14 Pratique Soins Gériatrie Éviter la iatrogénie médicamenteuse Plus d’une personne âgée sur deux ne respecte pas sa prescription. Fragile et souvent polymédiquée, elle est plus souvent victime des effets indésirables des médicaments d’autant plus si ces derniers sont mal utilisés. Une campagne de prévention est menée par Santé en action. L’ objectif de la campagne de Santé en action est d’alerter en premier lieu les professionnels de santé et de les inciter à profiter de chaque contact avec le malade pour prendre en compte cette problématique et y penser toujours devant des symptômes inhabituels. En bref, il s’agit de modifier les comportements, de favoriser le dialogue car il faut que les patients osent dire tous les médicaments qu’ils prennent, y compris ceux de l’automédication à leurs yeux la plus banale. Un combat de santé publique Infos ... Santé en action Santé en action est un mouvement qui regroupe les organisations professionnelles libérales et industrielles de la santé. Avec les différents partenaires elle lance la première campagne nationale de prévention destinée à inciter au bon usage du médicament chez les personnes âgées. Le sigle du message est AVEC : accueil, vigilance, écoute, conseil. Les effets indésirables des médicaments sont beaucoup plus fréquents chez la personne âgée de plus de 65 ans. Or, près des deux tiers de ces incidents sont évitables. Depuis la prescription jusqu’à la prise par le patient lui-même en passant par la dispensation et l’administration du médicament, chaque phase est décisive en termes de bon usage. Il ne faut jamais oublier qu’un médicament n’est pas anodin et que son efficacité thérapeutique s’accompagne parfois d’effets indésirables. Ceux-ci sont d’autant plus sévères que le traitement est mal adapté ou mal suivi, et d’autant plus encore chez la personne âgée qui présente des polypathologies. Un patient particulier Si la vieillesse n'est pas une maladie, elle est pourtant marquée par la dégradation de certaines capacités fonctionnelles qu’elles soient rénales, cardiaques ou hépatiques entraînant une propension à une sensibilité aux agressions et à un développement des maladies. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 59 • novembre 2004 Selon une étude du CREDES, les patients de plus de 70 ans prennent en moyenne 4 à 5 médicaments par jour. Aussi les ordonnances sont complexes et de plus il existe plusieurs prescripteurs. Les interactions sont nombreuses et les risques se multiplient. Par ailleurs, oubli ou confusion, le traitement peut être omis ou pris deux fois, ou encore un médicament peut être pris à la place d’un autre, etc. Il est à souligner que le grand âge voit s’instaurer une considérable variabilité inter- et intra-individuelle de la pharmacocinétique des médicaments (distribution dans l’organisme, transformation, élimination). Ainsi leur activité s’en trouve parfois majorée, prolongée ou réduite. La prescription doit tout naturellement prendre en compte ces données et la surveillance clinique des soignants s’impose, avec une attention particulière sur le respect strict des conditions d’emploi des doses et des horaires de prise. Sensibiliser la personne Devant un symptôme nouveau le soignant doit toujours se poser la question : “et si c’était lié au traitement ?” L’infirmière ne doit pas hésiter à en parler au médecin et à engager un dialogue avec le patient. Parfois la personne âgée n’ose pas dire qu’elle ne comprend rien à l’ordonnance. Il faut la rassurer en lui disant tout simplement qu’elle n’est pas la seule, par exemple. Certains conseils sont à dispenser : boire suffisamment, manger des fruits et des légumes, des laitages, conserver une activité physique, faire contrôler la vue, l’audition, l’état dentaire, etc. Il faut rappeler que selon l’étude SPS 2000 de l’IRDES, le taux d’hos- pitalisation chez les personnes de plus de 65 ans est deux fois plus élevé que celui observé chez les adultes plus jeunes (directement lié à la polypathologie). Et selon une autre étude récente, un peu plus de 3 % de ces hospitalisations seraient en rapport avec une iatrogenèse médicamenteuse. Quand on sait que les deux tiers sont évitables, la vigilance des soignants s’impose plus que jamais. ALP Étude CREDES 2000 – 67 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont acquis au moins un produit pharmaceutique en un mois vs 35 % pour les moins de 65 ans. Elle est de 65 % parmi les personnes âgées de 65 à 74 ans ; de 70 % chez les 75-84 ans et de 69 % chez les 85 ans et plus. – En moyenne la consommation par jour s’établit à 3,6 médicaments pour les 65 ans et plus. Elle passe de 3,3 médicaments différents par jour pour les 65-74 ans, à 4,0 pour les 75-84 ans et à 4,6 pour les 85 ans et plus. Les femmes en consomment plus que les hommes : 3,8 vs 3,3. – En un mois, 8,6 % des personnes âgées achètent un médicament sans ordonnance. La consommation est dominée par les médicaments à visée cardiovasculaire. Suivent les médicaments de l’appareil digestif, de l’appareil locomoteur et les psychotropes. Une personne âgée sur cinq déclare avoir acheté au moins une boîte d’antalgique en un mois contre 12 % pour les moins de 65 ans. L’enquête PAQUID rapportée en 1998 indiquait que les personnes âgées vivant en institution consommaient davantage de médicaments que celles vivant au domicile : 5,2 médicaments en moyenne chaque jour. 56 % prennent plus de 4 médicaments par jour.