Le Corps Médical ® 2016 | 3
de chacun. Toute décision interférant avec l’exercice de médecine doit être discutée avec les
médecins concernés. Il est évident que l’avis de chaque médecin individuel ne peut pas toujours
être respecté, mais il faut que les décisions se prennent en concertation avec le conseil médical
comme organe représentatif des médecins.
A.S. : L’établissement unilatéral de règles de fonctionnement est en conflit avec la responsabilité
du médecin envers ses patients et la liberté thérapeutique. Les règles opposables aux
médecins ne peuvent être établies que de commun accord avec le Conseil médical, organe
élu et représentant le corps médical, nonobstant le type du contrat régissant les relations de
l’hôpital et des médecins. Le médecin gardera toujours une responsabilité individuelle face à
son patient, ce qui exige que les règles interférant avec l’exercice de la médecine doivent être
établies en partenariat. Un système en équilibre ne peut se fonder que sur une balance des
pouvoirs. Ouvrir au sein de nos hôpitaux la voie à une administration dirigiste revient à priver
le médecin responsable de son patient des moyens d’assumer de plein droit sa responsabilité.
L’hôpital amputé de cogestion par les médecins se vide de sa substance primaire.
Pour vous une chose est claire : les dispositions de ce projet de loi altèreront la relation
entre médecin et patient.
A.S. : Oui. Jusqu’à présent, le médecin était libre devant le patient pour lui proposer ce qu’il
estimait opportun. Dorénavant, l’administration peut s’immiscer dans les affaires médicales
et même dans les relations patient/médecin mais sans que ceci ne soit rendu évident pour le
patient. Le médecin ne sera plus libre de ses actions ce qui trouble cette délicate relation de
confiance avec son patient. D’aucuns prétendent vouloir agir comme défenseur des intérêts des
patients. De la défense des intérêts des patients, les médecins en ont fait une profession.
Pouvez-vous donner des exemples concrets de cette entrave à la liberté ?
P.W. : Par exemple, le chirurgien pourrait se voir refuser d’opérer en temps utile un patient
pour des contraintes « organisationnelles ». Ou bien le médecin ne bénéficiera plus de l’équipe
para-médicale avec laquelle il avait l’habitude de travailler. Ou bien le chirurgien devra faire
des choix contraignants pour placer seulement un type particulier de prothèse qu’il n’a pas
l’habitude de placer ou qu’il juge non appropriée par rapport aux besoins du patient en question.
Dans ce contexte il faut dire que nous assistons dans les hôpitaux depuis des années à une
dérive hautement dangereuse vers un système bureaucratique de déresponsabilisation
organisée. Avec cette loi, la relation entre patient et médecin ne serait non seulement
perturbée, mais deviendrait carrément impossible en milieu hospitalier. Le médecin se
trouvant dans l’incapacité de contrôler l’environnement de son exercice et d’exercer son rôle
de commettant occasionnel sur les préposes mises à sa disposition et donc d’assumer sa
responsabilité envers son patient.
« L’hôpital amputé d’une cogestion par les médecins
se vide de sa substance primaire. »
« De la défense des intérêts des patients,
les médecins en ont fait une profession »