epuis quelques années les livres de
réflexion sur l’hôpital se multiplient.
Les “thérapeutes” qui se penchent sur le lit de
l’institution, dite malade, appartiennent rare-
ment au corps des médecins ou des soignants
mais bien plutôt à celui des administratifs plus
ou moins directeurs, plus ou moins conseillers
des ministères, plus ou moins économistes ou
apprentis économistes. Tous ont une idée pré-
cise sur les causes de la crise et les moyens
pour y remédier. L’auteur de cet ouvrage
n’échappe pas à la règle. Ancien directeur,
membre de l’IGAS en disponibilité, professeur
de droit hospitalier, il en est à son vingtième
livre sur le sujet. Même s’il se présente comme
non conformiste, on retrouve dès les premières
pages les accusations classiques contre les
supposés responsables de la maladie hospita-
lière. À ma droite, l’État tout-puissant qui,
depuis cinquante ans, n’a eu de cesse de
concentrer les pouvoirs pour aboutir à ses fins
avec les ordonnances de 1996. À ma gauche, les
médecins, incapables de contrôler les
dépenses, empêtrés dans leur hiérarchie,
imperméables au discours économique. On
connaît la chanson. Enfin, les consommateurs
qui en réclament toujours plus, même si l’au-
teur consacre un chapitre à la reconnaissance
du pouvoir des patients qui, estime-t-il “ont vu
leur intervention s’accroître considérablement”
depuis les ordonnances de 1996 [présence de
deux (!) “usagers” au conseil d’administration
et création de la commission de conciliation].
Pas de quoi pavoiser. Bref, une fois de plus, les
directions hospitalières et les tutelles adminis-
tratives des départements ne font l’objet que
de très discrètes critiques. Les vrais dirigeants
de l’hôpital ne sont pratiquement pas mis en
cause. Un tel regard partiel et partial finirait par
amuser s’il ne s’agissait d’un sujet capital pour
l’avenir de la santé publique. Il ne représentera
jamais une base de dialogue pour trouver à
l’hôpital l’esprit de coopération dont il a besoin.
Si, néanmoins, je cite ce livre, c’est qu’il
contient un chapitre intéressant sur l’hôpital
de “proximité”, qui va à l’encontre de la pensée
unique sur ce sujet. Tout en reprenant au début
du livre les affirmations traditionnelles sur le
trop grand nombre de lits hospitaliers en
France (sans apporter plus de preuves que les
précédents ni de précisions sur les catégories
visées : cardiologie, pédiatrie, chirurgie, psy-
chiatrie, hospices... ?), l’auteur tire la sonnette
d’alarme sur la disparition progressive des
hôpitaux de proximité. Ces hôpitaux locaux
jouent souvent un rôle de relais essentiel pour
maintenir une qualité de soins dans des zones
géographiquement éloignées des grands
centres hospitaliers. L’auteur rappelle que le
taux d’infections nosocomiales y est faible,
qu’on y offre au patient les premiers soins d’ur-
gence, qu’on y prépare plus facilement l’avenir
sanitaire et social du patient, que ces établis-
sements représentent une ouverture de l’hôpi-
tal en direction des médecins généralistes, ce
qui n’est pas franchement le cas des autres
hôpitaux, enfin que le système est économi-
quement rentable. Les 400 hôpitaux de proxi-
mité ne représentent que 5 % des dépenses
hospitalières contre 50 % pour les 29 CHRU.
L’auteur conteste également les critères justi-
fiant actuellement la fermeture des petites
maternités, estimant que ce n’est pas le
nombre total d’accouchements qui est impor-
tant mais le ratio par sage-femme. Un centre
qui assure 600 accouchements avec 11 sages-
femmes a un moins bon ratio par soignant
qu’une structure qui en assure 250 avec
4sages-femmes. Autrement dit, chaque situa-
tion doit être prise en considération et le cou-
peret technico-bureaucratico-scientifique doit
être considéré avec plus de discernement
qu’actuellement, en analysant la situation
directement avec les acteurs de terrain.
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Correspondances en médecine - n° 2 - octobre 2000
Réflexion pour l’hôpital*,
de Jean-Marie Clément
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D. Labayle
du côté de la plume...
* Éditions Les études hospitalières,
Bordeaux.
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