Une approche des troubles mnésiques isolés de la personne âgée

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Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, nO 1-2, pp. 53-54
©Masson, Paris, 1987
Une approche des troubles mnésiques isolés
de la personne âgée
D. CHAUDRON-MARONNE
NOTE DE TECHNIQUE
Médecin, psychiatre, Dispensaire Croix-Rouge, service de gérontologie, 196, boulevard Galliéni, 92390 Villeneuve-La-Garenne.
Les troubles de la mémoire sont fréquemment
évoqués chez les personnes âgées. Nous enten-
dons souvent des plaintes comme «je ne sais
plus où j'ai mis mes lunettes; je ne me souviens
pas de mes rendez-vous... ». A ces plaintes, la
réponse reste le plus souvent « c'est normal à
votre âge »car il persiste effectivement un grand
vide thérapeutique face à ce trouble qui est ainsi
devenu un véritable signe pathognomonique de
la sénescence.
Il nous paraît important de nous interroger
sur ce symptôme et d'essayer de comprendre ce
qu'il peut soutendre.
Tout d'abord, qu'est-ce que la mémoire et
qu'elle approche en avons nous?
La mémoire est une fonction qui nous permet
de recueillir des données, de les conserver et de
les restituer, cette faculté étant en étroite relation
avec la perception, l'attention, l'affectivité et la
possibilité de synthèse.
Or, cliniquement, nous accédons à la mémoire
par le seul phénomène de remémoration c'est-à-
dire par une seule partie de la fonction mémoire.
Une approche plus globale est donc nécessaire.
Mais reprenons ce que dit le Dr P. Davous à
propos des troubles mnésiques de la personne
âgée. D'une façon générale on peut admettre que
lorsqu'un sujet arrive à 70 ans, il a perdu une
part substantielle de ses capacités mnésiques de
l'ordre de 15 à 40 %.
L'utilisation de différents moyens de rééduca-
tion de la mémoire, en thérapie de groupe,
montre que l'on peut améliorer les performances
de 20 à30 %.
Tirés àpart: D. CHAUDRON-MARONNE, àl'adresse ci-dessus.
Ainsi, cette étude fait ressortir que si les
troubles mnésiques existent chez la personne
âgée, ils ne peuvent s'expliquer uniquement par
un déficit neurologique dû au vieillissement,
mais que d'autres facteurs sont en cause.
A partir de ces réflexions sur la mémoire et .
son dysfonctionnement chez la persoime âgée,
nous pouvons admettre tout d'abord qu'une
bonne perception est indispensable. Or les
possibilités sensorielles sont souvent diminuées
à un âge avancé et, ce qui n'est pas perçu ne
pouvant être mémorisé, la prise en compte et
le traitement de tout déficit à ce niveau est
indispensable.
Nous pouvons remarquer également qu'avec
l'âge, une sélection des informations se fait. Ce
tri peut, à la façon des sages, avoir pour but de
conserver l'essentiel, mais la personne âgée peut
aussi verser dans l'excès et voir son empan
mnésique bien diminué. A ceci, si on associe le
fait que la personne âgée conserve avec plaisir
l'évocation des événements anciens contraire-
ment à celle des nouveaux, on peut se demander
si elle ne se referme pas sur le passé, toute
projection dans l'avenir étant angoissante.
Les premiers troubles mnésiques ne sont ils
pas le début d'un retrait du monde extérieur et
ne faut-il pas les prendre en considération pour
éviter le glissement vers un vieillissement patho-
logique?
Cette hypothèse explique aussi les résultats
positifs des thérapies de groupe qui parallèle-
ment à la rééducation proprement dite, permet-
tent la restructuration du tissu relationnel et le

1 _
54 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 1-2
renforcement du sentiment d'identité de la
personne âgée.
Ceci nous a amené à créer, il y a un an, un
groupe «mémoire» au sein d'un service de
Géronto-psychiatrie de secteur. Ce groupe est
très fréquenté par les personnes âgées .qui
souffrent de ce trouble et dont elle ne peuvent
parler puisque c'est « normal».
Chaque semaine, nous tentons une prise en
charge en proposant des exercices simples
faisant appel à la mémoire différée, à la mémoire
immédiate, à la faculté de synthèse, à la logique.
Nous leur faisons prendre conscience que
leurs facultés mnésiques sont toujours présentes
mais que la mémoire n'est une fonction utile que
si l'on s'en sert en continuant à vivre de façon
à part entière dans son milieu de vie. Le groupe
a un effet stimulant et structurant pour la
personne âgée, c'est peut-être le catalyseur de
l'envie de se souvenir, l'envie de continuer à
VIVre.
De plus, au cours de chaque séance, nous
utilisons un thème de la vie quotidienne. Ce peut
être la vie dans la rue, le cinéma, la cuisine, ou
encore l'actualité, les élections ..: et nous termi-
nons la séance par une discussion sur ce thème.
Ainsi, à partir de connaissances simples, les
exercices peuvent être effectués et nous débou-
chons sur des discussions et des échanges que
les personnes âgées peuvent avoir entre elles.
Après un an et demi de fonctionnement, c'est
un bilan positif que nous pouvons faire mais il
nous importe maintenant d'affiner notre analyse
en quantifiant les résultats. Ceci est d'autant plus
long qu'il semble n'exister que peu d'équipes
travaillant dans ce sens.
Tout cela ne veut pas dire que ce soit la seule
approche de ce symptôme chez la personne âgée
mais qu'il faut certainement tenir compte de tout
l'aspect psychologique du vieillissement pour
cerner les troubles mnésiques.
Exemple d'exercice fait au cours d'une séance
THÈME : le CINÉMA
• Mémoire différée lire puis se souvenir 1heure après de
la liste
Arletti ; Hôtel du Nord
Fernandel ; La vache et le prisonnier
Raimu : La femme du boulanger
Michèle Morgan ; Quai des brumes
Romy Schneider : Sissi
• Logique :retrouver les mots avec les lettres suivantes :
MENAIC
LLSAE
CTUAA TILSE
ETNTRCEA
retrouver le maximum de mots avec les lettres du mot
CINEMATOGRAPHIQUE
• Orientation dans l'espace: reproduire la figure 1 avec
les pièces du TAN GRAM (pièces de bois) en regardant
le modèle puis sans modèle.
FIG.
• Inscriptions anciennes:
Retrouver ; un acteur de cinéma, un film.
mais aussi : un pays, un prénom
commençant par la lettre R; S; L.
• Mémoire auditive:
Retrouver si possible dans l'ordre 5 morceaux de
musique, entendus (cassette enregistrée par nos soins)
ex : Air du Toréador (Carmen), Trompettes d'Aïda, La
Truite de Schubert, Le beau Danube bleu, La cavatine
de Figaro (Barbier de Séville).
Références :
DAVOUS P. - Vieillissement cérébral: améliorer la mémoire
est un objectif raisonnable qu'il est possible d'atteindre,
Panorama du médecin, nO 12-11, 1985.
ISRAEL L., MARIE J. - Les troubles de la mémoire en tant que
critère de dépendance chez les personnes âgées, Dac Cleirpa
1975, nO 45, pp. 3-11.
MARONNE-CHAUDRON D. - Une approche préventive du
vieillissement pathologique : expérience d'un service de
géronto-psychiatrie de secteur dans les Hauts de Seine,
Université Paris VIL 1986.