ront une origine très biologique (voire géné-
tique), d’autres une origine plus psychique,
d’autres plus environnementale. Les com-
portements d’alcoolisation qui en découlent
seront très différents les uns des autres, les
dommages causés se-
ront variables. Il reste
donc à identifier les
"bons couples" : pour
tel type de malade, tel
type de traitement.»
Faudrait-il dès lors
s’étonner qu’il n’existe
pas (pas encore) de re-
connaissance collective
des malades alcooli-
ques ? Le patient existe
certes (du moins quand
il en est parvenu au
stade d’acceptation de
ce statut) mais les pa-
tients n’existent pas ; du moins pas en tant
que communauté souffrante. Pas de reven-
dications groupées puisque chacun est le
plus souvent renvoyé au péché originel :
soit, ici, celui ne pas avoir su résister. Résister
non pas à l’alcool mais bien à ses sirènes. Ne
pas avoir su/voulu
anticiper l’heure des
supplices. Ne pas
avoir eu le courage
de se faire encorder,
le moment venu, au
mât.
L’individualité du
malade n’est d’autre
part nullement re-
connue par la stan-
dardisation de la do-
se qui conduit au pé-
ché. Soit le trop bien
nommé verre «stan-
dard» (7 cl d’apéritif
à 18°, 2,5 cl de diges-
tif – whisky, pastis
à 45°, 10 cl de cham-
pagne à 12°, 25 cl de
bière à 5°, 10 cl de
vin rouge ou blanc à
12°) et les fréquen ces
(quotidienne, heb do-
madaire, men suelle)
de son absorption.
«Comment expli-
quer qu’une affec-
tion qui touche un
1894 Revue Médicale Suisse
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28 septembre 2011
actualité, info
Managed care :
le Parlement finit
par dire oui
Pour Didier Burkhalter, dont la -
élection au Conseil fédéral n’est pas
complètement acquise en décem bre,
lenjeu était de taille. Et le ministre
libé ral-radical, qui laisse dordinaire
peu transparaître ses émotions, avait
de la peine à retenir un sourire. A
moins d’une surprise lors des votes
finaux de la session, la fastidieuse
révision sur les réseaux de soins – la
révision dite du Managed Care – est
sormais sous toit.
Par 111 voix contre 39 avec 10 abs-
tentions, le Conseil national sest ral-
lié à la proposition de compromis
élaborée par la conférence de con-
ciliation après sept ans de palabres.
Un soutien assez clair, qui confirme
celui – 28 voix contre 8 – du Conseil
des Etats la semaine dernière. Au fi-
nal, la minorisocialiste emmenée
par la Zurichoise Jacqueline Fehr
n’aura pas réussi à ébranler la volonté
du parlement (lire ci-contre).
Concrètement, a résumé Didier Burk-
halter au sortir des débats, les -
seaux de soins intégrés, traitant le
cas de chaque patient de A à Z, «de-
vront devenir la norme». Selon ces
modèles, les patients se fèrent au
même interlocuteur, qui coordonne
la suite du déroulement. Pour inciter
les assus à s’affilier à de telles
structures, ceux qui opteront pour
un réseau continueront à s’acquitter,
une fois leur franchise atteinte, d’une
quote-part de 10%. Comme aujour-
d’hui. En revanche, les partisans du
libre choix du médecin verront leur
participation aux coûts grimper à
15%.
Des pourcentages, a souligné Didier
Burkhalter, à mettre en relation avec
le montant annuel maximum de la
participation aux frais, fixé à 500
francs pour les membres d’un ré-
seau et à 1000 pour les autres. Par
rapport au plafond actuel de 700
francs, les premiers économiseront
200 francs par an, les seconds ver-
ront leur facture gonfler de 300
francs.
Tous les modèles de seaux exis-
tants ne seront toutefois pas concer-
nés. A l’avenir, ils devront répondre à
un certain nombre de critères, âpre-
ment négociés au parlement. Ainsi,
Les malades alcooliques existent-ils ?
Rien n’est jamais simple avec l’alcool. Et
tout se complique bien vite avec les alcoo-
liques, qu’ils soient ou pas anonymes. Alcool-
alcohol. On se plaît souvent à imaginer qu’il
ne s’agit ici que de la version occidentale
d’un terme arabe (al-khôl) désignant de fines
poudres servant de base à l’élaboration de
fards. Ce serait bien trop simple et l’étymo-
logie nous conduit en réalité vers la théra-
peutique et la spiritualité, la finesse et la
subtilité, l’esprit-de-vin et l’eau-de-vie, l’al-
cool à brûler et la dépendance alcoolique.
Tout, ou presque, est dit avant même que
d’être bu.
Où que l’on aille cette complexité est om-
niprésente. On la retrouve aujourd’hui dans
l’ouvrage 1 que le psychiatre et alcoologue
Philippe Batel consacre à ce dévorant sujet.
A qui s’adresse un tel livre ? Aux médecins
non alcoologues dont l’exercice est directe-
ment ou pas concerné par les dimensions
pathologiques multiformes de l’alcoolisme ?
Aux personnes concernées au premier chef ?
A leurs proches qui souffrent autant sinon
plus, car ne pouvant – ils – se réfugier dans
le déni qu’offrent des alcoolémies élevées et
récurrentes ? A tous ceux qui redoutent d’en-
trer dans un cercle généralement qualifié
(faute de mieux) d’infernal et dont tant aime-
raient enfin sortir ?
Complexité médicosociale omniprésente
puisqu’il s’agit de vulnérabilité et d’excès,
de dépendance et de dépendances associées
ainsi, corollaire, que d’un éventail thérapeu-
tique sans équivalent. Comment dans ces
conditions oser imaginer, pour reprendre le
titre de l’ouvrage, que l’on parviendra un
jour à en finir avec l’alcoolisme ? Comment
l’imaginer alors même que l’on en sait aussi
peu sur une pathologie standardisée dont
les déterminants sont essentiellement indi-
viduels ? Optimiste, l’auteur aborde à sa fa-
çon ce sujet dans la conclusion.
«La personnalisation du contenu des soins
en fonction du malade est le véritable pari
de la recherche en alcoologie pour les dix
prochaines années, écrit-il. Elle s’impose parce
que les niveaux de manifestations comme
les origines de la maladie alcoolique sont
pluriels. Certaines alcoolodépendances au-
citoyen sur dix et le tue précocement n’ait
pas d’organisation associative capable de
fédérer les actions, d’exercer une pression
importante sur les pouvoirs publics pour
faire progresser l’accès aux soins et de re-
cueillir des fonds pour la recherche, s’inter-
roge Philippe Batel. Comment expliquer l’ab-
sence de conseil scientifique dans les groupes
d’entraide ? Comment expliquer qu’une puis-
sante fondation ne fédère pas les actions de
recherche alors qu’existent l’Institut du can-
cer et celui des maladies du cerveau ? Les
malades de l’alcool sont-ils trop honteux
pour être curieux des progrès scientifiques
réalisés dans la compréhension et le traite-
ment de leur trouble ? Se sentent-ils trop in-
en marge
«Comment expliquer qu’une
affection qui touche un citoyen sur
dix et le tue précocement n’ait pas
d’organisation associative»
pdphoto.org/Jon Sullivan
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fâmes ou trop perdus pour exiger de leurs
médecins les techniques de soins les plus en
pointe, et des pouvoirs publics d’avoir un
dispositif de soins performant et une re-
cherche très soutenue ? Pensent-ils qu’ils ne
"méritent" pas les progrès de la science ?».
Et l’auteur, décidément optimiste, de pa-
rier qu’une meilleure connaissance des mala-
dies alcooliques serait de nature à favoriser
leur reconnaissance. Sans doute est-ce pos-
sible. A moins que ne continue à prévaloir la
perception fataliste et religieuse du «qui a
bu boira». La découverte de la trop fameuse
pyramide de Skinner n’a pas à elle seule pu
empêcher que l’on continue à en gravir les
étages. «Cette folie furieuse et inguérissable
de l’alcool qui, parfois, fait ressembler les
marins à des brutes déchaînées» écrivit, dit-
on, Octave Mirbeau (1848-1917). Percevons-
nous autrement, aujourd’hui, ceux qui, à leur
corps ou non défendant, s’adonnent à toutes
les formes de l’alcool ?
Jean-yves Nau
jeanyves.nau@gmail.com
1 Batel P. Pour en finir avec l’alcoolisme (nouvelle édition)
Paris : La Découverte-Inserm, 2011. ISBN : 978-2-7071-
6779-8.
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