212 ko - Haut Conseil de la santé publique

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rance maladie
la réforme de l'assu
dossier
8/20 04
ÉMISE LE 13/0
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DOSSIER
ACTUALITÉ ET
LIQUE
EN SANTÉ PUB
La réforme de l’assurance maladie
Il appartiendra alors au médecin-conseil, qui a
désormais un devoir d’information envers l’assuré,
de préciser les motivations présidant à l’organisation
de la visite.
À cette fin, il n’agit pas seul et intervient en liaison
avec le médecin traitant. Il saisit à son initiative le
médecin du travail, en informant au préalable le médecin
traitant ou à la demande de ce dernier.
Ce dispositif instaure donc une véritable responsabilisation des acteurs de santé afin de prévenir la perte
d’emploi pour des raisons de santé. Mais les clefs de
sa mise en place dépendront d’abord de l’orientation
que le médecin-conseil souhaite lui donner.
S’il n’y a pas de dérogation au secret possible, le
médecin du travail, en tant que spécialiste du poste
de travail, aura la possibilité de communiquer au
médecin-conseil, en accord avec le salarié, les élé-
ments objectifs concernant les conditions de travail
de ce dernier.
Conclusion
Ces articles s’inscrivent dans un dispositif de protection
sociale et leur objectif était probablement économique
dans l’esprit du législateur.
Si on veut obtenir l’implication des médecins du travail,
il est essentiel de ne pas mettre, entre autres pour
des raisons éthiques, le médecin du travail en position
de « contrôleur » de l’arrêt de travail, mais d’inscrire la
démarche dans l’esprit de la « pré-reprise ». Ainsi interprétés, les articles peuvent servir de déclencheur pour
optimiser une procédure qui vise à la « réinsertion » des
salariés dans le monde du travail.
L’objectif est d’abord humain, mais indirectement
l’objectif économique peut aussi être atteint. P
Prescription des statines : le bon usage en prévention primaire
Catherine Bismuth
Médecin-conseil
national adjoint
Cnamts
Pierrette
Galli‑Douani
Médecin-conseil
chargé de mission
nationale Cnamts
Jean-Paul Prieur
Médecin-conseil
régional adjoint
Cnamts
Jean-Marc Aubert
Directeur délégué
à la gestion et à
l’organisation des
soins Cnamts
Hubert Allemand
Médecin-conseil
national Cnamts
L’
amélioration de l’utilisation des statines (médicaments anti-cholestérol) constitue l’un des
thèmes essentiels des engagements de maîtrise
médicalisée des dépenses de santé conclus entre l’assurance maladie et les médecins libéraux dans le cadre
de la convention médicale signée le 12 janvier 2005.
Les statines représentent la première classe thérapeutique remboursée par l’assurance maladie (plus de
1,1 milliard d’euros en 2004 — tous régimes).
Pour 2005, l’objectif sur ces médicaments anti­cholestérol a été fixé à une diminution de 1,5 % des
dépenses de statines, soit une économie potentielle
de 161 millions d’euros.
Le constat sur l’utilisation des statines en France
Depuis quinze ans, les statines sont de plus en plus
prescrites (+ 16 % d’évolution en 2004). En France, plus
de 5 millions de personnes ont recours à ces médicaments. Plus de 46 millions de boîtes de statines ont été
remboursées par l’assurance maladie en 2004.
Les études disponibles ont mis en relief une proportion importante de traitements anti-cholestérol non
conformes aux recommandations médicales. L’étude de
l’assurance maladie publiée en 2003 (tableau 1) sur
un échantillon représentatif de patients nouvellement
traités en 2002 montrait que :
l 61 % d’entre eux avaient un risque cardio-vasculaire
très faible (aucun ou un seul facteur de risque),
. Saba G, Weill A, Païta M. et al. Instauration des traitements
médicamenteux hypolipémiants en France en 2002. Rev Med Ass
Maladie 2003 ; 34, 4 : 221-31.
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l 53 % des patients n’avaient pas suivi le régime
alimentaire indispensable avant l’instauration du traitement médicamenteux,
l dans deux tiers des cas, l’instauration des médicaments hypolipémiants ne tenait pas compte des seuils
de LDL-choléstérol définis par les experts.
La comparaison européenne
Les études comparatives avec les pays européens
confirment la spécificité française en matière de
consommation de ces médicaments. Comme pour les
antibiotiques et les anxiolytiques, on observe une surutilisation des statines en France. La consommation
moyenne des statines est de 50 % supérieure à celle
de l’Allemagne sans que cet écart puisse s’expliquer
par des différences d’état de santé de la population (la
prévalence des facteurs de risques cardio-vasculaires
est analogue dans les deux pays).
Si l’on totalise les médicaments prescrits, quel que
soit leur dosage, le Français a consommé en moyenne
450 mg de statines en 2003, le Britannique 350 mg
et l’Allemand 300 mg.
Il convient de rappeler que les recommandations médicales en matière d’instauration de traitements de statines
sont sensiblement les mêmes dans les trois pays.
Les recommandations scientifiques sur les statines
Les recommandations de l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), mises à
. Calcul Cnamts d’après IMS Health.
. L’intégralité des recommandations est disponible sur le site
www.afssaps.sante.fr (rubrique RBP).
L’engagement et la responsabilité des acteurs
jour en mars 2005, comportent des messages, dont
deux parmi les principaux concernent les instaurations
de traitement :
« La prescription d’hypolipémiants n’est pas justifiée chez
de nombreux patients ayant un risque cardio-­vasculaire
faible. Le traitement diététique est la base de la prise
en charge de ces patients.
« Le traitement hypolipémiant débute habituellement
par les posologies les plus faibles. En l’absence d’éva-­
luation suffisante, l’utilisation de fortes doses, voire de
combinaisons thérapeutiques, est à discuter au cas par
cas. Elle ne doit pas se faire au détriment d’une bonne
tolérance et d’une bonne observance du traitement. »
Ces nouvelles recommandations ont introduit la notion
d’un taux de LDL-cholestérol cible à atteindre, une fois le
traitement initié. Cette cible est variable selon les facteurs
de risque cardio-vasculaire propres au patient.
À partir de ces recommandations, l’assurance maladie
a initié des actions pour inciter les médecins à prescrire,
à l’instauration du traitement, en prévention primaire avec
moins de trois facteurs de risque cardio-vasculaire, la
posologie minimale de 10 mg par jour de simvastatine,
pravastatine, atorvastatine, ou de 20 mg par jour de
fluvastatine.
Un document de synthèse a ainsi été diffusé à l’ensemble des 120 000 médecins, généralistes et spécialistes, libéraux, en complément de 30 000 échanges
confraternels réalisés par les médecins-conseils jusqu’en
septembre 2005. Par ailleurs, les engagements de
maîtrise médicalisée seront présentés aux commissions
médicales des établissements de santé comme relais
vers les professionnels de santé hospitaliers.
Remarques à partir des études scientifiques
Au plan de l’efficacité
l Aucune étude randomisée contrôlée comparant simultanément les statines à des posologies comparables n’a
été réalisée. Il n’existe donc aucune preuve scientifique
qu’une statine soit supérieure à une autre.
Les statines possèdent des caractéristiques très
différentes (tableau 2).
l Les études montrent qu’une dose initiale à posologie
minimale apporte environ les deux tiers des bénéfices
que l’on peut obtenir à dose maximale recommandée.
Ainsi, avec la dose initiale, selon les statines, on obtient
56 à 80 % de l’effet hypolipémiant ; doubler la dose
apporte 15 à 25 % d’effet supplémentaire.
Dans les essais thérapeutiques, l’attitude est toujours
populationnelle (la même dose à tous les patients du
même groupe) et non individuelle (dose personnalisée
pour atteindre la cible). Par exemple, dans l’étude
WOSCOPS, essai de prévention primaire, seulement
20 % des patients ont atteint la cible de LDL-cholestérol.
Quels auraient été les risques sanitaires et les effets
secondaires, et donc le rapport bénéfice/risque, si ces
essais s’étaient fixés comme résultats d’atteindre la
cible de LDL-cholestérol pour 100 % des patients ?
l
. Berna C, Junod AF, Peytremann-Bridevaux I, Calmy A. « L’étude
PROVE IT-TIMI-22 ou l’arroseur arrosé ». Rev Med Suisse 2005 ; 1 :
966-70.
. Shepherd J. « Statins for primary prevention : strategic options to
save lives and money ». J R. Soc Med. 2004 ; 97 : 66-71.
tableau 1
Synthèse des principaux résultats de l’étude sur les pratiques
d’instauration du traitement médicamenteux hypolipémiant en
mars 2002 comparées aux recommandations de l’Afssaps et de l’Anaes
Absence de détermination du LDL-cholestérol
Détermination du LDL-cholestérol et instauration du traitement avec
une valeur inférieure au seuil d’intervention médicamenteuse
Détermination du LDL-cholestéroel et instauration du traitement
avec respect du seuil pour l’intervention médicamenteuse
Absence d’un régime hypolipémiant préalable à l’instauration
du traitement médicamenteux
Absence d’incitation à l’arrêt du tabac
33 %
34 %
33 %
53 %
31 %
Source : Cnamts.
tableau 2
Principales caractéristiques des statines
Dose maximale (mg/jour)
Réduction maximale LDL-cholestérolémie (%)*
Augmentation HDL-cholestérolémie (%)*
Réduction triglycéridémie (%)*
Demi-vie plasmatique (heures)
Pénétration dans le système nerveux central
Mécanisme métabolique hépatique
Pravastatine
Simvastatine
Atorvastatine
Fluvastatine
40
34
12
24
1-2
Non
Sulfatation
80
47
12
18
1-2
Oui
Cytochrome
P 450 3A4
80
60
6
29
14
Non
Cytochrome
P 450 3A4
40
24
8
10
1,2
Non
Cytochrome
P 450 2C9
* Effets obtenus avec une dose quotidienne de 40 mg de pravastatine, simvastatine, atorvastatine et fluvastatine.
Extrait de : Knopp RH. « Drug treatment of lipid disorders ». N Engl J Med 1999 ; 341 : 498-511.
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la réforme de l'assu
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ACTUALITÉ ET
LIQUE
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La réforme de l’assurance maladie
Au plan de la sécurité
La prescription d’un traitement par statine n’est pas
anodine.
l Les effets indésirables directs des statines sont
maintenant bien connus :
◆ toxicité musculaire (1 à 7 %)
◆ toxicité hépatique (2 %)
◆ plus rarement, polyneuropathies démyélinisantes,
polyradiculoneuropathies, pneumopathies interstitielles fibrosantes, cataractes, lupus médicamenteux.
l Les études scientifiques ont également démontré
que les effets indésirables directs des statines étaient
dose-dépendants.
l Interactions médicamenteuses :
Les statines sont métabolisées par le cytochrome
P 450 sauf la pravastatine qui est métabolisée par
sulfatation. La demi-vie plasmatique de l’atorvastatine
est de 14 heures (1 h 30 pour les autres statines).
Le risque d’interactions est donc majoré en cas d’association avec des médicaments inhibiteurs de l’activité des
cytochromes P 450 et des transporteurs membranaires :
macrolides, antifongiques azolés, amiodarone, vérapamil,
diltiazem, ciclosporine, acide valproïque, antirétroviraux,
ciprofloxacine, éthinylestradiol, fluoxétine.
Il convient donc d’être vigilant sur ces interactions
médicamenteuses lors de la prescription de statines
particulièrement chez les personnes âgées.
l L’étude TNT comparant les effets de deux doses
(10 mg et 80 mg) d’atorvastatine chez des patients coronariens a bien montré une diminution des décès d’origine
cardio-vasculaire (–20 %, p<0,09) mais également une
augmentation des décès d’autres origines (+ 25 %,
p<0,06) dans le groupe traité par 80 mg. Cette dose
élevée d’atorvastatine a entraîné également une augmentation des effets indésirables (+60 %, p<0,001).
l Grossesse : les statines sont formellement contreindiquées durant toute la période de gestation mais
également chez les patientes en âge de procréer et
qui sont sans contraception. Les statines sont lipophiles et le risque tératogène est important par passage
materno-fœtal.
Ces observations corroborent que prescrire une
statine est un acte médical qui doit toujours prendre
en compte le rapport bénéfice/risque. Il ne faut pas
banaliser cette prescription au détriment des enjeux
de santé publique.
Face à un risque cardio-vasculaire faible, notamment
en prévention primaire, il est fondamental de ne pas
forcer les doses, surtout à l’instauration du traitement.
Cela n’est pas toujours facilité par les conditionnements
disponibles en France. Ainsi, l’absence de dosage à
10 mg de la simvastatine ou de la pravastatine peut
inciter à prescrire des doses de 20 mg d’emblée. C’est
pourquoi l’assurance maladie a demandé et obtenu, la
. LaRosa JC, Grundy SM, Waters DD et al. « Intensive lipd lowering
with atorvastatin in patients with stable coronary disease ». N Engl
J Med 2005 ; 352 : 1425-35.
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mise à disposition de la simvastatine génériquée au
dosage de 10 mg.
En conclusion
Les statines sont de remarquables médicaments, et
constituent une considérable évolution thérapeutique
dans la prise en charge des hyperlipidémies. L’enjeu
d’un bon usage de ces produits est de s’assurer que
tous les patients qui en ont besoin peuvent en bénéficier, en recherchant le meilleur bénéfice/risque au
moindre coût.
Les conséquences d’un éventuel mésusage de ces
produits exposent à un risque sanitaire réel, notamment
par interaction médicamenteuse. Ce risque croît d’autant
plus qu’on en banalise la prescription au détriment des
principes fondamentaux de la thérapeutique médicale
que sont la mesure, la prudence et l’innocuité : les
statines font l’objet aujourd’hui d’une prescription de
masse et, pour une part importante chez des personnes
à faible risque cardio-vasculaire.
Bien prescrire les statines passe par le respect des
recommandations et de la réglementation, par le choix
de la plus faible posologie initiale — surtout si les
facteurs de risque cardio-vasculaire sont peu nombreux
(inférieurs à trois) —, par la recherche du meilleur rapport
bénéfice/risque avec pour principe directeur celui de
l’efficience en préférant le traitement le moins onéreux
(génériques).
La surconsommation de médicaments est une singularité française. L’effort de tous dans ce domaine peut
préserver notre système de soins, fondé sur la solidarité
et la recherche d’une qualité de soins optimale, et
permettre une prise en charge collective de ces thérapeutiques. Proposer le meilleur traitement à toutes les
personnes qui en ont besoin doit être l’objectif de chacun.
Il est nécessaire de s’assurer que les médicaments,
et tout particulièrement les statines, sont prescrits de
façon pertinente, en évitant la sous-utilisation chez les
personnes à risque cardio-vasculaire élevé et la surutilisation chez celles dont le risque cardio-vasculaire
est faible ou nul. P
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