Prise en charge des occlusions intestinales chez des patients

SYNTHÈSE
Médecine palliative
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4 – Septembre 2003
Med Pal 2003; 2: 197-210
© Masson, Paris, 2003, Tous droits réservés
Prise en charge des occlusions intestinales chez des patients atteints
de cancer en phase avancée
Frédéric Guirimand, Équipe mobile de soins palliatifs, Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, Service d’anesthésie réanimation chirurgicale, Hôpital Ambroise
Paré, Boulogne-Billancourt.
Summary
Management of bowel obstruction in patients with end-stage
cancer
This short review is devoted to the management of patients with
end-stage cancer who develop bowel obstruction. The role of
surgery, dilatation stents, antisecretory drugs and corticoster-
oids is discussed as well as the importance of treating pain. A
meta-analysis has confirmed that surgery has no effect on the
very severe short-term prognosis in patients with malignant
obstruction and that it has not proven to be effective in provid-
ing symptom relief or resolution of the obstruction. Benign
obstruction is common in these patients and may respond to
surgery. Complementary explorations are required to obtain a
precise diagnosis such as a unique obstacle that would be
assessable to stent dilatation, a method with proven efficacy.
Antisecretory agents are essential for proper medical care.
Somatostatin analogs (octerotide) have a more rapid action than
anticholinergic agents and should be used as first-line treat-
ment, followed by scopolamine butybromide (Scoburen). Corti-
costeroids have a limited effect on obstruction. They may be
useful for their antiemetic effect and as a co-antalgesic. If a gas-
tric tube is needed, its use should be reevaluated daily, taking
into consideration the patient’s desires and needs. Opioids are
essential, administered via an intravenous infusion or subcuta-
neous injections, often the only route available. Patient-con-
trolled antalgesia (PCA) is an important approach allowing the
patient to titrate morphine as needed.
Key-words:
palliative care, malignant bowel obstruction, end-
stage cancer, peritoneal carcinomatosis, anti-secretory drugs.
Résumé
Cette revue précise quelques lignes de conduite pour la prise en
charge des patients atteints d’occlusion intestinale en phase
avancée d’un cancer. Elle aborde la place de la chirurgie, l’indi-
cation d’un stent de dilatation, les antisécrétoires, l’intérêt des
corticoïdes et quelques règles pour la prise en charge de la dou-
leur. Une méta-analyse confirme que la chirurgie ne modifie pas
le pronostic très sombre à court terme des occlusions malignes
et qu’elle n’a fait les preuves de son efficacité pour l’améliora-
tion des symptômes et la résolution de l’occlusion. Les occlu-
sions bénignes sont fréquentes et peuvent répondre à la
chirurgie. Des examens complémentaires orientent vers le dia-
gnostic précis et notamment un obstacle unique, accessible par-
fois à un stent de dilatation ; cette technique fait largement ses
preuves. Les antisécrétoires sont une pièce maîtresse du traite-
ment médical. Les analogues de la somatostatine (octréotide)
agissent plus rapidement que les anticholinergiques et sont uti-
lisés en phase initiale. Le relais est pris par butylbromure de sco-
polamine (Scoburen). L’efficacité des corticoïdes pour la
résolution de l’occlusion est très limitée. Leur intérêt réside dans
leur effet antiémétique et co-analgésique. Si une sonde gastrique
est nécessaire en phase initiale, son utilisation devra être rééva-
luée quotidiennement et rediscutée avec le patient à sa
demande. Les antalgiques opioïdes ont une place prioritaire : la
voie intraveineuse ou sous cutanée est souvent la seule utilisa-
ble. Les techniques d’autoadministration (PCA) ont une place de
choix car elles permettent une titration des besoins en morphine
tout en laissant une large autonomie au patient.
Mots clés :
soins palliatifs, occlusion intestinale maligne, carci-
nose péritonéale, médicaments antisécrétoires.
Introduction
La survenue d’une occlusion intestinale est un phéno-
mène très fréquent chez les patients atteints d’un cancer
abdominal en phase avancée [1]. L’état général des
patients rend leur prise en charge particulièrement déli-
cate. Jusqu’à une époque récente, ces occlusions étaient
encore traitées comme des occlusions intestinales aiguës
avec des traitements très stéréotypés : aspiration gastrique
continue au moyen d’une sonde naso-gastrique, réhydra-
Guirimand F. Prise en charge des occlusions intestinales chez des patients
atteints de cancer en phase avancée. Med Pal 2003; 2: 197-210.
Adresse pour la correspondance :
Frédéric Guirimand, Équipe mobile de soins palliatifs, Centre d’évaluation et de
traitement de la douleur, Service d’anesthésie réanimation chirurgicale, Hôpital
Ambroise Paré, 92104 Boulogne-Billancourt.
e-mail : frederic.
g
uirimand@a
p
r.a
p
-ho
p
-
p
aris.fr
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atteints de cancer en phase avancée
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tation par voie intraveineuse, laparotomie à la recherche
d’une cause accessible à la chirurgie. Les patients non
opérés restaient alors hospitalisés longtemps et leurs
symptômes n’étaient pas contrôlés. Le pronostic était tou-
jours jugé comme sombre.
En 1985, Baines et al publient un article dans le
Lan-
cet
, dans lequel ils rapportent l’expérience du Saint-Chris-
topher Hospital. Ces auteurs montrent que, même lorsque
la chirurgie n’a plus sa place, il est encore possible de
diminuer les douleurs abdominales, les nausées et les
vomissements, grâce à l’utilisation d’un traitement médi-
cal bien conduit à base d’analgésiques, d’antispasmodi-
ques et d’antiémétiques [1]. Ils remettent en cause la
suprématie du traitement chirurgical dans les occlusions
intestinales pour des patients en phase avancée d’un can-
cer : contrairement à une idée reçue jusque-là, l’absten-
tion chirurgicale ne conduit pas
inéluctablement au décès à brève
échéance dans d’atroces souffrances.
Depuis 17 ans, ces expériences se
sont multipliées et beaucoup d’équi-
pes se donnent aujourd’hui pour
priorité l’évaluation des symptômes et leur contrôle par
traitement médical. Le pronostic à court terme n’est plus
aussi sombre qu’il y a quelques années : au Saint-Chris-
topher Hospital, la moyenne de survie est de 3,7 mois [2]
et il n’est pas rare de suivre des patients en occlusion ou
subocclusion durant 7 à 10 mois.
Cependant, l’évolution de ces patients occlus n’est
jamais simple. Une rémission temporaire survient habi-
tuellement mais les épisodes occlusifs se succèdent pour
aboutir finalement à la perte définitive de la fonction ali-
mentaire. L’évolution de la maladie résulte d’un échec des
thérapies curatives type chimiothérapie. Ces complica-
tions sont à l’origine d’une nouvelle hospitalisation, pres-
que toujours dans un contexte d’urgence. À chaque
épisode, de multiples questions se posent : patient et soi-
gnants s’interrogent sur l’efficacité des moyens mis en
œuvre pour soigner cet épisode occlusif. Quelle est la
place des différentes propositions thérapeutiques ? Quand
faut-il opérer ou au contraire pourquoi n’est-il pas rai-
sonnable d’opérer ? Par quel mécanisme cet épisode sur-
vient-il : évolution de la maladie, preuve d’échec des
traitements ou simple épisode en relation avec une cause
bénigne ? Y a-t-il un risque que cette occlusion récidive ?
Si l’alimentation orale n’est d’ores et déjà plus possible,
faut-il mettre en route une alimentation parentérale ? Ou
alors une hydratation seule ? Un tel traitement peut-il se
faire à domicile ? Sinon, faut-il envisager une hospitali-
sation prolongée en service aigu, un transfert en unité de
soins palliatifs ? Autant de questions auxquelles il est ris-
qué de répondre de façon formelle et péremptoire. Nous
avons en effet à notre disposition un certain nombre
d’outils plus ou moins bien validés mais la précarité de
l’état général de ces patients pose les limites de leur uti-
lisation et en particulier pour les thérapeutiques chirur-
gicales.
À travers cette revue, nous présenterons les données
scientifiques actuelles permettant d’aider à la prise de
décision. Certains aspects faisant l’objet d’un consensus
ne seront pas ou peu abordés : aspects physiopathologi-
ques, cliniques, correction des troubles hydroélectrolyti-
ques, place des examens complémentaires radiologiques
ou biologiques, thérapeutiques antiémétiques… D’autres
questions n’ont pas fait l’objet de publication, comme les
avantages d’une chimiothérapie pour soulager des symp-
tômes d’occlusion. Un protocole de traitement sera pro-
posé en
annexe
pour rappeler qu’un schéma thérapeutique
doit rester un guide pour choisir une ligne de conduite ;
il ne s’apparente nullement à une recette toute faite et
universelle. Il est certain que des efforts doivent encore
être faits pour améliorer nos pratiques en s’étayant sur
une véritable recherche clinique dont on connaît toute la
complexité en ces phases avancées de maladie au pronos-
tic défavorable.
Données épidémiologiques
et physiopathologiques
Les cancers gastro-intestinaux et ovariens sont parmi
les cancers les plus fréquents, responsables de
30 000 morts par an au Royaume-Uni [3, 4]. L’occlusion
intestinale est une complication fréquente des patients
atteints de cancer à une phase avancée de la maladie,
principalement lorsque la tumeur est d’origine abdomi-
nale ou pelvienne. L’incidence précise de cette complica-
tion reste méconnue mais d’après des études
rétrospectives, le cancer de l’ovaire se complique d’occlu-
sion dans 5 à 51 % des cas ; cette fréquence est de 10 à
28 % en cas de cancer colorectal. Cette grande variabilité
provient de différences dans les critères diagnostiques
mais il est probable que l’incidence vraie des épisodes
d’obstruction est encore plus élevée.
Le syndrome occlusif se définit comme l’interruption
du transit intestinal. Il se manifeste par l’apparition de
trois symptômes d’intensité variable et de chronologie
parfois décalée : des douleurs abdominales, des vomisse-
ments et un arrêt des matières et des gaz. En phase avan-
cée d’un cancer digestif ou gynécologique, l’obstruction
intestinale maligne se présente de façon beaucoup plus
sournoise que l’occlusion intestinale aiguë ; cette dernière
se manifeste sous forme de tableau classique « d’abdomen
chirurgical » avec des signes cliniques francs et soudains ;
l’occlusion maligne se caractérise par un début plus insi-
L’évolution de ces patients
occlus n’est jamais simple.
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dieux, évoluant sur plusieurs semaines ou mois avec par-
fois une rémission intermittente spontanée entre deux
épisodes occlusifs [5, 6].
L’occlusion intestinale résulte de plusieurs mécanis-
mes physiopathologiques. Elle est dite fonctionnelle lors-
que aucun obstacle n’est matérialisé ; elle est mécanique
en présence d’un obstacle sur le colon ou le grêle. L’occlu-
sion fonctionnelle – iléus paralytique – est souvent en
relation avec un foyer infectieux ou inflammatoire abdo-
minal ou encore un épanchement péritonéal ou même un
syndrome douloureux intra ou rétropéritonéal (colique
néphrétique). Les obstacles mécaniques sont classés selon
l’origine de l’obstruction :
la compression extrinsèque de la lumière digestive
est la conséquence par exemple d’une masse tumorale
primitive ou métastatique (mésentérique ou épiploïque),
d’une fibrose radique, d’adhérences abdominales ou pel-
viennes ;
l’occlusion intraluminale ou intramurale résulte de
la présence d’une tumeur qui occlut la lumière digestive,
d’une lignite… ;
–à part, les troubles de la motilité digestive. L’infil-
tration tumorale du mésentère, de la musculature lisse ou
encore de l’innervation du plexus cœliaque sont sources
de troubles de la motilité digestive. Des facteurs pharma-
cologiques se surajoutent fréquemment, opioïdes et anti-
cholinergiques réduisant aussi la motilité digestive.
Au-delà de cette classification, il est essentiel en pra-
tique clinique d’arriver à distinguer les occlusions d’ori-
gine maligne de celles qui ont une cause bénigne comme
des adhérences, un grêle radique, des hernies… La litté-
rature, du fait de son caractère rétrospectif, ne met pas
assez en avant la difficulté de séparer ces deux étiologies
alors même que cette question se pose quotidiennement,
car les approches thérapeutiques sont différentes. Les
examens radiologiques restent essentiels (radiographies
sans préparation et avec produits de contraste, mais sur-
tout scanner abdominal qui permet une juste appréciation
de l’évolution de la maladie et oriente vers l’origine de
l’occlusion).
Évaluation des symptômes :
priorité à l’auto évaluation
L’évaluation des symptômes est une question habi-
tuellement traitée de façon trop superficielle. Le médecin
fait confiance à son impression pour juger de l’impor-
tance des nausées, des vomissements ou de la douleur.
Pourtant, de nombreux travaux ont montré que le prati-
cien est fort mauvais juge pour apprécier et quantifier
une gêne ou une douleur et qu’en la matière, il était bien
préférable de faire confiance au patient lui-même. L’auto
évaluation est une notion admise par tous mais qui est
encore trop peu utilisée en pratique. Les échelles validées
en français se font rares alors qu’Anglais et Américains
utilisent couramment des questionnaires d’auto évalua-
tion de symptômes. Les médecins français sont moins
habitués à ce mode de communication, peut-être aussi
parce qu’ils estiment qu’une hétéro évaluation a autant
de valeur qu’une auto évaluation. Pour la douleur du
cancer au moins, une étude française
récente a démontré le contraire [7].
Au même titre que la douleur, les
autres symptômes (nausées, vomis-
sements, fatigue, anxiété…) doivent
être évalués par auto évaluation, très
simplement au moyen d’échelles
visuelles analogiques déterminant
l’intensité du symptômes (entre
« absence de symptômes » et « intensité maximale imagi-
nable »).
Y a-t-il encore une place
pour la chirurgie ?
Tous les patients atteints d’occlusion intestinale ne
sont pas candidats à la chirurgie… Faire ou non la pro-
position d’une intervention chirurgicale en phase avancée
de maladie chez un patient atteint d’un cancer est un
choix difficile. Il faut tout d’abord rappeler que la décision
opératoire en vue d’une chirurgie qui ne peut, bien sûr,
n’être que palliative, dépend en premier lieu de l’état
général du patient, apprécié selon les échelles usuelles en
soin palliatif (Karnofsky, ECOG, état OMS…) ; la cotation
selon la classification ASA (American Society of Anesthe-
siology) est utile pour chiffrer le risque anesthésique mais
n’apporte pas d’argument décisionnel dans cette situation
très particulière. Le nombre de patients qualifiés « inopé-
rables » atteint 5 à 60 %.
Le rôle de la chirurgie en cas d’obstruction maligne
reste controversé. La littérature de ces 20 dernières
années est essentiellement rétrospective et ne prend pas
en compte les progrès de la prise en charge pharmaco-
logique : le plus souvent, rien n’est précisé quant à la
prise en charge médicale en alternative à la chirurgie.
La plupart des études ne s’intéressent qu’à la durée de
survie sans quantification des symptômes et de la qualité
de vie.
Une des questions clés porte sur l’origine de l’occlu-
sion avec, sous-jacent, le risque de « passer à côté » d’une
origine bénigne. Un article récent a fait le point sur les
avantages et inconvénients de la chirurgie dans les occlu-
Il est essentiel, en pratique
clinique, de distinguer
les occlusions d’origine
maligne à celle bénigne.
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Prise en charge des occlusions intestinales chez des patients
atteints de cancer en phase avancée
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sions intestinales chez les patients atteints de cancer
digestif [8]. Ces auteurs se sont intéressés au suivi rétros-
pectif de 75 patients ; ils ont testé l’hypothèse statistique
nulle à savoir qu’il n’y avait pas de différence en terme
de résultat entre les patients opérés et les autres. De nom-
breux paramètres ont été rassemblés : nombre d’épisodes
d’occlusion, temps passé à l’hôpital, temps passé avec une
sonde naso-gastrique, traitements entrepris pour l’occlu-
sion… L’évaluation des symptômes reposait sur une hétéro
évaluation rétrospective par l’investigateur et n’entraient
en ligne de compte que les symptômes liés à l’occlusion
intestinale. Puis les patients étaient répartis en quatre
catégories : résultat excellent, bon, médiocre ou mauvais.
Un des résultats les plus intéressants de cette étude est
que 36 % des patients occlus ayant un cancer abdominal
présentaient une occlusion d’origine bénigne. Pour les
64 % restant, l’occlusion était directement liée au cancer :
ils furent alors classés en opérés (67 %) et non opérés
(33 %). Le premier résultat porte sur la brève durée de
survie : moins de 5 mois avec une médiane autour d’un
mois ; cette survie ne diffère pas, qu’il y ait eu interven-
tion chirurgicale ou non. La chirurgie induit une mortalité
de 22 % ; elle résout le problème d’occlusion pour 76 %
des survivants alors même que des symptômes d’occlusion
persistent encore chez près de 50 % ces patients. Une réci-
dive nécessitant une nouvelle hospitalisation survient
chez 16 % des patients. La mortalité
atteint 38 % dans le groupe des
patients non opérés, l’occlusion étant
résolue chez 90 % des sujets mais
avec une persistance de symptômes
chez 70 % d’entre eux. La durée
totale d’hospitalisation et le temps
nécessaire d’aspiration digestive par
une sonde naso-gastrique étaient légèrement plus courts
dans le groupe des patients non opérés mais sans signi-
fication statistique.
Ce type d’étude met aussi en exergue la difficulté de
prendre une décision opératoire alors même qu’à ce
moment de la maladie, seul compte le confort du patient.
La méthodologie (étude rétrospective ouverte) ne permet
pas de conclure définitivement en faveur de l’une ou
l’autre attitude. De nombreux biais existent : la décision
d’opérer signe souvent dans leur pratique une phase plus
avancée de la maladie ; les durées d’hospitalisation ou
de survie ne sont pas calculées de façon similaires dans
les deux groupes (problème de la date de départ) ;
d’autres éléments ne sont pas mentionnés comme la
standardisation des thérapeutiques médicales alors
même qu’il n’existe pas de consensus formel sur le sujet ;
la difficulté de faire la part entre occlusion bénigne et
occlusion maligne est occultée par le caractère rétros-
pectif de l’étude…
La difficulté du diagnostic du mécanisme de l’occlusion
est pourtant à prendre en compte ; un patient atteint d’un
cancer ovarien ou intestinal ayant déjà eu une laparotomie
peut très bien faire une occlusion sur bride… Aujourd’hui,
ce sont les examens complémentaires (scanner abdominal
principalement mais aussi ponction d’ascite avec examen
cytologique) qui orientent vers le diagnostic d’occlusion
bénigne ou maligne. La qualité de vie du patient, son
niveau de confort et ses attentes restent au cœur même
d’une décision ; l’objectif est de prévoir si une éventuelle
intervention chirurgicale améliorera le confort du patient.
La
Cochrane Library
a publié une revue systématique
de la littérature intitulée : « Chirurgie pour la résolution
des symptômes en cas d’obstruction maligne survenant
chez des patients en phase avancée d’un cancer gynéco-
logique ou gastro-intestinal » [3]. Cette méta analyse est
uniquement accessible sur internet. La question principale
est : la chirurgie résout-elle la situation clinique ou amé-
liore-t-elle les symptômes de l’occlusion (les nausées, les
vomissements, la douleur et la sensation d’obstruction) ?
Les objectifs secondaires visent à répondre aux questions
suivantes : Peut-on déterminer un taux de récidive chez
les patients opérés ? Quelle est la mortalité et la morbidité
de la chirurgie ? A-t-on évalué les changements de qualité
de vie chez les patients opérés ?
La méthodologie utilisée est celle habituelle des revues
systématiques de la
Cochrane Library
; elle s’appuie sur
un recueil des données publiées ou non, avec très large
enquête, contacts personnels, interrogation de multiples
sites web… Les données recueillies sont ensuite classées
selon une grille de qualité méthodologique, par deux rap-
porteurs qui comparent leurs résultats. Les 14 études ras-
semblées ici sont toutes de qualité méthodologique faible :
aucune analyse statistique n’est dès lors possible et les
résultats ne sont donc que qualitatifs. La question priori-
taire – l’amélioration des symptômes – pose un problème
de définition et de quantification ; comme souvent en
étude rétrospective, la définition se fait a posteriori. Pour
certains auteurs, il s’agit d’une survie de 60 jours sans
symptôme occlusif ; pour d’autres, c’est la possibilité de
reprendre une alimentation normale après chirurgie, ce
qui ne veut pas dire pour autant que les symptômes soient
bien maîtrisés ; pour 8 essais, c’est la possibilité de « tolé-
rer » une alimentation orale à la sortie de l’hôpital après
chirurgie. Selon ces critères variables, la réponse à la pre-
mière question sur le contrôle des symptômes varie de 42
à 80 %.
La réponse aux 3 autres questions donne aussi des
chiffres très fluctuants : le taux de récidive d’occlusion
est compris entre 10 à 50 % sans plus de précision sur la
date de survenue. La mortalité varie de 5 et 32 % ; il n’est
pas possible d’extraire de taux de morbidité mais les com-
plications décrites sont classiques : infection, sepsis, fis-
À ce moment
de la maladie, seul compte
le confort du patient.
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tule digestive, thrombose veineuse, embolie pulmonaire,
infarctus du myocarde, éventration.
Du fait d’une rigueur méthodologique médiocre, cette
méta analyse ne peut conclure aucune implication claire
pour la pratique clinique. En terme de recherche, il faut
s’atteler à obtenir des essais de bonne qualité méthodolo-
gique, c’est-à-dire des essais prospectifs avec définition et
quantification des symptômes et de leur soulagement et
mesure de la qualité de vie au moyen d’échelles validées.
Il faut aussi faire la part entre occlusions d’origine mali-
gne ou bénigne car elles n’ont pas le même pronostic. De
plus, les techniques chirurgicales doivent être évaluées :
à côté des classiques laparotomies, il faut aussi savoir pro-
poser d’autres interventions palliatives, souvent moins
invasives. Nous en citerons deux exemples : la pose de
stent de dilatation et la gastrostomie percutanée.
En présence d’un syndrome occlusif chez un patient
porteur d’un cancer digestif ou ovarien, la clinique et les
examens complémentaires doivent permettre d’avancer
dans le diagnostic d’occlusion bénigne ou maligne. En
présence d’une obstruction bénigne, la contre-indication
chirurgicale provient de l’état clinique du patient. En pré-
sence d’une obstruction maligne, l’indication opératoire
est à discuter au cas par cas en sachant qu’aucune étude
ne permet de prédire une quelconque supériorité de la chi-
rurgie sur le traitement médical bien conduit pour la maî-
trise des douleurs, nausées ou vomissements, pour
diminuer le nombre de récidive, pour améliorer la morta-
lité ou la morbidité, pour améliorer la qualité de vie.
Quand proposer la pose d’un stent de dilatation ?
Depuis quelques années, on utilise couramment des
endoprothèses métalliques pour dilater l’œsophage, l’esto-
mac, les voies biliaires, le duodénum ou le colon. Cette
technique est particulièrement utile chez les patients qui
ont un cancer avancé avec parfois un haut risque chirur-
gical ; cette dilatation peut aussi permettre de décompri-
mer le tube digestif rendant possible la chirurgie dans un
deuxième temps après, par exemple, préparation colique
en cas d’obstacle par sténose colique [9, 10]. La présence
de sténoses multiples et l’existence d’une carcinose péri-
tonéale sont des contre-indications classiques de la pose
de stent de dilatation. L’évaluation de ces techniques est
assez bien documentée [11-13]. Dans une méta analyse
très récente, Khot et al [14] ont regroupé les résultats de
29 études, soit un total de 592 patients qui ont bénéficié
de la pose d’un stent pour occlusion sur cancer colorectal.
Avec 92 % de succès technique et 88 % de réussite clini-
que, la conclusion des auteurs est très claire : il s’agit d’un
traitement palliatif sûr et efficace associé une mortalité et
une morbidité faible (4 % de perforation et 10 % de
migration). Il faut donc savoir proposer cette solution aux
patients qui peuvent en bénéficier.
Quand proposer une gastrostomie ?
La gastrotomie a largement fait ses preuves pour l’ali-
mentation entérale de patients faisant des fausses routes
du fait de troubles neurologiques [15]. Son utilité pour
vidanger l’estomac dans les occlusions hautes est aussi
très largement décrite dans la littérature [16-22] ; cepen-
dant elle semble peu utilisée dans notre pays. D’après
Ripamonti [23] elle permet de conserver un minimum
d’alimentation orale tout en évitant les vomissements. Il
semble utile de proposer cette technique lorsque les trai-
tements médicamenteux ne sont pas suffisamment effica-
ces pour contrôler des vomissements ; il faut alors
envisager une vidange gastrique itérative pour une assez
longue période. Certains auteurs suggèrent que sa mise en
place ait lieu au décours d’une chirurgie oncologique
gynécologique, lorsque la laparotomie révèle une carci-
nose péritonéale [24].
La technique de la gastrostomie percutanée endoscopi-
que a été introduite dans les années 1980 pour permettre
une alimentation entérale sans sonde gastrique. Cette tech-
nique a une moindre mortalité et morbidité que la gastros-
tomie classique par voie chirurgicale [25] et permettrait de
soulager près de 90 % des patients [19-22]. Elle est parfois
réalisée sous anesthésie locale seule mais une anesthésie
générale est plus confortable ; elle a un coût moindre
qu’une gastrostomie chirurgicale. La technique est assez
simple et nécessite deux opérateurs :
l’un manie le fibroscope et éclaire par
transillumination le site de ponction
en ramenant l’estomac sur la paroi
abdominale ; l’autre passe un trocart
à travers la peau et l’estomac puis un
fil-guide qui est récupéré par l’endos-
cope et ressorti par la bouche. Le tube
de gastrostomie est enfilé sur le guide et ressort à travers
la paroi abdominale. Sa mise en place est parfois plus déli-
cate en présence d’une carcinose péritonéale importante ou
chez un patient déjà opéré de l’abdomen. Les contre-indi-
cations classiques sont la présence d’une hypertension por-
tale (risque de varices œsophagienne), d’une ascite, d’un
trouble de la coagulation, d’un ulcère gastrique, un anté-
cédent de gastrectomie partielle… Mais dans le contexte
d’occlusion maligne en phase avancée de maladie, aucune
contre-indication n’est absolue [17]. La complication la
plus fréquente est la survenue d’une péritonite qui survient
habituellement dans les 24 heures qui suivent l’acte, à une
fréquence de 1 % d’après une large série [26] ; une anti-
biothérapie prophylactique pourrait diminuer ce risque.
Mais rappelons que la présence d’une sonde naso-gastrique,
outre son principal inconvénient – l’inconfort des
patients – est aussi source de complications comme des
infections oro-pharyngées, des sinusites, des érosions œso-
Il faut savoir proposer
cette solution aux patients
qui peuvent en bénéficier.
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