ACADIE NOUVELLE | VENDREDI 12 JUILLET 2013
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COMMENTAIRE
«N
ous sommes trop exposés aux
dicaments et, surtout, pen-
dant trop longtemps, spéciale-
ment les personnes les plus vulrables, les
personnes âes qui ont de nombreuses af-
fections et de nombreuses morbidis.» Ce
sont les propos du Dr Dominique Mara-
ninchi, directeur général de l’Agence fran-
çaise de curi du dicament et des
produits de san.
Quon émette chaque année pas moins de
505 millions d’ordonnances (chiffres de
2011) à une population d’environ 35
millions, il y a de quoi inquiéter. Le
Canada arrive en deuxme place des pays
de l’OCDE pour les penses totales par
habitant pour les médicaments, tout juste
derrière les États-Unis. Faut-il conclure que
nous sommes collectivement ou bien très
malades ou bien cdules au point de gober
non seulement tout ce qu’on nous prescrit,
mais tout ce qu’on nous dit? L’industrie
pharmaceutique tente par tous les moyens
possibles d’influencer decins, patients,
gouvernements et dias. D’un budget de
pas moins de 600 milliards annuellement,
elle pense deux fois plus en marketing
qu’en recherche et en développement. Tous
les moyens sont bons: fraude, pots-de-vin,
tricheries, cachoteries, musellement
d’opposants à des recherches souvent
faussées.
En 2005, les pharmaciens ont remis, par
an, 35 ordonnances en moyenne aux
personnes âes de 60 à 79 ans. Quant à
celles de 80 ans et plus, le nombre s’éve à
74. Quelqu’un peut-il expliquer pourquoi il
faut autant de produits chimiques pour
affronter la dernre étape de la vie? Pour
engourdir les malaises chroniques du
vieillissement? Faut-il s’étonner qu’elles aient
l’air et se sentent comme des abruties?
Pense-t-on, parfois, à faire le ménage dans
tous ces dicaments? Sont-ils tous
nécessaires? Certains interrent-ils avec
d’autres? LOrganisation mondiale de la
san nous apprend que de 10 à 20 % des
hospitalisations sont dues à des actions
indésirables aux dicaments, dont certaines
ts rieuses. Doit-on sonner l’alarme? Faut-
il repenser la decine? Ou est-elle tout
simplement brisée, comme le dit le
psychiatre et chercheur britannique Ben
Goldacre, dans son livre Bad Pharma, How
Drug Companies Mislead Doctors and
Harm Patients.
Ce qui inquiète davantage, ce sont les
jeunes qui sont à la consommation des
médicaments. On songe à faire prendre du
Lipitor et du Crestor aux enfants en guise de
prévention. Pour en faire des habitués, il n’y
a pas de plus bel âge. S’ils ont le moindre
malaise au dos, si la performance sexuelle
n’est pas toujours à son apoe, s’ils
éprouvent des probmes de flatulences, vite,
les médicaments. Quelle inconscience: les
rendre accros si tôt. Aujourd’hui, on invente
des maladies pour créer de nouveaux
médicaments et proder à leur
commercialisation. Le «Syndrome du
ventre» a donné lieu à un dicament
nommé Accomplia et dont les effets
secondaires ont é tellement graves (anxs
indescriptibles, ies suicidaires et suicides)
qu’on a le retirer du marché en France et
au Royaume-Uni.
Létude française intitue 4000
médicaments utiles, inutiles ou dangereux
basée sur 16 000 références internationales
démontre que 50 % de ces molécules sont
inutiles, 20 % mal tolérées et 5 %
potentiellement très dangereuses. Dans un
monde de plus en plus fiant, un tel livre
n’a pas manq de faire scandale. Des
fédérations de médecins ainsi que l’industrie
pharmaceutique ont ten de discditer les
deux auteurs, tous les deux decins, dont
l’un, l’ancien doyen de la Facul de
médecine de Paris, le Dr Philippe Even, en
les traitant de charlatans et en exigeant qu’ils
aient à paraître devant les instances
disciplinaires de la profession.
Le Dr Even a étudié, annoté et analy
chacune des 800 rences scientifiques sur
les statines, cette mocule qu’on retrouve
dans les médicaments prescrits pour traiter
des taux anormalement élevés de cholesrol.
«Les chiffres dont je dispose, dit-il, montrent
qu’il n’y a aucun rapport entre le taux de
cholesrol et la mortalité cardiaque,
contrairement à ce qu’avancent les
cardiologues Et, il continue en disant: «Sur
la trentaine de publications tentant d’établir
l’efficaci des statines en pvention de la
mortalité cardiovasculaire, seules quatre ont
démontré un ger effet positif. Toutes les
autres concluent à l’inefficacité de ces
dicaments.» Lindustrie pharmaceutique,
pourtant, en donne un tout autre portrait,
un qui frise le miracle.
Alors qu’en France cinq millions de
personnes sont traitées au moyen de statines,
aux États-Unis, ce sont 25 millions. Au
Canada, on prescrit pas moins de 10
millions dordonnances de Crestor par an et
9 millions, de Lipitor. On parle peu ou pas
des effets secondaires graves, comme le
dommage au foie, les problèmes musculaires
et ligamentaires. On ne dit pas non plus
qu’ils sont associés à des changements du
té de la moire, de la concentration et de
l’humeur. Dans une enquête auprès de 650
personnes ayant cu des effets secondaires
sérieux reliés aux statines, on rapporte
qu’entre 47 et 51 % des médecins rejettent
l’idée d’un lien entre le dicament et ces
malaises.
Barbara Mintzes, chercheuse de
l’universi de la Colombie-Britannique, dit
dans une étude récente que «La plupart des
decins de famille reçoivent peu ou pas
d’information sur les effets nocifs des
dicaments lors de visites de repsentants
de compagnies pharmaceutique. Le
protocole des vendeurs dit qu’ils ne doivent
aborder les effets secondaires qu’à la toute
fin de l’entretien. Ils sont rarement abors.
Il y a une lueur d’espoir: de plus en plus
de gensclament le droit de parole. Ils
questionnent, cherchent des ponses,
terminés qu’ils sont de prendre en main
leur san. Alimentation, activi physique,
sommeil réparateur, élimination des sources
de stress, spiritualité, méditation, sens de la
vie font partie de leur discours. Certains
decins se rangent dans cette catégorie, et
c’est tant mieux: ils croient qu’il faut essayer
tous les moyens disponibles avant de monter
sur le manège des prescriptions
pharmacologiques.
On ne peut que se réjouir d’initiatives
telles celles que prend cette équipe de jeunes
decins du nord-ouest de la province qui
ont mis sur pied le mouvement
«Prescription-Action». Le Dr Maraninchi,
dont il est question au début de l’article, dit
qu’il faut prescrire des attitudes: il faut cesser
de croire quune visite chez le decin doive
automatiquement dire une prescription et
une visite à la pharmacie.
Et dire que c’est l’industrie
pharmaceutique qui fait la formation des
decins au coût de 60 000 $ par an, par
individu, aux États-Unis seulement, dont des
cadeaux, des voyages, des repas copieux et
des billets d’ente à des événements divers.
À quand une formation done par des
instances inpendantes et objectives?
Osera-t-on souhaiter, un jour, voir des
recherches universitaires sérieuses et
indépendantes sur les liens possibles entre la
prise de médicaments et toute la panoplie de
maladies qui nous affligent de nos jours.
Certaines études récentes sont latrices:
on trouverait un lien entre les
benzodiazépines (Valium, Tranne,
Librium, Ativan, etc.) et la mence de genre
Alzheimer. San Canada émettait
dernièrement un avertissement pvenant
que le dicament contre le cancer Avastin
avait é relié, dans de rares cas, à la fasciite
nécrosante, commument appelée la
bactérie mangeuse de chair.
S’il est vrai que 80 % et plus des maladies
sont psychosomatiques, il faudrait songer à
recommander davantage les gens aux
psychologues ou aux psychothérapeutes. n
Hector J. Cormier
Moncton
Enseignant à la retraite
Qu’on émette chaque année pas moins de 505 millions d’ordonnances (chiffres de
2011) à une population d’environ 35 millions, il y a là de quoi inquiéter. -
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Les médicaments
rendent-ils malades?
LOrganisation mondiale de la santé nous apprend
que de 10 à 20 % des hospitalisations sont dues à
des réactions indésirables aux médicaments, dont
certaines très sérieuses. Doit-on sonner l’alarme?
Faut-il repenser la médecine?
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