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Une dualité relative à chacun
Cette classification en bons et mauvais désirs de Platon aura eu des répercutions jusque
dans la philosophie de Baruch Spinoza. Aux yeux de ce philosophe du XVIIe siècle, le
rejet de tous les désirs corporels semble extrémiste, puisque la réalisation de ces désirs ne
mène pas forcément à la démesure ni à la souffrance. Prenons l’exemple du désir sexuel
qui, s’il est accompli avec parcimonie, permet la réduction du stress et la perpétuité de
l’humanité. Le désir est en fait ce qui permet l’existence, puisque « [personne] ne peut
désirer être heureux, bien agir et bien vivre qu’il ne désire en même temps être, agir et
vivre, c'est-à-dire exister en acte. »1 Certain désirs corporels peuvent amener de la joie et
non de la souffrance, amenant Spinoza à redéfinir quels désirs créent de la joie ou de la
souffrance. C’est ainsi que le philosophe distingue les désirs passifs des désirs actifs. Les
désirs passifs témoignent de la passion, et traitent de notre dépendance aux choses
extérieures. Les désirs actifs, quant à eux, sont les actions qui nous sont cause adéquates,
qui proviennent de nous, c’est-à-dire voulues et comprises par la raison, et qui nous
procurent de la joie. Or, pour Spinoza, les désirs ne sont en soi ni passifs ni actifs.
L’ensemble des désirs qui permettent de persévérer dans l’être et de trouver le bonheur
est relatif à chacun, et il est absurde de définir une liste de désirs qui créent de la
souffrance ou inversement. Trouver son utilité propre, son désir, c’est réussir à trouver les
désirs qui nous apportent de la joie, et donc, qui nous font persévérer dans l’être de
manière active. Les désirs actifs, en nous procurant de la joie, augmentent notre puissance
d’être, et subséquemment, notre adéquation. Spinoza amène néanmoins la subtilité selon
1 SPINOZA, Éthique, IV, 21