La mémoire
La mémoire peut être définie comme la somme des informations encodées et retenues au cours d'une existence. Sans elle,
nous serions dépourvus d'identité et incapables de nous adapter. Cette mémoire est à la fois fragile et précieuse : à nous de
faire fructifier ce capital.
Ce qui nous rend humain
L'être humain se caractérise par deux traits : une conscience de soi et un apprentissage complexe (langue et culture).
Ces deux qualités d'Homo sapiens se fondent sur une faculté appelée mémoire.
L'homme est un animal qui fabrique et raconte des histoires, à commencer par l'histoire de sa vie. Nous nous
représentons notre passé comme un récit dont nous sommes l'acteur. C'est possible car nous possédons le souvenir de
nombreux épisodes de notre existence, datant pour certains de la petite enfance.
L'homme est aussi un animal qui apprend beaucoup : cet apprentissage est l'acquisition d'informations sur notre
environnement. Lorsque nous nous brûlons à la flamme d'une bougie, nous apprenons (et retenons !) le danger du feu. Il
existe ainsi des apprentissages associatifs (liés à un stimulus précis, comme dans le conditionnement) ou non-associatifs
(liés à des habitudes progressives, comme ne plus pleurer quand on voit un inconnu).
Beaucoup des informations que nous retenons sont inconscientes, certaines seulement seront rappelées à la conscience.
L'essentiel de notre mémoire reste caché !
Les mémoires humaines
Nous parlons dans le langage courant de la mémoire, mais il faut apprendre à conjuguer le mot au pluriel.
Notre cerveau est en effet le siège de plusieurs mémoires différentes.
Prenons au hasard ce qui revient dans l'esprit d'un individu réfléchissant à ce qu'il sait : ses pleurs lors de sa première
rentrée scolaire ; comment on fait du vélo ; ses dernières vacances formidables à l'Île Maurice ; deux synonymes du mot
vitesse ; le prénom de ses parents ; le numéro de téléphone composé deux minutes plus tôt ; les règles du tarot ; la
nécessité de s'arrêter au feu rouge ; le pluriel de cheval... toutes ces informations mémorisées ne sont pas de même
nature.
La première distinction concerne la durée d'un souvenir : on distingue le système de mémoire à court terme du système
de mémoire à long terme. Une information est d'abord encodée, puis stockée. Mais tout encodage n'est pas suivi d'un
stockage, car nous oublions en permanence des informations inutiles. Heureusement, sans cela notre cerveau serait vite
saturé !
Préserver, soigner, améliorer sa mémoire
Comme en témoignent les amnésies, les séquelles d'accident vasculaire ou encore la maladie d'Alzheimer, la mémoire
peut être endommagée par des troubles de diverse nature.
Elle est aussi malmenée par certaines de nos habitudes : les médicaments, les drogues, l'alcool, la mauvaise hygiène de
vie peuvent affecter nos souvenirs comme nos apprentissages.
La mémoire comme capacité est pourtant mobilisée tout au long de notre existence, et parfois beaucoup comme lors des
études ou de la vie professionnelle.
Dans ce dossier, vous trouverez toutes les informations pour comprendre le fonctionnement de vos mémoires, connaître
les pathologies qui les menacent, trouver des moyens de les améliorer.
Mémoire et émotions
Les émotions jouent un rôle fondamental dans la construction de nos souvenirs. Nous nous souvenons avec plus d'acuité de
nos premières aventures amoureuses, de nos accidents, de nos deuils, de ce que nous faisions lors de grands drames
collectifs comme le 11 septembre 2001... et nous oublions au contraire plus facilement ce qui relève de la routine.
La peur, bonne conseillère
Contrairement aux idées reçues, la peur est souvent une excellente conseillère : grâce à elle, nous retenons les situations
qui nous mettent en danger et les solutions que nous avons choisies.
Il en va de même pour la douleur : on ne remet pas deux fois le doigt sur la flamme d'une bougie !
Notre cerveau possède un « système de récompense » lui permettant d'enregistrer les sensations plaisantes et
déplaisantes, de rechercher les premières et de fuir les secondes. Ce système fonctionne bien pour guider l'organisme,
sauf dans certains dérèglements comme les addictions.
Gare aux traumatismes
Les événements extrêmes (accident grave, déportation, attentat, braquage, viol, agonie d'une personne chère) produisent
des souvenirs précis dans la mesure où ils sont associés à des émotions très fortes.
Cette mémorisation peut devenir envahissante, avec le souvenir du passé qui envahit chaque jour le présent : on parle
de stress post-traumatique. Ce trouble peut perturber durablement l'existence, et déboucher sur une anxié
généralisée ou une dépression.
Sans que ce soit nécessairement pathogène, on se souvient particulièrement bien de certains détails. Les chercheurs
parlent par exemple du syndrome de l'arme du crime : après un braquage, la victime a généralement une vision très
précise de l'arme du malfaiteur. Son attention s'est focalisée dessus et sa mémoire a éliminé les détails périphériques.
L'amygdale et les hormones
L'amygdale est une petite aire cérébrale en forme d'amande. Elle est située à côté de l'hippocampe, autre région
importante pour la mémoire.
L'amygdale est impliquée dans la gestion de nos émotions, notamment à travers plusieurs hormones et
neurotransmetteurs liés au stress et à l'humeur (adrénaline, noradrénaline, dopamine, sérotonine).
Les patients souffrant de lésions ou maladie dégénérative touchant l'amygdale ont de grandes difficultés à mémoriser
certains événements. Par exemple, ils n'associent pas un stimulus négatif (menace) avec la nécessité de fuir.
Un avantage évolutif
La théorie de l'évolution explique bien le rôle des émotions dans la mémoire : il s'agit d'un tri des expériences permettant
à l'individu de s'adapter aux situations nouvelles à partir des événements anciens.
Mémoire à court terme
Mémoire à court terme
Notre cerveau retient une information quelques dixièmes de seconde ou toute une vie. C'est la durée d'une information (trace
mnésique qui permet de distinguer les mémoires à court terme des mémoires à long terme.
Il existe deux mémoires à court terme : la mémoire sensorielle et la mémoire de travail
Mémoire sensorielle
Elle provient de nos sens, principalement de l'ouïe (mémoire échoïque) et de la vision (mémoire inconique). Par exemple,
quand vous conduisez une voiture, vous traitez et retenez en permanence des informations sur la route à suivre.
La plupart des informations provenant la mémoire iconique (visuelle) s'effacent après 500 ms (une demi-seconde).
La mémoire auditive ou échoïque est un plus résistante : les informations sont stockées jusqu'à une dizaine de secondes.
Mémoire de travail
Elle joue un rôle central dans l'accomplissement de nos tâches quotidiennes : la mémoire de travail est la clé de l'attention et
de la concentration.
Les exemples sont nombreux : retenir ce que dit un interlocuteur dans une discussion, faire un calcul mental, se souvenir
d'un numéro de téléphone en le composant, composer une phrase dans un courrier, etc.
La mémoire de travail mobilise et retient les informations utiles à toutes nos activités cognitives, pendant une durée de
quelques secondes à quelques dizaines de secondes.
Le chiffre magique 7 et la règle des 18 secondes
Les psychologues ont mis en évidence ce qu'ils appellent le « chiffre magique 7 » : nous sommes capables de retenir à court
terme sept unités d'informations différentes. C'est par exemple la raison pour laquelle nous regroupons nos numéros en
téléphone en trois à cinq nombres, au lieu de faire une suite de huit ou dix chiffres.
Le chiffre 7 est cependant variable : certains sont limités à 5, d'autres vont jusqu'à 9, selon leur capacité de concentration (ce
qu'on appelle l'empan de la mémoire de travail).
Une information traitée par la mémoire de travail, si elle n'est pas rappelée par un effort d'attention, survit en moyenne 18
secondes avant de disparaître : au-delà, 90 % des informations sont oubliées. Mais on peut bien sûr retenir plus longtemps
une information en se la répétant régulièrement.
Mémoire à long terme
Mémoires à long terme
La mémoire sensorielle et la mémoire de travail retiennent les informations sur le très court terme. Mais
notre cerveau encode aussi des informations sur une très longue période, souvent la vie entière : ce sont les mémoires à
long terme.
On distingue deux systèmes de mémoire à long terme : déclarative (ou explicite) et non-déclarative (ou implicite).
Mémoire déclarative
Elle rassemble à son tour deux types de mémoire : épisodique et sémantique. Nous pouvons rappeler les souvenirs
concernés, et ils deviennent alors explicites.
Mémoire épisodique
La mémoire épisodique est la somme des événements que nous avons vécus. Le rappel des souvenirs de la mémoire
épisodique est volontaire (par exemple rechercher le nom exact de l'hôtel où l'on avait passé de si belles vacances voici cinq
ans) ou involontaire (par exemple nous croisons dans le métro un homme moustachu qui nous rappelle le souvenir de notre
professeur d'anglais au collège).
Les souvenirs sont rares avant l'âge de cinq ans, quasi-inexistants avant 2-3 ans.
Dans les deux tiers des cas, nos souvenirs se passent à la première personne (comme un film dont nous serions la caméra) ;
mais dans un tiers des cas, nous nous voyons comme acteur dans le film de ces souvenirs, à la troisième personne.
Mémoire sémantique
La mémoire sémantique désigne l'ensemble des connaissances pratiques ou théoriques que l'on a acquises et conservées.
Son domaine est très large : le sens des mots, la manière de poser une soustraction, les règles de l'orthographe, la recette
de l'oeuf dur, le sens des aiguilles sur une horloge, le code de la route, etc.
La mémoire sémantique concerne des domaines génériques d'apprentissage, indispensables au bon déroulement de
l'existence. Tout groupe humain (comme une nation) est fondé sur une mémoire sémantique collective, c'est-à-dire des
règles qu'il faut apprendre et retenir.
Mémoire non-déclarative
Elle concerne des informations acquises et durablement retenues, mais qui ne font pas l'objet d'un rappel conscient.
Un exemple simple concerne les formes procédurales de la mémoire : nous apprenons à nager, à faire du vélo, à conduire...
et ces règles restent inscrites sans effort. Elles nous reviennent quand nous sommes en situation de les appliquer. Plus nous
pratiquons, plus elles reviennent facilement.
La mémoire implicite se confond en partie avec l'inconscient. De surprenantes expériences sur les amnésiques ont montré
que si leur mémoire épisodique est effacée, leur mémoire procédurale reste intacte. Elle ne renvoie pas au même système
neuronal dans le cerveau.
Bien des phénomènes de la vie quotidienne relèvent de la mémoire implicite et inconsciente. Si nous avons subi un
désagrément dans une situation donnée (par exemple, un vol à l'arraché dans une rue piétonne), le souvenir même non
explicite peut guider en partie notre comportement (inconsciemment, nous évitons la rue, nous serrons notre sac contre
nous, nous sommes stressés, etc.).
La mémoire non-déclarative fait aussi que nous sommes sensibles à des stéréotypes ou des préjugés, qui peuvent
apparaître tôt au cours du développement : le bébé produit déjà certaines associations, et bien sûr nous le faisons tout au
long de notre vie.
La psychanalyse est en large partie fondée sur l'exploration de cette mémoire enfouie, non-déclarative, qui influence nos
comportements sans passer par la conscience.
Cerveau - Où sont stockés les souvenirs ?
Centres cérébraux
Il existe plusieurs mémoires, et donc plusieurs centres cérébraux dédiés à l'encodage et au stockage des informations. La
mémoire n'est pas figée dans une seule aire cérébrale, mais distribuée dans plusieurs zones.
Cortex préfrontal
La mémoire de travail met principalement en jeu le cortex préfrontal lors des tâches cognitives demandant attention et
concentration.
Mais d'autres aires cérébrales sont mobilisées : cortex prémoteur, cortex pariétal, cortex occipital.
Hippocampe
L'hippocampe est une petite région du cerveau ancien (limbique), ayant la forme d'un cheval de mer.
L'étude de patients devenus amnésiques après une opération chirurgicale du cerveau a montré que l'hippocampe joue un
rôle fondamental dans la formation de nos souvenirs.
Pour autant, l'hippocampe ne stocke pas les souvenirs de la mémoire à long terme : c'est une sorte de carrefour, avec de
nombreuses voies de signalisation vers des zones du cortex.
Notre hippocampe se modifie avec notre activité intellectuelle : on a montré que les chauffeurs de taxis, qui doivent
mémoriser beaucoup de rues, ont un hippocampe plus volumineux que la moyenne !
Des cartes cognitives
On peut se représenter les informations stockées dans le cerveau comme des « cartes » par lesquelles les neurones forment
des routes (des réseaux neuronaux) où l'information circule.
Ces cartes sont distribuées dans plusieurs aires : faits et événements passent par le lobe temporal et le diencéphale,
habitudes et pratiques empruntent la voie des noyaux gris centraux, réflexes et automatismes sont logés
au coeurdu cervelet. Et la plupart de ces voies sont reliées au néocortex qui joue le rôle d'agent de la circulation.
L'exemple des joueurs d'échecs
Les chercheurs ont étudié le cerveau des joueurs d'échecs, grands maîtres ou amateurs. Les premiers allument plusieurs
aires cérébrales pendant un match : le cortex préfrontal, où ils projettent des coups à venir en conservant pendant quelques
secondes l'information sur l'évolution des pièces sur l'échiquier ; mais aussi de nombreuses zones anciennes du cerveau, où
ils ont stocké des schémas récurrents de jeu.
On considère qu'un joueur d'échecs professionnel possède environ 100.000 figures de jeu en mémoire. Plus il pratique, plus
l'information circule vite sur les routes neuronales, plus il prend des décisions correctes et rapides dans une situation de jeu.
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