Psychiatrie Favoriser l’observance Le paradoxe du soin en psychiatrie est de faire retrouver au sujet une liberté interne tout en utilisant parfois la contrainte pour préserver le sujet lui-même. Le bénéfice des soins repose donc sur la faculté du soignant à décider et du malade à consentir. L es médicaments ont joué un rôle fondamental dans le domaine de la psychiatrie. Ils ont aidé à sortir le malade de ses différents exils. Cependant, par la nature même des pathologies mentales, l’observance est un problème majeur. Les effets indésirables Les résultats d’une enquête menée auprès des patients psychotiques suivis au centre médico-pédagogique de Saint-Egrève et communiqués lors des “Journées de psychiatrie pour les pharmaciens hospitaliers” montrent que 53 % des patients ont un niveau d’observance insuffisant alors que la diminution du nombre d’hospitalisations est significativement liée à un comportement d’observance (80 % des patients n’ont pas rechuté depuis 5 ans). Cette nonobservance, constatée de façon généralisée, résulte de certains facteurs. On retrouve notamment la survenue d’effets indésirables mal supportés (surtout les effets neurologiques), une attitude défavorable du milieu familial ou relationnel, et enfin un manque de confiance du patient envers son médecin. Dans cette enquête, 80 % des patients se plaignent d’une information insuffisante donnée sur leur maladie et leur traitement. Comme dans tous les traitements des maladies chroniques, les psychotropes n’échappent pas aux interactions médicamenteuses. De même, la variabilité du métabolisme des patients est à prendre en compte. Ainsi, selon le Dr Pascal Odou, pharmacien hospitalier 12 au CH de Dunkerque : « les interactions peuvent se produire à cinq niveaux qui sont la résorption, la fixation aux protéines plasmatiques, la biotransformation hépatique, l’excrétion rénale, la fixation sur les récepteurs au niveau du site d’action. En fonction du principe actif, tel ou tel niveau pourra être le facteur déterminant qui rendra le traitement inefficace ou toxique ». A toutes ces caractéristiques physico-chimiques s’ajoutent les états pathologiques eux-mêmes, qui peuvent également modifier la capacité de l’organisme à biotransformer les principes actifs. Mais les médicaments modifient le fonctionnement psychique et la capacité de comprendre et de consentir. « Le médicament s’adresse à la réalité biologique alors que la psychothérapie par la parole s’adresse à la singularité subjective, explique le Dr Bernard Lachaux, psychiatre au CH Paul-Guiraud de Villejuif. Dans ce contexte, le médicament est une molécule qui n’a pas de sens par rapport à la singularité de la personne et, comme tel, il n’a de sens que par rapport au sujet qui le sous-tend ; il peut donc, dans certains cas, être imposé au patient. » Les risques iatrogènes Le malade psychotique est un patient à risques iatrogènes et sa fragilité se révèle aussi dans les affections cardio-vasculaires. « La mortalité cardio-vasculaire des patients schizophrènes est plus élevée que celle de la population générale, et un certain nombre de morts subites inexpliquées seraient dues à des arythmies vasculaires ayant pour ori- Professions Santé Infirmier Infirmière - No 27-28 - juin-juillet-août 2001 gine ou plus précisément comme facteur prédisposant, la prise d’antipsychotiques », souligne le Dr Charles Guéry, pharmacien des hôpitaux au CH Sainte-Anne de Paris. Les facteurs de risque sont d’ordres endogène et exogène. Cependant, le tabagisme, la sédentarité et la mauvaise hygiène alimentaire s’ajoutent aux facteurs de risque iatrogène. Le caractère chronique de nombreuses pathologies psychiatriques les situe à l’intersection de plusieurs spécialités médicales. Les interactions médicamenteuses, voire les erreurs, augmentent en fonction des polyprescriptions. Le risque est d’autant plus grand en phase de délire, au cours de laquelle le traitement de l’urgence devient la priorité. La iatrogénie à l’hôpital n’est pas rare. On peut relever, notamment, qu’il existe 45 à 50 % d’erreurs de médication, 10 à 20 % d’erreurs de dispensation et 0,4 à 12 % d’erreurs de prescription. L’amélioration de l’observance médicamenteuse des patients passe indubitablement par l’éducation. Les infirmiers, professionnels formés à cet effet, sont tout désignés pour apprendre aux patients à acquérir un savoir-faire qui les font arriver à un équilibre entre leur vie et le contrôle de leur maladie. En utilisant les méthodes et les moyens variés prenant en compte les besoins objectifs et subjectifs des patients – comme le rappelle l’OMS –, un projet éducatif cohérent permet d’améliorer le problème complexe de l’observance médicamenteuse. Mais la modestie est de rigueur. Même si l’information est un droit pour le malade, en psychiatrie, le patient éclairé reste un mythe. Une meilleure représentativité des patients est fondamentale, mais jamais le psychotique ne sera un patient banal. A.-L.P.