Anesthésie pour chirurgie laparoscopique Alice Quinart Uro-vasculaire, SARI Cours DESAR, 18 Octobre 2012 Introduction • Chirurgie coelioscopique ou laparoscopique : chirurgie digestive, gynécologique, urologique … interventions très variées • Chirurgie en cours d’évolution : interventions plus complexes ou réalisées en ambulatoire • Intérêt : suites chirurgicales plus simples et meilleure réhabilitation (douleur moins longue et reprise du transit plus précoce) • Vision et accès au site opératoire → position qui écarte les viscères par gravité et pneumopéritoine qui les sépare de la paroi Introduction Plan - Principes - Physiopathologie du pneumopéritoine - Evaluation préopératoire - Peropératoire - Complications - Spécificités postopératoires Principes Mini-invasif Principes Pneumopéritoine au CO2 Principes Vidéo-assisté ; régulateur de pression D’après Pr. Eric KAISER HIA Sainte-Anne – Toulon Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences Hémodynamiques - Maintien ou augmentation du débit cardiaque (DC) pour de faibles pressions par chasse veineuse à partir des territoires splanchniques - Puis chute du débit cardiaque proportionnelle à la pression intrapéritonéale si > 8 mmHg • • • CAR : Diminution du retour veineux par compression de la VCI Augmentation de la pression intra-thoracique Élévation des résistances vasculaires systémiques (par compression mécanique et phénomène humoral dont sécrétion de vasopressine) 120 100 PAM (mmHg) 80 3 IC (l/min/m2) 2,5 2 2000 1500 RVS (Dyn/sec/m-5) 1000 Contrôle/AG + Insuffl + Trend Dec dorsal Exsuffl Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences Hémodynamiques Importance de l’hypovolémie sur les répercussions hémodynamiques (car compression veineuse) Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences sur les circulations régionales - Chute du débit mésentérique (24%) et hépatique si P>12 mmHg → risque d’ischémie gastrique et intestinale - Oligurie par compression du parenchyme rénal et des vaisseaux et élévation du taux d’ADH - Le débit sanguin cérébral est maintenu malgré la baisse du DC Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences sur la fonction respiratoire - Hypercapnie par absorption du CO2 à partir de la cavité péritonéale (à partir de la 10éme min, plafond à la 20éme min) Diminue avec l’augmentation des pressions par collapsus des vaisseaux péritonéaux Augmentation plus importante si insufflation extrapéritonéale PCO2 (mmHg) 60 50 PaCO2 ASA 3-4 40 PaCO2 ASA 1-2 PetCO2 PetCO2 30 AG COELIO d'après Wahba RWM et al, Can J Anaesth 1995 Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences sur la fonction respiratoire - Modifications de la mécanique thoraco-pulmonaire Augmentation des pressions des voies respiratoires Baisse de la compliance ( 20%) Baisse de la CV et de la CRF Influence de la position : compliance diminuée encore si Trendelenburg Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences sur la fonction respiratoire - Altérations du rapport ventilation/perfusion Surtout pour des pressions d’insufflation élevées Augmentation de l’espace mort (par augmentation des pressions de plateau et baisse du débit cardiaque) : augmentation du gradient PaCO2 et PETCO2 Peu marqués chez les patients ASA I ou II Plus marqué en position de Trendelenburg, en cas de prolongation de l’intervention, en cas de pathologie cardio-vasculaire associée, chez le patient obèse Physiopathologie du pneumopéritoine • Conséquences sur la fonction respiratoire - Oxygénation d’après les études non modifiée Bien qu’on pourrait penser qu’elle baisse par atélectasies et effet shunt ! Evaluation pré-opératoire • Evaluation du rapport bénéfice risque pour chaque patient • Rappeler au patient la possibilité de conversion en laparotomie • CI absolues rares • Maladies cardiovasculaires : Attention chez le coronarien (augmentation des RVS et de la demande en oxygène du myocarde). Evaluation appréciant la contractilité myocardique et la fraction d’éjection à l’effort si coronaropathie non stable Sensibilité des sujets à pathologies valvulaires sténosantes (baisse de la précharge) : pneumopréritoine < 12 mmHg en position déclive préconisé Evaluation pré-opératoire • Pathologies respiratoires BPCO : augmentation de pressions des VR : adapter la ventilation pour limiter autant que possible l’augmentation des pressions inspiratoires tout en assurant une ventilation suffisamment efficace • Obésité Vigilance à l’introduction des trocarts Bénéfice post-opératoire +++ • Glaucome Pas une contre-indication; toutefois attention si chirurgie prolongée et Trendelenburg Evaluation pré-opératoire • HTIC Élévation des pressions intracraniennes par l’hypercapnie, exagérée si position déclive → CI • Grossesse La coelioscopie n’est pas contre-indiquée Pas d’augmentation de la mortalité fœtale démontrée Limites en terme de durée et de pression maximale d’insufflation à préciser En absence de données, se limiter à une pression d’insufflation de 12 mmHg Risque : Augmentation de la PaCO2 chez le fœtus chez l’animal et baisse du pH → vigilance +++ sur la capnie maternelle • Pédiatrie : Précaution +++ Pas de pressions d’insufflation > 8 mmHg chez l’enfant de moins de 6 ans • Personnes âgées Tecnique très interessante dans cette population ; retentissement peropératoire modéré si pression d’insufflation < 12 mmHg Anesthésie • Prémédication HBPM en prophylaxie à discuter (stase veineuse des membres inférieurs) et poursuivie jusqu’à reprise d’une activité normale ou au moins, contention élastique, sauf si gestes courts Rien de spécifique sinon Anesthésie • ALR Si insufflation extrapéritonéale et gestes courts (hernie inguinale) : rachi ou APD possibles Sinon pas de place pour l’ALR • AG Avec intubation trachéale (répercussions respiratoires et risque de régurgitations) Risque important d’intubation sélective du fait de l’ascencion du médiastin après le pneumopéritoine La coelioscopie sans intubation trachéale est possible (ventilation au masque ou masque laryngé) pour les gestes courts chez le patient ASAI en particulier en chirurgie ambulatoire (coelio gynéco diagnostique par exple) Anesthésie • Choix des agents anesthésiques Pas de spécificité Le protoxyde d’azote peut-être utilisé. Diffusion dans les pneumopéritoine rapide et inéluctable ; risque d’explosion de l’hydrogène ou du méthane si perforation digestive, mais très théorique Curarisation profonde et stable nécessaire Monitorage de la curarisation intéressant dans ce contexte Préférer les curares d’action courte car les temps de fermetures sont très courts Anesthésie • Introduction de l’aiguille de Veress Palmer et insufflation du pneumopéritoine Chez un patient curarisé pour écarter la paroi des gros vaisseaux et réduire l’effort de ponction (risque d’accidents vasculaires) Insufflation progressive Chez un patient normovolémique Auscultation systématique après insufflation Surveillance des pressions d’insufflation : Pression d'insufflation abdominale <15mmHg Pression d'insufflation thoracique <10mmHg Anesthésie • Ventilation contrôlée Obligatoire pour la plupart des coelioscopies Les paramètres respiratoires sont réglés sur la capnographie En jouant autant que possible sur les fréquences Intérêt d’une PEEP à 5 pour augmenter la CRF, pas de modifications hémodynamiques associées démontrées malgré le pneumopéritoine Anesthésie • Monitorage Electrocardioscope Risque de troubles du rythme liés à l’hypercapnie Monitorage du segment ST à valider (changement d’axe au pneumopéritoine et aux changements de position) SpO2 Pressions intrapéritonéales +++ Monitorage hémodynamique Monitorage de PA par voie sanglante peut être justifiée pour surveiller la précharge et la gazométrie artérielle Mesure de la PVC difficile ETO et doppler oesophagien pour les patients à risque Anesthésie • Monitorage du CO2 PETCO2 : témoin de la production de gaz carbonique par le métabolisme cellulaire et de l’absorption par la cavité péritonéale, de son transport et des échanges pulmonaires Modification brutale et brève : embolie gazeuse de CO2 minime Si élévation progressive et durable dans le temps, diffusion extrapéritonéale de CO2 (sous-cutanée …) Si baisse de PETCO2 , chute du débit cardiaque ou embolie gazeuse massive • Index bispectral Permet de faire la part entre anesthésie insuffisante et modifications hémodynamiques induites par le pneumopéritoine Complications • Embolie gazeuse Incidence : 0 à 590/100000 Pressions pour lesquelles le CO2 pénètre dans une brèche veineuse : entre 15 et 20 mmHg • Troubles du rythme Si hypercapnies sévères ; rares • Réactions vagales Fréquentes, liées à la distension péritonéale ou à la traction sur les séreuses • Pneumothorax et pneumomédiastin Par diffusion du CO2 dans le thorax ; souvent de découverte fortuite Si syndrome compressif, exsufflation rapide du pneumopéritoine Complications • Emphysème sous-cutané Fréquent, en rapport avec une fuite pré ou rétro-péritonéale du trocart Diagnostic sur l’élévation du CO2 expiré et sur la visualisation de l’emphysème Impose au chirurgien de revérifier les points de pénétration des trocarts et de baisser si possible la pression d’insufflation En post-op, possible hypercapnie persistante et douleurs Réabsorption en quelques heures • Complications chirurgicales Perforations vasculaires, digestives ou urinaires Complications 180 Laparotomie Laparoscopie 120 60 0 Mortalité Complic chir Complic cardioresp Deziel DJ et al. Complications of laparoscopic cholecystectomy Am J Surg 1993 (n = 77604) Morgenstern L et al. Arch Surg 1992. 1200 open cholecystectomies before the laparoscopic era: a standard for comparison Postopératoire • Réveil Possible poussée hypertensive au moment de l’exsufflation par augmentation de la précharge Persistance de l’hypercapnie possible au réveil Possible curarisation résiduelle (monitorage+++) → Réveil calme et progressif Postopératoire • Douleur postopératoire Liée à l’irritation du péritoine par le CO2 et à la chirurgie elle-même Globalement aussi douloureuse qu’une laparo dans les 24 à 48 premières heures (puis moins douloureux) Douleur scapulaire liée au pneumopéritoine (gaz résiduel au niveau des coupoles) Efficacité des AINS Importance d’une exsufflation de qualité à la fin de la chirurgie Anesthésiques locaux dispersés sur les coupoles et le site chirurgical +++ et infiltration au niveau des points d’entrée des trocarts Postopératoire • Nausées et vomissements Incidence élevée (jusque 70% dans certaines séries) Diminuée si entretien de l’anesthésie au propofol Efficacité de l’ondansétron Intérêt de la dexaméthasone en prophylaxie Si prolongés, éliminer une complication Postopératoire • Fonction respiratoire Moins altérée et plus rapidement restaurée en post-opératoire Hypoxémie moins prolongée qu’après laparotomie Baisse de l’incidence des pneumopathies après cholécystectomie (divisée par deux) Conclusion • Indications de plus en plus larges, pour des interventions de plus en plus longues et chez des patients aux antécédents de plus en plus lourds • Justifié par des avantages postopératoires de plus en plus objectivement démontrés • Nécessité pour l’anesthésiste de la connaissance des techniques et des risques Références • Anesthésie pour chirurgie laparoscopique, JE Bazin in K.Samii, 3ème édition, chapitre 33 • Anesthésie pour coeliochirurgie : reste-t-il encore quelque chose à dire ? P. Schoeffler et C.Duale in JEPU 2002 • Spécificité de l’anesthésie en chirurgie abdominale de l’adulte par laparoscopie, JE. Bazin, P. Waleckx, K. Slim in EMC 36-560-C-10 • Analgésie après chirurgie coelioscopique, D. Benhamou in Conférences d’actualisation, Sfar 1997, p.9-15