Zurich, 30 novembre 2015 Economic Research Raiffeisen Economic Research [email protected] Tél. +41 044 226 74 41 Eclairage Le franc fort: bienfaits et inconvénients pour l'industrie § Depuis longtemps, l'économie suisse doit s'accommoder d'un franc fort. Néanmoins, la part de l'industrie reste stable, l'emploi ne baissant que modérément – à l'inverse de l'érosion de la base industrielle dans les pays anglo-saxons. § Une hausse moindre des coûts de production était en mesure de compenser les désavantages en matière de prix en raison du cours élevé de la monnaie, jusqu'au moment de la crise financière. Le franc a dès lors, cependant, connu une évolution trop excessive par rapport à l'euro du moins. Les entreprises, incapables, au cours des années de boom avec un franc sous-évalué, de se constituer une réserve de marge, se voient aujourd'hui soumises à une forte pression. § L'industrie suisse reste toujours bien positionnée, en comparaison internationale, malgré les coûts élevés. L'évolution de la productivité que les chiffres officiels déclarent comme étant nettement plus faible qu'aux Etats-Unis est en grande partie affaire de statistiques. Le niveau de productivité est très haut en Suisse. § Parallèlement, la monnaie forte a favorisé un changement structurel continu vers la production de biens «plus complexes». Avec un taux de coûts salariaux unitaires correspondant à la moyenne internationale, l'industrie suisse reste concurrentielle – du fait également de la spécialisation dans les marchés de niche. § Le franc fort a en outre un effet positif sur l'innovation. De plus, les dépenses en formation sont comparativement utilisées de manière plus efficiente – selon les exigences des entreprises. Une désindustrialisation n'est donc pas en vue. § Le secteur des exportations suisse peut beaucoup mieux affronter le grand défi que ne le pourraient d'autres pays face à une évolution similaire de leur monnaie. Cependant, la rapidité et l'ampleur du choc monétaire devraient au moins temporairement accélérer le changement structurel et entraîner de douloureuses adaptations. Un franc historiquement fort Le 15 janvier 2015 est une journée qui fera date dans l'histoire monétaire de la Suisse. L'abandon du taux plancher CHF/EUR d'1.20 par la Banque nationale a induit la plus grande valorisation du franc qu'il ne l'eût jamais connue. La compétitivité des exportateurs suisses a subi une détérioration subite au niveau des prix, suivant le choc monétaire, nourrissant les craintes d'un effondrement de l'industrie suisse et d'une désindustrialisation de la place économique suisse. Certes, l'industrie suisse est tenue de s'accommoder à un franc augmentant fortement depuis bien des décennies. La valeur du franc suisse par rapport à l'USD et les autres partenaires commerciaux dans leur ensemble, exprimée dans le taux de change pondéré des échanges commerciaux, a plus que triplé, depuis l'adoption de taux de change flexibles après l'effondrement du système Bretton Woods en 1973 (cf. diagramme 1). L'industrie suisse semble, selon toute vraisemblance, se trouver dans une situation désespérée, ne pouvant affronter avec succès la concurrence sur les marchés internationaux. La pression sur les prix devrait provoquer un exode de grande ampleur de la production et de l'emploi vers des sites à l'étranger. Economic Research Diagramme 1: tendance à la hausse du franc suisse sur le long terme Indice de taux de change (1973=100) 360 340 320 300 280 260 240 220 200 180 160 140 120 100 1973 1978 1983 1988 1993 1998 2003 2008 2013 Taux de change pondéré des échanges commerciaux CHF/USD Sources: Datastream, Raiffeisen Research Une industrie faisant preuve de résistance Les chiffres témoignent toutefois d'une autre situation. Bien que la participation du secteur manufacturier à la création de valeur de l'ensemble de l'économie suisse n'ait certes cessé de baisser entre 1980 et 2000, l'ampleur du recul reste toutefois dans les normes, en comparaison avec d'autres pays industrialisés, (cf. diagramme 2), notamment aux Etats-Unis, où le recul de cette part est tout aussi important, et en Allemagne qui a connu une correction plus importante après la réunification – notamment du fait de la restructuration de l'industrie est-allemande, en piteux état à l'époque. La part du secteur manufacturier suisse à la création de valeur affiche une certaine stabilité depuis le début du nouveau millénaire, comme en Allemagne, également. D'autres pays industrialisés cependant se voient confrontés à une contribution en baisse continue, par exemple en Grande-Bretagne, où ce niveau est même passé en dessous du seuil des 10% au cours des dernières années, malgré une phase de baisse assez longue de la livre sterling. En Suisse, cette part atteint presque le double, avec près de 20%. Un changement structurel sain par opposition à l'érosion de la base industrielle Malgré une participation plus faible à la création de valeur depuis 1980, on ne peut donc pas parler jusqu'à présent de désindustrialisation en Suisse. La théorie économique précise qu'un recul modéré de la contribution de l'industrie est également la conséquence d'un changement structurel sain dans une économie prospère. Le progrès technologique conduit dans l'industrie à des taux de croissance de la productivité plus élevés que dans le secteur tertiaire, comme ce fut le cas d'antan dans le secteur agricole. Une hausse du niveau de vie induit donc une plus grande consommation de prestations de service avec parallèlement une baisse du travail requis dans l'industrie. Diagramme 2: contribution stable de l'industrie suisse Part du secteur manufacturier à la création de valeur, en % de l'ensemble de l'économie Les pays anglo-saxons se servent souvent de cette argumentation dans le but de relativiser l'importance du très fort recul de l'emploi que connaît le secteur manufacturier dans ces pays. Certes, tant la Grande-Bretagne que les Etats-Unis accusent un emploi total ayant connu une forte hausse en raison du nombre important de postes créés dans le secteur tertiaire. Ces pays contestent davantage, depuis la crise financière, que le rapide changement structurel depuis le milieu des années 1990, accompagné d'une perte d'emplois sans précédent dans l'industrie, ait vraiment été avantageux. 28 26 24 22 20 18 16 14 Il existe en effet de bonnes raisons de conserver une base industrielle saine. Les salaires sont en règle générale supérieurs à ceux des postes nouvellement créés dans le secteur tertiaire, dans l'industrie et notamment dans la production de biens de plus grande qualité. Un employé dans le secteur manufacturier suisse gagnait en moyenne 5% de plus que dans le secteur tertiaire. La différence est plus prononcée aux Etats-Unis, avec plus de 20%. Par ailleurs, le secteur manufacturier constitue un excellent moteur d'innovation, mû par la productivité, et contribue donc généralement au développement du potentiel de croissance d'une économie. Enfin, selon des études empiriques, les effets indirects sur l'emploi sont plus forts dans l'industrie que dans le secteur tertiaire. Un poste supplémentaire dans l'industrie crée plus d'emplois supplémentaires qu'un nouveau job dans le secteur tertiaire, du fait de la demande externe de l'entreprise et de la consommation du salarié. 12 10 8 1980 1985 1990 Suisse France 1995 2000 2005 R-U Allemagne 2010 USA Italie Sources: Datastream, OFS, BEA, Raiffeisen Research L'évolution de l'emploi reflète l'écart entre les participations à la création de valeur au cours des vingt dernières années. La Grande-Bretagne est le pays ayant enregistré de loin la plus forte perte d'emplois dans le secteur manufacturier, suivie par la France et les Etats-Unis. Avec un peu plus de 6%, le recul en Suisse fut en revanche comparativement modéré (cf. diagramme 3). Diagramme 3: maintien du niveau de l'emploi dans l'industrie suisse Emploi dans le secteur manufacturier, évolution en % de 1995 à 2014 Le changement structurel rapide des pays anglo-saxons s'est accompagné de l'intégration croissante des pays émergents asiatiques dans le processus international de création de valeur depuis la fin des années 1990, auquel l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce en 2001 donna une impulsion supplémentaire. 0 -5 -10 -15 -20 -25 Des facteurs cycliques et structures tant aux Etats-Unis qu'en Grande-Bretagne favorisèrent d'antan le cours très agressif des externalisations de processus complets de fabrication dans des pays à bas salaires. Les monnaies des deux pays connaissaient une valorisation massive sur plusieurs années, depuis le milieu des années 1990, exerçant une pression notable sur les marges et la compétitivité des entreprises exportatrices. Outre la -30 -35 -40 Sources: Datastream, OFS, Raiffeisen Research 2 flexibilité des marchés du travail, deux facteurs essentiels ont, selon nous, contribué au net recul de la part de l'industrie dans ce contexte: franc suisse, pondéré des échanges commerciaux, évoluait autour de sa moyenne à long terme jusqu'au moment de la crise financière (cf. diagramme 4). Depuis, on constate toutefois une montée en flèche. Selon ce calcul, l'USD paraît, avec la valorisation dont il bénéficie depuis le milieu de l'année 2014, nettement surévalué – un peu comme ce fut déjà le cas au tournant du millénaire. L'euro réel, se basant sur les prix à la consommation, s'échange, en revanche, à un cours situé sous sa moyenne à long terme. En premier lieu, l'approche du «Shareholder-value» était jadis déjà bien ancrée dans les entreprises cotées en bourse, augmentant les incitations pour le management à maximiser les bénéfices à court terme. Les pays anglosaxons étaient particulièrement susceptibles de multiplier les externalisations de la production, l'industrie y étant davantage détenue par de grandes entreprises cotées en bourse que dans les autres pays. Par ailleurs, la politique économique libérale n'a que très peu promu les PME dans le cadre de la mondialisation. Enfin, les interdépendances entre les entreprises industrielles elles-mêmes étaient plus faibles que sur le continent européen. Diagramme 4: le franc explose clairement selon la parité du pouvoir d'achat Taux de change réels, sur la base des prix à la consommation, indice (moyenne à long terme=100) 125 120 Les pays anglo-saxons ont, en deuxième lieu, connu un boom de la consommation et de l'immobilier basé sur les crédits, qui a stimulé la demande intérieure et donné un coup de fouet à la demande sur le marché du travail, entraînant une pression accrue sur les salaires à laquelle le secteur manufacturier ne pouvait se soustraire. La Suisse a connu une situation inverse, où la conjoncture domestique est restée atone un bon moment, suite à l'éclatement de la bulle immobilière au début des années 1990, limitant la pression sur les salaires pour les entreprises exportatrices. 115 110 105 100 95 90 85 80 75 01/90 01/93 01/96 01/99 01/02 01/05 01/08 01/11 01/14 CHF EUR USD Le taux de change «équitable» L'évolution différente des salaires, ou bien plus encore des coûts totaux des entreprises, détermine la compétitivité proprement dite de l'industrie en matière de prix dans les divers espaces monétaires, en conjonction avec le taux de change nominal. Sources: BRI, Raiffeisen Research Il n'existe cependant aucun meilleur procédé pour calculer un taux de change «équitable». Le niveau du taux de change réel calculé par le biais des parités du pouvoir d'achat dépend, d'une part, fortement du choix du point de départ. Entamant par exemple la correction des prix dans une phase de faiblesse du franc, une surévaluation mesurée lors du contre-mouvement qui s'en suit sera alors surestimée. Par ailleurs, la mesure des prix à utiliser est discutable. Les prix à la consommation habituellement utilisés sont en grande partie déterminés par les prix de biens immeubles et avant tout des prestations de service destinées aux ménages privés. Toutefois, ce sont davantage les coûts de production qui sont déterminants, en matière de compétitivité des entreprises en termes de prix. Les prix nationaux jouent donc un rôle central dans l'explication des mouvements des taux de change. Il existe une multitude de facteurs exerçant une influence sur les taux de change. Il est quasiment impossible de prédire les mouvements à court terne et même des baisses extrêmes peuvent se maintenir pendant un certain temps avant qu'un mouvement inverse ne s'amorce soudainement. L'histoire du franc suisse en est la parfaite illustration. A long terme, on peut toutefois observer une oscillation du cours pour la plupart des monnaies autour du concept de la parité du pouvoir d'achat. C'est-à-dire que la différence en termes d'évolution des prix dans les divers espaces monétaires se reflète dans les taux de change, sur une période assez longue. La réévaluation continue du franc suisse par rapport au dollar américain est ainsi expliquée par un taux d'inflation plus élevé aux EtatsUnis. Le taux de change réel, corrigé des différents mouvements des prix, devrait en revanche, présenter une évolution latérale à long terme, selon la théorie de la parité du pouvoir d'achat. Les dépenses en matières premières et fournitures ainsi que les coûts salariaux constituent de loin les postes de coûts les plus importants dans le secteur manufacturier. Il n'existe cependant aucune enquête officielle sur les prix concernant les coûts de matières premières. En guise d'alternative, nous utilisons les prix des producteurs et ceux à l'importation en qualité de proxy pour les coûts de prestations préalables achetées en Suisse et à l'étranger, afin d'estimer l'évolution des coûts. L'on obtient ainsi des valeurs approximatives concernant la part que représentent les salaires, les prestations préalables nationales et étrangères dans les coûts totaux de production, sur la base des statistiques de production, qui fournissent des chiffres concernant la structure des coûts dans le secteur manufacturier suisse, ainsi que de Habituellement, on utilise les prix à la consommation pour calculer les taux de change réels. Le cours réel du 3 données indiquant la part de biens importés dans les exportations dudit secteur. En moyenne, le poids de chacune des trois composantes est d'environ un tiers. A l'aide de cette pondération, nous calculons un indicateur des coûts de production. Diagramme 6: différents taux de change «équitables» Taux de change nominal EUR/CHF et valeurs «équitables» sur la base des parités du pouvoir d'achat (PPA) Notre indicateur des coûts de production, depuis 1990, indique une hausse nettement plus faible pour la Suisse que les équivalents des principaux pays industrialisés que nous avons calculés avec la même méthode. La hausse cumulée des coûts pour la Suisse ne dépasse pas 10%. En revanche, on constate pour la Grande-Bretagne et l'Italie que les coûts exprimés en monnaie nationale se sont presque multipliés par deux (cf. diagramme 5) sur la même période. 1.8 1.9 1.7 1.6 1.5 1.4 1.3 1.2 1.1 1.0 1990 Diagramme 5: évolution fortement divergente des coûts de production Indicateur Raiffeisen des coûts de production du secteur manufacturier, indice (1990=100) 1995 2000 2005 2010 2015 Prix à la consommation sur la base des PPA Coûts de production sur la base des PPA EUR/CHF Sources: Datastream, Raiffeisen Research 200 Le franc n'est pas surévalué par rapport à toutes les monnaies 190 180 Les taux de change réels du franc, basés sur l'indicateur des coûts de production, n'indiquent aucune tendance haussière ininterrompue à long terme, en comparaison avec les espaces monétaires (cf. diagramme 7). En particulier durant la décennie précédant la crise financière, l'industrie suisse a même pu profiter d'une nette amélioration de la compétitivité en termes de prix, également vis-à-vis de la zone euro. 170 160 150 140 130 120 110 100 Diagramme 7: un euro faible constitue un net avantage en termes de coûts pour la zone euro Taux de change réels, sur la base de l'indicateur des coûts de production, indice (1990=100) 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 Suisse R-U Allemagne Italie USA Sources: Datastream, Raiffeisen Research Des coûts de production modérés compensent pour une bonne part un franc fort 120 Les coûts de production constituent, selon nous, un outil mieux adapté pour mesurer les changements de la compétitivité en termes de prix. C'est pourquoi nous utilisons notre indicateur des coûts de production pondéré comme mesure des prix pour le calcul d'un taux de change réel, à la place des prix à la consommation. Nous avons choisi l'année 1990 comme point de départ. En effet, la volatilité des principaux taux de change était relativement faible. Actuellement on obtient ainsi, à titre d'exemple, un taux de change EUR/CHF nettement plus bas et «équitable», par rapport au calcul sur la base des prix à la consommation qui se situe à peine au-dessus de l'ancien taux plancher, à 1.24. 110 Surévaluation du franc 115 105 100 95 90 85 80 75 70 Sous-évaluation du franc 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 GBP/CHF USD/CHF EUR/CHF Sources: Datastream, Raiffeisen Research S'ensuit cependant un revirement radical. La faible hausse des coûts de production n'était pas en mesure d'absorber la valorisation du franc. Le taux de change réel selon les parités du pouvoir d'achat calculé sur la base de l'indicateur des coûts de production indique, après le choc monétaire début 2015, une surévaluation par rapport à l'euro pouvant atteindre 15%. Toutefois, ceci ne vaut pas pour les pays anglo-saxons. Par rapport au dollar américain (USD) et à la livre sterling (GBP), on 4 n'observe aucun écart significatif si l'on opère une comparaison sur le long terme. Au contraire, on assiste même à une légère sous-évaluation (cf. diagramme 7). Alors que la productivité du travail a augmenté en moyenne de 2,9% en Suisse, en comparaison annuelle depuis 1990, cette hausse s'élève à 4,2% aux Etats-Unis selon les chiffres officiels. Les chiffres confirment également que l'industrie étatsunienne aurait énormément gagné en compétitivité, principalement après le tournant du millénaire. Pourtant, aucune répercussion à long terme n'a été constatée sur le marché du travail. Par ailleurs, il n'existe aucune corrélation entre la performance des industries exportatrices suisses et allemandes en matière d'évolution de la productivité, indiquée comme fortement inférieure à la moyenne, et leur succès. Cette évolution n'est guère dramatique pour les entreprises suisses ayant été en mesure d'accroître leurs marges durant la période de taux favorables avant la crise financière et de constituer, de ce fait, de bonnes réserves. Par ailleurs, les enquêtes de la Banque nationale suisse au sujet du taux de change révèlent que nombre d'entreprises ont augmenté la proportion de prestations préalables importées afin de compenser le désavantage dû à la monnaie. Notre indicateur des coûts de production ne nous permet pas de mesurer cet effet. Le niveau des coûts pour les entreprises baisse toutefois en raison de ces mesures. Enfin, toutes les entreprises ayant tout juste réussi à défendre leur compétitivité, au cours des années de boom avec un franc sous-évalué accuseront de très sombres perspectives. Comparant par ailleurs les valeurs de productivité absolues des pays, soit la valeur ajoutée brute nominale par heure travaillée, il convient d'émettre de forts soupçons envers la pertinence des périodes de productivité. Convertie avec les taux de change, la valeur ajoutée par heure travaillée dans le secteur manufacturier suisse est en effet sensiblement supérieure à la valeur étatsunienne en 2013 (cf. diagramme 9). Même avec une décote pour le franc fort sur les valeurs calculées sur la base de l'euro, on n'obtient pas une évolution de productivité durablement et nettement plus mauvaise. Une haute productivité compense des coûts élevés L'évolution des coûts ou de la compétitivité proprement dite en matière de prix n'est cependant pas le seul élément déterminant pour la capacité compétitive des entreprises suisses. La productivité joue un rôle au moins tout aussi important. Plus on peut produire avec une quantité précise de matières premières et de travail, moins la compétitivité sera entravée par des hauts niveaux de salaire ou une monnaie forte. Diagramme 9: aucune trace d'une faiblesse de la productivité suisse Niveau de productivité dans le secteur manufacturier par heure de travail fournie, indice (Allemagne=100), calculé en 2013 en euros. La mesure la plus utilisée pour la productivité est la valeur ajoutée brute par heure travaillée. Tout changement dans la productivité du travail est alors calculé sur la base de la valeur ajoutée brute réelle afin d'exclure les effets distordants des prix. Le miracle de productivité ressort ainsi clairement d'une comparaison des chiffres de la productivité à l'échelle internationale sur le long terme aux Etats-Unis. Dans le secteur manufacturier, la productivité y a augmenté bien plus fortement qu'en Suisse ou en Allemagne (cf. diagramme 8). 150 140 130 120 110 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Diagramme 8: le miracle de productivité américain Productivité du travail dans le secteur manufacturier, valeur ajoutée brute réelle par emploi, indice (1990=100) Sources: OFS, Statistisches Bundesamt, IW, Raiffeisen Research Le miracle de productivité étatsunien fonde, selon notre analyse, essentiellement sur des données statistiques. L'évolution de la productivité américaine se voit gonflée davantage par différents procédés de correction des prix lors du calcul de la valeur ajoutée brute réelle, en comparaison à d'autres pays. Une correction des différentes méthodes de calcul affiche des valeurs beaucoup plus faibles pour les Etats-Unis, principalement au courant du nouveau millénaire. Au total, l'avance en termes d'évolution de la productivité par rapport au secteur manufacturier suisse disparaît ainsi complètement. Pour plus de détails, veuillez vous reporter à l'encadré 1 à la page suivante. 280 260 240 220 200 180 160 140 120 100 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 Allemagne Suisse USA Sources: BEA, OFS, Statistisches Bundesamt, Raiffeisen Research 5 Zürich, 30. November 2015 9. Oktober 2013 que depuis 2008. Auparavant, onZürich, appliquait les mêmes déflateurs tant pour la production que pour les prestaRaiffeisen Economic Research tions préalables. Raiffeisen Economic Research Encadré 1: le miracle de productivité étatsunien grâce aux statistiques Alors que la mesure du volume de travail est un procédé relativement simple et identique dans le monde entier, il n'en va pas de même pour l'autre composante de la productivité, soit la valeur ajoutée brute réelle, qui correspond à la valeur de production moins les prestations préalables. Un très grand rôle revient aux mesures de correction des prix (déflateurs) utilisées par les différents offices de statistique pour le calcul de la valeur ajoutée brute réelle. Economic Research 10: une mesure des prix très difféWochenausblick Wöchentlicher Marktausblick #43 Diagramme rente [email protected] [email protected] Tel. +41 044 226 7474 4141 Tel. +41 044 226 Indice des prix pour les appareils de radio, télévision, photographie et traitement des données, selon l'indice des prix à la consommation correspondant, (1990=100) 110 100 Par exemple, dans quelle mesure, les prix plus bas suite au passage d'un fournisseur national à un producteur à l'étranger avec des prix plus avantageux, sont-ils enregistrés – ce qu'on appelle la substitution d'importation. Si les coûts économisés ne sont pas pris en compte de manière adaptée, la valeur réelle des prestations préalables est sous-estimée et la valeur ajoutée réelle, de ce fait, surestimée. 90 80 70 60 50 40 30 20 Parallèlement, le moment de l'introduction et l'ampleur de l'application de procédés de correction des prix tenant compte des modifications techniques des produits («l'hédonique») ont une influence déterminante. Ceci vaut notamment pour le secteur de l'électronique où la rapidité de l'évolution technologique induit des cycles courts pour les produits. Une utilisation intensive de procédés hédoniques entraîne des baisses importantes au niveau des indices de prix, des déflateurs ainsi plus bas pour les périodes de production et, de ce fait, des valeurs de production réelles plus élevées. 10 0 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 USA Suisse Sources: Datastream, Raiffeisen Research Si, dans le cadre du calcul de la valeur ajoutée brute réelle, l'on se sert du déflateur de la production pour les deux composantes pour les Etats-Unis, la hausse de cette valeur ajoutée brute réelle depuis 1991 se réduit, de ce simple fait, de moitié (cf. diagramme 11). Diagramme 11: la correction fait disparaître l'avance des Etats-Unis Valeur ajoutée brute réelle du secteur manufacturier, indice (1991=100) Combinées entre elles, la sous-estimation des prestations préalables réelles et la surestimation de la production peuvent conduire à un calcul d'une valeur ajoutée brute réelle fortement accrue et ainsi gonfler l'évolution de la productivité. 190 180 C'est précisément cet effet que l'on peut constater en particulier pour les Etats-Unis dans le cadre d'une comparaison internationale. Les Etats-Unis utilisent des procédés hédonique depuis le début des années 1990 déjà, soit bien avant d'autres pays. Les prix mesurés pour l'électronique de ménage se sont ainsi effondrés de 92% depuis 1990. En Suisse, les statistiques indiquent également une baisse très élevée mais sensiblement plus faible de 79% (cf. diagramme 10). Les prix de l'électronique de ménage étant dans l'ensemble comparables à l'échelle internationale, la différence semble donc provenir des statistiques, d'autant que le franc fort aurait dû en outre avoir un effet modérateur sur les prix suisses. En raison de la grande importance du secteur de l'électronique aux Etats-Unis, ceci a un effet extrêmement positif sur les valeurs réelles de production américaines. 170 160 150 140 130 120 110 100 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012 USA, chiffres officiels USA, chiffres corrigés Suisse Sources: SECO, BEA, Raiffeisen Research Le niveau de la valeur ajoutée brute réelle est même légèrement en baisse, depuis le début du nouveau millénaire, avec l'accélération des délocalisations de la production. Par comparaison aux chiffres étatsuniens, corrigés par nos soins, les données suisses qui se basent également sur un déflateur unique, comme mentionné précédemment, affichent une meilleure évolution qu'aux Etats-Unis. Sur la base des chiffres corrigés, le retard au niveau de l'évolution de la production disparaît totalement. Les statisticiens étatsuniens utilisent parallèlement, et ce depuis longtemps déjà, différents déflateurs pour la production et les prestations préalables, soit la double déflation. La combinaison d'effets distordant de mesures des prix, mentionnée précédemment, joue pleinement son rôle. En Suisse, cette méthode n'est utilisée 6 En raison de sa haute productivité, la Suisse se situe dans la moyenne internationale, en dépit d'un niveau élevé en termes de coûts salariaux unitaires (cf. diagramme 12). Diagramme 13: la production de biens de valeur supérieure augmente fortement Participation des différentes branches à la valeur ajoutée brute totale dans le secteur manufacturier, en % Diagramme 12: pas de coûts salariaux unitaires trop élevés en Suisse Niveau des coûts salariaux unitaires absolus, 2013 sur la base du taux de change, indice (Suisse=100) 40 35 30 25 140 20 120 15 100 10 5 80 0 60 1988 1993 1998 Métaux Pharmaceutique Instruments de précision 40 20 2003 2008 2013 Textiles Papier et plastiques Sources: OFS, Raiffeisen Research 0 Stratégie de réussie par des produits «complexes» La stratégie la plus durable des pays disposant d'un haut niveau de salaire serait donc de se concentrer sur les secteurs ou les niches dont l'activité de production demande beaucoup de recherche et de développement (cf. diagramme 14) et affiche un niveau élevé de création de valeur. Sources: OFS, Statistisches Bundesamt, IW, Raiffeisen Research La désindustrialisation dans les pays au niveau de salaire élevé n'est pas une fatalité L'industrie des économies anglo-saxonnes a mené une externalisation agressive de la production vers les pays à bas salaires, entraînant ainsi l'érosion du secteur industriel. Des pays industrialisés tels que la Suisse, l'Allemagne ou le Japon montrent en revanche que mondialisation ne signifie pas automatiquement désindustrialisation. Alors que les pays émergents s'accaparent de plus en plus la production de biens simples affichant une faible création de valeur, ils constituent en même temps un marché à forte croissance pour l'écoulement de biens industriels de plus haute valeur. Associé à une productivité nettement plus élevée que dans les pays à bas salaires, un changement structurel accompagné du transfert de l'emploi industriel vers des produits innovants et de qualité supérieure sur le plan technique peut garantir la compétitivité du secteur manufacturier. Ainsi, une réduction drastique de l'ensemble de l'emploi dans le secteur manufacturier n'est pas une fatalité dans les pays dont le niveau de salaire est élevé. Diagramme 14: l'intensité de la recherche est très hétérogène dans l'industrie Dépenses de recherche et de développement des entreprises dans les pays de l'OCDE en % de la valeur de production; moyenne 2006-2009 10.0 9.0 8.0 7.0 6.0 5.0 4.0 3.0 2.0 1.0 0.0 On peut très bien observer ce phénomène de transfert en Suisse. Alors que l'importance de la production a notamment reculé pour le textile, le papier et les métaux, les instruments de précision, dont le secteur horloger, et surtout l'industrie pharmaceutique, ont fortement augmenté (cf. diagramme 13). Sources: OCDE, Raiffeisen Research Par ailleurs, un lien très étroit au processus de développement et donc peu ou partiellement délocalisable est, par ailleurs, un grand avantage. Ce type de biens sont appelés les biens immeubles schumpétériens, dont les exemples classiques sont la production de médicaments, d'instruments de précisions ainsi que de grands pans de la construction automobile et du génie mécanique. En revanche, l'électronique de divertissement (dont l'exemple le plus connu est Apple), demandant beaucoup d'investissements en matière de développement, n'en fait pas partie, l'ensemble de la production 7 étant généralement délocalisée dans des pays à bas salaires. Les produits sont certes conçus en Californie, mais ils sont fabriqués en Chine par des fabricants sous contrat. L'entreprise la plus précieuse au monde n'emploie, de ce fait, que proportionnellement peu de collaborateurs aux Etats-Unis. vaste et que le nombre de produits qui ne sont (ou ne peuvent être) exportés que par quelques rares pays est élevé. Cette méthode donne des résultats très semblables aux valeurs concernant les biens immeubles schumpétériens. En combinant les deux procédés de mesure, nous obtenons un indice standardisé. Les valeurs positives indiquent une proportion de produits à l'exportation «complexes» supérieure à la moyenne. Associées aux valeurs standardisées pour les coûts salariaux unitaires dans le secteur manufacturier (sur la base de l'euro 2013), on obtient une idée précise du positionnement de l'industrie dans les différents pays. Les enquêtes auprès des entreprises, concernant la proportion de la production effectivement délocalisée dans chaque branche, permettent d'estimer approximativement quelles sont les branches produisant surtout des biens immeubles. Une faible part des ventes via des sites étrangers par rapport au volume des exportations à partir du pays d'origine indique qu'il s'agit d'un bien immeuble schumpétérien1. Il en ressort que la Suisse est très bien positionnée, avec un niveau de coûts salariaux unitaires situé dans la moyenne et le portefeuille à l'exportation «le plus complexe» (cf. diagramme 16). Des pays comme le Japon et l'Allemagne se trouvent en bonne position. En revanche, les Etats périphériques de la zone euro font tous piètre figure sans exception: le Portugal et en particulier la Grèce principalement dû à son portefeuille de produits, l'Italie en raison des coûts salariaux unitaires élevés. Dans cette comparaison, la France se situe dans la moyenne. Selon cette définition, l'industrie suisse détient l'une des premières places au niveau international, avec une part d'exportation de biens immeubles schumpétériens de près de 60%, devançant l'Allemagne, le Japon et la Grande-Bretagne chacun avec environ 50% (cf. diagramme 15). L'avance vis-à-vis des concurrents s'est accrue au cours des deux dernières décennies suite au changement structurel dans le secteur manufacturier suisse, notamment du fait d'une forte hausse dans le secteur pharmaceutique. Parmi les pays industrialisés, c'est la Grèce qui occupe la plus mauvaise place avec une part correspondant à celle de la Chine tout en ayant des coûts salariaux bien plus élevés. Diagramme 16: l'industrie suisse est très bien positionnée 2.0 Part des produits «complexes» (2012/14) Diagramme 15: la Suisse fabrique particulièrement beaucoup de produits «complexes» Part des biens immeubles schumpétériens dans les exportations du secteur manufacturier, en % 60 55 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 1.5 Suisse Japon 1.0 Allemagne R-U 0.5 Autriche USA 0.0 -0.5 -1.0 France Finlande Danemark Espagne Pays-Bas Italie Portugal -1.5 -2.0 Grèce -2.5 -1.5 -0.5 0.5 1.5 2.5 Niveau des coûts salariaux unitaires (2013) Sources: Raiffeisen Research Une méthode alternative pour représenter le positionnement d'un pays en matière d'exportations est la «complexité économique» selon Hausmann2. Il s'agit en l'occurrence de mesurer la diversification et la complexité de la structure des exportations, sur la base du nombre de produits exportés ainsi que du nombre des autres pays exportant ces produits. La valeur de la «complexité économique» pour un pays est d'autant plus élevée que sa gamme de produits exportés est Le produit des exportations par unités de poids (unit values) reflètent également le bon positionnement des exportateurs suisses. Les biens d'une qualité supérieure réalisent un prix plus élevé par unité de poids. Afin d'obtenir une comparabilité grossière, il convient néanmoins de différencier au moins les secteurs entre eux, pour ne pas mélanger par exemple une unité de poids de Rolex avec la valeur pour le savon. Comparés à leurs voisins européens, les exportateurs suisses affichent un niveau nettement supérieur à la moyenne dans la plupart des domaines du secteur manufacturier, et plus particulièrement dans l'industrie horlogère et la production de médicaments, ainsi que des secteurs davantage confrontés à la concurrence internationale, comme par 1 2 1995 2014 Sources: Unctad, Raiffeisen Research Dettmer B. et al.:"The dynamics of structural change – The European Union's trade with China"; Jena Economic Research Papers, 2009 Hausmann, Hidalgo et al.: "The Atlas of Economic Complexity"; 2013 8 Une monnaie forte favorise l'innovation Le franc fort est un facteur encourageant le changement structurel en Suisse vers la production de biens de qualité et valeur supérieures. La valorisation de la monnaie a un effet positif sur les initiatives de recherche et de développement des entreprises3. Une monnaie forte oblige une industrie compétitive à se maintenir en forme. En guise de contre-exemple, on peut nommer l'Italie. Avant d'entrer dans l'Union monétaire, l'économie italienne pouvait maintenir sa compétitivité en matière de prix en dévaluant la lire. Ceci permettait de compenser tant les faibles gains en efficacité que les hausses plus élevées des salaires. Ceci ne fonctionne plus depuis 1999. Le manque d'adaptation de l'industrie explique le niveau élevé des coûts salariaux unitaires (cf. diagramme 16) et la position relativement basse en termes de compétitivité. exemple la chimie, les producteurs suisses se sont plutôt spécialisés dans les niches de qualité supérieure (cf. diagramme 17). Diagramme 17: valeur par kilo plus élevée Produit des exportations en euro par kg, échelle logarithmique 10000 Suisse UE 1000 100 10 1 Les chiffres concernant les dépenses de recherche et les brevets démontrent que les entreprises suisses continuent de défendre leur avantage concurrentiel par l'innovation. Dans les deux catégories, la Suisse se positionne en tête. Les entreprises du secteur manufacturier dépensent par exemple le plus par habitant en ce qui concerne la recherche et le développement (cf. diagramme 19). Sources: Eurostat, Raiffeisen Research Malgré de nombreuses entreprises de sous-traitance, et en l'absence de constructeurs automobiles, la construction automobile constitue une exception, la Suisse ne jouant aucun grand rôle au sein de son propre pays et présentant un faible produit des exportations par kilo. Parmi les quatre grands «pays automobiles» européens, l'Allemagne affiche de loin la plus haute valeur par unité en raison de la part importante que représentent les ventes de modèles de gamme supérieure (cf. diagramme 18). Cette différenciation était un gage de réussite vis-à-vis des autres concurrents européens, du moins au cours des dernières années. Diagramme 19: les entreprises suisses misent sur l'innovation Dépenses en recherche et développement des entreprises du secteur manufacturier par habitant; en euro; moyenne 2008-2012 900 800 700 600 Diagramme 18: l'Allemagne se spécialise dans les voitures de gamme supérieure avec une haute marge Exportations de véhicules, en euro pour 100 kilos (moyenne 2010-14) 500 400 300 200 100 1200 0 1100 1000 900 800 700 Sources: OCDE, Raiffeisen Research 600 Préférer la qualité à la quantité pour la formation Outre les entreprises proprement dites, l'Etat joue également un rôle afin de favoriser la réussite future de l'industrie suisse. Non pas par le biais de la politique industrielle classique, mais davantage à l'aide de conditions cadres favorables comme l'attestent les comparaisons internationales de compétitivité pour la Suisse depuis longtemps. Parmi une multitude de facteurs compétitifs déterminants fixés par l'Etat, qui décident de 500 400 300 200 100 0 Suisse Espagne Italie France Allemagne Sources: Eurostat, Raiffeisen Research 3 Kaiser B., Siegenthaler M.: "The Skill-Biased Effects of Exchange Rate Fluctuations"; KOF Working Paper No. 385, Juni 2015 9 Diagramme 20: des dépenses de formation plus efficientes en Suisse Evaluation de la qualité du système éducatif (1-7) l'aptitude à croître des entreprises – dont les infrastructures, la fiscalité, la législation et les réglementations du marché du travail –, il convient de mettre en avant la politique de formation. Il ne suffit pas d'attirer des personnes performantes de l'étranger avec des salaires et possibilités de loisirs attrayants. Le rôle du système éducatif du pays est de pourvoir l'économie d'une main d'œuvre présentant les aptitudes requises. Il ne s'agit pas forcément de disposer d'un niveau exceptionnellement élevé de diplômés universitaires. Bien que d'autres pays, et surtout en Asie, le nombre et la proportion de diplômés connaissent une évolution beaucoup plus dynamique qu'en Suisse, les jeunes diplômes ne répondent pas nécessairement mieux aux besoins de l'industrie. Dans de nombreux pays présentant une très forte hausse du nombre de diplômés de l'enseignement supérieur sans qu'il y ait un progrès substantiel du niveau de culture, on parle de «Grade inflation». Cette évolution s'observe en particulier en Chine, mais également en Corée du Sud où le nombre de diplômés de l'université a véritablement explosé. Toutefois, les diplômes universitaires pour la plupart privés sont très souvent insuffisants face aux exigences de l'économie privée. 6.5 Suisse 6.0 Finlande 5.5 Allemagne 5.0 R-U Japon 4.5 Portugal 4.0 USA Suède France Italie 3.5 Espagne Corée du Sud 3.0 4 5 6 7 8 Dépenses de formation, en % du PIB Sources: OCDE, WEF, Raiffeisen Research En résumé Dans sa grande majorité, l'industrie suisse s'est spécialisée dans des produits innovants avec des marges assez élevées. Elle est bien positionnée face à la concurrence internationale. Le secteur des exportations peut donc bien mieux affronter le grand défi d'une monnaie forte que ne le pourraient d'autres pays face à une évolution similaire de leur monnaie. Comparées aux autres pays, les dépenses concernant strictement la formation en Suisse ne se situent guère à un niveau élevé. Cependant, ce fait influe moins sur la qualité du système éducatif que le taux plutôt bas de diplômés de l'université. Néanmoins, de nombreux producteurs doivent accroître leurs efforts pour garder une longueur d'avance sur les fournisseurs d'autres pays plus avantageux. Les poussées de la monnaie l'une derrière l'autre au cours des dernières années et la surévaluation par rapport à l'euro qui en a résulté constituent un énorme défi, d'autant que la politique monétaire agressive de la Banque centrale européenne fait obstacle à une correction forte et rapide du taux de change. Selon l'indice global de compétitivité établi tous les ans par le World Economic Forum, les moyens dédiés à la formation sont utilisés en Suisse de manière bien plus efficiente. Alors que la Corée du Sud et les Etats-Unis affichent les plus hautes dépenses en matière de formation, les entreprises n'ont, dans l'ensemble, aucune bonne opinion de la qualité du système éducatif de ces pays (cf. diagramme 20). Et malgré le renom de certaines universités et certains instituts de recherche, le niveau de culture de la population est en recul, notamment aux Etats-Unis. En ce qui concerne la Suisse et l'Allemagne, à titre d'exemple, la situation se présente différemment. Tant la formation spécialisée dans ces deux pays, en dehors de l'université et dans le cadre du système dual, que la formation universitaire axée sur la pratique jouissent d'une grande renommée. La mise en place d'un système similaire de formation professionnelle a suscité un grand intérêt dans d'autres pays, suite à la crise financière, notamment en Espagne, en Italie mais également dans les pays anglo-saxons. Bien que le moral des entrepreneurs se soit stabilisé après le choc monétaire, on devrait encore assister pendant un certain temps à des externalisations et même des abondons de la production. Le changement structurel s'opérant depuis des décennies en Suisse ne sera certainement pas enrayé. Il devrait même au moins s'accélérer temporairement, entraînant des adaptations douloureuses. De notre point de vue, il est davantage probable que nous n'assisterons à aucune érosion de l'industrie, malgré une monnaie forte, et en raison des points forts de l'industrie suisse développés dans la présente analyse. [email protected] 10 Editeur Raiffeisen Suisse, Economic Research Chef économiste Martin Neff Brandschenkestrasse 110d, CH-8002 Zurich 044 226 74 41 [email protected] Analyse du marché financier et stratégie Analyse macroéconomique et immobilier Roland Kläger 044 226 74 22 [email protected] Alexander Koch 044 226 74 37 [email protected] Lukas Seger 044 226 74 16 [email protected] Domagoj Arapovic 044 226 74 38 [email protected] Michael Kunz 044 226 74 15 [email protected] Santosh Brivio 044 226 74 35 [email protected] Andreas Hauser 044 226 74 39 [email protected] Christoph Vonwiller 044 226 74 17 [email protected] Vous souhaitez vous abonner à cette publication? 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