d u c ô t é d e l a p l u m e . . . Réflexion pour l’hôpital*, de Jean-Marie Clément ! D. Labayle D * Éditions Les études hospitalières, Bordeaux. 72 epuis quelques années les livres de réflexion sur l’hôpital se multiplient. Les “thérapeutes” qui se penchent sur le lit de l’institution, dite malade, appartiennent rarement au corps des médecins ou des soignants mais bien plutôt à celui des administratifs plus ou moins directeurs, plus ou moins conseillers des ministères, plus ou moins économistes ou apprentis économistes. Tous ont une idée précise sur les causes de la crise et les moyens pour y remédier. L’auteur de cet ouvrage n’échappe pas à la règle. Ancien directeur, membre de l’IGAS en disponibilité, professeur de droit hospitalier, il en est à son vingtième livre sur le sujet. Même s’il se présente comme non conformiste, on retrouve dès les premières pages les accusations classiques contre les supposés responsables de la maladie hospitalière. À ma droite, l’État tout-puissant qui, depuis cinquante ans, n’a eu de cesse de concentrer les pouvoirs pour aboutir à ses fins avec les ordonnances de 1996. À ma gauche, les médecins, incapables de contrôler les dépenses, empêtrés dans leur hiérarchie, imperméables au discours économique. On connaît la chanson. Enfin, les consommateurs qui en réclament toujours plus, même si l’auteur consacre un chapitre à la reconnaissance du pouvoir des patients qui, estime-t-il “ont vu leur intervention s’accroître considérablement” depuis les ordonnances de 1996 [présence de deux (!) “usagers” au conseil d’administration et création de la commission de conciliation]. Pas de quoi pavoiser. Bref, une fois de plus, les directions hospitalières et les tutelles administratives des départements ne font l’objet que de très discrètes critiques. Les vrais dirigeants de l’hôpital ne sont pratiquement pas mis en cause. Un tel regard partiel et partial finirait par amuser s’il ne s’agissait d’un sujet capital pour l’avenir de la santé publique. Il ne représentera jamais une base de dialogue pour trouver à l’hôpital l’esprit de coopération dont il a besoin. Si, néanmoins, je cite ce livre, c’est qu’il contient un chapitre intéressant sur l’hôpital de “proximité”, qui va à l’encontre de la pensée unique sur ce sujet. Tout en reprenant au début du livre les affirmations traditionnelles sur le trop grand nombre de lits hospitaliers en France (sans apporter plus de preuves que les précédents ni de précisions sur les catégories visées : cardiologie, pédiatrie, chirurgie, psychiatrie, hospices... ?), l’auteur tire la sonnette d’alarme sur la disparition progressive des hôpitaux de proximité. Ces hôpitaux locaux jouent souvent un rôle de relais essentiel pour maintenir une qualité de soins dans des zones géographiquement éloignées des grands centres hospitaliers. L’auteur rappelle que le taux d’infections nosocomiales y est faible, qu’on y offre au patient les premiers soins d’urgence, qu’on y prépare plus facilement l’avenir sanitaire et social du patient, que ces établissements représentent une ouverture de l’hôpital en direction des médecins généralistes, ce qui n’est pas franchement le cas des autres hôpitaux, enfin que le système est économiquement rentable. Les 400 hôpitaux de proximité ne représentent que 5 % des dépenses hospitalières contre 50 % pour les 29 CHRU. L’auteur conteste également les critères justifiant actuellement la fermeture des petites maternités, estimant que ce n’est pas le nombre total d’accouchements qui est important mais le ratio par sage-femme. Un centre qui assure 600 accouchements avec 11 sagesfemmes a un moins bon ratio par soignant qu’une structure qui en assure 250 avec 4 sages-femmes. Autrement dit, chaque situation doit être prise en considération et le couperet technico-bureaucratico-scientifique doit être considéré avec plus de discernement qu’actuellement, en analysant la situation directement avec les acteurs de terrain. Correspondances en médecine - n° 2 - octobre 2000