4 LA GLOBALISATION FINANCIERE 4-1 PROCESSUS ET EFFETS ESCOMPTES Identifier les effets attendus de la globalisation financière Caractériser et repérer les principaux flux financiers internationaux La globalisation financière résulte d’un long processus vers la libéralisation du marché international des capitaux devant aboutir à un marché mondial intégré. En théorie, la globalisation financière doit permettre une allocation optimale des ressources financières à l’échelle internationale et donc un financement plus efficace des activités internationales. Il devrait en résulter une croissance accrue au niveau mondial et le rattrapage des pays en développement. De plus, les innovations financières nées de la concurrence entre places financières sont censées offrir des instruments financiers visant à assurer une protection contre les risques. I. LE PROCESSUS DE GLOBALISATION FINANCIERE A. LA NOTION DE GLOBALISATION FINANCIERE - concept qui désigne les mutations qui ont affecté les principes de fonctionnement de la finance. - processus d’intégration des marchés internationaux de capitaux sous le double impact de la libéralisation financière et internationale des capitaux d’une part, et, d’autre part, de l’ouverture des économies nationales aux transactions internationales, processus devant aboutir à la formation d’un marché unique et mondial de capitaux. Aujourd’hui, les places financières sont des salles de marché interconnectées par les réseaux modernes de TIC (unité de lieu) et le système financier international fonctionne en continu (unité de temps), 24 heures sur 24, successivement sur les places financières d’Extrême-Orient, d’Europe et d’Amérique du Nord. La globalisation financière s’est manifestée par : - Une croissance quasi-exponentielle des transactions financières internationales depuis le début des années 1980. Exemple : le volume journalier de transactions internationales sur le marché des changes a été multiplié par 4 entre 1992 et 2007 pour atteindre plus de 3200 milliards de dollars en 2007, soit plusieurs centaines de fois celui des échanges commerciaux. - Les progrès de l’ingénierie financière (innovation financière) ont permis la diversification des instruments financiers utilisables sur les marchés. - Un découplage ou une déconnexion entre l’économie (ou la sphère) réelle et la sphère financière, les capitaux s’étant autonomisés: Les échanges financiers entre pays de l’OCDE ont augmenté quatre fois plus vite que leur production (PIB) lors des vingt dernières années. La répartition de l’épargne se réalise désormais au niveau mondial : les capitaux toujours plus mobiles se déplacent spontanément vers les places financières les plus attractives. Depuis le début des années 2000, une épargne de plus en plus abondante, en provenance principalement des pays émergents (Chine en tête), mais aussi, dans une moindre mesure, de l’Allemagne et du Japon, cherche à se placer à l’étranger (aux États-Unis ainsi que dans divers pays d’Europe occidentale, mais dans une plus faible proportion). Les États-Unis drainent presque la moitié de l’épargne mondiale. B. LES DETERMINANTS DE LA GLOBALISATION FINANCIERE 1. La suppression des obstacles à la libre circulation des capitaux La libéralisation et l’ouverture des marchés de capitaux sont devenues quasi totales dans les années 1980-1990 grâce à une triple évolution, appelée «les 3 D» : la déréglementation des marchés, grâce à l’abolition du contrôle des changes et des restrictions internationales aux mouvements de capitaux. la désintermédiation, qui se traduit par le développement de la finance directe, c’est-à-dire le recours de plus en plus important aux marchés financiers (par émission de titres), sans passer par les intermédiaires financiers et bancaires. le décloisonnement des marchés, qui correspond à la suppression des frontières nationales entre les marchés et, à l’intérieur de ceux-ci, à l’éclatement des compartiments existants (marché monétaire, marché financier, marché des changes, etc.), permettant de passer facilement d’un marché à l’autre. 2. Le déterminisme technologique Il permet d’expliquer la globalisation financière. En effet, les NTIC ont permis l’accélération de la circulation de l’information au niveau mondial (diffusée en temps réel) ainsi que l’interconnexion des entreprises et des places financières mondiales. Les transactions financières sont facilitées par des réseaux informatiques sans délai ni coût importants. II. LES EFFETS ESCOMPTES DE LA GLOBALISATION FINANCIERE A. UNE ALLOCATION OPTIMALE DES RESSOURCES DEVANT FAVORISER LA CROISSANCE MONDIALE 1. Un meilleur fonctionnement des marchés Les défenseurs de la globalisation financière avancent l’argument selon lequel l’allocation optimale des ressources financières au niveau mondial grâce à la mobilité des capitaux améliore les capacités du système financier et devrait aboutir à des gains d’efficience. En effet, l’ouverture des économies permet une orientation plus profitable de l’épargne mondiale, tant du point de vue des emprunteurs que de celui des prêteurs. Ainsi, les capitaux disponibles s’orientent vers les places financières plus rentables. Parallèlement, les emprunteurs peuvent trouver des sources de financement moins onéreuses sur le marché mondial que dans les limites plutôt étroites de leur marché national. 2. Le rattrapage des pays en développement L’allocation optimale des ressources financières au niveau mondial permet alors de stimuler les secteurs d’activité des pays les plus dynamiques des PED tels que les pays émergents (Brésil, Chine,…). Elle favorise donc la croissance de la production dans ces secteurs d’activité et augmente leur richesse mondiale. Le développement des échanges est source de croissance au niveau mondial et doit théoriquement permettre aux PMA de rattraper leur retard. Dans les faits, même si la majorité des échanges financiers sont effectués entre pays développés, on constate que les flux de capitaux privés à destination des pays émergents ont fortement augmenté, ce qui a largement contribué à financer leur croissance. Cette catégorie de « marchés émergents » regroupe des pays dont la caractéristique commune est d’avoir un potentiel de croissance et de développement financier important. Une cinquantaine de pays appartiennent à cette catégorie (Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Bulgarie, Chili, Chine, Corée du Sud, Égypte, Estonie, Hong Kong, Hongrie, Inde, Indonésie, Israël, Jordanie, etc.). Les pays les moins avancés (les pays d’Afrique subsaharienne, essentiellement) ont beaucoup moins profité des financements extérieurs. B. UNE PROTECTION ACCRUE CONTRE LES RISQUES GRACE AUX INNOVATIONS FINANCIERES Mis à part les « subprime », des gains d’efficience sont également attendus au niveau du fonctionnement même des marchés de capitaux, grâce aux facteurs suivants : l’existence des marchés larges et liquides permet aux agents économiques de diversifier leurs placements et donc de diminuer les risques associés. la multiplication des innovations financières, notamment depuis la fin des années 1980, permet aux acteurs économiques de gérer et de couvrir les risques de leurs activités économiques et financières (risque de change, risque de taux suite à un crédit, risque de variation du prix des matières premières, etc.) Le développement du marché des produits dérivés (regroupant des marchés à terme et des marchés d’options négociables) a permis d’améliorer la protection contre ces différents risques. Un produit dérivé est un titre dont la valeur est fonction de celle d’un autre actif, appelé « sous-jacent ». Ce dernier peut être un actif physique (du blé, du pétrole, de l’or, etc.), une devise ou un titre (des actions, des obligations) Ces titres sont utilisés par les entreprises comme des « assurances » de manière à ne réaliser ni gains ni pertes sur leurs opérations économiques (achat ou vente à l’étranger, achat de matières premières dont le cours fluctue, crédit, etc.). Ces avantages attendus de la globalisation financière supposent plus ou moins implicitement que les marchés fonctionnent correctement. Certains phénomènes conduisent à s’interroger sur le degré d’efficience des marchés. 4-2 LES RISQUES DE LA GLOBALISATION FINANCIERE Identifier les risques financiers au niveau mondial Les marchés financiers génèrent des risques spécifiques qui se trouvent renforcés avec la globalisation financière. L’instabilité qui en résulte sur les marchés aboutit depuis le début des années 2000 à des crises financières à répétition (crise des subprime en 2007 et crise de la dette souveraine en 2011) qui se généralisent à l’économie mondiale et viennent perturber durablement la sphère réelle (crise économique). I. L’ACROISSEMENT DES RISQUES FINANCIERS A. LES DIFFERENTS TYPES DE RISQUES FINANCIERS 1. Les risques liés aux échanges sur les marchés financiers - Les risques de contrepartie (ou risque de crédit) qui reposent sur l’éventuelle défection du débiteur. Tout créancier (banque accordant un crédit, agent achetant une obligation ou une action sur le marché financier), dès lors qu’il a une créance sur un agent, se trouve exposé au risque que son débiteur ne rembourse pas sa dette à l’échéance. C’est donc le risque que la partie avec laquelle un contrat a été conclu ne tienne pas ses engagements. Exemple : un actionnaire individuel peut craindre que la société dans laquelle il investit fasse faillite et soit insolvable, ou enregistre des mauvais résultats qui mettent en péril sa pérennité. - Les risques de marché liés à la variation des cours boursiers peuvent se définir comme le risque financier dû à l’incertitude quant à la valeur future d’une action ou d’un portefeuille d’actions. Il peut conduire à des gains (plus-values) ou à des pertes (moins-values) et correspond ainsi à un aléa de marché. Ils peuvent résulter: d’une détérioration de la situation financière de l’émetteur (risque de contrepartie). Pour diminuer ce type de risque, il est préférable de diversifier ses placements au sein d’un portefeuille d’actions, de manière à ce que les fluctuations affectant un titre soient compensées par les autres titres. d’une dégradation du marché des actions, c’est-à-dire de l’ensemble des valeurs (mesurable par des indices boursiers comme le CAC 40 en France). Les risques de marché ne sont pas toujours facilement identifiables c’est pourquoi, des agences de notation (Fitch Ratings, Moody's et Standard & Poor's) analysent ces risques mais les informations sont complexes et s’adressent à un public averti. De plus, les comportements des agents économiques amplifient ces risques : Les comportements de mimétisme Une certaine conception de la finance, d’inspiration keynésienne, montre que les marchés financiers se caractérisent par d’importantes imperfections qui conduisent à leur instabilité et à leur incapacité à procéder à une allocation optimale des ressources. En effet, l’information imparfaite amène les opérateurs à suivre un comportement grégaire et mimétique en espérant que leurs « voisins » soient mieux informés. Au lieu d’adopter un comportement rationnel, les investisseurs individuels (les « zinzins ») (sociétés d’investissement, fonds de pension et sociétés d’assurances) se fondent sur les opinions partagées des autres agents et se contentent de suivre la tendance à la hausse comme à la baisse, renforçant ainsi les excès du marché. Il survient alors une déconnexion entre la valeur réelle des actifs et leur valeur marchande ou spéculative. Les comportements moutonniers font anormalement grimper les cours de titres financiers ce qui explique la formation puis l’implosion de bulles financières. Le phénomène d’aléa moral désigne une situation de risque née de la perspective d’un agent qui se sait garanti contre le risque mais continue à prendre davantage de risques. C’est le cas des banques qui ont bénéficié des plans de sauvetage opérées par les Banques centrales et/ou les États qui ont amené ces dernières à se sentir protégées contre leurs propres imprudences mais celles-ci ont continué à prendre davantage de risques lors de l’octroi de crédits ou de l’exécution d’opérations de marché.. 2- L’instabilité croissante des marchés financiers - Une instabilité inhérente au fonctionnement des marchés financiers dans le sens où le comportement des agents n’est pas régi par la loi de l’offre et de la demande telle qu’on la connait sur les autres marchés mais par des comportements de mimétisme. Les marchés financiers n’ont pas les vertus autorégulatrices des autres marchés qui sont régis par la loi de l’offre et de la demande mais fonctionnent de manière inverse : lorsque les cours montent, la demande augmente au lieu de se contracter. L’ensemble des agents, acheteurs ou vendeurs, adoptent le même comportement, favorisant les amplitudes de cours et l’instabilité des marchés. Ainsi, la hausse du prix des titres devient le signal d’une incitation à acheter des titres financiers en augmentation dont les investisseurs ne veulent pas rester à l’écart. - La multiplication des innovations financières depuis la fin des années 80 a favorisé le développement de la spéculation. Cette activité consiste à acheter ou à vendre un titre financier ou une valeur monétaire dans l’objectif d’en tirer une plusvalue relativement rapide grâce à la variation de son cours tout en prenant le risque d’une variation inverse. Ces comportements spéculatifs ont accru la volatilité des marchés qui se manifeste par une forte instabilité des indices boursiers, des taux d’intérêt et des taux de change. La diminution de la durée moyenne de détention des actions à sept mois témoigne de l’accélération de la spéculation sur les marchés sur lesquels une logique financière de court terme l’emporte sur la logique économique de long terme car censée favoriser le développement économique. B. LA MULTIPLICATION DES CRISES FINANCIERES Depuis le début des années 80 c'est-à-dire de la mondialisation, l’économie mondiale connaît une multiplication de crises financières (1982 : crise de la dette des PED, 1987: Crack boursier, 1994 : crise du peso mexicain, 1997: crise asiatique, 1998: crise russe, 1999: crise du real brésilien, 2001: crise argentine, 2007: crise du « subprime », 2011 : crise de la dette souveraine). On distingue trois types de crises financières : - Les crises boursières qui se manifestent par un retournement brutal de la tendance haussière suivie d’un effondrement brutal des cours des titres financiers. On parle de « dégonflement » de la bulle financière (exemple : la crise de 1929) - Les crises bancaires suite à une situation financière très dégradée des banques qui doivent rembourser des créanciers mais n’ont pas l’argent à leur disposition immédiate pour le faire. Ces crises peuvent aboutir à une crise de liquidité rendant difficile le financement de l’activité économique. La crise financière de 2007 a montré que les banques américaines ont accordé des crédits « subprime » avec peu de rigueur, car les risques sur ces crédits ont été massivement transférés à d’autres agents économiques par le bais de la titrisation (introduction d’une créance toxique dans un titre) - Les crises de change qui se produisent lorsque les investisseurs perdent confiance dans la monnaie d’un pays en particulier et retirent leurs capitaux ce qui génère une forte dépréciation de la monnaie du pays considéré. Ces crises ont souvent pour origine des comportements de spéculation (exemple : la crise asiatique de 1997). II. LA PROPAGATION DES CRISES FINANCIERES A. L’INTERDEPENDANCE ENTRE SPHERES FINANCIERE ET REELLE Une crise financière peut se propager à l’ensemble de l’économie par une série de trois effets : - un effet psychologique : une crise de confiance gagne l’ensemble des agents économiques qui modifient simultanément leurs anticipations freinant ainsi leurs investissements, provoquant une baisse des revenus, une baisse de la consommation, une baisse de la croissance et une explosion du chômage. (krach boursier de 1929) - un effet de trésorerie parce que les entreprises en faillite et les banques enregistrant des pertes importantes sur les marchés financiers fragilisent les perspectives d’emploi et d’activité. La transmission des crises par le canal bancaire provient de la raréfaction du crédit (« credit crunch ») qui freine l’investissement et la consommation, et ainsi la croissance et l’emploi. Exemple : de nombreuses banques, américaines notamment, ont fait faillite suite à la crise des subprime de 2007 suite aux pertes réalisées sur les marchés boursiers et à la panique des épargnants qui ont retiré leurs économies, les précipitant ainsi dans des difficultés de trésorerie. - un effet de richesse négatif lorsque la valeur du patrimoine des agents économiques ayant réalisé de fortes pertes sur les marchés financiers baisse. Cet endettement a pour conséquence une baisse de la demande globale, et donc de la production. Exemple : la chute des indices boursiers suite à l’éclatement de la « bulle Internet » de 2001 a déprécié le patrimoine des ménages qui ont freiné leur consommation. B. L’INTERDEPENDANCE CROISSANTE ENTRE LES PAYS Par un effet de domino, les chocs financiers se répercutent également entre les différents pays. On distingue deux canaux de transmission des crises financières : 1 La transmission par le canal du commerce international En effet, une baisse de l’activité d’un pays va entraîner la contraction de ses exportations et de ses importations et par là-même, en raison de l’ouverture internationale des économies et de leur interdépendance, une baisse de l’activité de ses partenaires commerciaux. Par ce mécanisme de cercle vicieux, on dit que la crise est « exportée » ou « importée ». Le danger réside dans la tentation d’un renforcement des comportements protectionnistes destinés à protéger la production nationale au détriment des importations. Cette situation peut aboutir à un effondrement du commerce mondial. 2 La transmission par le canal financier Avec la globalisation, une crise financière dans un pays se propage à l’ensemble des pays du fait de l’interconnexion des marchés financiers au niveau mondial. Les investisseurs peuvent aujourd’hui investir leur épargne sur l’ensemble des places financières du monde, qui peut dès lors être affectée par l’effondrement des places financières des autres pays. Il s’agit d’un effet de contamination.