CHIFFRES nécessaire avant que soit disponible une description riche de tel ou tel phénomène pour lequel un système d'observation était conçu ; on en a souvent sous-estimé les délais dans le passé, mais on en récolte aujourd'hui les fruits. Il y a aussi un assainissement des idées. Tout le monde, dans le public, comprend que certains messages ont été trompeurs. Tout le monde est prêt à croire qu'il n'existe pas en économie de remède indolore permettant de corriger les erreurs que l'on a commises ou le résultat néfaste des facilités que l'on s'est permises. Beaucoup sont prêts à faire un effort pour écouter ceux qui, avec sérieux et sans arrière-pensée politique, leur exposeraient les termes vrais des alternatives économiques. Une telle attitude de réceptivité devrait susciter des vocations et orienter quelques chercheurs connaissant bien leur discipline vers la transmission au public de ce sur quoi les spécialistes sont parvenus à un certain degré de consensus. Car il y a assainissement des idées également chez les économistes. Certains n'ont certes pas abandonné l'adhésion à l'une ou l'autre des théories totalisantes qui s'affrontent depuis longtemps. Des modes alternantes conduisent même à faire grand cas tantôt de l'une tantôt de l'autre parmi certaines recherches que ces théories stimulent. Mais la grande majorité des économistes en arrive à une attitude beaucoup moins partiale. La signification, les limites mais aussi le domaine de validité des grandes théories économiques sont généralement bien reconnus. Les lacunes, évidemment encore considérables, de la compréhension scientifique des phénomènes économiques sont, elles aussi, de mieux en mieux reconnues. Ainsi, pour quiconque la vit de l'intérieur, la recherche économique actuelle n'apparaît pas comme cacophonique. Il ne faut s'attendre ni à des découvertes révolutionnaires ni à l'émergence de théories synthétiques essentiellement nouvelles mais à une meilleure mise en place et à une extension progressive de ce qui est sûr. Cependant, je garde une inquiétude. Mes collègues économistes français sauront-ils tous comprendre, en 1990, quelle division des rôles devrait prévaloir dans une société moderne comme la nôtre ? Puisque la science économique est maintenant déjà trop complexe pour être directement comprise par les non-spécialistes, ce sera un devoir social, pour quiconque, s'adressant à un large public, prétendra traiter scientifiquement des phénomènes économiques, de le faire avec la préoccupation unique de dire le vrai. L'engagement politique devra être soigneusement distingué du témoignage scientifique. L'envie de briller et les plaisirs littéraires devront être sacrifiés au bénéfice du souci de trouver la forme d'exposé le plus apte à faire comprendre ce qui aura été établi et ce. qui ne l'aura pas été. La seule nuance que je concède par rapport à cette consigne de rigueur et d'austérité intellectuelle consiste à admettre qu'il faudra néanmoins intéresser assez pour susciter de nouvelles vocations de chercheur en économie car, bien que demeurant l'une des disciplines les plus ingrates, l'économie n'en sera pas moins l'une des plus indispensables. E. M. LES COMPTES DE LA FRANCE EN 1990 Les ordinateurs américains ont calculé l'avenir de l'économie française D urant les années quatre-vingt-dix, le nombre des travailleurs à la recherche d'un emploi va se raréfier pour des raisons de démographie — et à la fin de la décennie le nombre des chômeurs pourra enfin retomber au-dessous de la barre des deux millions. Le P.N.B. croîtra à un rythme de 2,5 % par an en moyenne. Mais l'inflation devrait aussi persister dans la gamme des 8 à 10 % par an. » Pardon, Monsieur Delors. Ces prévisions pour l'économie française, qui vont pour la première fois jusqu'à l'an 2000, sortent des ordinateurs de la Chase Econometries, l'un des grands spécialistes américains en la matière. Même si les puristes de l'analyse économétrique peuvent mettre en doute la capacité des « modèles » à prévoir aussi loin, il s'agit d'un coup de projecteur vers un avenir possible sur le plan politique, intérieur comme extérieur. Il est en effet bigrement intéressant, ne serait-ce que « pour voir », de chiffrer, par exemple, le P.I.B. de la France à cette époque. Réponse 8 248 milliards de francs en 1990, plus du double de celui d'aujourd'hui... Et même le gâteau monte à 24 135 milliards de francs en l'an 2000, soit une multiplication par six ! En 1990, la population restera proche de 55 millions d'individus, le nombre des chômeurs sera (encore) de 2,1 millions de personnes. On construira de nouveau 370 000 logements, comme dans les années soixante-dix, on immatriculera 2 116 000 voitures, soit à peine plus que maintenant. Une bonne nouvelle : les salaires seront «actement le double de ceux de 1983, et lei prix n'auront été multipliés que par 1,84 : enfin une embellie pour le pouvoir d'achat ! Les taux d'intérêt seront revenus à 10 07o par an, comme au bon vieux temps et, ô miracle, le Dollar ne vaudra plus que 7,83 francs français avant de passer, il est vrai, à 10,47 francs en l'an 2000. De son côté, le deutsche Mark aura atteint 4,37 francs français, ce qui promet encore quelques réajustements. Le déficit commercial, hélas, sera à nouveau au-dessus des cent milliards de francs (de l'époque, ce qui représente finalement un déficit moindre), mais celui des paiements courants restera faible : cinq milliards. Tant mieux, la France ne sera donc pas obligée de s'endetter. DOMINIQUE THIÉBAUT 1989 1990-: les variations sur douze mois + 2,2 % P.N.B + 4,6 07o Importations + 2,3 go Consommation des ménages 3 07o Investissement + + 4,2 07o Exportations + 9,3 % Inflation + 11,3 % Salaire horaire — 2,3 % Chômage (1) 279,4 milliards de F. Déficit de l'Etat Déficit commercial (2) 132,4 milliards de F. - (I) Soit 9,1 % de la population active de l'époque. (2) F.A.B./C.A.F. Source : Chase Econometrics. DEMANDEURS D'EMPLOI Moins de deux millions.., en l'an 2000 Le Nouvel Observateur 35