MAT 253: Introduction `a l`alg`ebre linéaire (II) Chapitre V

MAT 253: Introduction `a l’alg`ebre lin´eaire (II)
Chapitre V: Applications lin´eaires d’espaces vectoriels
On a ´etudi´e des propri´et´es ´el´ementaires d’espaces vectoriels. Dans la plupart de cas, il est utile d’´etudier
la relation entre deux espaces vectoriels sur le mˆeme corps. Ceci sera donn´ee par les applications lin´eaires
d’un espace vectoriel dans un autre espace vectoriel qui conservent la structure d’espace vectoriel.
Partout dans ce chapitre, on se fixe Kun corps et Eet Fdes espaces vectoriels sur K.
5.1. Applications lin´eaires
Tout d’abord, on rappelle la notion d’application d’ensembles. Soient Xet Ydeux ensembles. Une
application Tde Xdans Yest une r`egle qui associe `a chaque xXun ´el´ement unique yY, o`u y
s’appelle l’image de xpar Tnot´e y=T(x); et x, un ant´ec´edent de y. Une telle application est not´ee
T:XY:x7→ T(x).
Soit T:XYune application. Alors on appelle l’image de Xpar Tl’ensemble Im(T) = {yY|y=
T(x) pour un certain xX}. On dit que Test injective si tout yYadmet au plus un ant´ec´edent;
surjective si Im(T) = Y; et bijective si Test `a la fois injective et surjective. Par exemple, l’application
identit´e 1IX:XX:x7→ xest bijective. Si Test bijective, alors tout yYa exactement un ant´ec´edent
not´e T1(y). Dans ce cas,
T1:YX:y7→ T1(y)
est une application bijective appel´ee l’inverse de T. On dit que deux applications T1et T2de Xdans Ysont
´egales si T1(x) = T2(x) pour tout xX. Si S:YZest une autre application, alors ST :XZ:x7→
S(T(x)) est une application de Xdans Z, appel´ee le compos´e de Tet S. La composition d’applications est
associative. On voit ais´ement que 1IYT=T1IX=Tet T1T= 1IXet T T 1= 1IYlorsque T:XYest
bijective.
D`es maintenant, on ´etudiera les applications entre des espaces vectoriels qui sont compatibles avec la
structure d’espace vectoriel.
5.1.1. efinition. Une application T:EFest dite lin´eaire si pour tous u, v E, T (αu) = αT (u)
et T(u+v) = T(u) + T(v).
Remarque. Si T:EFest lin´eaire, alors T(0E) = 0F.
Exemple. (1) L’application nulle 0:EF:u7→ 0Fet l’application identit´ee 1IE:EE:u7→ u
sont lin´eaires.
(2) Soit D[a, b] l’espace vectoriel r´eel des fonctions infiniment diff´erentiables d´efinies sur l’intervalle
[a, b]. L’op´erateur diff´erentiel suivant est lin´eaire:
:D[a, b]D[a, b] : f(t)7→ df(t)
dt .
1
(3) L’application suivante est lin´eaire:
T:Mm×n(K)Mn×m(K) : A7→ AT.
(4) L’application
sin x:RR:t7→ sin t
n’est pas lin´eaire.
(5) Consid´erons le R-espace E=R2et le C-espace F=C2. L’application
T:R2C2: (a, b)7→ (a, b)
n’est pas lin´eaire parce que Eet Fne sont pas d’espaces vectoriels sur le mˆeme corps.
5.1.2. Proposition. Une application T:EFest lin´eaire si, seulement si, pour tous u, v E, et
α, β K, on a T(αu +βv) = αT (u) + βT (v).
emonstration. Supposons que Test lin´eaire. Alors pour tous u, v E, α, β K,T(αu +βv) =
T(αu)+T(βv) = αT (u)+ βT (v).R´eciproquement supposons que Tsatisfait `a la condition. Alors T(u+v) =
T(1 ·u) + T(1 ·v) = 1 ·T(u)+1·T(v) et
T(αu) = T(αu + 0 ·0E) = αT (u)+0·T(0E) = αT (u).
Ainsi Test lin´eaire. Ce qui ach`eve la d´emonstration.
Exemple. Pour toute AMm×n(K), les applications suivantes sont lin´eaires:
TA:K(n)K(m):v7→ Av et SA:KmKn:u7→ uA.
En effet, pour tous u, v Kmet α, β K, on a (αu +βv)A=α(uA) + β(vA).
On d´eduit par r´ecurrence le r´esultat suivant de la proposition 5.1.2.
5.1.3. Corollaire. Si T:EFest lin´eaire, alors
T(α1u1+··· +αnun) = α1T(u1) + ··· +αnT(un)
pour tous uiEet αiK, i = 1, . . . , n.
5.1.4. Proposition. Soit Ede dimension finie ayant pour base {u1,···, un}. Alors pour tous
v1, . . . , vnF, il existe une application lin´eaire unique T:EFtelle que T(ui) = vi, i = 1, . . . , n.
emonstration. Tout uEs’´ecrit uniquement u=α1u1+··· +αnun, αiK. efinissons une
application T:EFpar T(α1u1+··· +αnun) = α1v1+··· +αnvn.Alors Test lin´eaire telle que
T(ui) = T(1 ·ui) = 1 ·vi=vi, i = 1, . . . , n. En outre si S:EFest lin´eaire telle que S(ui) = vi,pour tout
1in. Alors pour tout u=Pn
i=1 αiuiE,S(u) = Pn
i=1 αiS(ui) = Pn
i=1 αiT(ui) = T(u).Donc S=T.
Remarque. Soit {u1, . . . , un}une base de E. Si S, T :EFsont des applications lin´eaires, d’apr`es la
proposition 5.1.4, on voit que S=Tsi et seulement si S(ui) = T(ui), i= 1, . . . , n.
On d´esignera par L(E, F ) l’ensemble des applications lin´eaires de Edans F. On montrera que L(E, F )
est un K-espace vectoriel.
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5.1.5. Proposition. Soient T, S ∈ L(E, F ) et αK. Les applications suivantes sont lin´eaires:
αT :EF:u7→ αT (u) et T+S:EF:u7→ T(u) + S(u).
emonstration. Pour tous u, v E, β, γ K,
(αT )(βu +γv) = αT (βu +γv) = α[βT (u) + γT (v)]
=βαT (u) + γαT (v) = β(αT )(u) + γ(αT )(u)
(T+S)(βu +γv) = T(βu +γv) + S(βu +γv)
=βT (u) + γT (v) + βS(u) + γS(v)
=β[T(u) + S(u)] + γ[T(v) + S(v)]
=β(T+S)(u) + γ(T+S)(v).
Donc αT et T+Ssont lin´eaires. Ceci ach`eve la d´emonstration.
5.1.6. Lemme. Soient T, S, T 0∈ L(E, F ) et α, β K. Alors
(1) T+S=S+T; (2) (T+S) + T0=T+ (S+T0);
(3) 1KT=T; (4) α(βT ) = (αβ)T;
(5) α(T+S) = αT +αS; (6) (α+β)T=αT +βT.
emonstration. La d´emonstration est une v´erification de routine. `
A titre d’exemple, on montrera (5).
Pour tout uE,
(α(T+S)) (u) = α((T+S)(u))
=α(T(u) + S(u)) = αT (u) + αS(u)
= (αT )(u) + (αS)(u)
= (αT +αS)(u).
Ainsi α(T+S) = αT +αS. Ceci ach`eve la d´emonstration.
5.1.7. Th´eor`eme. Muni des op´erations d´efinies dans la Proposition 5.1.5, L(E, F ) est un K-espace
vectoriel.
emonstration. D’abord 0 : EF:u7→ 0Fest lin´eaire. Ainsi L(E, F ) est non vide. Pour tout
T∈ L(E, F ), l’application T:EF:u7→ −T(u) est lin´eaire telle que T+ (T) = 0. Il suit du lemme
5.1.6 que les autres axiomes de K-espace vectoriel sont aussi satisfaits. Ceci ach`eve la d´emonstration.
5.1.8. Proposition. Soient T:EFet S:FGdes applications lin´eaires de K-espaces vectoriels.
Alors ST est lin´eaire. En outre,
(1) Pour tout T0∈ L(E, F ), S(T+T0) = ST +ST 0.
(2) Pour tout S0∈ L(F, G), (S+S0)T=ST +S0T.
emonstration. Pour tous u, v E, α, β K,
(ST )(αu +βv) = S[T(αu +βv)] = S[αT (u) + βT (v)]
=αS(T(u)) + βS(T(v)) = α(ST )(u) + β(ST )(v).
Donc ST est lin´eaire. En outre pour tout uE,
(S(T+T0)) (u) = S((T+T0)(u))
=S(T(u) + T0(u))
=S(T(u)) + S(T0(u))
= (ST )(u) + (ST 0)(u).
Ainsi S(T+T0) = ST +ST 0. De mˆeme, (S+S0)T=ST +S0T. Ceci ach`eve la d ´monstration.
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5.2. Isomorphismes
On ´etudiera premi`erement plus de propri´et´es d’une application lin´eaire d’espaces vectoriels et ensuite
on ´etudiera quand deux espaces vectoriels sont ´essentiellement identiques. On commence par deux sous-
espaces associ´es `a une application lin´eaire T:EF. Si Uest une famille de vecteurs de E, on note
T(U) = {T(u)|u∈ U}, une famille de vecteurs de F.
5.2.1. Proposition. Soit T(E, F ). Alors
(1) Im(T) = {vF|v=F(u) pour un certain uE}est un sous-espace de F.
(2) Ker(T) = {uE|T(u) = 0F}est un sous-espace de E, appel´e noyau de T.
emonstration. (1) Soient v1, v2Im (T) et α1, α2K. Alors vi=T(ui) avec uiE, i = 1,2.Ainsi
α1v1+α2v2=T(α1u1+α2u2)Im (T). Donc Im(T) est un sous-espace de F.
(2) Soient u, v Ker (T) et α, β K. Alors T(u) = T(v) = 0F. Or T(αu +βv) = αT (u) + βT (v)=0F.
Ainsi αu +βv Ker (T). Ce qui implique que Ker(T) est un sous-espace de E.
On ´etudiera comment d´eterminer l’image d’une application lin´eaire.
5.2.2. Proposition. Soit E=<U>avec Uune famille de vecteurs de E. Si T∈ L(E, F ), alors
Im(T) =< T (U)>. Par cons´equent, Test surjective si et seulement si F=< T (U)>.
emonstration. Comme T(U)Im(T), on a < T (U)>Im(T). D’autre part, si vIm(T), alors
v=T(w) avec wE. Or ws’´ecrit w=α1u1+··· +αnun, ui∈ U, αiK. Donc v=T(w) =
α1T(u1) + ··· +αnT(un)< T (U)>. Ce qui montre Im(T)< T (U)> . Ainsi Im(T) =< T (U)>. Ceci
ach`eve la d´emonstration.
Le r´esultat suivant dit que l’image d’une famille li´ee par une application lin´eaire est toujours li´ee.
5.2.3. Lemme. Soient T∈ L(E, F ) et Uune famille de vecteurs de E.
(1) Si T(U) est libre, alors Uest libre.
(2) Si Test injective, alors Uest libre si et seulement si T(U) est libre.
emonstration. (1) Supposons que T(U) est libre. Si α1u1+··· +αnun= 0E, ui∈ U, αiK, alors
α1T(u1) + ··· +αnT(un) = 0F. Comme {T(u1), . . . , T (un)}est libre, α1=··· =αn= 0. Donc Uest libre.
(2) Supposons que Test injective et Uest libre. Si α1T(u1) + ···+αnT(un) = 0F, αiK, ui∈ U, alors
T(α1u1+···+αnun) = T(0E). Il suit de l’injectivit´e de Tque α1u1+···+αnun= 0E.Comme {u1, . . . , un}
est libre, α1=··· =αn= 0. Ceci montre que T(U) est libre. Le preuve s’ach`eve.
On donne maintenant un crit`ere pour qu’une application lin´eaire soit injective.
5.2.4. Proposition. Soient T∈ L(E, F ) et Bune base de E. Alors les conditions suivantes sont
´equivalentes:
(1) Test injective.
(2) Ker(T) = 0.
(3) La famille T(B) est libre.
emonstration. Supposons que Test injective. Si uKer(T), alors T(u) = 0F=T(0E). Ainsi u= 0E
d’apr`es l’injectivit´e de T. Par cons´equent, Ker(T) = 0.
Supposons que Ker(T) = 0. Soient v1, . . . , vrT(B), c’est-`a-dire, vi=T(ui) avec ui∈ B,i= 1, . . . , r.
Si α1v1+···+αrvr= 0F,αiK, alors T(α1u1+···+αrur) = 0F, c’est-`a-dire, α1u1+···+αrurKer(T).
4
Comme Ker(T) = {0E}par l’hypoth`ese, α1u1+···+αrur= 0E. Comme Best libre, αi= 0, i = 1, . . . , r.
Ceci montre que T(B) est libre.
Supposons enfin que T(B) est libre. Soient u, v Etels que T(u) = T(v). ´
Ecrivons u=Pn
i=1 αiui, v =
Pn
i=1 βiui, αi, βiK, ui∈ B. Alors
n
X
i=1
(αiβi)T(ui) =
n
X
i=1
αiT(ui)
n
X
i=1
βiT(ui) = T(u)T(v) = 0F.
Comme {T(u1), . . . , T (un)}est libre, on a αiβi= 0, i = 1, . . . , n. Ainsi u=v. Ceci montre que Test
injective. Ceci ach`eve la d´emonstration.
Remarque. Il suit de la proposition 5.2.4 que dim(E)dim(F) lorsqu’il existe une application lin´eaire
injective T:EF.
5.2.5. efinition. On dit que T∈ L(E, F ) est un isomorphisme si Test bijective.
Exemple. (1) L’application identit´ee 1I:EE:u7→ uest un isomorphisme.
(2) L’application nulle 0:EFest un isomorphisme si et seulement si Eet Fsont tous nuls.
(3) L’application T:Mm×n(K)Mn×m(K) : A7→ ATest un isomorphisme. En particulier,
l’application lin´eaire suivante est un isomorphisme:
S:KnK(n): (a1, . . . , an)7→
a1
.
.
.
an
.
5.2.6. Proposition. Soient E, F et Gdes K-espace vectoriels.
(1) Si T:EFest un isomorphisme, alors T1:FGest un isomorphisme.
(2) Si T:EFet S:FGsont des isomorphismes, alors ST :EGest un isomorphism et
(ST )1=T1S1.
emonstration. (1) Supposons que T:EFest un isomorphisme. Par d´efinition, Test bijective.
Ainsi T1:FEest une bijection. On veut montrer que T1est lin´eaire. Soient v1, v2Fet α1, α2K.
Posons ui=T1(vi)E, i = 1,2. D’apr`es la d´efinition, T(ui) = vi, i = 1,2.Come T(α1u1+α2u2) =
α1T(u1) + α2T(u2) = α1v1+α2v2,on a
T1(α1v1+α2v2) = α1u1+α2u2=α1T1(v1) + α2T1(v2).
D’o`u, T1est lin´eaire.
(2) Soient T:EFet S:FGdes isomorphismes. Alors ST :EGest une bijection qui est
lin´eaire d’apr`es la proposition 5.1.8. C’est-`a-dire, ST est un isomorphisme. Enfin, on v´erifie ais´ement que
(ST )(T1S1) = 1IGet (T1S1)(ST ) = 1IE. D’o`u, (ST )1=T1S1. Ceci ach`eve la d´emonstration.
5.2.7. Corollaire. Une application lin´eaire T:EFest un isomorphisme si et seulement s’il existe
une application lin´eaire S:FEtelle que ST = 1IEet T S = 1IF.
emonstration. Supposons que Test un isomorphisme. D’apr`es la proposition 5.2.6, T1:FEest
une application lin´eaire telle que T1T= 1IEet T T 1= 1IF.
Supposons r´eciproquement qu’il existe une application lin´eaire S:FEtelle que ST = 1IEet T S = 1IF.
Pour tout vF,S(v)Eest tel que T(S(v)) = (T S)(v) = 1IF(v) = v. Ce qui montre que Test surjective.
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