Le principe de solidarité en droit communautaire de l’environnement1 Mme Estelle BROSSET La solidarité était un principe initialement juridique. Aujourd’hui, on le définit comme un lien qui unit les individus. En droit de l’environnement, la solidarité est abordée sous l’angle de la finalité de la solidarité entre l’homme et l’environnement, on parle également de solidarité intergénérationnelle. La solidarité peut se définir comme un lien d’entraide entre des groupes ou encore un lien unissant des choses qui fonctionnent de concert. Ces deux significations posent plusieurs questions en droit de l’environnement : qui intervient ? Comment coordonne-on les différents régimes de protection et les autres politiques ? En droit de l’environnement, la solidarité se caractérise tout d’abord par une concertation. Se pose la question de savoir si le principe de coopération loyale est respecté dans ce domaine ? La Communauté a une compétence d’attribution donc il faut vérifier si cette coopération fonctionne. L’environnement n’a pas un caractère justifiant la compétition donc la coopération est obligée et pourtant elle est malmenée. La compétence environnementale de la Communauté est une réalité. Elle était absente en 1957. Puis rapidement, vers 1970, les Etats-membres se sont peu à peu dotés d’une législation protectrice. Or ces législations risquaient de porter atteinte à la libre circulation des marchandises. La première directive a été adoptée en 1967 en matière environnementale alors que la Communauté n’était pas compétente. L’attribution de la compétence a donc d’abord été informelle. Puis cette compétence a été formellement consacrée par l’Acte Unique européen et ses articles 174, 175 et 176. Mais c’est une consécration timide, on évoquait que des actions et non des politiques. L’article 2 du traité de Maastricht pose le principe d’une croissance durable, il parle explicitement de politique. Néanmoins, il faut souligner qu’il s’agit d’une compétence concurrente. Les Etats membres peuvent intervenir si rien n’est fait au niveau communautaire. Compétence résiduelle fortement en aval, peuvent compléter la législation communautaire or l’harmonisation est minimale dans ce domaine. La directive est donc l’instrument le plus utilisé car elle laisse une marge de manœuvre importante dans la transposition et l’exécution de l’acte communautaire. En outre, la compétence nationale permet de déroger au droit communautaire. L’article 176 rend possible une mesure de protection renforcée. Les Etats peuvent maintenir et également introduire 1 Laurence ROZEC, Master 2 Recherche Droit international et européen à l’Université Pierre Mendés France de Grenoble 1 des nouvelles dispositions qui doivent être compatibles avec les mesures communautaires. Mais cet article est peu contraignant. Les Etats doivent juste notifier leurs dispositions à la Communauté. De plus, l’article 174§2 donne la possibilité d’introduire une clause de sauvegarde. Cet article permet la suspension provisoire d’une mesure puis la notification à la Commission qui décide du bien-fondé de la mesure. L’environnement est un domaine d’application de la subsidiarité qui implique un hyper-partage au niveau de l’exercice. La compétence communautaire est donc artificielle. Le principe de subsidiarité est d’ailleurs né dans l’Acte Unique Européen au sujet de la politique de l’environnement. Ainsi, la coopération est malmenée. La coopération doit être loyale (art. 10 TCE), ce qui marche dans les deux sens. Du côté des Etats-membres, le droit de l’environnement est un domaine de résistance récurrente à la mise en œuvre du droit communautaire. Il n’y a pas ou peu de contrôle de la Commission. Se pose également le problème de la transposition du droit communautaire. On assiste à une augmentation du nombre des recours en manquement mais peu d’arrêts sont rendus. Et lorsqu’un arrêt est rendu, les Etats les exécutent rarement. On peut toutefois en citer quelque uns tels que l’arrêt de la CJCE du 4 juillet 2002 « Commission contre Grèce » où la Grèce a été condamnée pour la non exécution d’un arrêt dans le domaine de l’environnement en vertu de la procédure de manquement sur manquement, ou encore l’arrêt de novembre 2003 « Commission contre Espagne » qui a été condamné à une astreinte lourde. La Communauté recherche des moyens pour vaincre ces résistances par exemple, par la voie des accords environnementaux. La Communication du 24 mai 1996 témoigne de l’efficacité de cette méthode. La Commission a également fait en 2002 une communication sur la méthode des accords environnementaux. La Communauté prône la communautarisation rampante dans ce domaine. Dès 1967, elle a pu développer une activité législative grâce à la base juridique fourre-tout (l’article 308) alors que sa compétence date de 1987. Ce mouvement a continué après 1987 et même en 1992. Par exemple, pour les OGM, la base juridique utilisée est souvent l’article 100 (ex-95) car cette base est plus intégrationniste. La Commission est assez indifférente au principe de subsidiarité mais parfois elle montre des tendances contraires. En effet, parfois la Commission s’efforce de limiter son intervention, notamment eu égard aux Conventions environnementales. La seule innovation purement communautaire depuis quelques années a été la directive sur la responsabilité en matière environnementale. Se pose également la question de savoir s’il y a un équilibre entre les institutions ? Le fonctionnement de la Communauté est guidé par l’équilibre institutionnel. Ce principe permet une bonne entente entre les institutions. Mais c’est un équilibre fragile, les procédures législatives sont fortement atomisées. Ainsi, le tandem Conseil-Parlement semble pacifié mais celui entre la Commission et le Conseil reste vivace. En effet, jusqu’à Amsterdam, les confits étaient nombreux entre le Conseil et le Parlement car selon la base juridique utilisée, la place du Parlement était variable dans la procédure. L’article 235 permet la consultation tandis que article 100 ne lui laisse aucune place. Après 1987, le contentieux a perduré malgré les bases juridiques expresses, la consultation du Parlement est consulté et l’article 100A qui instaure une coopération avec le Parlement. En 1992, l’article 174 consacre la coopération et l’article 100A, la procédure de codécision. L’équilibre se renforce peu à peu grâce à la Cour qui affiche sa préférence pour la procédure la plus démocratique. Par exemple, dans son arrêt en date du 11 juin 1991 « dioxine de titane », la CJCE soutien la procédure 100A qu’elle juge plus démocratique. Enfin, avec Amsterdam et la procédure de codécision en matière environnementale, le contentieux prend fin. 2 Mais les conflits d’intérêt entre le Conseil et la Commission continuent. Le Conseil essaye de prévaloir. Il favorise les Etats-souverains alors que la Commission défend l’intérêt communautaire. Avec l’AUE qui introduit l’alinéa 3 à l’article 100A, les mesures relatives au marché intérieur pourront concurrencer l’environnement. Le contentieux se diffuse. Mais si les Etats ont en amont le même pouvoir, ce n’est pas le cas en aval : l’article 100A est plus stricte que l’article 175. Ceci est renforcé par la jurisprudence communautaire. Par exemple, dans son arrêt « Dioxine de titane » en 1991 ou encore « Commission contre Conseil » du 17 mai 1993, la CJCE favorise l’article 175. Le 30 janvier 2001 (arrêt « Royaume Uni contre Conseil »), la CJCE voulait limiter le domaine de l’unanimité. Le 13 septembre 2005, la CJCE a annulé une décision cadre du Conseil sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Selon la Commission, cette décision devait relever du premier pilier, de l’article 175. La CJCE vient la conforter. Selon elle, la protection de l’environnement est un objectif essentiel. La procédure pénale n’est pas du ressort de la Communauté mais dans le domaine de l’environnement, la Communauté peut prendre des mesures en relation avec le droit pénal. On peut s’interroger sur l’intégration des exigences environnementales dans les autres politiques. Le principe d’intégration est un principe proclamé mais encore à concrétiser. Il est très utilisé. Dans le domaine de l’environnement, la reconnaissance a été précoce et s’est posée dès 1987 avec l’article 130 R. Puis avec le traité de Maastricht, l’environnement doit être intégré dans les autres politiques. De plus, on a assisté à la remontée de ce principe aux articles liminaires et notamment à l’article 6 du traité. Même si ce principe est très général, cela n’influe pas sur la juridicité du principe. Ce principe intervient dans la motivation des juges. Mais au niveau de l’effectivité juridique, le bilan est contrasté. Il est réussi au niveau de la PAC (ex. : règlement de mai 1999 et de 2003). Mais par exemple, l’utilisation des fonds structurels pose problème. Au niveau du financement, il y a eu plusieurs programmes dont le programme LIFE. Or ce financement se concilie mal avec d’autres financements des fonds structurels. Les objectifs des fonds se neutralisent parfois les uns des autres. Il y a beaucoup de textes qui ne forment pas un ensemble cohérent. La cohérence est introuvable. Les concepts utilisés sont flous et évanescents. La notion même d’environnement est flou. D’où l’absence de définition. Cela pose beaucoup de questions : l’homme est-il le point focal de la définition, ce qui est le point de vue de la CPI ? Doiton insérer uniquement les éléments naturels ou artificiels ? Quel est le lien entre l’environnement et d’autres notions telles que la santé ? En outre les techniques sont décousues et il y a de nombreux emprunts à d’autres branches du droit comme le droit administratif ou le droit privé auxquelles se superposent des techniques inventées comme la technique des listes. Pourtant la cohérence est en voie de construction grâce à son squelette de principes généraux : l’article 174 al. 2, le principe de prévention, de précaution, de correction à la source et de pollueur-payeur. Ces principes inspirent le législateur communautaire. On peut citer pour exemple, la directive 85/337 sur l’évaluation préalable des conséquences environnementales des projets publics. Se sont également des instruments d’interprétation au service du juge. Par exemple dans son arrêt du 9 juillet 1992 « Déchets Wallons», la CJCE a utilisé le principe de correction à la source pour interpréter extensivement l’exigence impérative d’intérêt général. Cette cohérence est un objectif à relativiser. De fait, il existe une cohérence fonctionnelle car le droit de l’environnement est un droit finalisé. Ce droit a un noyau dur et une finalité claire. Néanmoins, c’est une cohérence difficile, il s’agit d’un droit post-moderne. Alors que les autres instruments juridiques relèvent de la logique kelsénienne, les accords environnementaux et la coordination environnementale se font davantage sous forme de maillage. 3