Journées
Nationales du DES
d’Endocrinologie-
Diabète et Maladies
Métaboliques
Pathologies
hypophysaires
Revue
71
Médecine Clinique endocrinologie & diabète n° 38, Janvier-Février 2009
Philippe Touraine
Service d’Endocrinologie
et Médecine
de la Reproduction
GH Pitié-Salpêtrière
47-83, Bd de l’Hôpital
75651 Paris Cedex 13
Tél : 01 42 16 02 54
Fax : 01 42 16 02 55
E-mail :
philippe.touraine@
psl.aphp.fr
Mots-clés :
hormone de croissance,
déficit en hormone de
croissance,
insuffisance somatotrope,
tumeur hypohysaire,
substitution hormonale,
adulte
epuis sa mise sur le marché en France, en
2003, le traitement par hormone de crois-
sance (growth hormone, GH) fait tou-
jours couler beaucoup d’encre. Entre ses parti-
sans qui mettent en avant son intérêt à visée
de substitution d‘un déficit prouvé tout comme
ne se discute pas ou peu l’introduction d’hor-
mones thyroïdiennes, de stéroïdes sexuels ou
d’hydrocortisone au nom des bénéfices atten-
dus, et ses détracteurs soulignant la faible puis-
sance de certaines études pour asseoir la GH
comme un traitement à part entière, le débat
reste ouvert, 5 ans après l’autorisation de mise
sur le marché.
La littérature est riche et souvent contra-
dictoire ; il est donc peu réaliste et opportun de
la présenter de façon exhaustive. Notre objec-
tif sera plus de souligner pour un ensemble de
domaines les résultats marquants d’études sou-
lignant l’intérêt d’un traitement par GH en cas
de déficit, tout en soulignant à bon escient
les limites de ce traitement dans telle ou telle
indication. Volontairement nous avons réduit
notre présentation à 5 grands domaines : celui
de la composition corporelle, celui du méta-
bolisme osseux, celui de la qualité de vie,
ensuite celui de la prévention cardio-vasculaire,
enfin celui de la mortalité. Nous nous res-
treindrons volontairement également à la dis-
cussion autour de l’adulte déficient en GH de
novo, même si le cas précis de l’adolescent défi-
cient en GH sera parfois évoqué.
La composition corporelle
La GH est une hormone lipolytique ; en cas
de carence, on note donc une accumulation de
la masse grasse, notamment au niveau viscéral
[1]. Les études sont nombreuses à avoir souli-
gné l’intérêt du traitement par GH sur la réduc-
tion de cette surcharge graisseuse, aussi bien
pour la graisse sous-cutanée qu’abdominale.
Cet effet bénéfique, observé par différentes
méthodes (scanner, impédancemétrie) s’ob-
serve dès les premiers mois de traitement et
semble se maintenir sur les traitements à long
terme [2, 3]. L’effet sur la masse maigre et
notamment musculaire semble inverse en cas
Pour ou contre le traitement par
l’hormone de croissance chez
un adulte présentant un déficit
en hormone de croissance ?
Le « Pour »...
D
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de déficit en GH. En effet, de nom-
breuses études ont constaté l’existence
d’une diminution de cette masse maigre,
comparativement à des populations
témoins appariées pour l’âge et le sexe
notamment [4, 5]. Sous traitement par
GH, une augmentation de la masse
maigre est notée, là aussi dans un certain
nombre d’études, même si à un moindre
degré que la diminution observée de la
masse grasse [6]. Enfin, pour conclure, il
est à souligner qu’un certain nombre
d’études menées aussi bien à court qu’à
long terme ont retrouvé une améliora-
tion des capacités d’exercice et des per-
formances physiques des patients trai-
tés [7, 8].
La masse osseuse
Dans ce domaine et ce quelle que soit
la méthode utilisée, il a été observé que
les patients déficients en GH avaient en
moyenne une minéralisation osseuse de
-1DS [9)] tout en tenant compte de l’in-
fluence potentielle du rôle des stéroïdes
sexuels et de l’hydrocortisone. De plus,
25% des patients ayant un déficit en GH
révélé à l’âge adulte ont une ostéoporose
prouvée, ce d’autant que l’âge de surve-
nue du déficit en GH est précoce ; ainsi
tout patient ayant un déficit en GH entre
20 et 30 ans a plus de risques de déve-
lopper une déminéralisation osseuse
[10]. Cette déminéralisation osseuse est
marquée par une augmentation de la
résorption osseuse et de stigmates de
retard à la minéralisation. Un taux de
fractures plus élevé a été rapporté dans
cette population tandis que les mar-
queurs de la résorption et de la forma-
tion osseuse ne sont pas nécessairement
retrouvés altérés.
Le traitement par GH chez ces
patients a un effet anabolique, proba-
blement de type diphasique. En effet la
GH exerce à la fois un effet sur la for-
mation et la résorption osseuse. Ainsi,
pendant la première année de traitement
il est souvent constaté que le traitement
par GH peut exercer un effet plutôt sur
la résorption, avec une non augmenta-
tion de la densité minérale osseuse alors
qu’après cette première année on
observe le profil inverse. L’effet est
retrouvé d’autant plus qu’il s’agit de tissu
vertébral et qu’il existait une ostéopénie
voire une ostéoporose avant la mise en
route du traitement et qu’il s’agit de
patients hommes. L’effet bénéfique se
maintient le plus souvent sous forme de
plateau et ce jusqu’à 10 ans de suivi de
ces patients [11]. La discussion d’un trai-
tement associé par biphosphonates peut
se discuter au cas par cas chez ces
patients. Enfin, il faut souligner que nous
ne disposons pas d’étude évaluant l’in-
térêt d’un traitement par GH sur le risque
fracturaire. Cependant l’intérêt d’un trai-
tement par GH trouve aussi sans doute
son point d’intérêt chez l’adolescent défi-
cient en GH qui n’a pas terminé sa matu-
ration osseuse.
Qualité de vie
La qualité de vie est mesurée le plus
souvent par un ensemble de question-
naires qui sont aujourd’hui validés. L’ef-
ficacité du traitement par GH dépend en
réalité beaucoup des études qui retrou-
vent de façon inconstante une altération
de ces paramètres, sous traitement [12].
Cependant, quand on regarde de plus
près les plaintes décrites, elles concer-
nent le plus souvent le manque d’éner-
gie, de vitalité [13]. Sous traitement, les
bénéfices attendus sont très variables sui-
vant les études, certes, mais semblent
être retrouvés lorsque les plaintes exis-
tent initialement, souvent dès l’initia-
tion du traitement et sans relation avec
la fluctuation de la concentration
d’IGF1. Cet effet bénéfique a été retrouvé
aussi bien à court qu’à long terme [14].
GH et risque
cardio-vasculaire
Les patients présentant un déficit en
GH ont un ensemble d’altérations sur le
plan cardio-vasculaire, à commencer par
une tendance hypertensive, notamment
sur la diastolique s’accompagnant de
vasodilatation excessive notamment lors
de l’exercice physique [15] ; ce paramètre
tensionnel est le plus souvent retrouvé
amélioré sous l’effet du traitement [16].
Cependant l‘action sur le système cardio-
vasculaire passe aussi par une modifica-
tion des marqueurs de l’inflammation,
des paramètres lipidiques et l’insulino-
résistance. Sur le plan inflammatoire, les
études sont concordantes pour souligner
l’augmentation des paramètres de l’in-
flammation comme la CRP en cas de
déficit en GH, avec là encore un bénéfice
à long terme sous traitement [17]. Sur le
plan lipidique on observe une augmen-
tation du cholesterol total et du LDL cho-
lesterol, une diminution du HDL, chez
les patients déficients en GH, tandis que
ces paramètres sont souvent améliorés
sous traitement, à court et moyen terme,
mais pas de façon constante [18]. On ne
possède pas de données sur le plan du
bénéfice comparé entre GH et statines
sur le long terme. Enfin, il existe proba-
blement une influence de l’état de sen-
sibilité à l’insuline sur le risque cardio-
vasculaire ; ainsi le traitement par GH,
on l’a dit, réduit la masse grasse et donc
potentiellement améliore la sensibilité à
l’insuline mais cet effet positif peut être
atténué par une réduction de la sensibi-
lité à l’insuline, notamment au niveau
hépatique. C’est pourquoi, sous traite-
ment par GH, les profils de sensibilité à
l’insuline sont très variables avec, le plus
souvent une absence d’altération du
métabolisme glucidique sur des périodes
brèves de traitement (moins d’un an), et
une tendance hyperglycémique à long
terme [16].
Dans ce contexte de perturbations de
la paroi vasculaire et de facteurs de risque
cardio-vasculaire, l’épaisseur intima-
media est trouvée augmentée chez les
patients déficients en GH, ce qui en soi,
constitue, à part entière, une potentielle
augmentation du risque cardio-vascu-
laire [19]. Le traitement par GH a
démontré un bénéfice sur cette mesure
même s’il s’agissait de petites cohortes
de patients [20]. Enfin, on peut souligner
aussi que les patients déficients en GH
présentent souvent des anomalies de la
mécanique cardiaque, notamment une
diminution de la taille du ventricule
gauche et que sous GH, ce paramètre
redevient normal, pouvant participer à
la capacité de réaction physique car-
diaque à l’effort [21].
Mortalité
Les patients adultes présentant un
déficit antehypophysaire complet pré-
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sentent une augmentation de leur mor-
talité, qu’elle soit d’origine cardiaque ou
cérébro-vasculaire [22]. Cependant plu-
sieurs facteurs peuvent y participer,
comme la radiothérapie, autrefois large-
ment pratiquée en cas de tumeur hypo-
physaire, la chirurgie elle-même avec des
remaniements vasculaires potentiels et
la substitution hormonale, avec des ques-
tions qui restent ouvertes quant à l’effet
des stéroïdes sexuels ou de l’hydrocorti-
sone par exemple. L’effet du déficit en
GH n’a jamais pu être clairement indivi-
dualisé comme responsable de cette aug-
mentation de la mortalité. Celle-ci est le
plus souvent retrouvée sur certains ter-
rains comme celui du crâniopharyn-
giome avec un traitement par radiothé-
rapie complémentaire [23]. Il n’existe pas
à l’inverse d’étude menée de façon pros-
pective, sous traitement par GH permet-
tant d’apprécier l’influence d’un tel trai-
tement. Toutefois des données émanant
des registres observationnels de patients
traités par GH ont permis de signaler que
la mortalité globale des patients inclus
dans un de ces registres, et traités par GH,
était retrouvée similaire à celle de la
population normale [24].
Conclusion
Pour ou Contre le traitement par
GH : une question de juste milieu
Il y a 5 ans maintenant que le traite-
ment par GH est commercialisé en France
chez l’adulte déficient. Au fil des années,
le débat reste ouvert entre les pour et les
contre. A l’évidence la littérature est très
riche pour démontrer d’une part les mul-
tiples fonctions de la GH sur tel ou tel
tissu et les conséquences cliniques et bio-
logiques en cas de déficit en GH ; d’autre
part l’efficacité du traitement par GH a
été retrouvée dans le cadre de multiples
études menées contre placebo sur de très
nombreux paramètres. Pourtant le doute
persiste; d’abord sans doute parce que la
plupart des études reposent sur des
petites populations étudiées plus à
moyen que long terme (6-12 mois).
Ensuite il est vrai que les paramètres d’ef-
ficacité analysés sont souvent parcellaires,
l’exemple du retentissement cardio-
vasculaire étant intéressant en ce sens ;
en effet un point est d’analyser les para-
mètres intermédiaires du risque cardio-
vasculaire, un autre est de mener une
étude plus large sur la morbidité et la
mortalité cardio-vasculaire. Enfin, le
traitement par GH pâtit de l’absence de
données plus larges, sur du long terme.
Pourtant de nombreux registres obser-
vationnels se sont mis en place depuis
des années, apportant des éléments de
réflexion et une démonstration d’effica-
cité de la GH dans certains domaines.
Mais il ne s’agit que de données obser-
vationnelles et certains ne manqueront
pas de souligner leur fragilité.
Dans un tel contexte, un traitement
coûteux, imposant une injection quoti-
dienne, peut apparaître comme excessif.
Pourtant peu de traitements substitutifs
hypophysaires ont fait l’objet d’autant
d’études : en effet il nous apparaît nor-
mal de substituer toutes les carences hor-
monales hypophysaires sans réellement
évaluer à long terme des déficits, et ce au
nom de la substitution physiologique.
Sans doute parce que le concept de GH,
hormone de croissance, apparaît moins
évident dans une population de méde-
cins adultes.
Finalement, avec 5 ans de recul, il
nous apparaît plus clairement que le trai-
tement par GH a sa place comme traite-
ment substitutif mais pas nécessairement
à titre systématique. Il existe certaine-
ment différentes populations ; celle des
patients présentant un panhypopituita-
risme, avec une concentration d’IGF1
effondrée, avec souvent de multiples
plaintes sur leur qualité de vie, leur poids,
trouveront, d’après notre expérience cli-
nique, un intérêt à un tel traitement, avec
aussi des bénéfices sur le plan de la masse
osseuse. C’est le cas par exemple des
jeunes adultes avec crâniopharyngiome.
Moins évidente sera la situation du
patient présentant certes un déficit en
GH d’après les tests dynamiques mais
avec une concentration d’IGF1 normale,
et une absence de plaintes. Le manque
de données à surveiller rend nécessaire-
ment la tâche du médecin plus complexe
et la justification du traitement plus
ardue. Une fois de plus c’est une discus-
sion au cas par cas qui doit être menée.
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