Notion de physiologie, froid et essoufflement

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Michel Lyœn
26 mars 2014
Notion de physiologie, froid et
essoufflement (niveau 2)
Physiologie de base
Le froid : Prévention du froid : combinaison, boisson chaude…
pourquoi on se refroidit en plongée
La respiration en plongée, prévention de l’essoufflement
I.
A.
NOTIONS DE PHYSIOLOGIE ÉLÉMENTAIRE
Définitions
Officiellement, le terme respiration concerne le fonctionnement de la cellule (utilisation de
l’oxygène pour faire de l’énergie, rejet de gaz carbonique) ; pour que cette respiration puisse
se faire, il faut l’intervention de deux autres systèmes : l’appareil circulatoire (circulation
sanguine) qui va transporter les gaz et les nutriments jusqu’à la cellule et de la cellule aux
poumons, et l’appareil ventilatoire (ventilation) qui assure le renouvellement de l’air dans les
poumons par apport d’air frais à partir de l’extérieur jusqu’au sang et rejet de l’air vicié
apporté par le sang.
Dans la vie courante on utilise le terme d’appareil respiratoire en lieu et place d’appareil
ventilatoire (c’est ce que nous utiliserons dans ce document).
B.
Ventilation, appareil respiratoire
Il a donc pour but d’amener de l’air frais de l’extérieur dans les
alvéoles pulmonaires, petits sacs situés en contact étroit avec
le sang pour permettre les échanges de gaz entre le sang et
l’air alvéolaire. Pour cela, il passe normalement par les fosses
nasales (où s’effectuent des échanges d’eau et de calories),
le pharynx (séparation avec le tube digestif), le larynx (parole
et étanchéité de la trachée), la trachée, les bronches pour
enfin arriver dans les alvéoles.
Les bronches et les alvéoles sont contenus dans deux poumons
enfermés dans la paroi thoracique et séparés par le médiastin
(cœur, gros vaisseaux).
Les poumons sont adhérents à la paroi thoracique par les
plèvres et ce sont les mouvements de cette paroi thoracique avec l’aide du diaphragme qui
vont réaliser le phénomène de soufflet qui permettra le renouvellement cyclique de l’air des
poumons (la ventilation).
La ventilation normale au repos est d’environ 5 litres par minute (l/min) ; en plongée chez
l’homme elle est souvent d’environ 20 l/min . À l’effort intense, elle peut atteindre 60 l/min et
même dans certains cas 100 l/min ! Elle est obtenue en premier par augmentation des
volumes mobilisés, puis par celle de la fréquence respiratoire.
Cette ventilation est normalement régulée de façon autonome et inconsciente
essentiellement en fonction de la production de gaz carbonique (CO2) par les cellules.
C.
La circulation
L’appareil circulatoire a pour but de faire circuler le sang
qui est un transporteur de gaz (oxygène, CO2, et azote)
mais aussi d’aliments et de déchets entre les différents
organes (poumons, foie, reins…) et les cellules. Le sang est
contenu dans des vaisseaux (veines, artères…) et est
propulsé par le cœur qui sert de pompe.
Cet appareil circulatoire est classiquement déparé en
deux parties : la circulation pulmonaire qui va permettre
les échanges de gaz entre le sang et les alvéoles, et la
circulation systémique (autres organes).
Dans l’air, en position debout, sous l’influence de ce qu’on
appelle la pression hydrostatique, le sang a tendance à
s’accumuler dans l’abdomen et les membres inférieurs.
Lors de l’immersion, la pression hydrostatique de l’eau
compense celle du sang qui est ainsi contraint de refluer
dans le thorax et va participer aux perturbations
ventilatoires des plongeurs. C’est le blood shift. Ce blood
shift va se potentialiser avec les réaction vasculaires induites par le froid comme nous le
verrons plus loin.
D.
Transport des gaz
Donc en pratique, les systèmes ventilatoires et circulatoire servent à permettre le transport de
l’oxygène et du CO2 vers et à partir des cellules.
II.
A.
B.
THERMORÉGULATION EN PLONGÉE
Présentation
o
Homéothermie (température centrale stable)
o
Équilibre ente la production et la perte de chaleur
o
Confort thermique à 25°C dans l’air, 33°C dans l’eau !
Production de chaleur
L’organisme produit de la chaleur du fait du fonctionnement normal des cellules. Au repos, la
part musculaire de la production de chaleur est d’environ 20 % de la production totale –2 %
pour le cerveau–. Elle peut augmenter considérablement en cas d’effort physique intense (et
de frisson) pour représenter alors plus de 90 % de la production de chaleur de l’organisme.
Ceci se fait par augmentation considérable de la consommation d’oxygène et de la
production de CO2 ce qui peut alors entraîner une augmentation très importante de la
ventilation.
Cette chaleur est alors véhiculée par le sang vers la peau afin d’être éliminée.
L’organisme reçoit aussi de la chaleur par les rayonnements infra-rouges (soleil par exemple).
C.
Perte de chaleur
1.
Convection et conduction
Cette perte de chaleur se fait par des mécanismes d’échange, essentiellement avec les
fluides qui nous entourent. C’est ce qu’on appelle la convection et la conduction.
Cette perte de chaleur est 25 fois supérieure dans l’eau par rapport à l’air (c’est pourquoi la
température de confort thermique passe à 33°C dans l’eau). Elle sera d’autant plus
importante que les gros vaisseaux sanguins seront près de la peau (cou, aines, aisselles,
genoux) et que le déplacement est rapide.
Pour diminuer cette formidable perte de chaleur, on utilise des combinaisons de plongée. Les
combinaisons dites humides laissent pénétrer un peu d’eau mais l’emprisonnent, ce qui fait
qu’une fois réchauffée elle reste au contact de la peau, minimisant les pertes ; il faut pour
cela que les combinaisons soient bien adaptées à la morphologie pour ne pas créer de
« poches ». Dès que l’eau est un peu fraîche (inférieure à 20°C par exemple) le port d’une
protection du cou est indispensable (cagoule). Enfin, il existe des combinaisons
étanches -sans contact avec l’eau-, mais plus chères, et techniquement un peu plus
délicates à utiliser.
2.
Évaporation
C’est un moyen efficace de perte calorique : la sueur. C’est le seul moyen en cas de
température ambiante supérieure à 35°C. Mais elle nécessite la présence d’air non saturé en
vapeur d’eau et en déplacement.
Ces conditions ne sont pas réunies en cas de port intempestif de la combinaison en plein
soleil ; l’air emprisonné se sature rapidement en eau alors que la combinaison sous le soleil
joue le rôle de radiateur efficace. La sueur ne s’évapore pas et l’organisme en produit de
plus en plus du fait de la montée de la température centrale, ce qui peut aboutir à une très
forte déshydratation et une hyperthermie.
3.
Radiation
L’organisme reçoit des infra-rouges et en émet. Ces rayonnements sont réfléchis par les
miroirs (couvertures de survie, certaines combinaisons).
4.
Problème des gaz respirés en plongée
Pour pouvoir évoluer dans l’eau, le plongeur doit respirer des gaz préalablement comprimés
fortement dans une bouteille. Sans rentrer dans les détails, pour pouvoir être utilisés, ces gaz
sont totalement dépourvus d’humidité et seront détendus avant utilisation. La détente provoque un refroidissement (entre 5 et 10°C de moins que la température ambiante)1.
Quand il respire au moyen d’un détendeur, le plongeur respire par la bouche ; l’air ne
traverse pas les fosses nasales qui servent normalement d’échangeur de température et
d’humidité. Donc le plongeur reçoit directement dans ses poumons de l’air très froid et très
sec. Il va donc se refroidir directement de l’intérieur à cause de cet air froid –ce phénomène
est encore aggravé en cas d’utilisation de l’hélium au lieu de l’azote dans certaines
plongées techniques–. En plus, l’arrivée de cet air sec au niveau des bronches va produire
une évaporation des sécrétions trachéo-bronchiques, elle-même génératrice d’un refroidissement important2.
En résumé, le plongeur se refroidit de façon consciente du fait de l’immersion dans l’eau et
ce refroidissement est fortement majoré par la respiration des gaz comprimés, mais ce refroidissement n’est pas perçu consciemment.
D.
Retentissement de la perte de chaleur
1.
La vasoconstriction périphérique (lutte pour éviter les pertes)
Pour éviter l’excès de pertes caloriques, l’organisme réagit en diminuant
l’apport de sang au niveau de la peau (l’onglée) et des zones
périphériques de l’organisme et privilégier l é fonctionnement des organes
« nobles » comme le cœur et le cerveau (noter que cette protection
régulatrice ne peut pas se faire au niveau ces poumons !). C’est ce qu’on
appelle la théorie du noyau central.
Ce phénomène a plusieurs conséquences :
2.
o
Cette diminution de la circulation périphérique entraîne une
accumulation de sang dans le thorax (majorant le blood shift dû à
l’immersion) qui n’est pas sans conséquence en augmentant le
travail du cœur et la pression artérielle (danger chez les Figure 1 : In
hypertendus et les plongeurs en mauvaise condition physique). En Silbernagl et col.
même temps, la diminution de la circulation dans les muscles va
provoquer une insuffisance d’oxygénation avec risque important de survenue de
crampes à l’effort.
o
Beaucoup plus « visible » chez le plongeur : cette accumulation de sang dans le
thorax produit un système de régulation qui vise à la diminuer en… augmentant la
diurèse par perte d’eau urinaire, raison pour laquelle les plongeurs ont toujours une
forte envie d’uriner pendant ou juste après la plongée. Malheureusement ce
phénomène va majorer le risque d’accident de décompression ! Il va falloir donc
impérativement boire correctement avant la plongée et surtout abondamment après
(de l’eau bien sûr !).
L’augmentation de la production de chaleur (génération musculaire de chaleur)
Elle se fait de façon parfois consciente (activité motrice volontaire) mais surtout involontaire
par des contractions musculaires de plus en plus fréquentes jusqu’à arriver au frisson. Ce
frisson correspond à une activité musculaire très intense qui génère une consommation
1 c’est la raison pour laquelle ces gaz doivent être dépourvus d’humidité car l’eau pourrait geler et perturber le
fonctionnement des détendeurs
2 cette évaporation des sécrétions trachéo-bronchiques est le seul moyen de se refroidir pour les animaux à fourrure
(chiens notamment) en haletant ; cela remplace pour eux la sueur qui ne peut pas fonctionner chez eux à cause
des poils.
d’oxygène énorme ; celle-ci entraînera une demande d’augmentation de la ventilation qui
pourra dans certaines conditions aboutir à un essoufflement, surtout chez les plongeurs dont
la condition physique laisse à désirer.
Cette hyperactivité musculaire se traduit aussi par une consommation importante des
réserves énergétiques ; ceci impose aux plongeurs de se nourrir correctement un peu avant
la plongée par ingestion de nourriture énergétique (sucres lents, sucres rapides, graisses,
comme dans les barres énergétiques du commerce).
3.
En cas d’hypothermie modérée (35 – 36°C)
Dans ce cas, il survient une rigidité musculaire qui se traduit par une difficulté dans la
coordination des mouvements fins, une diminution de l’efficacité des mouvements
(palmage), et une diminution de la vigilance qui se manifeste essentiellement par un
désintérêt.
4.
En cas d’hypothermie grave (en dessous de 35°C)
Ceci ne se rencontre que dans le cas de plongeurs égarés ayant passé plusieurs heures à
errer dans l’eau avant d’être repêchés.
Progressivement la rigidité musculaire s’aggrave, l’activité cardiorespiratoire se ralentit et
l’état de conscience s’aggrave jusqu’au coma.
À partir de 32°C la mort peut survenir.
E.
Prise en charge de l’hypothermie modérée3
Ne jamais exposer à une source de chaleur externe importante (infrarouges, douche
chaude…) car il existe un risque majeur de brûlures graves.
1. Extraction hors de l’ambiance froide
o Sortir de l’eau
o Enlever les vêtements humides, sécher et si possible mettre des vêtements secs
o En cas d’impossibilité (bateaux non pontés par exemple) mettre une couverture
de survie
o Protéger du vent (imperméables, bonnets, ponchos, à la rigueur sacs poubelle…)
2. Boissons abondantes (chaudes si possible +++) ; jamais d’alcool qui aggrave
l’hypothermie
3. Apports énergétiques (barres caloriques)
F.
Hyperthermie en plongée
Non, ce n’est pas une blague !
La combinaison de plongée, surtout si elle est sèche, capte très bien et accumule les infra–
rouges solaires et les transmet au corps. Comme il s’agit d’un système fermé, l’air ne circule
pas et la petite couche devient rapidement saturée en eau ; dans ce cas, la sueur ne peut
pas s’évaporer et est donc totalement inefficace.
En plein soleil (Méditerranée en été, zones intertropicales…) le fait de mettre trop tôt la
combinaison expose à :
o une sudation aussi intense qu’inefficace avec pour conséquence une déshydratation
importante et une vasodilatation
o un risque de collapsus lors de l’immersion lors du retour brutal à des conditions
normales de température, voire froides
o une augmentation du risque d’accident de désaturation du fait de la déshydratation.
3 La prise en charge de l’hypothermie sévère est très compliquée et nécessite l’intervention d’équipes de
réanimation spécialisées
En pratique, il faut être capable d’enfiler rapidement sa combinaison et éviter de la mettre
trop tôt ; sur les bateaux non pontés, veiller à ne pas la fermer trop tôt.
III.
CONTRAINTES VENTILATOIRES EN PLONGÉE SCAPHANDRE
A.
Analyse des contraintes
1.
Le centre de pression statique thoracique (CPST)
C’est l’équivalent, pour la ventilation, du centre de gravité pour
l’équilibre. C’est le point central sur lequel s’exercent les pressions sur le
thorax et que doivent vaincre les muscles respiratoires (inspiratoire en
position verticale tête haute, expiratoires en position verticale tête basse).
La distance entre la bouche (ou le nez) et ce CPST est de 20 à 40 cm.
Dans l’air, les pressions que doivent vaincre les muscles respiratoires sont
donc très faibles ; mais dans l’eau, elles sont 1000 fois plus fortes !
L’expérience du tuba monte que, en pratique, les muscles respiratoires
sont incapables de contrer une pression correspondant à 100 cm H2O
(100 hPa) et qu’à partir de 40 cm le travail respiratoire est excessif et
conduit rapidement à l’épuisement. C’est une des multiples raisons qui a
conduit à l’utilisation des détendeurs à 2 étages et les plongeurs à trouver
spontanément la position horizontale qui est la plus favorable en ce qui
concerne le confort respiratoire
2.
Le détendeur
Quel que soit le détendeur, il s’agit d’une pièce mécanique qui intervient dans la mécanique
ventilatoire. Les détendeurs modernes ont bien minoré le retentissement de ce détendeur.
Mais, le mieux étant parfois l’ennemi du bien, l’importance du débit de gaz donné par
certains détendeurs réglés trop souples (en position basse ou contre le courant par exemple)
peut créer une gêne expiratoire qui peut concourir à la survenue d’un essoufflement.
3.
Les gaz comprimés
Comme signalé plus haut, ils sont secs et froids ; ces deux conditions concourent à provoquer
une diminution du calibre bronchique (surtout chez les asthmatiques !) qui augmente le
travail respiratoire.
En outre, plus on plonge profond, plus les gaz sont denses, donc visqueux, augmentant
encore le travail respiratoire (la plongée à l’air est limitée à 60 m pour cette raison entre
autres).
4.
La combinaison humide
Pour être efficace, une combinaison humide doit épouser le plus possible la forme du corps.
Malheureusement, lorsque le profil du plongeur ne correspond pas au standard de la mode,
une combinaison légèrement trop serrée peut gêner considérablement le travail des muscles
inspiratoires et diminuer l’amplitude des mouvements ventilatoires.
B.
Synthèse des contraintes
Les gaz, le détendeur, la combinaison…, tout concourt à augmenter le travail des muscles
respiratoires, et donc de risquer leur fatigue excessive.
L’exposition au froid, le palmage contre le courant ou en raison d’un lestage excessif (ou
d’une gestion anormale du SGS) augmentent la production de gaz carbonique ; cette
augmentation, avec la gêne respiratoire peut conduire rapidement à une situation
d’essoufflement, d’insuffisance respiratoire aigüe et surtout à une hyperventilation qui peut
atteindre et dépasser 100 l/min avec pour conséquences :
o épuisement rapide de la réserve de gaz dans la bouteille
o risque de givrage des détendeurs en eau froide
C.
Prévention des perturbations respiratoires
1.
Prévention de l’excès de ventilation par minute
o
avoir une bonne condition physique
o
disposer d’une bonne protection thermique
o
éviter de lutter contre le courant
o
éviter le palmage au fond
2.
Prévention de l’essoufflement
o
éviter la descente rapide tête en bas (si possible)
o
disposer d’une combinaison à la bonne taille (intérêt du sur mesure)
o
détendeur bien réglé (éventuellement le durcir lors de la descente)
o
éviter les situations d’augmentation de la ventilation
o
éviter les efforts à grande profondeur
o
attention en cas d’hyperventilation
D.

plongeur N2 = autonomie  surveiller l’équipier (locomotive)

le signe essoufflement : en pratique, jamais utilisé ou alors trop tard
Traitement de l’essoufflement
o
Préambule : l’essoufflement ne devrait jamais survenir !
o
Une seule solution, remonter ! Vite, mais

attention à la panique

risque de :
-
surpression pulmonaire (peu probable)
-
accident de décompression
-
surtout noyade
IV.
RÉFÉRENCES
Illustrapack 3
Alain Forêt, Plongée Plaisir
Atlas de poche de physiologie (3ème édition)
S. Silbernagl – A. Despopoulos
Ed. Flammarion, 2002, 436 pages
Physiologie et médecine de la plongée (2ème édition)
Coordinateurs B. Broussolle, J.-L. Méliet
Ellipses éditions 2006, 880 pages
La plongée sous-marine . l’adaptation de l’organisme et ses limites (nouvelle édition)
Philip Foster
EDP Sciences, 2010, 285 pages
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