VIGI-PHARMA Bulletin d’informations pharmaceutiques Service Pharmacie Centre Hospitalier Spécialisé du Jura N° 9 / Octobre 2007 Rédacteurs : Christel Chalmendrier (Poste 1284) et Guy Martin (Poste 1397) VEILLE SANITAIRE EDITORIAL L’été s’en est allé (mais était – il vraiment venu ?), l’automne s’en vient, et après les bienfaits laxatifs des mirabelles (bien meilleures qu’un FORLAX*), nous allons profiter des noix et noisettes de nos forêts dont la consommation ne nuit pas à notre santé, bien au contraire. On ne pourrait en dire autant de certains médicaments dont la mise sur le marché ne garantit pas qu’ils soient toujours sans risque pour le consommateur, heu pardon le patient. Et si on a pas mal siècles de recul sur la consommation des noix, il n’en est pas vraiment de même pour les médicaments. Même si une nouvelle molécule met 10 ans pour arriver sur le marché, cela ne veut pas dire que l’on connaît forcément tout d’elle, d’où parfois quelques surprises dans les premières années de mise sur le marché. A l’époque où il existe une forte tendance à aller plus vite dans tous les domaines, s’il y a un domaine où réflexion, patience et vigilance sont nécessaires c’est bien celui de la santé, non ? Méditons-y et profitons des noix, tiens ! Arrêts de commercialisation AGREAL* (Véralipride) HALDOL* 20 mg (Halopéridol) SILOMAT* (Clobutinol) ● AGREAL* (Véralipride) : enfin retiré du marché. Le véralipride est un médicament neuroleptique utilisé dans les bouffées de chaleur liées à la ménopause alors qu’il n’a jamais montré son efficacité dans cette indication. Avec une balance bénéfice-risque qui penchait du côté des effets indésirables psychiatriques et neurologiques, c’est un retrait bienvenu bien que très tardif …. ● ACOMPLIA* (Rimonabant) : des effets indésirables essentiellement psychiatriques. Le rimonabant, premier médicament antagoniste des récepteurs CB1 aux cannabinoïdes a été promu pour le traitement adjuvant de l’obésité. Un an après sa commercialisation, les effets indésirables rapportés sont surtout d’ordre neuropsychique : troubles de l’humeur avec symptômes dépressifs, anxiété, irritabilité, sensations vertigineuses et troubles du sommeil, et d’ordre digestif. Au vue de ces données, le RCP réactualisé précise que le rimonabant est désormais contre indiqué chez les patients présentant une dépression caractérisée ou chez les patients traités par antidépresseurs et ne doit pas être utilisé chez des patients ayant des antécédents d’idées suicidaires ou de troubles dépressifs, sauf si le bénéfice attendu du traitement l’emporte sur le risque. NDLR : Cette dernière précision étonne un peu pour un médicament dont le dossier d’évaluation clinique montrait qu’il avait pour seul bénéfice une perte de quelques kilos, réversible en quelques mois après l’arrêt du traitement. ● AVANDIA* (Rosiglitazone) et ACTOS* (Pioglitazone) : augmentation de l’incidence des fractures chez les patientes traitées au long cours. Cet effet indésirable s’ajoute aux autres risques connus pour cette classe : risque d’insuffisance cardiaque et oedèmes maculaires. Plus récemment, s’ajoutent des données inquiétantes sur un risque accru d’infarctus du myocarde (rosiglitazone) et de cancer de la vessie (pioglitazone). En 2007, mieux vaut se passer des glitazones dans le traitement du diabète de type II. Voir le site Afssaps/ http://afssaps.sante.fr A propos de l’isotrétinoïne (ROACCUTANE*, PROCUTA*, CURACNE*) L’isotrétinoïne est un dérivé de la vitamine A utilisé dans l’acné sévère. Sa tératogénécité est bien connue et implique une contraception obligatoire et un test de grossesse mensuel pour les femmes traitées. Ce produit est aussi responsable d’une augmentation des transaminases et des lipides, effet qui s’avère dose-dépendant et fréquent (pancréatites et hépatites ont été rapportées), d’où la nécessité d’effectuer un suivi régulier des transaminases et des lipides plasmatiques. Des effets indésirables psychiatriques de type dépression sévère avec tentative de suicide, et des accidents vasculaires (infarctus, accidents vasculaires cérébraux) ont aussi été notifiés. Un traitement par l’isotrétinoïne orale n’est absolument pas anodin, les patients doivent en être informés. Prescrire, 2006, n°274, 503 Folia Pharmacotherapeutica, 34, mars 2007, http://www.cbip.be (Centre belge d’information pharmacothérapeutique) Oseltamivir (TAMIFLU*) : Quels risques ? L’Oseltamivir est un antiviral, utilisé dans le traitement préventif et curatif de la grippe chez l’adulte et l’enfant de plus de 1an. Il s’avère peu utile dans la grippe saisonnière et que ce soit en prévention ou en curatif il n’a pas démontré d’efficacité sur l’importance des signes cliniques ou leur morbidité. Son efficacité est incertaine dans la grippe aviaire : aucune différence de mortalité entre patients traités et non traités n’a été mise en évidence. En Mars 2007, le RCP du produit est modifié pour y ajouter des effets indésirables neuropsychiatriques graves pouvant survenir chez les enfants et adolescents. En effet, comportements suicidaires, hallucinations, convulsions, délires et troubles du comportement (ayant pu entraîner le décès) ont été notifiés depuis sa mise sur le marché, essentiellement au Japon (pays où il est largement prescrit dans le traitement de la grippe saisonnière). Ces effets s’ajoutent aux effets indésirables cutanés graves dont des syndromes de Lyell. La balance bénéfice-risque de l’Oseltamivir est en équilibre bien instable. Tous sous Tamifluence ?, Bulletin du CRIM,Jan/Fev 2007 Tamiflu and neuropsychiatric disturbance in adolescents, BMJ, 2007 ; 334 : 1232-1233 Communiqué de presse, Mars 2007, Afssaps/ http://afssaps.sante.fr VIGI-PHARMA, N°9, Octobre 2007, Page 1 STATINES : POINT SUR LES EFFETS INDESIRABLES Les statines – atorvastatine (TAHOR*), fluvastatine (FRACTAL*, LESCOL*), pravastatine (ELISOR*, VASTEN*), rosuvastatine (CRESTOR*) et simvastatine (LODALES*, ZOCOR*) – sont les médicaments hypocholestérolémiants les plus fréquemment prescrits. Les plus anciennes sont sur le marché depuis 1988, ce qui donne un recul suffisant pour évaluer leurs effets indésirables. ►Effets indésirables musculaires : les plus connus et préoccupants Toutes les statines sont concernées. Les patients présentent des symptômes mineurs tels que : douleur ou sensibilité musculaire inexpliquée, fatigue musculaire, crampes, associés ou non à une augmentation modérée de la créatine-phosphokinase (CPK < 5 X Normale). Cette toxicité est dose-dépendante. Exceptionnellement peut survenir une rhabdomyolyse, associée ou non à une insuffisance rénale. Elle apparaît en quelques jours, généralement en début de traitement ou lors d’une augmentation de posologie ou du fait d’une interaction médicamenteuse : myalgies intolérables, faiblesse musculaire importante, destruction musculaire massive (CPK > 30 ou 40 X Normale) conduisant à une myoglobinurie. Le pronostic est conditionné par la gravité de l’insuffisance rénale associée. Les situations qui prédisposent à l’atteinte musculaire (sans préjuger de sa sévérité) et pour lesquelles un dosage des CPK avant traitement est préconisé sont : les sujets atteints personnellement ou ayant un membre de leur famille atteint d’une maladie musculaire génétique, les sujets atteints d’une hypothyroïdie et ne prenant pas de traitement, une insuffisance rénale, une consommation excessive d’alcool, l’âge > 70 ans, les sujets ayant déjà présenté des effets musculaires à la suite d’un traitement hypocholestérolémiant. Tout symptôme musculaire inexpliqué apparaissant sous traitement doit faire pratiquer un dosage des CPK, en fonction des résultats la posologie sera alors ajustée. Dans le collimateur : la rosuvastatine pour laquelle les données montrent un risque plus élevé d’effets indésirables musculaires et rénaux par rapport aux autres statines. (NDLR : cette statine n’a pas été évaluée sur des critères cliniques de morbi-mortalité.) ►Polyneuropathies périphériques Effet indésirable rare. Il s’agit de polyneuropathies sensitives ou sensitivomotrices avec des troubles objectifs de la sensibilité et une diminution voire une abolition des réflexes ostéotendineux ; parfois associées à une diminution sévère de la force musculaire des membres atteints. Cet effet semble être favorisé par une insuffisance rénale ou un diabète. ►Tendinopathies D’incidence faible, elles touchent le tendon d’Achille dans la moitié des cas et peuvent conduire à des ruptures tendineuses. ►Effets indésirables hépatiques et pancréatiques Elévations transitoires et modérées des transaminases Rares cas d’hépatites et de pancréatites. ►Effets indésirables rénaux et génito-urinaires Insuffisance rénale, protéinurie et néphropathie Impuissance. ►Autres effets indésirables Affections auto-immunes : Polymyosite et lupus érythémateux ont été rapportés. Céphalées, sensations vertigineuses, insomnies, vision trouble, dysgueusies. STATINES : POINT SUR LES INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES ►Pourquoi certaines statines sont plus à risque d’interactions que d’autres Atorvastatine et simvastatine sont métabolisées par l’isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450 ; la fluvastatine est principalement métabolisée par l’isoenzyme CYP 2C9 ; pravastatine et rosuvastatine ne sont que peu ou pas métabolisées par le cytochrome P450. Simvastatine et atorvastatine exposent à d’avantages interactions d’ordre pharmacocinétique que fluvastatine, pravastatine et rosuvastatine. Elles sont sensibles aux inhibiteurs enzymatiques du CYP 3A4 qui entraînent une augmentation de leur concentration plasmatique et donc du risque musculaire. Les principaux inhibiteurs du CYP 3A4 sont : amiodarone, diltiazem, vérapamil, la plupart des macrolides (sauf spiramycine), des antifongiques azolés, des antirétroviraux, la cimétidine, le jus de pamplemousse. L’acide fusidique augmente les effets de la simvastatine et de l’atorvastatine. Les inhibiteurs de l’isoenzyme CYP 2C9 qui augmentent les effets de la fluvastatine sont : cimétidine, fluconazole, fluoxétine, fluvoxamine, entacapone, clopidrogel, sildénafil. Attention aux fibrates : l’association d’un fibrate à une statine, quelle qu’elle soit est déconseillée du fait du risque majoré de rhabdomyolyse. ►Risque hémorragique L’association de toutes les statines avec un anticoagulant oral augmente l’effet anticoagulant (surveillance rapprochée de l’INR). ►Conclusion Pravastatine et Simvastatine sont les statines les mieux évaluées du point de vue morbi-mortalité et sont celles dont on dispose d’une plus longue expérience d’utilisation. Chez les patients polymédicamentés ou consommateurs de jus de pamplemousse, la pravastatine s’avère la statine de premier choix. Prescrire, 2006, n°276, 692-695 et n°278 (supp), 64-66 Prescrire, 2007, n°282, 269-270 Minidossier du SIPS. Hôpital Bicêtre. Août 2006, N°3 Afssaps, Mise au point sur le risque musculaire des statines http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/statine/point.htm Réflexion : « Le cholestérol ne bouche pas les artères », Entretien avec Dr de Lorgeril. Le Monde, Mercredi 13 Juin 2007 VIGI-PHARMA, N°9, Octobre 2007, Page 2 VIGI-PHARMA, N°9, Octobre 2007, Page 3