Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen De l’utilité économique de la fuite Bien qu'enseignée en tant que telle à l'université, l'économie n'est malheureusement pas une science exacte. Les théories d'un Prix Nobel contredisent les travaux du précédent; il existe même des économistes qui calculent l'utilité soit de garder un patient à l'hôpital soit de le laisser mourir – du point de vue de l'hôpital, du patient, de la collectivité et de l'économie. Les comportements des acteurs et les hypothèses simplifiées font partie intégrante des modèles économiques et n'ont de valeur que dans la mesure où les acteurs remplissent les conditions des prémisses. Désormais, il existe de nombreux phénomènes, et non seulement au niveau microéconomique, que les théories peinent à expliquer. L'émergence de schémas de consommation spécifiques, dont les consommateurs hybrides, les hipsters, les dinkies, les végétaliens ou les anticonsommateurs remettent en cause le pouvoir prédictif des modèles de comportement, compliquant ainsi davantage les prévisions. Le marché financier a sa vie propre Depuis que la politique monétaire tient les rênes, fûtce au prix de distorsions majeures, le niveau macroéconomique a lui-aussi subi de grands bouleversements. Les bonnes nouvelles en provenance de l'économie réelle, en particulier s'il s'agissait des Etats-Unis étaient toujours source d'inquiétude, la question étant de savoir si on allait relever les taux. Les marchés financiers affichaient une nervosité croissante face à l'embellie de la conjoncture. Tous semblent avoir compris aujourd'hui que ce comportement a inquiété la Banque centrale américaine, renonçant ainsi au «forward guidance» et refusant de relever les taux, bien que le chômage ait atteint un taux de 6,5%. La BCE semble également prendre un malin plaisir à impressionner les marchés sans arrêt, au lieu d'appliquer la politique de la main invisible, autrefois la marque de fabrique des banques centrales. Les représentants de ces dernières ne semblent aujourd'hui s'attacher qu'à la question de savoir comment les marchés réagiront à leurs mesures ou à leurs allusions douteuses. La seule motivation des grands argentiers semble être de récolter les applaudissements des marchés en se montrant toujours plus expansionnistes. L'impact des mesures sur l'économie réelle n'est qu'accessoire. Le marché financier a depuis longtemps sa vie propre. Il existera toujours des analystes qui ne jureront que par la politique monétaire et susciteront des attentes disproportionnées, surtout en Europe, alors que cette dernière a Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen 01.12.2015 Raiffeisen Economic Research [email protected] Tel. +41 (0)44 226 74 41 un problème bien plus pressant: il est bien connu qu'elle se détruit, au lieu de se construire. Coûts élevés Les Européens se sont d'abord voilé la face devant la crise financière, puis ont attendu trop longtemps avant de finalement capituler devant la Grèce. Maastricht, Dublin et Schengen ne sont plus que des noms de villes, qui n'engagent plus à rien, et l'Europe menace de se fracturer sur la question des réfugiés. L'Allemagne est secouée par un débat enflammé quant à l'impact des réfugiés sur l'économie. Une fois de plus, ce sont les économistes qui attisent le débat. Certains, à l'image de Hans Werner Sinn (IFO Institut), de Clemens Fuest (Centre pour la recherche européenne en économie), ou encore récemment de Bernd Raffelhüschen (Forschungszentrum Generationenverträge, «Centre de recherche sur les contrats générationnels», Université de Freiburg), avancent un coût de près de mille milliards d'euros. Selon leurs calculs, les coûts dépassent les bénéfices, même en cas d'une intégration rapide des nouveaux arrivants au marché du travail. Les études menées par Marcel Fratzscher, président du Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (Institut allemand de recherche économique, DIW), aboutissent à une toute autre conclusion. Selon ses analyses, les réfugiés seront à même de contribuer de manière positive à l'économie, s'ils trouvent un emploi, aussi peu qualifiés soient-ils. Difficile de défendre des points de vue plus opposés. S'il s'avère que Hans Werner Sinn et ses collègues ont raison, l'Allemagne devra faire face à des coûts exorbitants, les sommes évoquées étant d'au moins 15 milliards par an, ce qui devrait mettre le ministère des finances – et les marchés – en état d'alerte. En effet, peu importe qui aura raison à la fin, une chose est sûre: la consolidation des finances publiques européennes a une fois de plus été repoussée aux calendes grecques. La BCE maintiendra donc des taux artificiellement bas sur une période plus longue encore. Grâce à la Syrie, la politique monétaire se voit ainsi une fois de plus bénie. Martin Neff, chef économiste de Raiffeisen Le point de vue du chef économiste de Raiffeisen De l’utilité économique de la fuite 01.12.2015 Raiffeisen Economic Research [email protected] Tel. +41 (0)44 226 74 41 Mentions légales importantes Ceci n'est pas une offre Les contenus publiés dans le présent document sont mis à disposition uniquement à titre d'information. 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