LE PENDULE SIMPLE On considère un point matériel M de masse

LE PENDULE SIMPLE
MARC CHAPERON
On considère un point matériel Mde masse massujetti à se mouvoir dans un
plan vertical Pau bout d’une tige rigide de longueur `et de masse nulle1fixée en
son autre extrémité en un point O, autour duquel elle peut tourner librement et
sans frottement dans le plan P.
Il est commode (mais pas du tout indispensable) d’identifier isométriquement
le plan Pau plan complexe Cde manière que l’axe vertical orienté dans le sens
descendant soit Ret que Osoit le nombre complexe 0. Si θdésigne l’angle orienté du
pendule avec l’axe vertical (toujours orienté vers le bas) à un instant donné, le point
du plan complexe correspondant à Mest donc `e , d’où son énergie potentielle
V(θ) = mg` cos θ,
gest l’accélération de la pesanteur. La vitesse de Métant v=`i ˙
θe, où ˙
θ
désigne la dérivée de θpar rapport au temps à l’instant considéré, son énergie
cinétique 1
2m|v|2est
K(˙
θ) = 1
2m`2˙
θ2.
L’équation du mouvement de Ms’obtient en écrivant que l’énergie totale est conser-
vée, c’est-à-dire que d
dt K(˙
θ) + V(θ)= 0, autrement dit m`2˙
θ¨
θ+mg` ˙
θsin θ= 0 ;
après simplification par m` ˙
θet division par `, on obtient donc
(1) ¨
θ+g
`sin θ= 0,
que l’on peut écrire comme un système de deux équations du premier ordre dans le
plan des phases Oθω, où ωest la vitesse angulaire ˙
θ:
(2) ˙
θ=ω
˙ω=g
`sin θ.
Que l’on écrive l’équation du pendule sous la forme (1) ou (2), ses solutions ne
s’expriment pas en fonction du temps à l’aide de fonctions répertoriées au niveau
L3. En revanche, les images des solutions de (2), appelées orbites du champ de
vecteurs sur R2défini par le second membre de (2), sont très faciles à trouver
explicitement en utilisant la conservation de l’énergie E(θ, ω) = K(ω) + V(θ):
chaque solution est contenue dans une « courbe » de niveau Ce=E1(e), où eR
est la valeur (constante) de l’énergie le long de la solution considérée.
L’équation de Ceest 1
2m`2ω2mg` cos θ=e, c’est-à-dire, après division par
m`2,
(3) ω2=2
m`2(mg` cos θ+e).
1Sinon, il faudrait remplacer dans ce qui suit l’extrémité Mde la tige par le centre de gravité
de l’ensemble et `par sa distance à O.
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2 MARC CHAPERON
La plus grande valeur possible du second membre de (3) est 2
m`2(mg` +e). Si elle
est <0, (3) n’a pas de solution. En d’autres termes :
i) Pour e < mg`, la « courbe » Ceest vide.
Si g
`+e
m`2= 0, (3) n’est réalisée que pour cos θ= 1, c’est-à-dire θ= 0 modulo 2π,
et ω= 0.2En d’autres termes :
ii) Si e=mg`,Ce= 2πZ× {0}et chacun de ses points est une orbite, corres-
pondant à la situation où le pendule ne bouge pas de sa position d’équilibre
basse.
Dans tous les autres cas, Ceest la réunion des deux courbes d’équations
(4) ω=q2
m`2(mg` cos θ+e)
ω=q2
m`2(mg` cos θ+e),
définies pour les valeurs de θvérifiant mg` cos θ+e0. La plus petite valeur pos-
sible du premier membre de cette inégalité étant mg` +e, trois cas se présentent :
iii) Pour e > mg`, on a mg` cos θ+e > 0pour tout θ, donc Ceest formé des deux
courbes Cdisjointes C+
eet C
edéfinies respectivement par les équations (4)
lorsque θvarie dans Rtout entier. Comme la vitesse horizontale ˙
θ=ωde
toute solution passant par un point de C+
e(et donc y demeurant) est minorée
par le nombre strictement positif q2
m`2(mg` +e), une telle solution a pour
image C+
etout entier ; de même, toute solution passant par un point de C
ea
pour image C
etout entier. Bref, C+
eet C
esont des orbites.
Les solutions correspondantes sont celles pour lesquelles le pendule tourne
indéfiniment (!) autour de Otoujours dans le même sens. Elles sont périodiques
car la vitesse et (modulo 2π) la position sont inchangées sur C±
eaprès un tour.
iv) Pour mg` < e < mg`, on a mg` cos θ+e0si et seulement si θappartient
àharccos e
mg` ,arccos e
mg` imodulo 2π; pour θharccos e
mg` ,arccos e
mg` i,
les deux équations (4) définissent une courbe fermée (c’est-à-dire homéo-
morphe à un cercle) Ce,0, qui est une courbe C, c’est-à-dire qu’au voisinage
de chacun de ses points elle est soit le graphe d’une fonction Cde θ,3soit
le « graphe » θ=ψ(ω)d’une fonction ψde classe C.4Le niveau Ceest la
réunion disjointe des courbes Ce,m =Ce,0+ (2πm, 0) avec mZ.
Par périodicité par rapport à θ, toutes ces courbes correspondent aux mêmes
solutions « physique » du problème. Comme Ce,0est compacte et que la vi-
tesse de toute solution passant par un point de Ce,0(et donc y demeurant)
2Comme (2) est invariant si l’on remplace θpar θ+2π, le véritable espace de phases du pendule
est le cylindre (R/2πZ)×R, obtenu à partir de la bande verticale [π, π]×Ren y identifiant (π, ω)
à(π, ω)pour tout réel ω.
3Le second membre d’une des équations (4) pour θiarccos e
mg` ,arccos e
mg` h.
4La somme d’une constante et d’une constante fois un arccosinus d’après (3), au voisinage des
deux points à tangente verticale ±arccos e
mg` ,0.
LE PENDULE SIMPLE 3
est minorée en norme (module) par un nombre strictement positif, une telle
solution a pour image Ce,0tout entière, qui est donc une orbite, ainsi que cha-
cune des Ce,m. En outre, ces solutions sont périodiques5.Elles correspondent
aux situations où le pendule oscille autour de sa position d’équilibre basse.
Quand e→ −mg`, l’orbite Ce,0(qui entoure {(0,0)}) tend vers{(0,0)}.
v) Reste le cas e=mg`, intermédiaire entre (iii) et (iv) ; le niveau d’éner-
gie Ceest la réunion des deux courbes définies par (4), c’est-à-dire ω=
q2g
`(cos θ+ 1) et ω=q2g
`(cos θ+ 1), où θvarie dans Rtout entier ; ces
deux courbes se touchent aux points (π+ 2πm, 0) avec mZ, qui sont les or-
bites correspondant à la situation (improbable) où le pendule reste sans bouger
dans sa position d’équilibre instable, vers le haut.
Les autres orbites contenues dans Cesont les C+
e,m =C+
e,0+ (2πm, 0) et
C
e,m =C
e,0+ (2πm, 0) avec mZ, où
C±
e,0={(θ, q2g
`(cos θ+ 1)) : π < θ < π}.
L’orbite C+
e,0est l’image des solutions (tout aussi improbables) de (2) qui
tendent vers (π, 0) quand t→ −∞ avec une vitesse qui tend vers 0, et vers
(π, 0) quand t+avec une vitesse qui tend vers 0; de même, l’orbite C
e,0
est l’image des solutions de (2) qui tendent vers (π, 0) quand t→ −∞ et vers
(π, 0) quand t+. Comme les deux points (π, 0) et (π, 0) correspondent
tous les deux à la position d’équilibre instable, ce sont donc les mouvements
(tout aussi improbables) du pendule qui consistent à « partir de la position
d’équilibre instable pour t=−∞ et à y retourner pour t= +».
Remarques. La courbe en forme d’œil {(π, 0)} ∪ C+
e,0C
e,0∪ {(π, 0)}est la
limite quand emg`des orbites périodiques entourant 0, dont la période tend
vers l’infini.
Le niveau Cmg` est en fait la réunion de deux courbes Cqui se coupent
transversalement aux points (π+ 2πm, 0) avec mZ; par exemple, puisque
cos θ=cos(θπ), on voit que cos θ+ 1 = (θπ)2Pn0(1)n(θπ)2n/(2n+2)!,
donc qu’au voisinage de θ=πla courbe Ceest la réunion des deux courbes C
d’équations ω=±(θπ)qPn0(1)n(θπ)2n/(2n+ 2)!.
5En effet, quand on a effectué un tour complet sur Ce,0, on se retrouve au même point (θ, ω),
et la périodicité vient de ce que, le second membre de (2) ne dépendant pas du temps, une solution
γtelle que γ(0) = γ(T)vérifie γ(t) = γ(t+T)pour tout t.
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