I N F O R M A T I O N S 28e Journée française de médecine : les lipides en l’an 2000 ● C. Le Feuvre* L a 28e Journée française de médecine, organisée par la Société médicale des hôpitaux de Paris et présidée par le Pr A. Vacheron, était consacrée aux lipides en l’an 2000. Plusieurs communications ont porté sur la place des hypolipidémiants et de la diététique dans la prévention cardiovasculaire. PRÉVENTION PRIMAIRE DE LA MALADIE CORONAIRE PAR LES HYPOLIPIDÉMIANTS (M. Farnier, Dijon) Les études utilisant la colestyramine (étude LRC-CPPT) ou des fibrates (études WHO et HHS) avaient retrouvé un bénéfice en prévention primaire des événements coronaires, mais sans efficacité nette sur la réduction de la mortalité globale. À l’inverse, l’étude écossaise WOSCOPS démontre que la pravastatine à 40 mg/j diminue les événements coronariens et la mortalité globale chez l’homme de moins de 65 ans avec un LDL-cholestérol (LDL-C) > 1,55 g/l, et un facteur de risque surajouté parmi l’hypertension artérielle, le tabagisme en cours, le diabète, les antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce ou le HDLcholestérol (HDL-C) bas. Le traitement de 1 000 patients pendant 5 ans a permis d’éviter 24 infarctus du myocarde mortels et non mortels. De même, l’étude AFCAPS/TexCAPS retrouve une diminution de 36 % des événements coronaires majeurs avec la lovastatine (20 à 40 mg/j) chez l’homme de plus de 45 ans ou la femme de plus de 55 ans avec un LDL-cholestérol > 1,3 g/l et un HDL-cholestérol bas. Le traitement de 1 000 patients pendant 5 ans a permis d’éviter dix infarctus du myocarde mortels et non mortels. Le bénéfice est d’autant plus important que le patient présente d’autres facteurs de risque cardiovasculaire. Le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire est aussi élevé chez un patient diabétique de type 2 en prévention primaire que chez un patient non diabétique en prévention secondaire. Plusieurs études sont en cours pour évaluer le bénéfice des statines chez les patients diabétiques de type 2 (études CARDS, HPS, LDS) et chez les patients de plus de 70 ans (études PROSPER, RESPECT). Les recommandations ANAES et AFSSAPS pour l’instauration d’un traitement médicamenteux hypolipidémiant sont fondées sur la valeur du LDL-cholestérol et sur l’évaluation du risque cardiovasculaire global, évalué par le nombre de fac- * Service de cardiologie, hôpital Necker, Paris. 6 teurs de risque vasculaire. Un hypolipidémiant doit être prescrit en prévention primaire après 6 mois d’un traitement diététique si le LDL-cholestérol est : ● ≥ 2,2 g/l chez l’homme de moins de 45 ans ou la femme non ménopausée sans autre facteur de risque, ● ≥ 1,6 g/l chez les patients avec un autre facteur de risque, ● ≥ 1,3 g/l chez les patients avec deux autres facteurs de risque. Les facteurs de risque sont : l’âge (homme de plus de 45 ans ou femme de plus de 55 ans ou ayant une ménopause précoce sans hormonothérapie substitutive), un antécédent familial de maladie coronaire précoce (avant 55 ans chez le père ou chez un parent du premier degré de sexe masculin, ou avant 65 ans chez la mère ou un parent du premier degré de sexe féminin), un antécédent personnel d’artériopathie carotidienne ou des membres inférieurs, un tabagisme en cours, une hypertension artérielle (traitement antihypertenseur en cours ou pression artérielle > 140/90 mmHg), un LDL-C < 0,35 g/l, un diabète. D’autres indicateurs additionnels du risque peuvent être pris en compte : microalbuminurie, triglycérides > 2 g/l, hyperhomocystéinémie. L’objectif en prévention primaire est donc d’identifier les patients à risque vasculaire suffisamment élevé pour justifier l’introduction d’une statine. Tableau. Instauration du traitement diététique ou médicamenteux en fonction des valeurs du LDL-cholestérol en g/l (RMO n° 15, JORF 29/3/97). Régime Objectif Médicaments Objectif Prévention primaire aucun facteur de risque* ≥ 2,2 < 1,6 0 – Prévention primaire aucun facteur de risque* échec du régime – – ≥ 2,2 < 1,6 Prévention primaire un facteur de risque ≥ 1,6 < 1,6 ≥ 1,9 < 1,6 Prévention primaire 2 facteurs de risque ≥ 1,3 < 1,3 ≥ 1,6 < 1,3 Prévention secondaire ≥ 1,3 <1 ≥ 1,3 <1 * homme de moins de 45 ans ou femme non ménopausée LDL-cholestérol (g/l) = cholestérol total - (HDL-cholestérol + 0,16 x triglycérides) La Lettre du Cardiologue - n° 341 - janvier 2001 I PRÉVENTION SECONDAIRE DE LA MALADIE CORONAIRE PAR LES HYPOLIPIDÉMIANTS (F. Delahaye, Lyon) Les études de prévention secondaire réalisées avant les statines, portant essentiellement sur les fibrates, ont montré une diminution des infarctus mortels et non mortels, mais sans réduction significative de la mortalité globale. À l’inverse, les études de prévention secondaire ont démontré un bénéfice des statines sur la morbi-mortalité cardiovasculaire et sur la mortalité globale. Dans l’étude 4S (simvastatine 10 à 40 mg/j), le LDL-cholestérol et la mortalité totale sont diminués de 30 %. Les patients avec cholestérol à 2,4 g/l ont le même bénéfice que les patients avec cholestérol entre 2,7 et 2,98 g/l. Dans l’étude LIPID (pravastatine 40 mg/j), la mortalité totale est diminuée de 23 %, que le cholestérol avant traitement soit < 2,1 g/l ou > 2,5 g/l. Ce bénéfice de la pravastatine est confirmé dans l’étude CARE. Ces trois études sont en faveur d’une prescription systématique de simvastatine ou de pravastatine chez tous les coronariens (après infarctus du myocarde, angor stable ou instable), chez l’homme comme chez la femme, chez les sujets jeunes et chez les sujets âgés (sans bénéfice actuellement démontré après 80 ans), quelle que soit la cholestérolémie de base (sans bénéfice actuellement démontré quand la cholestérolémie est inférieure à 2 g/l). En prévention secondaire, les recommandations pour l’instauration d’un traitement médicamenteux hypolipidémiant sont fondées sur la valeur du LDL-cholestérol, supérieur ou égal à 1,3 g/l malgré une diététique suivie pendant trois mois. Il est nécessaire d’abaisser le cholestérol total à moins de 2 g/l (LDL-C < 1 g/l). La réduction des événements cardiovasculaires est d’autant plus importante que la cholestérolémie est abaissée. La prescription d’une statine ne doit pas faire oublier la prise en charge diététique et la correction des autres facteurs de risque. La sécurité d’emploi des statines est excellente. Les effets secondaires (3 à 5 %) sont musculaires ou hépatiques. Le traitement doit être arrêté en cas de myalgies, d’élévation de la CK à plus de cinq fois la normale, ou des transaminases à plus de trois fois la normale. L’association d’une statine avec un fibrate a été longtemps déconseillée en raison du risque de myosite. Cette association peut être retenue en milieu spécialisé en cas de dyslipidémie sévère et non contrôlée en monothérapie chez un patient à risque vasculaire élevé. L’indication d’un fibrate peut être envisagée chez un patient avec hypertriglycéridémie ou diminution du HDL-C. Le gemfibrozil diminue la morbi-mortalité coronaire dans l’étude VA-HIT. Par contre, le bézafibrate est sans effet significatif dans l’étude BIP. La statine doit donc rester le médicament hypolipidémiant de première intention en prévention secondaire. N F O R M A T I O N S cérébral. À l’inverse, une méta-analyse regroupant 25 000 patients des études LIPID, 4S, REGRESS, WOSCOPS et CARE retrouve un bénéfice des statines avec une réduction de 22 % des accidents vasculaires cérébraux fatals ou non fatals (RR = 0,785, p < 0,001). Les statines pourraient donc diminuer le risque d’accident vasculaire cérébral chez les patients à risque élevé. Cette efficacité pourrait être secondaire à un effet stabilisateur de plaque ou à une amélioration de la fonction endothéliale. Deux essais cliniques de prévention secondaire d’accident vasculaire cérébral avec des statines sont en cours : l’étude SPARCL, portant sur 4 200 patients, et l’étude PARIS, portant sur 2 500 patients. PLACE DE LA DIÉTÉTIQUE DANS LA PRÉVENTION CARDIOVASCULAIRE (B. Jacotot, Créteil) Les principaux facteurs alimentaires qui augmentent le risque de maladies cardiovasculaires sont : ✔ l’excès d’apport en graisses, surtout si cet apport est supérieur à 40 % de l’énergie totale des aliments, ✔ l’excès de graisses saturées, qui augmentent LDL-C et HDL-C, associé à une insuffisance d’apport en graisses monoinsaturées, qui diminuent LDL-C et HDL-C, et polyinsaturées en n-3, qui diminuent les VLDL, surtout en cas d’élévation des triglycérides, ✔ l’excès de cholestérol alimentaire, mais il existe une grande variabilité génétique, ✔ l’insuffisance de glucides complexes, de fibres ou d’antioxydants. Une diminution du risque de mort subite a été retrouvée avec l’apport d’huiles de poisson (études DART, GISSI 3). Le bénéfice d’un régime de type méditerranéen ou asiatique traditionnel, pauvre en graisses, a été retrouvé dans plusieurs études. Dans l’étude lyonnaise (Lyon Heart Study) portant sur 600 patients de moins de 70 ans avec antécédent d’infarctus, le régime méditerranéen diminue de 66 % les événements coronaires, de 73 % le risque de décès cardiaque, et de 70 % le risque de décès de toutes causes. Ce bénéfice est constaté à 27 mois et se maintient à 4 ans. Dans l’étude STARS, le risque de survenue d’un événement coronaire diminue de 69 % dans le groupe régime, et de 80 % dans le groupe asso- LES HYPOLIPIDÉMIANTS PEUVENT-ILS PRÉVENIR LES ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX ? (P. Lechat, Paris) Les facteurs de risque d’accident vasculaire cérébral sont par ordre de fréquence : l’hypertension artérielle, la fibrillation auriculaire, le diabète, le tabagisme, l’hypercholestérolémie. Une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral corrélée au niveau de LDL-cholestérol a été constatée dans l’étude cas/témoins GÉNIC. Aucune étude avec les fibrates n’avait pour objectif principal la diminution du risque d’accident vasculaire La Lettre du Cardiologue - n° 341 - janvier 2001 Limiter les laitages. 7 I N F O R M A T I O N S ciant régime et traitement médical hypolipidémiant. Les mesures diététiques ont donc prouvé leur efficacité, tout particulièrement dans les études de prévention secondaire. Ces mesures doivent être associées à la correction de tous les facteurs Encourager la consommation des légumes et des fruits. de risque. RECOMMANDATIONS DIÉTÉTIQUES AUX PATIENTS HYPERLIPIDÉMIQUES (M. Krempf, Nantes) Les recommandations diététiques doivent être systématiques chez un patient hyperlipidémique. Elle permettent une diminution de 10 % en moyenne de la cholestérolémie, mais avec de grandes variations d’un patient à l’autre. La réduction de la surcharge pondérale est essentielle dans la normalisation d’un bilan lipidique. Chez un patient de 100 kg, un amaigrissement de 10 kg diminue le risque cardiovasculaire de 20 à 5 % ; ce risque diminue de 40 à 15 % en cas de tabagisme. En cas d’hypertriglycéridémie isolée, l’objectif principal doit être la réduction de la consommation d’alcool ou de sucreries. En cas d’hypercholestérolémie pure, les acides gras saturés ne doivent pas dépasser 7 %, et les acides gras polyinsaturés n-6, 10 % de l’apport calorique total. À l’inverse, les acides gras polyinsaturés n-3 auraient un effet protecteur (études DART et GISSI). Les acides gras monoinsaturés, comme l’acide gras oléique contenu dans l’huile d’olive, pourraient avoir un effet cardioprotecteur (étude lyonnaise). Cependant, de nombreuses recommandations internationales préconisent de les limiter à 15 % de l’apport calorique total, en privilégiant les glucides complexes à 50-55 %. Les recommandations diététiques aux patients hyperlipidémiques doivent donc associer : ✔ une réduction de l’apport calorique s’il est excessif, afin de réduire la surcharge pondérale (l’apport calorique conseillé est de 1 800 à 2 400 cal/j chez la femme et de 2 000 à 4 000 cal/j chez l’homme), ✔ une limitation des acides gras saturés (charcuterie, laitage, viande grasse comme le mouton, l’agneau ou le boeuf), ✔ une préférence à accorder aux viandes maigres (veau, lapin), aux volailles (sans la peau) et aux poissons, ✔ un encouragement à la consommation de céréales, de fruits et de légumes (régime méditerranéen), ✔ une consommation modérée d’huile d’olive ou de colza. LES EFFETS PLÉIOTROPES DES STATINES (F. Paillard, Rennes) Le bénéfice des statines en prévention des événements cardiovasculaires serait lié non seulement à leur action hypolipidémiante, mais aussi à leurs effets pléiotropes. Les statines semblent exercer une action anti-inflammatoire locale, et favorisent la déplétion de la plaque en matériel lipidique et en macrophages, ce qui concourt à sa stabilité. À baisse équivalente de LDL-C, le bénéfice des statines est d’autant plus important qu’il existe des marqueurs biologiques d’inflammation. Les statines peuvent corriger la dysfonction de la vasomotricité endothélium-dépendante des artères athéromateuses, et amoindrir le risque de thrombose par diminution de l’agrégation plaquettaire, de l’expression du facteur tissulaire par les macrophages, et de la formation de thrombine chez le patient hypercholestérolémique. Leur action dans certains mécanismes cellulaires impliqués dans l’immunité pourrait expliquer la diminution de la mortalité et des rejets observée sous statines chez les patients transplantés cardiaques traités par ciclosporine. ■ Les articles publiés dans “La Lettre du Cardiologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © mai1983 - EDIMARK S.A. - Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois - Dépôt légal 1er trimestre 2001 AVENTIS (Nisis), p. 2 ; GLAXO WELLCOME (Pritor), p. 5 ; LIPHA SANTÉ (Cardensiel), p. 9 ; 8 MSD CHIBRET (Zocor), p. 16-17 ; NOVARTIS (Tareg), p. 20 ; SERVIER (FLudex et Vastarel), p. 28 et p. 27. La Lettre du Cardiologue - n° 341 - janvier 2001