12 Professions Santé Infirmier Infirmière - No27-28 - juin-juillet-août 2001
gine ou plus précisément comme fac-
teur prédisposant, la prise d’antipsy-
chotiques », souligne le Dr Charles
Guéry, pharmacien des hôpitaux
au CH Sainte-Anne de Paris. Les
facteurs de risque sont d’ordres en-
dogène et exogène. Cependant, le
tabagisme, la sédentarité et la mau-
vaise hygiène alimentaire s’ajoutent
aux facteurs de risque iatrogène.
Le caractère chronique de nom-
breuses pathologies psychiatriques
les situe à l’intersection de plu-
sieurs spécialités médicales. Les in-
teractions médicamenteuses, voire
les erreurs, augmentent en fonc-
tion des polyprescriptions. Le
risque est d’autant plus grand en
phase de délire, au cours de la-
quelle le traitement de l’urgence
devient la priorité. La iatrogénie à
l’hôpital n’est pas rare. On peut re-
lever, notamment, qu’il existe 45 à
50 % d’erreurs de médication, 10
à 20 % d’erreurs de dispensation
et 0,4 à 12 % d’erreurs de pres-
cription.
L’amélioration de l’observance mé-
dicamenteuse des patients passe
indubitablement par l’éducation.
Les infirmiers, professionnels for-
més à cet effet, sont tout désignés
pour apprendre aux patients à ac-
quérir un savoir-faire qui les font
arriver à un équilibre entre leur
vie et le contrôle de leur maladie.
En utilisant les méthodes et les
moyens variés prenant en compte
les besoins objectifs et subjectifs
des patients – comme le rappelle
l’OMS –, un projet éducatif cohé-
rent permet d’améliorer le pro-
blème complexe de l’observance
médicamenteuse.
Mais la modestie est de rigueur.
Même si l’information est un droit
pour le malade, en psychiatrie, le
patient éclairé reste un mythe.
Une meilleure représentativité
des patients est fondamentale,
mais jamais le psychotique ne
sera un patient banal.
A.-L.P.
Favoriser l’observance
Les médicaments ont joué un
rôle fondamental dans le do-
maine de la psychiatrie. Ils ont
aidé à sortir le malade de ses dif-
férents exils. Cependant, par la
nature même des pathologies
mentales, l’observance est un pro-
blème majeur.
Les effets indésirables
Les résultats d’une enquête menée
auprès des patients psychotiques
suivis au centre médico-pédago-
gique de Saint-Egrève et commu-
niqués lors des “Journées de psy-
chiatrie pour les pharmaciens
hospitaliers” montrent que 53 %
des patients ont un niveau d’ob-
servance insuffisant alors que la di-
minution du nombre d’hospitali-
sations est significativement liée à
un comportement d’observance
(80 % des patients n’ont pas
rechuté depuis 5 ans). Cette non-
observance, constatée de façon
généralisée, résulte de certains fac-
teurs. On retrouve notamment la
survenue d’effets indésirables mal
supportés (surtout les effets neu-
rologiques), une attitude défavo-
rable du milieu familial ou rela-
tionnel, et enfin un manque de
confiance du patient envers son
médecin. Dans cette enquête,
80 % des patients se plaignent
d’une information insuffisante
donnée sur leur maladie et leur
traitement.
Comme dans tous les traitements
des maladies chroniques, les psy-
chotropes n’échappent pas aux
interactions médicamenteuses.
De même, la variabilité du méta-
bolisme des patients est à prendre
en compte. Ainsi, selon le Dr Pas-
cal Odou, pharmacien hospitalier
au CH de Dunkerque : «les inter-
actions peuvent se produire à cinq
niveaux qui sont la résorption, la
fixation aux protéines plasmatiques,
la biotransformation hépatique,
l’excrétion rénale, la fixation sur les
récepteurs au niveau du site d’ac-
tion. En fonction du principe actif,
tel ou tel niveau pourra être le
facteur déterminant qui rendra le
traitement inefficace ou toxique ».
A toutes ces caractéristiques phy-
sico-chimiques s’ajoutent les états
pathologiques eux-mêmes, qui
peuvent également modifier la ca-
pacité de l’organisme à biotrans-
former les principes actifs.
Mais les médicaments modifient
le fonctionnement psychique et
la capacité de comprendre et de
consentir. « Le médicament s’adresse
à la réalité biologique alors que
la psychothérapie par la parole
s’adresse à la singularité subjective,
explique le Dr Bernard Lachaux,
psychiatre au CH Paul-Guiraud
de Villejuif. Dans ce contexte, le
médicament est une molécule qui n’a
pas de sens par rapport à la singu-
larité de la personne et, comme tel,
il n’a de sens que par rapport au
sujet qui le sous-tend ; il peut donc,
dans certains cas, être imposé au
patient. »
Les risques iatrogènes
Le malade psychotique est un pa-
tient à risques iatrogènes et sa
fragilité se révèle aussi dans les af-
fections cardio-vasculaires. «La
mortalité cardio-vasculaire des pa-
tients schizophrènes est plus élevée
que celle de la population générale,
et un certain nombre de morts subites
inexpliquées seraient dues à des
arythmies vasculaires ayant pour ori-
Psychiatrie
Le paradoxe du soin en psychiatrie est de faire retrou-
ver au sujet une liberté interne tout en utilisant parfois
la contrainte pour préserver le sujet lui-même. Le
bénéfice des soins repose donc sur la faculté du
soignant à décider et du malade à consentir.