SNCF, qui a choisi de filialiser un établissement public18. L’influence du droit de la
concurrence n’est toutefois ni univoque, ni par principe hostile à l’entreprise publique. Les
principes d’autonomie institutionnelle et de neutralité à l’égard du régime de propriété
publique ne sauraient être vidés de leur substance en droit de l’Union par les principes
d’égalité de traitement et de libre concurrence. Par ailleurs, le droit de la concurrence admet
depuis longtemps des aménagements justifiés par des motifs d’intérêt économique général,
qu’il s’agisse de droits exclusifs19 ou de compensations liées à des charges de service
public20. Il reconnaît aussi aux Etats la possibilité de protéger certains intérêts stratégiques et
d’adopter des mesures restrictives pour des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité
publique, par exemple en soumettant à un régime d’autorisation certains investissements
étrangers21 ou certaines exportations sensibles22, ou encore en permettant à l’Etat de détenir -
il est vrai sous des conditions particulièrement strictes23- des actions spécifiques au sein
d’entreprises du secteur privé24 ou encore de disposer d’un commissaire du Gouvernement
dans l’organe de gouvernance des établissements publics ou des entreprises à capitaux
publics25. Il existe donc des marges nationales d’appréciation, d’intervention et d’action, dont
il faut avoir conscience et qu’il convient de pleinement utiliser et, au besoin, défendre d’une
manière constructive.
En dehors de ces facteurs juridiques, d’autres éléments ont joué en faveur d’une plus
grande diversité des formes d’entreprise publique. D’une part, le facteur financier, car les
sociétés commerciales sont ouvertes, à la différence des EPIC, aux capitaux privés et elles
disposent ainsi de plus grandes marges de manœuvre, de la possibilité de lever des capitaux
sur les marchés financiers et, par conséquent, de plus grandes capacités d’investissement et
d’expansion. D’autre part, des facteurs économiques, car l’ouverture au secteur privé permet
de nouer des partenariats utiles à l’acquisition de nouvelles technologies, au rachat
d’entreprises et au développement gisements de croissance. Par ailleurs, des facteurs
18 Loi n°2014-272 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.
19 CJCE 19 mai 1993, Paul Corbeau, C-320/91 et CJCE 27 avril 1994, Commune d’Almelo et autres contre NV
Energiebedriif Ijsselmij, C-393/92.
20 CJCE 24 juillet 2003, Altmark, C-280/00.
21 Régime modifié en dernier lieu par le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers
soumis à autorisation préalable, sur lequel le Conseil d'État a rendu un avis le 13 mai 2014, n° 388752.
22 Voir pour l’exportation de matériels de guerre : ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la
partie législative du code de la défense et décret, le décret n° 2011-1467 du 9 novembre 2011 relatif aux
importations et aux exportations hors du territoire de l'Union européenne de matériels de guerre, armes et
munitions et de matériels assimilés et aux transferts intracommunautaires de produits liés à la défense, ainsi que
l’arrêté du 27 juin 2012 relatif à la liste des matériels de guerre et matériels assimilés soumis à une autorisation
préalable d'exportation et des produits liés à la défense soumis à une autorisation préalable de transfert.
23 Voir sur ce point la jurisprudence très restrictive de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de
« golden shares » : CJCE 23 mai 2000, Commission des Communautés européennes contre République italienne,
C-58/99 ; CJCE 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes contre République portugaise, C-
367/98 ; CJCE 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes contre République française, C-
483/99 ; CJCE 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique, C-
503/99 ; CJCE 23 mai 2003, Commission des Communautés européennes contre Royaume d’Espagne, C-
463/00 ; CJCE 23 mai 2003, Commission des Communautés européennes contre Royaume Uni, C-98/01 ; CJCE,
Grande chambre, 23 octobre 2007, Commission des Communautés européennes contre République fédérale
d’Allemagne et, plus récemment, CJUE 8 juillet 2010, Commission européenne contre République portugaise,
C-171/08 ; CJUE 11 novembre 2010, Commission européenne contre République portugaise, C-543/08 ; CJUE 8
novembre 2012, Commission européenne contre République hellénique, C-244/11.
24 Dispositif introduit par l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations ;
voir, sur ce point, l'avis du Conseil d'État du 8 décembre 2014 rendu sur le projet de modification de cet article
par le projet de loi pour la croissance et l'activité, n° 389494.
25 Voir, sur ce point, l’étude réalisée par le Conseil d’Etat à la demande du Premier ministre : Les commissaires
du Gouvernement dans les entreprises, la documentation Française, 2015.