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flexibilité des marchés du travail, deux facteurs essen-
tiels ont, selon nous, contribué au net recul de la part
de l'industrie dans ce contexte:
En premier lieu, l'approche du «Shareholder-value» était
jadis déjà bien ancrée dans les entreprises cotées en
bourse, augmentant les incitations pour le management
à maximiser les bénéfices à court terme. Les pays anglo-
saxons étaient particulièrement susceptibles de multi-
plier les externalisations de la production, l'industrie y
étant davantage détenue par de grandes entreprises co-
tées en bourse que dans les autres pays. Par ailleurs, la
politique économique libérale n'a que très peu promu
les PME dans le cadre de la mondialisation. Enfin, les
interdépendances entre les entreprises industrielles
elles-mêmes étaient plus faibles que sur le continent eu-
ropéen.
Les pays anglo-saxons ont, en deuxième lieu, connu un
boom de la consommation et de l'immobilier basé sur
les crédits, qui a stimulé la demande intérieure et donné
un coup de fouet à la demande sur le marché du travail,
entraînant une pression accrue sur les salaires à laquelle
le secteur manufacturier ne pouvait se soustraire. La
Suisse a connu une situation inverse, où la conjoncture
domestique est restée atone un bon moment, suite à
l'éclatement de la bulle immobilière au début des an-
nées 1990, limitant la pression sur les salaires pour les
entreprises exportatrices.
Le taux de change «équitable»
L'évolution différente des salaires, ou bien plus encore
des coûts totaux des entreprises, détermine la compéti-
tivité proprement dite de l'industrie en matière de prix
dans les divers espaces monétaires, en conjonction avec
le taux de change nominal.
Les prix nationaux jouent donc un rôle central dans l'ex-
plication des mouvements des taux de change. Il existe
une multitude de facteurs exerçant une influence sur les
taux de change. Il est quasiment impossible de prédire
les mouvements à court terne et même des baisses ex-
trêmes peuvent se maintenir pendant un certain temps
avant qu'un mouvement inverse ne s'amorce soudaine-
ment. L'histoire du franc suisse en est la parfaite illus-
tration.
A long terme, on peut toutefois observer une oscillation
du cours pour la plupart des monnaies autour du con-
cept de la parité du pouvoir d'achat. C'est-à-dire que la
différence en termes d'évolution des prix dans les divers
espaces monétaires se reflète dans les taux de change,
sur une période assez longue. La réévaluation continue
du franc suisse par rapport au dollar américain est ainsi
expliquée par un taux d'inflation plus élevé aux Etats-
Unis. Le taux de change réel, corrigé des différents
mouvements des prix, devrait en revanche, présenter
une évolution latérale à long terme, selon la théorie de
la parité du pouvoir d'achat.
Habituellement, on utilise les prix à la consommation
pour calculer les taux de change réels. Le cours réel du
franc suisse, pondéré des échanges commerciaux, évo-
luait autour de sa moyenne à long terme jusqu'au mo-
ment de la crise financière (cf. diagramme 4). Depuis,
on constate toutefois une montée en flèche. Selon ce
calcul, l'USD paraît, avec la valorisation dont il bénéficie
depuis le milieu de l'année 2014, nettement surévalué
– un peu comme ce fut déjà le cas au tournant du mil-
lénaire. L'euro réel, se basant sur les prix à la consom-
mation, s'échange, en revanche, à un cours situé sous
sa moyenne à long terme.
Diagramme 4: le franc explose clairement selon
la parité du pouvoir d'achat
Taux de change réels, sur la base des prix à la consom-
mation, indice (moyenne à long terme=100)
Sources: BRI, Raiffeisen Research
Il n'existe cependant aucun meilleur procédé pour cal-
culer un taux de change «équitable». Le niveau du taux
de change réel calculé par le biais des parités du pouvoir
d'achat dépend, d'une part, fortement du choix du
point de départ. Entamant par exemple la correction
des prix dans une phase de faiblesse du franc, une su-
révaluation mesurée lors du contre-mouvement qui s'en
suit sera alors surestimée. Par ailleurs, la mesure des prix
à utiliser est discutable. Les prix à la consommation ha-
bituellement utilisés sont en grande partie déterminés
par les prix de biens immeubles et avant tout des pres-
tations de service destinées aux ménages privés. Toute-
fois, ce sont davantage les coûts de production qui sont
déterminants, en matière de compétitivité des entre-
prises en termes de prix.
Les dépenses en matières premières et fournitures ainsi
que les coûts salariaux constituent de loin les postes de
coûts les plus importants dans le secteur manufacturier.
Il n'existe cependant aucune enquête officielle sur les
prix concernant les coûts de matières premières. En
guise d'alternative, nous utilisons les prix des produc-
teurs et ceux à l'importation en qualité de proxy pour
les coûts de prestations préalables achetées en Suisse et
à l'étranger, afin d'estimer l'évolution des coûts. L'on
obtient ainsi des valeurs approximatives concernant la
part que représentent les salaires, les prestations préa-
lables nationales et étrangères dans les coûts totaux de
production, sur la base des statistiques de production,
qui fournissent des chiffres concernant la structure des
coûts dans le secteur manufacturier suisse, ainsi que de
75
80
85
90
95
100
105
110
115
120
125
01/90 01/93 01/96 01/99 01/02 01/05 01/08 01/11 01/14
CHF EUR USD