæcales plates, il s’agit d’une occlusion grêle haute. A l’issue de cette première approche, on saura alors s’il s’agit d’un obstacle colique ou d’une occlusion du grêle. LES OCCLUSIONS INTESTINALES… La troisième étape : le diagnostic étiologique Le scanner devra identifier avec précision la zone transitionnelle. Dans le cadre du diagnostic étiologique, l’étude des orifices herniaires (régions inguino-crurales et trous obturateurs) et incisionnels (incision de mini-laparotomie...) est systématique. 23 . La hernie externe au scanner se traduit par une anse intestinale incarcérée dans un orifice herniaire (Fig. 5). Figure 5 : Occlusion du grêle sur hernie ombilicale. Noter le kyste rénal simple • Les occlusions du grêle Les occlusions sur brides et adhérences péritonéales sont les plus fréquentes. Le diagnostic est évoqué devant un patient déjà laparotomisé et il se caractérise en TDM par un aspect de transition brutale du calibre des anses sans obstacle visible (Fig. 4). Figure 4 : Occlusion du grêle, la zone de transition entre anses dilatées en sus lésionnel et anses plates est nette, occlusion sur bride. A noter le clip chirurgical - L’ i nvagi n ation intestinale se traduit par une masse tissulaire correspondant à l’anse invaginée accompagnée d’une image en croissant excentrée de densité graisseuse correspondant au mésentère. Le corps de l’invagination se présente sous forme de multiples anneaux concentriques hypo ou hyperdenses (Fig. 6). Le scanner permet parfois l’identification de la lésion causale comme la densité graisseuse d’un lipome. Figure 6 : Invagination intestinale, boudin d’invagination Les adhérences multiples sont évoquées devant des distensions multiples de courts segments du grêle, des adhérences des structures abdomino-mésentériques au plan profond de la paroi abdominale donnant un aspect suspendu des anses à la paroi (1, 3). En TDM le diagnostic étiologique de certaines occlusions du grêle est pathognomonique : . L’iléus biliaire avec pneumobilie, le scanner permettant de localiser avec précision le ou éventuellement les calculs au niveau de l’intestin et d’optimiser la taille de la laparotomie en la réduisant au minimum nécessaire pour extérioriser le calcul par entérotomie. Médecine du Maghreb 2001 n°87 K. LEBBAR, D. BASSOU, M. DRISSI, T. AMIL, M. BENAMEUR 24 • Les occlusions coliques Elles touchent le plus souvent des patients âgés de plus de 60 ans et le sigmoïde est le site le plus fréquent. . 70 % sont dus aux cancers, au scanner, il est de la plus haute importance d’étudier les angles coliques et le sigmoïde en coupes de 5 mm. Le diagnostic est fait devant une sténose courte avec épaississement pariétal tissulaire sans remaniement majeur de la graisse péricolique. . Les occlusions sur sigmoïdite diverticulaire (Fig. 7), 7 % des occlusions (3), au scanner le diagnostic est évoqué devant une infiltration inflammatoire péricolique importante associée ou non à la présence de diverticules. Figure 7 : Occlusion colique, secondaire à une diverticulite sigmoïdienne Il est parfois difficile de distinguer au scanner sténose tumorale infectée et diverticulite pseudo-tumorale, celle-ci sera évoquée devant une sténose étendue en longueur et des remaniements péri-coliques importants, le contrôle fibroscopique à distance fera la différence. Les volvulus touchent essentiellement le sigmoïde, l’ASP permet le diagnostic dans la majorité des cas. Le scanner permet l’analyse de la vitalité du segment volvulé. • Les occlusions fonctionnelles (Fig. 1) Quand l’ASP est concordant avec le tableau clinique, le scanner est indiqué en cas de difficultés diagnostiques et t h é rapeutiques que peut poser la lésion re s p o n s able de l’occlusion réflexe (pancréatite aiguë, collection suppurée péritonéale ou rétro-péritonéale ). Médecine du Maghreb 2001 n°87 Quand l’ASP est discordant ne permettant pas d’éliminer une occlusion organique, le scanner est alors indiqué et permettra de confirmer une occlusion fonctionnelle particulière : La colectasie aiguë idiopathique ou syndrome d’Ogilvie, certains iléus fonctionnels avec dilatation segmentaire des anses grêles et du côlon, la distension ga s t rique aiguë réflexe. La quatrième étape : le diagnostic de gravité La recherche de signes de gravité est essentielle pour la prise en charge et le pronostic. Le scanner est le meilleur examen pour prédire de la souffrance intestinale. L’occlusion aiguë du grêle devient un diagnostic extrêmement urgent lorsqu’il existe une strangulation avec souffrance ischémique de l’anse concernée. Ceci se produit lorsqu’il s’agit d’une hernie étranglée, d’un volvulus primitif ou en amont d’une bride péritonéale, d’une anse incarcérée dans une bride ou d’une anse invaginée. Au scanner, les signes de souffrance ischémique sont un épaississement des parois des anses dilatées, un rehaussement en «cible» ou en «halo», une persistance du rehaussement, un rehaussement retardé, une pneumatisation pariétale, un mésentère présentant des densités mal limitées avec des dilatations veineuses, un épanchement intrapéritonéal liquidien ou hémorragique. L’anse ischémique est pleine de liquide alors que les anses d’amont sont distendues par l’air. Dans les occlusions mécaniques «vieillies», les signes d’ischémie intestino-mésentériques peuvent dominer le tableau : outre le retard de rehaussement des parois intestinales amincies des anses ischémiques, pneumatose intestinale, aéroportie, perforation avec péritonite et pneumopéritoine. CONCLUSION Le scanner par sa supériorité aux techniques conventionnelles tant au niveau du diagnostique positif, topographique, étiologique que dans l’évaluation du degré de souffrance intestinale devrait être l’examen de première intention à réaliser devant un tableau clinique d’occlusion intestinale organique. LES OCCLUSIONS INTESTINALES… 25 BIBLIOGRAPHIE 1 - BRUEL J.M., TAOUREL P., PRADEL J., ENGELHOM L. Imagerie des occlusions intestinales. Cours de perfectionnement post universitaire. Octobre 1994. 2 - CASA C., ARNAUD JP. Occlusions intestinales du côlon. La revue du praticien, Paris, 1994, 47. 3 - DENEUVILLE M., BEOST S., CHAPUIS F., BAZIN C., BOCCACANI H. Imagerie des occlusions intestinales aiguës de l’adulte. EMC, Appareil digestif, 33710A 1997, 26p. 4 - REGENT D., CHAPUIS F., SCHMUTZ G.R., BLUM A., BENKO A. Imagerie de l’abdomen aigu. M édecine d’ A frique N oire Masson, Paris, 1996. 5 - REGNET D., SCHMUTZ G.R., CHAPUIS F., BENKO A., DENEUVILLE M., BEOST S. 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