Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 4, juillet-août 2002
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L
es taux hormonaux plasmatiques, mar-
queurs classiques de l’activité du système
endocrinien, évoluent, pour la plupart, sur un
mode de variabilité intégrant sécrétion pulsa-
tile, rythme circadien, rythme mensuel ou cir-
cannuel auxquels se superposent des modifi-
cations imprimées par de nombreuses
influences physiologiques (alimentation,
sommeil, etc.), le contexte pathologique ou
des prises médicamenteuses. L’âge est égale-
ment un facteur à considérer. Il est, en effet,
susceptible d’induire par lui-même un certain
nombre de modifications de la fonction endo-
crinienne. Cela est manifeste à la période
pubertaire. Des modifications endocriniennes,
à traduction clinique plus subtile, sont syn-
chrones de la sénescence. Les mécanismes en
sont variés. Il faut distinguer ceux qui sont
directement imputables à l’âge de ceux qui
ne sont qu’adaptatifs à un état pathologique
ou à un contexte thérapeutique. Une modifi-
cation de la fonction endocrinienne, identi-
fiable chez une majorité d’adultes vieillis-
sants, en bonne santé et non traités, pourra
être considérée comme directement liée à la
sénescence. Une telle interprétation ne pourra,
a contrario, être faite si les modifications sont
observées dans des groupes plus restreints, a
fortiori malades ou polymédicamentés. Le
néologisme “hormonopause”, proposé dans
cet article, se réfère à la première entité. Elle
inclut des altérations âge-dépendantes de
l’équilibre hormonal, dont la profondeur et la
constance sont très variables. L’ovarioplégie
ménopausique est systématique. Les dépres-
sions des sécrétions somatotrope, d’une part,
androgénique surrénalienne, d’autre part,
représentent les modifications âge-dépen-
dantes les plus constantes de l’équilibre hor-
monal. Une réduction de la fonction endo-
crine du testicule est observée chez un
homme sur deux de plus de 70 ans. De façon
plus discrète et plus inconstante, l’avancée en
âge influence la sécrétion de mélatonine, de
leptine et la sensibilité à l’insuline.
Gonadopause
Quoique son âge d’apparition recule progres-
sivement, la survenue de la faillite ovarienne
liée à l’âge ne souffre pas d’exception. La
carence estrogénique et, à un moindre degré,
androgénique, s’accompagne des symptômes
climatériques, des modifications psycholo-
giques et somatiques universellement connues.
Il en est de même de l’inflation des taux plas-
matiques de LH et surtout de FSH qui en sont
les marqueurs. L’intérêt de l’introduction
d’un traitement hormonal substitutif n’est
plus à démontrer, en particulier sur le
contrôle de la symptomatologie climatérique
et le bénéfice de masse osseuse.
La testostéronémie de l’homme adulte évolue
physiologiquement suivant des rythmes cir-
cadiens et circannuels qui se superposent.
Dans la journée, au pic matinal succède un
nadir vespéral. Sur ce rythme de base, le taux
de testostérone plasmatique matinal fluctue
considérablement chez un même individu
d’un jour à l’autre. La saison marque son
influence en inscrivant un maximum autom-
nal. La fourchette des valeurs normales du
taux de testostérone plasmatique de l’homme
adulte oscille entre 4 et 10 ng/ml, fourchette
de valeurs qui intègre ces diverses influences.
Pour exercer ses effets, la fraction libre de la
testostérone subit un transfert à travers la
membrane plasmique et se lie à son récepteur
spécifique. Dans certains tissus, elle n’est
cependant qu’une prohormone nécessitant
soit d’être 5-αréduite en dihydrotestosté-
rone, soit aromatisée en 17 β-estradiol. Par
son action sur le système nerveux central, la
testostérone (ou ses dérivés) intervient direc-
tement sur l’état sthénique et la libido. Ses
effets systémiques permettent le maintien de
l’androgénisation et des effets anaboliques
acquis pendant la phase pubertaire. En
concentration intratesticulaire 50 à 100 fois
plus élevée que son taux plasmatique, la tes-
tostérone joue un rôle essentiel dans l’initia-
tion et le maintien de la spermatogenèse en
conjonction avec la FSH. La testostérone est
l’acteur physiologique direct pour une majo-
rité de ses effets tandis que pour d’autres,
rappelons-le, elle n’est qu’un précurseur hor-
monal, le rôle physiologique étant assujetti à
sa transformation en 17 β-estradiol (minéra-
lisation osseuse, protection cardiovasculaire,
régulation gonadotrope) ou en dihydrotesto-
stérone (trophicité prostatique, régulation
gonadotrope). Testostérone et/ou dihydrotes-
tostérone d’une part, 17 β-estradiol d’autre
part, formés in situ, freinent la sécrétion
gonadotrope. La dihydrotestostérone stimule
l’activité sécrétoire des neurones opioïder-
giques inhibiteurs de celle des neurones à
GnRH. L’estradiol, par ses relais complexes
et imparfaitement identifiés, exerce un effet
inhibiteur sur la sécrétion hypothalamique de
GnRH et agit directement sur la sécrétion
gonadotrope hypophysaire. Indépendamment
de toute influence pathologique ou médica-
menteuse, l’âge du sujet module le fonction-
nement de l’ensemble de l’axe hypothalamo-
hypophyso-testiculaire.
La sénescence est, en effet, un facteur modi-
ficateur de l’activité de chacun des étages
anatomiques de ce système: hypothalamique,
hypophysaire, testiculaire et, enfin, périphérique.
La sécrétion de testostérone décroît physio-
logiquement avec l’âge. La testostéronémie
moyenne se réduit progressivement après
45 ans. La testostéronémie libre ou biodispo-
nible décroît de façon plus nette que la testo-
stéronémie totale en raison de l’élévation
progressive du taux de TeBG avec l’âge (1,
2). Les mécanismes sous-jacents comportent
Synthèse
Hormonopause
J.M. Kuhn*, A. Gancel*
* Service d’endocrinologie et maladies méta-
boliques, hôpital de Bois-Guillaume, CHU de
Rouen.
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la réduction de la capacité stéroïdogène du
testicule qui a été rattachée à une réduction
du nombre de cellules de Leydig (3).
Initialement caractérisée par une perte du
rythme circadien de la testostérone (4),elle
se concrétise ultérieurement par une réduc-
tion de la réponse hormonale testiculaire à
l’administration d’une dose pharmacologique
d’hCG chez l’homme âgé par rapport à
l’homme jeune. L’élévation du taux plasma-
tique de TeBG, masquant pour partie la
réduction de la testostéronémie, est la résul-
tante d’une perte d’influence frénatrice de sa
synthèse (la synthèse hépatique de TeBG est
déprimée par les androgènes) et d’une infla-
tion relative du taux d’estrogènes (augmenta-
tion de l’aromatisation périphérique de la tes-
tostérone) qui, au contraire, stimule la synthèse
hépatique de TeBG. La réduction de la frac-
tion libre de la testostérone est responsable à
la fois des symptômes d’hypo-androgénie
observés au cours du vieillissement et de la
diminution de l’efficacité du rétrocontrôle
stéroïdien sur la sécrétion gonadotrope.
Parallèlement s’installe une défaillance ser-
tolienne progressive qui se traduit à la fois
par une altération de la spermatogenèse et par
une diminution de la capacité de rétrocon-
trôle négatif exercé par l’inhibine B sur la
sécrétion hypophysaire de FSH. L’ensemble
de ces modifications endocrines liées à l’âge
est responsable d’une élévation des taux de
LH et de FSH avec la sénescence. Si le seul
mécanisme évolutif synchrone de l’avancée
en âge était une diminution des capacités
sécrétoires du testicule, l’élévation franche
du taux des gonadotrophines plasmatiques en
serait le stigmate biologique, comme il l’est
au cours de la ménopause. Les études longi-
tudinales qui ont évalué l’équilibre hypotha-
lamo-hypophyso-testiculaire de l’homme âgé
ont clairement montré que ces modifications
hormonales pouvaient être observées mais
étaient loin d’être systématiques. Ces résul-
tats sont liés à la fois à l’inconstance du phé-
nomène de déficit testiculaire primaire – qui
n’est globalement observé que chez 50% des
hommes âgés – et à la présence d’altérations
associées de la sécrétion gonadotrope de
l’homme âgé. L’étude de la pulsatilité des
gonadotrophines, reflet périphérique indirect
de l’activité sécrétoire des neurones à GnRH,
a permis de montrer qu’avec l’âge, l’ampli-
tude des pics de LH se réduisait à l’inverse de
leur rythmicité, qui reste intangible (5). Ce
phénomène adaptatif a été rattaché à une
modification âge-dépendante de la sensibilité
hypothalamique au rétrocontrôle stéroïdien.
À l’inverse, la capacité de réponse gonado-
trope à la stimulation par la GnRH apparaît
conservée quel que soit l’âge (6). Enfin, au
niveau des tissus cibles des androgènes, le
système de réception semble également
modifié. La concentration intracellulaire en
récepteurs des androgènes se réduit avec
l’âge, diminuant d’autant la concentration
intratissulaire en testostérone et, consécuti-
vement, l’intensité de l’effet androgénique (7).
En résumé, les modifications physiologiques
de la fonction testiculaire liées à l’âge impli-
quent certes le testicule : déficit primaire,
mais également le contrôle hypothalamique
central et la réception tissulaire périphérique.
L’ensemble de ces modifications a pour
résultante une réduction du taux de testosté-
rone totale et surtout libre et une déflation de
l’imprégnation androgénique tissulaire abou-
tissant à un tableau qui emprunte peu ou prou
des symptômes de l’hypogonadisme masculin:
asthénie physique et psychique, réduction de
la libido et des capacités érectiles (8),infla-
tion de la masse grasse au détriment de la
masse maigre, ostéoporose et altérations
métaboliques pro-athéromateuses (9).
La définition du seuil de testostéronémie au-
dessous duquel la responsabilité d’un déficit
androgénique peut être directement évoqué
devant un tableau clinique évocateur – et ce
en dehors du tout contexte morbide ou de
prise médicamenteuse – représente une ques-
tion clé dont la réponse conditionne à la fois
le diagnostic et l’attitude thérapeutique. La
similitude des symptômes du déficit andro-
génique lié à l’âge avec ceux de l’hypogona-
disme de l’adulte jeune a fait considérer que
la valeur de référence devait être la moyenne
de la testostéronémie de l’homme jeune. Le
seuil au-dessous duquel la symptomatologie
observée est rattachable à un déficit androgé-
nique correspond à cette moyenne, réduite de
deux déviations standard. Cette valeur dépend
de la méthode utilisée : moins de 3 ng/ml
(11 nmol/l) pour la testostéronémie totale,
0,7 ng/ml (0,25 nmol/l) pour la testostéro-
némie biodisponible et enfin 0,07 ng/ml
(0,025 nmol/l) pour la testostéronémie libre
(10). L’association à l’une ou l’autre de ces
valeurs d’une inflation du taux de LH plas-
matique (N < 10 U/L) confirmerait à la fois
l’hypogonadisme et son caractère primaire.
Enfin, il faut rappeler que le déficit androgé-
nique ne peut être qu’un des éléments étiolo-
giques des symptômes ressentis car d’autres
modifications endocriniennes liées à l’âge
sont susceptibles de s’y associer. C’est en
particulier le cas du déficit somatotrope. Leur
réversibilité, démontrée par le traitement
androgénique substitutif chez l’homme âgé
atteint d’une réelle “gonadopause”, est un
argument de poids plaidant pour l’initiation
d’une telle substitution (11-15).
Somatopause
Soumise aux influences contradictoires de la
GHRH d’une part et de la somatostatine
d’autre part, la cellule somatotrope libère
l’hormone de croissance sur un mode pulsa-
tile. Sur le rythme de base s’inscrivent plu-
sieurs modulations induites par de nombreux
facteurs. Stress, activation noradrénergique,
chute glycémique, élévation du taux plasma-
tique de certains amino-acides et effort mus-
culaire concourent tous à une stimulation de
la sécrétion de GH. L’hyperglycémie exerce
un effet inverse, vraisemblablement en inhi-
bant la sécrétion stomacale de GHréline, pep-
tide d’origine digestive qui s’avère être un
puissant stimulant de la sécrétion de GH par
liaison aux récepteurs somatotropes dénom-
més GH-RP. Une fois sécrétée, l’hormone de
croissance circule en partie libre et en partie
liée à des protéines de transport dont la plus
affine correspond à la fraction extracellulaire
de son récepteur cellulaire. La capture par
cette binding-protein accroît sa demi-vie par
Synthèse
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réduction de sa clairance métabolique, mais
elle inhibe la liaison nécessaire à ses récep-
teurs spécifiques pour exercer ses effets lipo-
lytique, hyperglycémiant, stimulateur de la
formation de 1-25-dihydroxy-cholécalciférol
et de la synthèse hépatique d’IGF-1. De la
même manière, l’IGF-1, médiateur des effets
de la GH sur la croissance et régulateur phy-
siologique de la sécrétion de GH, circule en
étant en majorité lié à des protéines de trans-
port dont il existe plusieurs variétés. La syn-
thèse de la fraction dominante, l’IGFBP3 est
comme celle de l’IGF-1, GH-dépendante. La
liaison de l’IGF-1 à ces protéines de trans-
port, associée en complexe trimérique à
l’acide labile subunit (ALS), prolonge la
demi-vie du peptide mais bloque la liaison à
ses récepteurs spécifiques.
L’activité somatotrope est fortement influencée
par l’âge (16). À la phase de sécrétion maxi-
male de l’adolescence suit un déclin progressif
et âge-dépendant de la sécrétion de GH. Au
cours de la sénescence, les taux moyens de
GH sont très nettement inférieurs à ceux de
l’adulte jeune. Ce déclin de la sécrétion
somatotrope s’accompagne d’une chute pro-
gressive du taux d’IGF-1 plasmatique qui
s’abaisse linéairement pour être réduit de
moitié chez l’octogénaire par rapport à sa
valeur de référence de l’adulte jeune (2, 17).
Par analogie à ce qui est observé dans les
déficits en hormone de croissance, une réduc-
tion de la synthèse protéique se traduisant par
une diminution de la masse maigre et de la
densité minérale osseuse et, a contrario, une
inflation de la masse grasse ont été rattachées
à cette somatopause. Sujettes à des mouve-
ments inverses, masse grasse et masse maigre
subissent des modifications d’un cinquième
entre 20 et 80 ans. Les liens unissant modifi-
cations de la composition corporelle liées à
l’âge et déficit somatotrope sont cependant
complexes car, si le déficit en GH s’accom-
pagne bien de telles modifications, l’adipo-
sité peut, en retour, moduler à la baisse la
sécrétion de GH.
La somatopause ne paraît pas liée à une
réduction de la capacité hépatique à produire
de l’IGF-1. En effet, le traitement par GH
d’adultes âgés induit une ascension du taux
d’IGF-1 dans la fourchette normale de
l’adulte jeune. L’aptitude de la cellule soma-
totrope à répondre à la stimulation ne paraît
pas non plus être l’élément limitant. La
réponse somatotrope au cours de tests provo-
catifs à point de départ hypophysaire direct,
comme l’administration intraveineuse de
GHRH, est similaire chez les adultes jeune et
âgé. À l’inverse, la réduction du nombre et de
l’amplitude des pulses spontanés diurnes et
surtout nocturnes de GH et la diminution de
l’amplitude de la réponse somatotrope à des
stimuli empruntant des relais hypothala-
miques, comme l’hypoglycémie insulinique
ou l’exercice musculaire, suggèrent que le
maillon déficitaire soit principalement hypo-
thalamique. Ce mécanisme a pu être confirmé
par comparaison de la réponse somatotrope à
des doses croissantes de GHRH en présence
ou non d’un antagoniste de ce peptide. Les
relais neuro-endocriniens impliqués dans le
déficit hypothalamique relatif de l’adulte âgé
ne sont pas clairement identifiés. Le déficit
gonadique lié à l’âge pourrait y jouer un rôle.
La diminution progressive de la synthèse
d’hormone de croissance et, consécutive-
ment, d’IGF-1 avec l’âge peut également être
un facteur géniteur d’ostéoporose. Le risque
fracturaire sur fond d’ostéoporose est, en
effet, trois à quatre fois plus fréquent chez
l’adulte atteint d’un déficit en hormone de
croissance par rapport à ce qu’il est chez
l’adulte du même âge non déficitaire. La
perte de densité minérale osseuse paraît
d’ailleurs d’autant plus profonde que le défi-
cit en hormone de croissance est plus pro-
noncé. Une des questions clé est donc de
savoir définir, en dehors de tout contexte
morbide ou médicamenteux, quelles sont les
variations physiologiques liées à l’âge et à
partir de quel seuil il est pertinent d’envisa-
ger une intervention thérapeutique. Chez
l’adulte, la mesure de la fonction somato-
trope repose sur les mêmes tests dynamiques
que ceux qui sont utilisés chez l’enfant ou
l’adolescent. Les critères de normalité sont,
en revanche, différents. Un déficit en hor-
mone de croissance ne peut être affirmé chez
l’adulte que si, après stimulation appropriée,
la GH plasmatique ne dépasse pas 3 ng/ml.
La détermination du taux plasmatique d’IGF-
1 n’a de valeur que s’il est inférieur à la
moyenne pour l’âge réduit de 2,5 déviations
standard. En effet, de nombreux adultes
authentiquement déficitaires en hormone de
croissance ont un taux d’IGF-1 qui s’inscrit
dans les limites de la normale pour l’âge, ce
qui s’explique par la multiplicité des facteurs
qui en contrôlent la sécrétion (18).
La pertinence d’un éventuel traitement substi-
tutif par l’hormone de croissance doit reposer
sur une analyse aussi objective que possible
des avantages et inconvénients de la mise en
route d’une telle thérapeutique. Les argu-
ments “pour” ne manquent pas. Injectée sur
une courte période à des adultes en bonne
santé de plus de 60 ans, la GH humaine
recombinante induit une augmentation de la
masse maigre d’environ 10 % et une réduc-
tion concomitante de la masse grasse de 14%.
La GH induit un gain très significatif de den-
sité minérale osseuse chez l’adulte atteint
d’insuffisance somatotrope par comparaison
à un placebo, effet maintenu 18 mois après
l’interruption de la substitution par hormone
de croissance (19). Au chapitre des inconvé-
nients, il faut bien entendu mentionner la
nécessité d’injections vespérales quoti-
diennes et le coût de la thérapeutique. Par
ailleurs, la substitution en stéroïdes sexuels
d’adultes de plus de 60 ans en bonne santé
double la sécrétion basale pulsatile de GH et
induit une augmentation du taux d’IGF-1
plasmatique de 40%. Le gain apporté par la
substitution de la gonadopause pourrait donc
être expliqué en partie par ce mécanisme de
stimulation de la sécrétion de GH endogène
(16).
Adrénopause
L’âge est susceptible d’influer plus ou moins
profondément sur l’activité sécrétoire des dif-
férents secteurs de la corticosurrénale. Le
taux de sécrétion et la concentration plasma-
tique d’aldostérone s’abaissent avec l’âge. Le
Synthèse
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mécanisme impliqué est une réduction de la
sécrétion de rénine. Cela semble en pratique
n’avoir aucune conséquence.
Les altérations de la sécrétion de glucocorti-
coïdes liées à l’âge sont mineures. La cortiso-
lémie moyenne du nycthémère est plus élevée
chez les personnes âgées et l’ascension corti-
solique induite par le stress est plus prolongée.
Ces particularités de la sécrétion cortisolique
seraient susceptibles d’intervenir dans la
réduction de la densité minérale osseuse
associée à la sénescence.
La sécrétion stéroïdienne de la couche réti-
culée de la corticosurrénale est celle qui subit
les plus amples modifications liées à l’âge.
La DHEA, précurseur sur la voie de synthèse
des androgènes, et son sulfate (qui pourrait
être une forme de réserve) sont les stéroïdes
sécrétés majoritairement sur le plan quantitatif.
Dépourvue de récepteurs spécifiques, la
DHEA ne semble pas jouer de rôle physiolo-
gique de type androgénique direct. Elle paraît
néanmoins capable de moduler l’activité de
certains récepteurs : dépression de celle du
récepteur GABAergique de type central,
potentialisation de l’effet excitateur du récep-
teur NMDA (n-méthyl-d-aspartate) et s’insé-
rer ainsi dans la famille des neurostéroïdes
susceptibles d’exercer une fonction modula-
trice sur de nombreuses activités du système
nerveux central. Cette hypothèse est d’autant
plus concevable que le système nerveux central
est lui-même capable d’en produire à partir
du cholestérol. En dehors de tout contexte
pathologique, les taux de DHEA et de son
sulfate se réduisent de 80% chez la personne
âgée par rapport aux taux de l’adulte jeune.
L’importance clinique du déclin de produc-
tion en DHEA et son sulfate n’a pas été clai-
rement identifiée. De nombreuses études se
sont attachées à évaluer l’intérêt d’une sup-
plémentation en déhydroépiandrostérone
chez l’homme ou la femme âgé(e) chez qui
était identifié un déclin âge-dépendant de la
sécrétion de DHEA. Un gain de masse
maigre et une augmentation significative de
la densité minérale osseuse ont été observés
dans certains essais dont les résultats sont
néanmoins sujets à caution car la gonado-
pause était simultanément substituée (20).
Plus nombreuses sont les études qui montrent
qu’en dépit d’une restauration de taux phy-
siologiques de DHEA et de son sulfate, il n’y
a pas d’effet subjectif ou objectif d’une telle
substitution (21, 22). Ces résultats négatifs
sont le fruit d’études menées au maximum
sur quelques mois et sur de petits échantillons
de population. Seules des études randomi-
sées, ayant inclus de nombreux patients et
conduites sur une période suffisamment pro-
longée, permettront de conclure avec préci-
sion. L’étude DHEA-âge conduite trois ans
sur plusieurs centaines de personnes âgées
devrait apporter des éléments de réponse.
À l’inverse, la substitution en DHEA a
apporté des effets objectivement et significa-
tivement positifs chez des patients atteints
d’insuffisance surrénalienne quelle qu’en soit
l’origine (23, 24). Dans le contexte d’une
insuffisance surrénalienne primaire ou secon-
daire, organique ou fonctionnelle (cortico-
thérapie prolongée), il est sans doute d’autant
plus pertinent de proposer ce type de substi-
tution que la personne considérée est âgée.
Autres hormonopauses
La sécrétion de mélatonine est également
modifiée par l’âge. Son intensité décroît et le pic
vespéral de mélatonine subit un décalage en
avance du rythme jour-nuit avec lequel il reste
synchronisé (25). Néanmoins, ces altérations
peuvent intervenir dans la moins bonne qualité
du sommeil observée chez nombre de per-
sonnes âgées. La substitution en mélatonine
(0,3 à 2 mg) plusieurs heures avant le coucher
est un facteur d’amélioration de la qualité du
sommeil au cours de la sénescence (26).
Entre 25 et 70 ans, la masse maigre chute de
27%, tandis que la masse grasse s’élève d’en-
viron 20 %. Le taux plasmatique de leptine,
hormone peptidique produite par le tissu adi-
peux, s’élève proportionnellement à la masse
grasse. Paradoxalement, les taux de leptine
plasmatique décroissent avec l’âge, en parti-
culier chez la femme (27, 28). Cette diminu-
tion modérée mais certaine du taux de leptine
plasmatique avec l’âge peut être un des fac-
teurs contributifs de l’accroissement de la
masse grasse.
L’âge s’accompagne également d’une réduc-
tion de la sensibilité tissulaire à l’insuline
(29). En témoignent la moins bonne tolérance
au glucose et un certain degré d’hyperinsuli-
nisme observé jusqu’à 50 % des sujets âgés.
Cette relative résistance à l’insuline, qui reste
réelle même après correction d’autres fac-
teurs intercurrents comme la masse grasse et
l’activité physique, est sans doute la résul-
tante de plusieurs mécanismes convergents.
Parmi eux, citons la diminution du contenu
musculaire en GLUT-4, transporteur du glu-
cose, et l’influence négative de la carence en
stéroïdes sexuels (30).
Conclusion
Nombreuses sont les modifications de l’équi-
libre endocrinien qui accompagnent l’avancée
en âge. Certaines sont directement liées à un
contexte pathologique ou ne font que traduire
l’influence de prises médicamenteuses.
D’autres sont directement liées à l’âge. Elles
sont de fréquence et d’intensité variables.
Dans le cadre de la gonadopause, la méno-
pause représente l’exemple le plus caricatural
par son caractère systématique. La réduction
de la production d’androgènes surrénaliens,
qui atteint 80% après 70 ans, et la diminution
de la sécrétion somatotrope sont quasiment
aussi constantes. Un abaissement de la sécré-
tion de testostérone par un mécanisme com-
posite, associant déficit testiculaire primaire
et dépression de la sécrétion de GnRH, est
observé chez un homme sur deux après
70 ans. Les autres modifications endocri-
niennes sont plus subtiles et plus inconstantes
et n’ont, en pratique, que peu de répercus-
sions cliniques. L’identification de symp-
tômes cliniques ou paracliniques rattachables
à l’un des éléments de l’hormonopause doit
alors faire poser la question de la pertinence
de l’introduction d’une substitution sur une
évaluation précise de la balance avantages/
inconvénients.
Synthèse
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