Synthèse Hormonopause J.M. Kuhn*, A. Gancel* L es taux hormonaux plasmatiques, marqueurs classiques de l’activité du système endocrinien, évoluent, pour la plupart, sur un mode de variabilité intégrant sécrétion pulsatile, rythme circadien, rythme mensuel ou circannuel auxquels se superposent des modifications imprimées par de nombreuses influences physiologiques (alimentation, sommeil, etc.), le contexte pathologique ou des prises médicamenteuses. L’âge est également un facteur à considérer. Il est, en effet, susceptible d’induire par lui-même un certain nombre de modifications de la fonction endocrinienne. Cela est manifeste à la période pubertaire. Des modifications endocriniennes, à traduction clinique plus subtile, sont synchrones de la sénescence. Les mécanismes en sont variés. Il faut distinguer ceux qui sont directement imputables à l’âge de ceux qui ne sont qu’adaptatifs à un état pathologique ou à un contexte thérapeutique. Une modification de la fonction endocrinienne, identifiable chez une majorité d’adultes vieillissants, en bonne santé et non traités, pourra être considérée comme directement liée à la sénescence. Une telle interprétation ne pourra, a contrario, être faite si les modifications sont observées dans des groupes plus restreints, a fortiori malades ou polymédicamentés. Le néologisme “ hormonopause ”, proposé dans cet article, se réfère à la première entité. Elle inclut des altérations âge-dépendantes de l’équilibre hormonal, dont la profondeur et la constance sont très variables. L’ovarioplégie ménopausique est systématique. Les dépressions des sécrétions somatotrope, d’une part, androgénique surrénalienne, d’autre part, représentent les modifications âge-dépen- * Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, hôpital de Bois-Guillaume, CHU de Rouen. dantes les plus constantes de l’équilibre hormonal. Une réduction de la fonction endocrine du testicule est observée chez un homme sur deux de plus de 70 ans. De façon plus discrète et plus inconstante, l’avancée en âge influence la sécrétion de mélatonine, de leptine et la sensibilité à l’insuline. Gonadopause Quoique son âge d’apparition recule progressivement, la survenue de la faillite ovarienne liée à l’âge ne souffre pas d’exception. La carence estrogénique et, à un moindre degré, androgénique, s’accompagne des symptômes climatériques, des modifications psychologiques et somatiques universellement connues. Il en est de même de l’inflation des taux plasmatiques de LH et surtout de FSH qui en sont les marqueurs. L’intérêt de l’introduction d’un traitement hormonal substitutif n’est plus à démontrer, en particulier sur le contrôle de la symptomatologie climatérique et le bénéfice de masse osseuse. La testostéronémie de l’homme adulte évolue physiologiquement suivant des rythmes circadiens et circannuels qui se superposent. Dans la journée, au pic matinal succède un nadir vespéral. Sur ce rythme de base, le taux de testostérone plasmatique matinal fluctue considérablement chez un même individu d’un jour à l’autre. La saison marque son influence en inscrivant un maximum automnal. La fourchette des valeurs normales du taux de testostérone plasmatique de l’homme adulte oscille entre 4 et 10 ng/ml, fourchette de valeurs qui intègre ces diverses influences. Pour exercer ses effets, la fraction libre de la testostérone subit un transfert à travers la membrane plasmique et se lie à son récepteur spécifique. Dans certains tissus, elle n’est cependant qu’une prohormone nécessitant soit d’être 5-α réduite en dihydrotestostérone, soit aromatisée en 17 β-estradiol. Par son action sur le système nerveux central, la testostérone (ou ses dérivés) intervient directement sur l’état sthénique et la libido. Ses effets systémiques permettent le maintien de l’androgénisation et des effets anaboliques acquis pendant la phase pubertaire. En concentration intratesticulaire 50 à 100 fois plus élevée que son taux plasmatique, la testostérone joue un rôle essentiel dans l’initiation et le maintien de la spermatogenèse en conjonction avec la FSH. La testostérone est l’acteur physiologique direct pour une majorité de ses effets tandis que pour d’autres, rappelons-le, elle n’est qu’un précurseur hormonal, le rôle physiologique étant assujetti à sa transformation en 17 β-estradiol (minéralisation osseuse, protection cardiovasculaire, régulation gonadotrope) ou en dihydrotestostérone (trophicité prostatique, régulation gonadotrope). Testostérone et/ou dihydrotestostérone d’une part, 17 β-estradiol d’autre part, formés in situ, freinent la sécrétion gonadotrope. La dihydrotestostérone stimule l’activité sécrétoire des neurones opioïdergiques inhibiteurs de celle des neurones à GnRH. L’estradiol, par ses relais complexes et imparfaitement identifiés, exerce un effet inhibiteur sur la sécrétion hypothalamique de GnRH et agit directement sur la sécrétion gonadotrope hypophysaire. Indépendamment de toute influence pathologique ou médicamenteuse, l’âge du sujet module le fonctionnement de l’ensemble de l’axe hypothalamohypophyso-testiculaire. La sénescence est, en effet, un facteur modificateur de l’activité de chacun des étages anatomiques de ce système : hypothalamique, hypophysaire, testiculaire et, enfin, périphérique. La sécrétion de testostérone décroît physiologiquement avec l’âge. La testostéronémie moyenne se réduit progressivement après 45 ans. La testostéronémie libre ou biodisponible décroît de façon plus nette que la testostéronémie totale en raison de l’élévation progressive du taux de TeBG avec l’âge (1, 2). Les mécanismes sous-jacents comportent 174 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 4, juillet-août 2002 Synthèse la réduction de la capacité stéroïdogène du testicule qui a été rattachée à une réduction du nombre de cellules de Leydig (3). Initialement caractérisée par une perte du rythme circadien de la testostérone (4), elle se concrétise ultérieurement par une réduction de la réponse hormonale testiculaire à l’administration d’une dose pharmacologique d’hCG chez l’homme âgé par rapport à l’homme jeune. L’élévation du taux plasmatique de TeBG, masquant pour partie la réduction de la testostéronémie, est la résultante d’une perte d’influence frénatrice de sa synthèse (la synthèse hépatique de TeBG est déprimée par les androgènes) et d’une inflation relative du taux d’estrogènes (augmentation de l’aromatisation périphérique de la testostérone) qui, au contraire, stimule la synthèse hépatique de TeBG. La réduction de la fraction libre de la testostérone est responsable à la fois des symptômes d’hypo-androgénie observés au cours du vieillissement et de la diminution de l’efficacité du rétrocontrôle stéroïdien sur la sécrétion gonadotrope. Parallèlement s’installe une défaillance sertolienne progressive qui se traduit à la fois par une altération de la spermatogenèse et par une diminution de la capacité de rétrocontrôle négatif exercé par l’inhibine B sur la sécrétion hypophysaire de FSH. L’ensemble de ces modifications endocrines liées à l’âge est responsable d’une élévation des taux de LH et de FSH avec la sénescence. Si le seul mécanisme évolutif synchrone de l’avancée en âge était une diminution des capacités sécrétoires du testicule, l’élévation franche du taux des gonadotrophines plasmatiques en serait le stigmate biologique, comme il l’est au cours de la ménopause. Les études longitudinales qui ont évalué l’équilibre hypothalamo-hypophyso-testiculaire de l’homme âgé ont clairement montré que ces modifications hormonales pouvaient être observées mais étaient loin d’être systématiques. Ces résultats sont liés à la fois à l’inconstance du phénomène de déficit testiculaire primaire – qui n’est globalement observé que chez 50 % des hommes âgés – et à la présence d’altérations associées de la sécrétion gonadotrope de l’homme âgé. L’étude de la pulsatilité des gonadotrophines, reflet périphérique indirect de l’activité sécrétoire des neurones à GnRH, a permis de montrer qu’avec l’âge, l’amplitude des pics de LH se réduisait à l’inverse de leur rythmicité, qui reste intangible (5). Ce phénomène adaptatif a été rattaché à une modification âge-dépendante de la sensibilité hypothalamique au rétrocontrôle stéroïdien. À l’inverse, la capacité de réponse gonadotrope à la stimulation par la GnRH apparaît conservée quel que soit l’âge (6). Enfin, au niveau des tissus cibles des androgènes, le système de réception semble également modifié. La concentration intracellulaire en récepteurs des androgènes se réduit avec l’âge, diminuant d’autant la concentration intratissulaire en testostérone et, consécutivement, l’intensité de l’effet androgénique (7). En résumé, les modifications physiologiques de la fonction testiculaire liées à l’âge impliquent certes le testicule : déficit primaire, mais également le contrôle hypothalamique central et la réception tissulaire périphérique. L’ensemble de ces modifications a pour résultante une réduction du taux de testostérone totale et surtout libre et une déflation de l’imprégnation androgénique tissulaire aboutissant à un tableau qui emprunte peu ou prou des symptômes de l’hypogonadisme masculin : asthénie physique et psychique, réduction de la libido et des capacités érectiles (8), inflation de la masse grasse au détriment de la masse maigre, ostéoporose et altérations métaboliques pro-athéromateuses (9). La définition du seuil de testostéronémie audessous duquel la responsabilité d’un déficit androgénique peut être directement évoqué devant un tableau clinique évocateur – et ce en dehors du tout contexte morbide ou de prise médicamenteuse – représente une question clé dont la réponse conditionne à la fois le diagnostic et l’attitude thérapeutique. La similitude des symptômes du déficit androgénique lié à l’âge avec ceux de l’hypogonadisme de l’adulte jeune a fait considérer que la valeur de référence devait être la moyenne de la testostéronémie de l’homme jeune. Le seuil au-dessous duquel la symptomatologie observée est rattachable à un déficit androgénique correspond à cette moyenne, réduite de deux déviations standard. Cette valeur dépend de la méthode utilisée : moins de 3 ng/ml (11 nmol/l) pour la testostéronémie totale, 0,7 ng/ml (0,25 nmol/l) pour la testostéronémie biodisponible et enfin 0,07 ng/ml (0,025 nmol/l) pour la testostéronémie libre (10). L’association à l’une ou l’autre de ces valeurs d’une inflation du taux de LH plasmatique (N < 10 U/L) confirmerait à la fois l’hypogonadisme et son caractère primaire. Enfin, il faut rappeler que le déficit androgénique ne peut être qu’un des éléments étiologiques des symptômes ressentis car d’autres modifications endocriniennes liées à l’âge sont susceptibles de s’y associer. C’est en particulier le cas du déficit somatotrope. Leur réversibilité, démontrée par le traitement androgénique substitutif chez l’homme âgé atteint d’une réelle “gonadopause”, est un argument de poids plaidant pour l’initiation d’une telle substitution (11-15). Somatopause Soumise aux influences contradictoires de la GHRH d’une part et de la somatostatine d’autre part, la cellule somatotrope libère l’hormone de croissance sur un mode pulsatile. Sur le rythme de base s’inscrivent plusieurs modulations induites par de nombreux facteurs. Stress, activation noradrénergique, chute glycémique, élévation du taux plasmatique de certains amino-acides et effort musculaire concourent tous à une stimulation de la sécrétion de GH. L’hyperglycémie exerce un effet inverse, vraisemblablement en inhibant la sécrétion stomacale de GHréline, peptide d’origine digestive qui s’avère être un puissant stimulant de la sécrétion de GH par liaison aux récepteurs somatotropes dénommés GH-RP. Une fois sécrétée, l’hormone de croissance circule en partie libre et en partie liée à des protéines de transport dont la plus affine correspond à la fraction extracellulaire de son récepteur cellulaire. La capture par cette binding-protein accroît sa demi-vie par 175 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 4, juillet-août 2002 Synthèse réduction de sa clairance métabolique, mais elle inhibe la liaison nécessaire à ses récepteurs spécifiques pour exercer ses effets lipolytique, hyperglycémiant, stimulateur de la formation de 1-25-dihydroxy-cholécalciférol et de la synthèse hépatique d’IGF-1. De la même manière, l’IGF-1, médiateur des effets de la GH sur la croissance et régulateur physiologique de la sécrétion de GH, circule en étant en majorité lié à des protéines de transport dont il existe plusieurs variétés. La synthèse de la fraction dominante, l’IGFBP3 est comme celle de l’IGF-1, GH-dépendante. La liaison de l’IGF-1 à ces protéines de transport, associée en complexe trimérique à l’acide labile subunit (ALS), prolonge la demi-vie du peptide mais bloque la liaison à ses récepteurs spécifiques. L’activité somatotrope est fortement influencée par l’âge (16). À la phase de sécrétion maximale de l’adolescence suit un déclin progressif et âge-dépendant de la sécrétion de GH. Au cours de la sénescence, les taux moyens de GH sont très nettement inférieurs à ceux de l’adulte jeune. Ce déclin de la sécrétion somatotrope s’accompagne d’une chute progressive du taux d’IGF-1 plasmatique qui s’abaisse linéairement pour être réduit de moitié chez l’octogénaire par rapport à sa valeur de référence de l’adulte jeune (2, 17). Par analogie à ce qui est observé dans les déficits en hormone de croissance, une réduction de la synthèse protéique se traduisant par une diminution de la masse maigre et de la densité minérale osseuse et, a contrario, une inflation de la masse grasse ont été rattachées à cette somatopause. Sujettes à des mouvements inverses, masse grasse et masse maigre subissent des modifications d’un cinquième entre 20 et 80 ans. Les liens unissant modifications de la composition corporelle liées à l’âge et déficit somatotrope sont cependant complexes car, si le déficit en GH s’accompagne bien de telles modifications, l’adiposité peut, en retour, moduler à la baisse la sécrétion de GH. La somatopause ne paraît pas liée à une réduction de la capacité hépatique à produire de l’IGF-1. En effet, le traitement par GH d’adultes âgés induit une ascension du taux d’IGF-1 dans la fourchette normale de l’adulte jeune. L’aptitude de la cellule somatotrope à répondre à la stimulation ne paraît pas non plus être l’élément limitant. La réponse somatotrope au cours de tests provocatifs à point de départ hypophysaire direct, comme l’administration intraveineuse de GHRH, est similaire chez les adultes jeune et âgé. À l’inverse, la réduction du nombre et de l’amplitude des pulses spontanés diurnes et surtout nocturnes de GH et la diminution de l’amplitude de la réponse somatotrope à des stimuli empruntant des relais hypothalamiques, comme l’hypoglycémie insulinique ou l’exercice musculaire, suggèrent que le maillon déficitaire soit principalement hypothalamique. Ce mécanisme a pu être confirmé par comparaison de la réponse somatotrope à des doses croissantes de GHRH en présence ou non d’un antagoniste de ce peptide. Les relais neuro-endocriniens impliqués dans le déficit hypothalamique relatif de l’adulte âgé ne sont pas clairement identifiés. Le déficit gonadique lié à l’âge pourrait y jouer un rôle. La diminution progressive de la synthèse d’hormone de croissance et, consécutivement, d’IGF-1 avec l’âge peut également être un facteur géniteur d’ostéoporose. Le risque fracturaire sur fond d’ostéoporose est, en effet, trois à quatre fois plus fréquent chez l’adulte atteint d’un déficit en hormone de croissance par rapport à ce qu’il est chez l’adulte du même âge non déficitaire. La perte de densité minérale osseuse paraît d’ailleurs d’autant plus profonde que le déficit en hormone de croissance est plus prononcé. Une des questions clé est donc de savoir définir, en dehors de tout contexte morbide ou médicamenteux, quelles sont les variations physiologiques liées à l’âge et à partir de quel seuil il est pertinent d’envisager une intervention thérapeutique. Chez l’adulte, la mesure de la fonction somatotrope repose sur les mêmes tests dynamiques que ceux qui sont utilisés chez l’enfant ou l’adolescent. Les critères de normalité sont, en revanche, différents. Un déficit en hormone de croissance ne peut être affirmé chez l’adulte que si, après stimulation appropriée, la GH plasmatique ne dépasse pas 3 ng/ml. La détermination du taux plasmatique d’IGF1 n’a de valeur que s’il est inférieur à la moyenne pour l’âge réduit de 2,5 déviations standard. En effet, de nombreux adultes authentiquement déficitaires en hormone de croissance ont un taux d’IGF-1 qui s’inscrit dans les limites de la normale pour l’âge, ce qui s’explique par la multiplicité des facteurs qui en contrôlent la sécrétion (18). La pertinence d’un éventuel traitement substitutif par l’hormone de croissance doit reposer sur une analyse aussi objective que possible des avantages et inconvénients de la mise en route d’une telle thérapeutique. Les arguments “ pour ” ne manquent pas. Injectée sur une courte période à des adultes en bonne santé de plus de 60 ans, la GH humaine recombinante induit une augmentation de la masse maigre d’environ 10 % et une réduction concomitante de la masse grasse de 14 %. La GH induit un gain très significatif de densité minérale osseuse chez l’adulte atteint d’insuffisance somatotrope par comparaison à un placebo, effet maintenu 18 mois après l’interruption de la substitution par hormone de croissance (19). Au chapitre des inconvénients, il faut bien entendu mentionner la nécessité d’injections vespérales quotidiennes et le coût de la thérapeutique. Par ailleurs, la substitution en stéroïdes sexuels d’adultes de plus de 60 ans en bonne santé double la sécrétion basale pulsatile de GH et induit une augmentation du taux d’IGF-1 plasmatique de 40 %. Le gain apporté par la substitution de la gonadopause pourrait donc être expliqué en partie par ce mécanisme de stimulation de la sécrétion de GH endogène (16). Adrénopause L’âge est susceptible d’influer plus ou moins profondément sur l’activité sécrétoire des différents secteurs de la corticosurrénale. Le taux de sécrétion et la concentration plasmatique d’aldostérone s’abaissent avec l’âge. Le 176 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 4, juillet-août 2002 Synthèse mécanisme impliqué est une réduction de la sécrétion de rénine. Cela semble en pratique n’avoir aucune conséquence. Les altérations de la sécrétion de glucocorticoïdes liées à l’âge sont mineures. La cortisolémie moyenne du nycthémère est plus élevée chez les personnes âgées et l’ascension cortisolique induite par le stress est plus prolongée. Ces particularités de la sécrétion cortisolique seraient susceptibles d’intervenir dans la réduction de la densité minérale osseuse associée à la sénescence. La sécrétion stéroïdienne de la couche réticulée de la corticosurrénale est celle qui subit les plus amples modifications liées à l’âge. La DHEA, précurseur sur la voie de synthèse des androgènes, et son sulfate (qui pourrait être une forme de réserve) sont les stéroïdes sécrétés majoritairement sur le plan quantitatif. Dépourvue de récepteurs spécifiques, la DHEA ne semble pas jouer de rôle physiologique de type androgénique direct. Elle paraît néanmoins capable de moduler l’activité de certains récepteurs : dépression de celle du récepteur GABAergique de type central, potentialisation de l’effet excitateur du récepteur NMDA (n-méthyl-d-aspartate) et s’insérer ainsi dans la famille des neurostéroïdes susceptibles d’exercer une fonction modulatrice sur de nombreuses activités du système nerveux central. Cette hypothèse est d’autant plus concevable que le système nerveux central est lui-même capable d’en produire à partir du cholestérol. En dehors de tout contexte pathologique, les taux de DHEA et de son sulfate se réduisent de 80 % chez la personne âgée par rapport aux taux de l’adulte jeune. L’importance clinique du déclin de production en DHEA et son sulfate n’a pas été clairement identifiée. De nombreuses études se sont attachées à évaluer l’intérêt d’une supplémentation en déhydroépiandrostérone chez l’homme ou la femme âgé(e) chez qui était identifié un déclin âge-dépendant de la sécrétion de DHEA. Un gain de masse maigre et une augmentation significative de la densité minérale osseuse ont été observés dans certains essais dont les résultats sont néanmoins sujets à caution car la gonado- pause était simultanément substituée (20). Plus nombreuses sont les études qui montrent qu’en dépit d’une restauration de taux physiologiques de DHEA et de son sulfate, il n’y a pas d’effet subjectif ou objectif d’une telle substitution (21, 22). Ces résultats négatifs sont le fruit d’études menées au maximum sur quelques mois et sur de petits échantillons de population. Seules des études randomisées, ayant inclus de nombreux patients et conduites sur une période suffisamment prolongée, permettront de conclure avec précision. L’étude DHEA-âge conduite trois ans sur plusieurs centaines de personnes âgées devrait apporter des éléments de réponse. À l’inverse, la substitution en DHEA a apporté des effets objectivement et significativement positifs chez des patients atteints d’insuffisance surrénalienne quelle qu’en soit l’origine (23, 24). Dans le contexte d’une insuffisance surrénalienne primaire ou secondaire, organique ou fonctionnelle (corticothérapie prolongée), il est sans doute d’autant plus pertinent de proposer ce type de substitution que la personne considérée est âgée. Autres hormonopauses La sécrétion de mélatonine est également modifiée par l’âge. Son intensité décroît et le pic vespéral de mélatonine subit un décalage en avance du rythme jour-nuit avec lequel il reste synchronisé (25). Néanmoins, ces altérations peuvent intervenir dans la moins bonne qualité du sommeil observée chez nombre de personnes âgées. La substitution en mélatonine (0,3 à 2 mg) plusieurs heures avant le coucher est un facteur d’amélioration de la qualité du sommeil au cours de la sénescence (26). Entre 25 et 70 ans, la masse maigre chute de 27 %, tandis que la masse grasse s’élève d’environ 20 %. Le taux plasmatique de leptine, hormone peptidique produite par le tissu adipeux, s’élève proportionnellement à la masse grasse. Paradoxalement, les taux de leptine plasmatique décroissent avec l’âge, en particulier chez la femme (27, 28). Cette diminution modérée mais certaine du taux de leptine plasmatique avec l’âge peut être un des facteurs contributifs de l’accroissement de la masse grasse. L’âge s’accompagne également d’une réduction de la sensibilité tissulaire à l’insuline (29). En témoignent la moins bonne tolérance au glucose et un certain degré d’hyperinsulinisme observé jusqu’à 50 % des sujets âgés. Cette relative résistance à l’insuline, qui reste réelle même après correction d’autres facteurs intercurrents comme la masse grasse et l’activité physique, est sans doute la résultante de plusieurs mécanismes convergents. Parmi eux, citons la diminution du contenu musculaire en GLUT-4, transporteur du glucose, et l’influence négative de la carence en stéroïdes sexuels (30). Conclusion Nombreuses sont les modifications de l’équilibre endocrinien qui accompagnent l’avancée en âge. Certaines sont directement liées à un contexte pathologique ou ne font que traduire l’influence de prises médicamenteuses. D’autres sont directement liées à l’âge. Elles sont de fréquence et d’intensité variables. Dans le cadre de la gonadopause, la ménopause représente l’exemple le plus caricatural par son caractère systématique. La réduction de la production d’androgènes surrénaliens, qui atteint 80 % après 70 ans, et la diminution de la sécrétion somatotrope sont quasiment aussi constantes. Un abaissement de la sécrétion de testostérone par un mécanisme composite, associant déficit testiculaire primaire et dépression de la sécrétion de GnRH, est observé chez un homme sur deux après 70 ans. Les autres modifications endocriniennes sont plus subtiles et plus inconstantes et n’ont, en pratique, que peu de répercussions cliniques. L’identification de symptômes cliniques ou paracliniques rattachables à l’un des éléments de l’hormonopause doit alors faire poser la question de la pertinence de l’introduction d’une substitution sur une évaluation précise de la balance avantages/ inconvénients. 177 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 4, juillet-août 2002 Synthèse Références 1. Vermeulen A, Kaufman JM, Giagulli VA. Influence of some biological indices on sex hormone binding globulin and androgen levels in aging and obeses males. J Clin Endocrinol Metab 1996 ; 81 : 1821-7. 2. Leifke E, Gorenoit V, Wichers C et al. Agerelated changes of serum sex hormones, insulin-like growth factor-1 and sex-hormone binding globulin levels in men : cross-sectional data from a healthy male cohort. Clin Endocrinol 2000 ; 53 : 689-95. 3. 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