2ème trimestre 2015 - Toujours plus, est-ce vraiment

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12.05.2015
Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen
Toujours plus, est-ce vraiment mieux ?
J'avoue que le titre de cet article
puisse dérouter à prime abord.
Cependant, l'économie est avant
tout une histoire de chiffres. Leur
avantage est qu'ils ne laissent point
de doute lorsqu'il s'agit de faire des
classements. Trois est supérieur à
deux, sans l'ombre d'un doute. Cela
dit, est-ce que plus, c'est vraiment
mieux ou du moins une bonne
chose? De nos jours, la réponse
n'est plus aussi évidente, en tout cas depuis la crise financière. Lorsque les données macroéconomiques dépassent les
prévisions de croissance, on parle communément de «bons
chiffres». A l'inverse, sur le front de la croissance, les mauvais chiffres s'apparentent généralement à des perspectives
négatives et sont donc perçus d'un mauvais œil dans les
marchés. Dans le contexte de la croissance économique, il
est donc clair que plus, c'est forcément mieux. Aussi fiables
qu'ils puissent paraître, les chiffres, qui varient au fil des
années, font que leur interprétation n'est pas toujours aussi
évidente que l'on le souhaiterait. Alors qu'aujourd'hui, des
taux d'inflation inférieurs à 1% rencontrent des doutes, il y a
encore des années, ils auraient fait le bonheur de tout le
monde. Il y a un certain temps, des taux inférieurs à 1%
auraient été perçus comme un signal de détresse accrue. On
se serait alors demandé si l'économie était en si piteux état
qu'elle avait vraiment besoin d'un tel remède de cheval!
Aujourd'hui, tout le monde, du moins tous les grands gardiens de la monnaie, s'accordent à dire qu'il était grand
temps d'instaurer les taux nuls. Les chiffres sont donc tout
aussi relatifs que leur interprétation. Il n'y a que la croissance
qui nous satisfasse.
La croissance n'a-t-elle toutefois pas atteint ses limites, en
tout cas dans bon nombre d'économies matures, dont la
Suisse? Non pas parce que la nature soit ainsi faite, comme
le prétend l'ouvrage du Club de Rome, Les Limites de la
croissance (1972), si souvent cité, mais parce que nous nous
approcherions du point de saturation? La plupart des
adeptes de la croissance ne veulent rien en savoir. Bien entendu, la majorité des gens voudraient une plus grosse voiture, une plus grande maison, plus de vacances, etc. Il est
indéniable que nous aurons toujours des besoins. Ce qui
change, en revanche, est la question de leur utilité. La théorie du consommateur repose sur l'hypothèse que nous consommons si cela a des effets positifs pour nous en termes
d'utilité: par exemple amélioration du bien-être, simple plaisir de consommer ou satisfaction d'un appétit. En outre,
d'après la théorie, la consommation perdure tant que l'utilité
marginale demeure positive. L'utilité marginale d'un bien est
l'utilité que nous tirons de la consommation d'une quantité
supplémentaire de ce bien. Illustrons cette définition par une
bouteille de vin. A chaque verre de vin consommé, son utilité
marginale diminue. Le mieux serait de boire jusqu'à ce
qu'elle atteigne zéro, ce que les économistes considèrent
Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen
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comme l'utilité optimale. Il n'est pas difficile de s'imaginer ce
qui se passe lorsque cette barrière est franchie. Les éconoRaiffeisen
Economic
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mistes parlent alors d'utilité
marginale
négative,
ce qui correspondrait à la [email protected]
de bois dans l'exemple de notre
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bouteille de vin. Dans le monde idéal
de la
agrégée, les consommateurs, c'est-à-dire les ménages, ne
franchissent presque jamais la barrière de l'utilité marginale
négative. Au contraire, nous optimisons l'utilité d'une vaste
palette de biens et services en consommant autant de
chaque jusqu'à ce que l'utilité marginale n'accroisse plus.
D'autant plus que nous sommes parfaitement informés et
nous conformons précisément à la théorie.
Insatiables?
Certes, la notion de satiété s'inscrit dans ce contexte, mais, si
notre revenu augmente (par le biais de la croissance), nous
consommerons sans arrêt de nouveaux biens et services de
plus haute qualité, dont nous ignorions auparavant soit leur
existence, soit que nous leur trouverions, un jour, une utilité.
Cette théorie explique les besoins sous l'angle de l'adage
«l'offre crée la demande». Le monde néolibéral n'en démordra pas. L'évolution démographique nous montre toutefois,
avec une très forte vraisemblance, que tel n'est pas le cas.
Dans la plupart des pays développés, le vieillissement démographique est bien entamé, et le désir de consommer décroît
au fur et à mesure que l'âge progresse. Le cas du Japon est
un parfait exemple de la validité de cette hypothèse aujourd'hui. Le moteur de la consommation tourne au ralenti depuis longtemps, en dépit du moral des consommateurs. La
migration, en particulier des jeunes actifs, peut différer ce
phénomène, mais difficilement l'enrayer. En outre, avec la
migration, la croissance par habitant est moins rapide que le
produit intérieur brut total, puisque la croissance est répartie
sur un plus grand nombre de personnes. C'est aussi le cas en
Suisse. Au final, les dépenses sociales et de santé, les maisons d'accueil pour personnes âgées ou la gestion par l'Etat
de cotisations de plus en plus élevées entraîneront un ralentissement de la croissance, ce qui entre en totale contradiction tant avec nos convictions qu'avec celles des adeptes de
la croissance. Il est grand temps de cesser de croire que le
taux de croissance est lié à notre seule survie, mais au contraire de nous préoccuper de sa qualité. Je suis sûr et certain
que nous pourrions atteindre un jour les limites de la croissance et même être la victime d'un grand nombre d'utilités
marginales négatives. Ce n'est pas la satiété des pays industrialisés qui menace la croissance, mais la sursaturation, voire
la lassitude vis-à-vis de la consommation, pour l'exprimer
d'une manière plus délicate - soit, tout sauf le fait d'être
insatiable.
Martin Neff, chef économiste de Raiffeisen
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