64 adsp n° 53-54 décembre 2005–mars 2006
La réforme de l’assurance maladie
la réforme de l'assurance maladie
dossier
2 05 12 75 107 000 53
ÉMISE LE 13/08/2004
ACTUALITÉ ET DOSSIER
EN SANTÉ PUBLIQUE
Au plan de la sécurité
La prescription d’un traitement par statine n’est pas
anodine.
Les effets indésirables directs des statines sont
maintenant bien connus :
toxicité musculaire (1 à 7 %)
toxicité hépatique (2 %)
plus rarement, polyneuropathies démyélinisantes,
polyradiculoneuropathies, pneumopathies inters-
titielles brosantes, cataractes, lupus médica-
menteux.
Les études scientiques ont également démontré
que les effets indésirables directs des statines étaient
dose-dépendants.
Interactions médicamenteuses :
Les statines sont métabolisées par le cytochrome
P 450 sauf la pravastatine qui est métabolisée par
sulfatation. La demi-vie plasmatique de l’atorvastatine
est de 14 heures (1 h 30 pour les autres statines).
Le risque d’interactions est donc majoré en cas d’asso-
ciation avec des médicaments inhibiteurs de l’activité des
cytochromes P 450 et des transporteurs membranaires :
macrolides, antifongiques azolés, amiodarone, vérapamil,
diltiazem, ciclosporine, acide valproïque, antirétroviraux,
ciprooxacine, éthinylestradiol, uoxétine.
Il convient donc d’être vigilant sur ces interactions
médicamenteuses lors de la prescription de statines
particulièrement chez les personnes âgées.
L’étude TNT6 comparant les effets de deux doses
(10 mg et 80 mg) d’atorvastatine chez des patients coro-
nariens a bien montré une diminution des décès d’origine
cardio-vasculaire (–20 %, p<0,09) mais également une
augmentation des décès d’autres origines (+ 25 %,
p<0,06) dans le groupe traité par 80 mg. Cette dose
élevée d’atorvastatine a entraîné également une aug-
mentation des effets indésirables (+60 %, p<0,001).
Grossesse : les statines sont formellement contre-
indiquées durant toute la période de gestation mais
également chez les patientes en âge de procréer et
qui sont sans contraception. Les statines sont lipo-
philes et le risque tératogène est important par passage
materno-fœtal.
Ces observations corroborent que prescrire une
statine est un acte médical qui doit toujours prendre
en compte le rapport bénéce/risque. Il ne faut pas
banaliser cette prescription au détriment des enjeux
de santé publique.
Face à un risque cardio-vasculaire faible, notamment
en prévention primaire, il est fondamental de ne pas
forcer les doses, surtout à l’instauration du traitement.
Cela n’est pas toujours facilité par les conditionnements
disponibles en France. Ainsi, l’absence de dosage à
10 mg de la simvastatine ou de la pravastatine peut
inciter à prescrire des doses de 20 mg d’emblée. C’est
pourquoi l’assurance maladie a demandé et obtenu, la
6. LaRosa JC, Grundy SM, Waters DD et al. « Intensive lipd lowering
with atorvastatin in patients with stable coronary disease ». N Engl
J Med 2005 ; 352 : 1425-35.
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mise à disposition de la simvastatine génériquée au
dosage de 10 mg.
En conclusion
Les statines sont de remarquables médicaments, et
constituent une considérable évolution thérapeutique
dans la prise en charge des hyperlipidémies. L’enjeu
d’un bon usage de ces produits est de s’assurer que
tous les patients qui en ont besoin peuvent en béné-
cier, en recherchant le meilleur bénéce/risque au
moindre coût.
Les conséquences d’un éventuel mésusage de ces
produits exposent à un risque sanitaire réel, notamment
par interaction médicamenteuse. Ce risque croît d’autant
plus qu’on en banalise la prescription au détriment des
principes fondamentaux de la thérapeutique médicale
que sont la mesure, la prudence et l’innocuité : les
statines font l’objet aujourd’hui d’une prescription de
masse et, pour une part importante chez des personnes
à faible risque cardio-vasculaire.
Bien prescrire les statines passe par le respect des
recommandations et de la réglementation, par le choix
de la plus faible posologie initiale — surtout si les
facteurs de risque cardio-vasculaire sont peu nombreux
(inférieurs à trois) —, par la recherche du meilleur rapport
bénéce/risque avec pour principe directeur celui de
l’efcience en préférant le traitement le moins onéreux
(génériques).
La surconsommation de médicaments est une singu-
larité française. L’effort de tous dans ce domaine peut
préserver notre système de soins, fondé sur la solidarité
et la recherche d’une qualité de soins optimale, et
permettre une prise en charge collective de ces théra-
peutiques. Proposer le meilleur traitement à toutes les
personnes qui en ont besoin doit être l’objectif de chacun.
Il est nécessaire de s’assurer que les médicaments,
et tout particulièrement les statines, sont prescrits de
façon pertinente, en évitant la sous-utilisation chez les
personnes à risque cardio-vasculaire élevé et la sur-
utilisation chez celles dont le risque cardio-vasculaire
est faible ou nul. P