Comment améliorer l`observance chez le patient souffrant de

L’Encéphale, 2006 ;
32 :
929-30, cahier 4
S 929
Comment améliorer l’observance chez le patient
souffrant de schizophrénie ?
R. GOUREVITCH
(1)
(1) Hôpital Sainte-Anne, 7, rue Cabanis, 75014 Paris.
ÉTAT DES LIEUX
Le problème de la non-observance n’est pas spécifique
des maladies mentales (1, 3) : il se pose pour de nom-
breuses affections somatiques, et l’on estime à 20 à 50 %
le taux de mauvaise observance, toutes pratiques
confondues ; il est particulièrement élevé dans les patho-
logies chroniques. La fourchette des taux de non-obser-
vance évoquée pour les troubles schizophréniques varie
entre 11 et 90 %, selon les critères retenus ; il serait de
50 % un an après une hospitalisation inaugurale, et de
75 % deux ans après. L’étude CATIE a montré que même
les patients volontaires pour participer à une étude sur les
traitements médicamenteux interrompent celui-ci dans
des proportions très importantes (9).
Les conséquences de la mauvaise observance sont
surtout les rechutes et les réhospitalisations (phénomène
de la
revolving door
) : ainsi, la moitié à deux tiers des hos-
pitalisations des sujets schizophrènes seraient liées à un
défaut d’observance, partiel ou total, et l’interruption du
traitement multiplierait le risque de rechute par 5. Outre
ces conséquences symptomatiques, il existe alors des
répercussions fonctionnelles, sociales, affectives et un
retentissement important sur la qualité de vie.
En psychiatrie, le concept d’observance s’applique à la
poursuite du traitement médicamenteux, mais aussi au
suivi thérapeutique, aux mesures socio-occupationnelles,
aux prises en charge psychothérapiques et à l’ensemble
des facteurs de morbimortalité.
Améliorer l’observance suppose donc, au préalable,
une bonne information des patients sur leur maladie, mais
aussi des équipes soignantes sur les enjeux de l’adhésion
aux soins. Une relation thérapeutique de qualité semble
également devoir être un facteur essentiel.
FACTEURS DE MAUVAISE OBSERVANCE
DU TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX
En phase aiguë, le facteur essentiel de mauvaise obser-
vance est l’intensité des symptômes positifs. Le niveau
d’insight (au sens restreint de la simple reconnaissance
du caractère pathologique des troubles) joue également
un rôle important (2, 4) ; il en est de même de l’abus
d’alcool ou d’autres toxiques, comme des éléments
dépressifs. Enfin, il faut souligner la place de la qualité de
la relation thérapeutique lors de la première hospitalisa-
tion. Le jeune âge pourrait être également un facteur de
mauvaise observance, mais il est difficile de différencier
ce facteur de celui lié à la longueur d’évolution des trou-
bles, les patients devenant souvent plus compliants au fur
et à mesure des rechutes.
À plus long terme (10), à certains des facteurs déjà évo-
qués lors de la période aiguë s’en ajoutent d’autres,
comme la désinsertion ou la défaillance de l’environne-
ment social ou familial. Les effets indésirables pourraient
avoir moins d’importance sur l’observance que ce que l’on
pensait il y a quelques années, et l’optimisme lié à l’appa-
rition de produits réputés dépourvus d’effets neurologi-
ques n’est plus de mise. L’importance des symptômes
négatifs, de la désorganisation, des symptômes cognitifs,
est également un facteur de mauvaise observance. Mais
c’est en fait l’inefficacité du traitement qui constitue sans
doute l’un des facteurs les plus prédictifs d’arrêt du traite-
ment.
Enfin, on peut poser la question de l’éventuelle contri-
bution de facteurs génétiques à l’observance, comme il
existe une pharmacogénétique de l’effet bénéfique ou des
effets indésirables des traitements chimiothérapiques.
R. Gourevitch L’Encéphale, 2006 ;
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COMMENT FAVORISER L’OBSERVANCE
À court terme, l’obtention de la meilleure rémission pos-
sible de l’épisode inaugural, dans les meilleures condi-
tions, est l’un des meilleurs gages de bonne observance
ultérieure (7, 8).
L’utilisation de posologies minimales efficaces, la sim-
plification des prises, la monothérapie antipsychotique, le
recours adapté aux traitements adjuvants (tranquillisants
en privilégiant les benzodiazépines, ou antidépresseurs),
l’implication et l’information du patient et de sa famille : en
fait le simple respect des bonnes pratiques cliniques favo-
rise une bonne observance.
La réduction des symptômes associés (dépressifs,
anxieux) est également importante, tout comme l’est la
prise en charge des addictions associées.
Les antipsychotiques d’action prolongée peuvent aussi
faciliter l’observance, à condition de ne pas être utilisés
dans le but illusoire d’imposer celle-ci. L’utilisation d’autres
formes galéniques (solution buvable), la mesure des taux
plasmatiques des molécules prescrites, peuvent égale-
ment avoir un effet positif.
La prise en compte des effets secondaires est impor-
tante, il convient de signifier au patient que ses difficultés
sont entendues ; et il faut retenir que toute question posée
sur l’observance… l’améliore.
À plus long terme (5, 6, 11), le suivi doit être pluridisci-
plinaire, impliquant le médecin généraliste, les soignants au
centre médico-psychologique, et – autant que possible – la
famille.
On peut proposer des techniques psycho-éducatives
(délivrance d’informations concernant la maladie et les
traitements) ou des techniques cognitives (en particulier
concernant les croyances des patients, ou leurs attitudes
par rapport au traitement). Les mesures dites
« affectives », ou « supportives », ou encore «
empathi-
ques
», prenant en compte les émotions des patients, peu-
vent être associées aux précédentes. Les modalités
d’application de ces différentes techniques sont à discuter
en fonction des possibilités et des habitudes locales. Il
convient de les « panacher » afin d’en prolonger l’effet
dans le temps.
La formation des équipes soignantes et des médecins
constitue un enjeu fondamental, d’autant que les infirmiers
spécialisés en psychiatrie sont de plus en plus rares.
Enfin, un facteur pronostique qui paraît essentiel pour
une bonne observance en pratique quotidienne est sans
doute constitué par la qualité de l’implication des équipes
médicales : ainsi des mesures pragmatiques et faciles à
mettre en œuvre telles que l’envoi systématique d’une let-
tre de relance après un rendez-vous non honoré ont cer-
tainement une incidence positive majeure qui mériterait
d’être évaluée.
Références
1. BLONDIAUX I, ALAGILLE M, GINESTET D. Adhésion aux traite-
ments biologiques en psychiatrie. Encycl Med Chir. Paris : Éditions
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2. BYERLY MJ, FISHER R, CARMODY T
et al.
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J Clin Psychiatry 2005 ; 66 : 997-1001.
3. CORRUBLE E, HARDY P. Observance du traitement en psychiatrie.
Encycl Med Chir. Paris : Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
SAS, tous droits réservés). Psychiatrie 37-860-A-60, 2003 : 6 p.
4. DROULOUT T, LIRAUD F, VERDOUX H. Influence de la conscience
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vance médicamenteuse dans les troubles psychotiques. Encephale
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5. MISDRAHI D, LLORCA PM, LANCON C
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L’observance dans
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10. VALENSTEIN M, BLOW FC, COPELAND LA
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and patient factors. Schizophr Bull 2004 ; 30 : 255-64.
11. ZYGMUNT A, OLFSON M, BOYER CA
et al.
Interventions to
improve medication adherence in schizophrenia. Am J Psychiatry
2002 ; 159 : 1653-64. Commentaire in Am J Psychiatry 2004 ; 161 :
581-2 ; réponse de l’auteur in 582-3.
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