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RAPPEL DU SUJET
SUJET 1 : PEUT-IL EXISTER DES DESIRS NATURELS ?
LE CORRIGÉ
SUJET 1 : PEUT-IL EXISTER DES DESIRS NATURELS ?
I- Analyse du sujet
Sujet classique, simple dans sa formulation. Il ne pose aucune difficulté de compréhension, mais il exige de bien cerner
la question en veillant à prendre en compte tous les termes de l'énoncé.
Il s’agit en effet d’abord de qualifier les désirs (peuvent-ils être naturels). Si la définition du désir comme manque,
comme recherche de satisfaction peut aider à traiter la question, celle-ci ne porte pas sur la nature du désir mais sur la
manière de la qualifier. Il n’est pas inutile de souligner à ce propos que c’est l’existence de désirs naturels qui est en
question.
Si le sujet paraît simple à première lecture, il impose cependant une analyse précise, afin d’éviter des développements
trop généraux sur le désir.
II- La problématique du sujet
Par désir, on entend une tendance vers quelque chose, une attirance qui n’est pas de l’ordre de la raison, une force
spontanée, incontrôlable qui échappe à la volonté, une impulsion qui est souvent d’origine corporelle.
Il s’agit aussi de définir ce qu’on peut entendre par « naturel » : est naturel, ce qui s’oppose au culturel ou à l’artificiel, ce
qui est nécessaire, indispensable (ce dont on ne peut pas se passer) ; est naturel ce qui n’est pas historique, ce qui se
distingue par une certaine fixité à la différence de l’histoire qui se caractérise par le devenir, le changement.
Tel qu’il est posé, le sujet semble supposer que les désirs ne sont pas naturels autrement dit qu’ils ne sont pas innés,
donnés a priori, mais construits, acquis au contact des hommes par l’éducation ou la vie en société, ou encore qu'ils
sont acquis historiquement.
Ce qui est donc ici en question, c’est l’existence de désirs naturels, plus encore la possibilité même de cette existence.
Si, en effet, on situe le désir du côté de ce qui est modelé par des normes ou des valeurs, on doit s’interroger sur
l’existence éventuelle de désirs qui échapperaient à ces différentes formes de conditionnement.
On prendra bien soin de souligner le pluriel («des désirs naturels») qui invite éventuellement à distinguer parmi les
désirs entre ceux qui seraient naturels et les autres. Dans cette perspective, il y aurait ainsi au sein de cette catégorie
générique du désir, des différences spécifiques.
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III- La boite à outils
1. On peut partir, ainsi que le sujet le suppose, du fait que le désir est culturel, acquis, produit dans et par une histoire :
En effet, il se distingue de l’instinct qui renvoie à un modèle de comportement inné qui se transmet héréditairement. Le
désir sexuel par exemple ne saurait être réduit à un instinct : Freud a montré comment la sexualité humaine doit être
dissociée de la simple fonction de reproduction qui est la finalité à laquelle obéit l’instinct. Il a aussi souligné que la
satisfaction du désir sexuel n’a pas d’objet assigné comme le montrent la complexité et la variété des comportements
sexuels humains.
Il se distingue aussi du besoin qui relève du physiologique et implique un mode de satisfaction uniforme au sein d’une
même espèce et contribue à sa survie. Le désir excède la sphère des stricts besoins parce qu’il est susceptible de
renaître et de se prolonger par delà sa satisfaction.
On a ainsi souvent souligné la nature contradictoire du désir qui, tout à la fois, veut et ne veut pas être satisfait : dans le
Gorgias, Platon compare le désir à un tonneau percé qui doit être incessamment rempli, à un état de manque qui
s’auto-entretient et ne parvient jamais à l’assouvissement.
Il y a aussi une dimension sociale dans nos désirs. René Girard souligne dans La violence et le sacré la dimension
mimétique du désir : nos désirs sont souvent calqués sur ceux des autres. Ainsi, nous attendons des autres qu’ils nous
montrent ce qu’il faut désirer. Une telle approche souligne le caractère social - et non naturel - de nos désirs.
2. Que les désirs soient construits n’exclut pas qu’ils puissent constituer une réalité propre à l’homme.
Si le naturel désigne ce qui est commun à tous les individus, alors on peut considérer que le désir est naturel. Comme le
montre Spinoza, il y a un ordre naturel du désir qui est la caractéristique essentielle de l’homme. Il y a en chacun une
puissance d’agir qui se caractérise par l’effort que chaque être développe pour persévérer dans l’être. Cet effort, dont
l’homme a conscience, est le désir lui-même par lequel l’homme est naturellement déterminé à rechercher son bien
propre.
« Le désir se rapporte généralement aux hommes en tant qu’ils ont conscience de leurs appétits », Ethique III.
3. Le désir est naturel mais ses modes de satisfaction ne le sont pas : ils sont culturels, sociaux, politiques.
On pourra ici se reporter aux analyses de Marx qui montre comment dans les sociétés de consommation, c’est le
développement économique qui commande la satisfaction des désirs. Voir Introduction à une critique de l’économie
politique où il renverse l’explication traditionnelle selon laquelle les désirs seraient la source du développement
économique : c’est au contraire ce développement qui donne forme aux désirs.
Nos désirs sont aussi modelés en fonction de normes sociales ou politiques, dirigés vers des objets de consommation.
Les désirs sont par conséquent le produit d’une histoire individuelle et collective.
Au terme de ce parcours, on aura ainsi montré que le désir ne saurait être rangé du côté de la stricte naturalité parce
qu’il est plastique, conscient de lui-même et soumis à des variations en fonction des circonstances sociales, historiques
et politiques. Mais le caractère fabriqué et construit des désirs n’empêche pas de les considérer comme un caractère
propre à l’homme, par quoi il développe un rapport spécifique au monde.
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