quels bénéfices peut-on attendre de l`éducation thérapeutique chez

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Quels bénéfices peut-on attendre de
l’éducation thérapeutique
chez le sujet transplanté?
D Marra1, L Mercadal2
1
Service de psychiatrie adultes
GHU Pitié-Salpêtrière
47-85 bd de l’Hôpital - 75013 Paris
[email protected]
2
Service de néphrologie
GHU Pitié-Salpêtrière
47-85 bd de l’Hôpital
75013 Paris
[email protected]
« L’éducation thérapeutique a pour objet de former le malade pour qu’il puisse
acquérir un savoir faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre sa vie et le contrôle
optimal de sa maladie. L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu
qui fait partie intégrante des soins médicaux. L’éducation thérapeutique du patient
comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage, le support psychosocial,
tous liés à la maladie et au traitement. La formation doit aussi permettre au malade
et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants».
A partir de cette définition de l’OMS, quels bénéfices peut-on attendre de l’éducation
thérapeutique chez les patients transplantés ?
Les bénéfices attendus
Les bénéfices attendus sur le plan individuel s’articulent autour de deux axes
principaux : l’amélioration de l’adhérence aux traitements et une meilleure qualité de
vie pour le patient.
La non-adhérence aux traitements des patients transplantés est un problème majeur
aux conséquences graves ; elle comprend l’ensemble des comportements qui ne
correspondent pas à ce qui a été prescrit au patient par les soignants : non-prise
d’un traitement, prise d’une dose moindre ou à des heures non adaptées, absence
du suivi des règles hygiéno-diététiques ou des consultations de suivi ... Il s’agit d’un
problème commun aux maladies chroniques et à leurs traitements (hypertension,
diabète ou asthme ..) qui représente chez les patients transplantés un facteur de
risque important de rejet et de perte de greffon voire de mortalité.
Tous types de greffes confondus, la prévalence de non-adhérence aux traitements
est proche de celle retrouvée dans les maladies chroniques et peut concerner en
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fonction des études, des critères de définition et d’évaluation de l’adhérence plus
de 50 % des patients. Aux conséquences sur le plan individuel s’ajoutent des
retombées économiques en termes de coût engendré par la perte d’un greffon ou
par les hospitalisations et les arrêts de travail qui peuvent en résulter.
Les causes de non-adhérence sont multiples : « simples » oublis, problèmes de
transmissions par les équipes soignantes, mauvaise compréhension du patient,
rythme de vie inconciliable, etc … Parfois les raisons restent incompréhensibles
au premier abord ou résultent de circonstances particulières de la vie ou d’un état
psychologique aboutissant à négliger une partie ou la totalité des contraintes liées
à la greffe.
L’éducation thérapeutique, par la sensibilisation et les connaissances apportées sur
la greffe et les traitements (diététique, place des activités physiques et sportives,
connaissance des interactions médicamenteuses, des effets indésirables, des
symptômes de rejet, des risques de carcinogénèse et de leur prévention…), devrait
participer au maintien, voire à une amélioration de l’adhérence aux traitements en
post-transplantation.
Sur le plan psychologique, l’éducation thérapeutique aide le patient à se réapproprier
les contraintes inhérentes à la greffe afin de pouvoir les intégrer dans son propre
mode de vie. Partager avec d’autres patients ses préoccupations et l’organisation du
quotidien en post-transplantation ou aborder ces sujets lors d’entretiens individuels
participe à une diminution des angoisses, que ces angoisses soient conscientes ou
non.
L’entourage du patient est également concerné par les bienfaits attendus de
l’éducation thérapeutique : échanges d’expériences dans les groupes et explications
apportées par les soignants améliorent les relations patient-famille-soignants.
Les bénéfices parfois inattendus
Aux classiques bénéfices attendus pour le patient et sa famille, à ceux plus généraux
concernant la santé publique, s’ajoutent d’autres bénéfices moins attendus et tout
aussi importants, comme ceux concernant les équipes soignantes.
Mettre en place des actions d’éducation thérapeutique implique non seulement
une réelle participation de l’ensemble de l’équipe soignante mais également celle
des soignants d’autres équipes participant aux interventions pluridisciplinaires.
Nécessité d’harmoniser les messages et les réponses aux questions des patients,
renforcement de la communication au sein des équipes et entre équipes font partie
des retombées positives des programmes d’éducation thérapeutique lorsqu’ils sont
réellement partie intégrante des soins médicaux. Les relations soignants-soignés
mais également soignants-soignants s’en trouvent renforcées avec une meilleure
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connaissance par les soignants du vécu de la transplantation et de ses contraintes
et finalement de la psychologie des patients.
Les « inconvénients » de l’éducation thérapeutique
Entre la théorie et la pratique, il peut y avoir parfois, à défaut d’un fossé, une
certaine distance. Comment pourrait-il y avoir des inconvénients à l’éducation
thérapeutique ?
Après des décennies où seuls de rares services précurseurs proposaient une
éducation thérapeutique aux patients, il existe à l’heure actuelle un foisonnement
de littérature, de communications et de recommandations sur la mise en place
d’activités d’éducation thérapeutique. Toutefois cette multiplicité de propositions n’est
pas garante de la qualité des formations proposées qui peuvent ne pas répondre à la
définition proposée par l’OMS ou qui sont mises en place de manière « mécanique »
sans tenir compte d’une réalité réellement soignante. Les communications, colloques
et autres sont tous très optimistes sur l’efficacité de l’éducation thérapeutique chez
les patients transplantés. Pourtant, peu de littérature existe à l’heure actuelle
démontrant cette efficacité.
« Former le malade pour qu’il puisse acquérir un savoir faire adéquat » nécessite
l’implication du patient. L’éducation thérapeutique ne peut être une obligation et
acquérir un savoir faire n’est, comme chacun sait, pas si simple. Lorsqu’il est précisé
par exemple que le patient devrait connaitre les interactions médicamenteuses, il lui
est demandé d’acquérir des connaissances que parfois des soignants ne possèdent
pas. Certains patients en sont parfaitement capables et souhaitent acquérir ces
connaissances. Pour d’autres, ce ne sera pas le cas, ou bien ils ne pourront pas
atteindre cet objectif.
L’éducation thérapeutique ne peut être ni imposée, ni pensée de manière uniciste,
chaque patient étant singulier et dans un état psychologique différent en fonction
des moments de sa vie. Il peut ne pas vouloir ou pouvoir participer à des séances
de groupes ou ne pas souhaiter confier ses angoisses lors d’un entretien individuel
d’éducation thérapeutique. Il peut vouloir être son propre médecin comme ne pas le
vouloir, ou l’être à certains moments de sa vie et ne plus pouvoir ou vouloir l’être à
d’autres moments. Mettre en place une éducation thérapeutique est aussi complexe
que d’enseigner à des étudiants dont la motivation, le niveau de connaissances
antérieures et l’âge seraient très variés. Les méthodes employées doivent être
multiples tout en restant au plus près des patients dans toute leur diversité.
L’éducation thérapeutique ne dédouane ni du colloque singulier entre médecin et
patient, ni des soins continus que l’équipe soignante doit apporter aux patients tout
au long de leur vie. Il nous faut être vigilant à ne pas trop attendre de l’éducation
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thérapeutique, jusqu’à parfois en oublier l’essentiel: la mise en place d’une réelle et
durable alliance thérapeutique entre soignants et soignés.
Conclusion
L’efficacité des interventions de type éducatif chez les patients transplantés n’a
été pour le moment que trop peu démontrée. Sur le terrain, ces interventions sont
généralement très appréciées et leur mise en place est une nécessité indiscutable.
Les patients tout comme les soignants peuvent grandement bénéficier des échanges
qui se mettent en place autour de l’éducation thérapeutique, et les bénéfices en sont
plus étendus qu’il n’y paraît, notamment dans les relations soignants-patient-famille
mais aussi soignants-soignants.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la plupart de ces interventions sont proposées
en pré ou post-transplantation précoce, alors que le risque de rejet en cas de nonadhérence, sur lequel ces interventions sont sensées agir, existe dès les 3 premiers
mois mais augmente nettement en fin de première année de greffe, période où peu
de patients se rendent accessibles à une formation.
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Références
De Bleser L, Matteson M, Dobbels F, Russell C, De Geest S. Interventions to
improve medication-adherence after transplantation : a systematic review. Transpl
Int 2009; 22:780-97.
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medication in heart, liver, and lung transplant candidates. Transplantation 2005;
79:1588-95.
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kidney disease care : a systematic review of randomized trials. Am J Kidney Dis
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Osterberg L, Terrence Blaschke MD. Adherence to medication. N Eng J Med
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Simon D, Traynard PY, Bourdillon F, Grimaldi A. «Education thérapeutique :
prévention et maladie chronique», Editions Masson 2007, collection Abrégés.
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