28 –LES ECHOS WEEK-END
BUSINESS STORYNICOLAS CHABANNE
CET HOMME VEUT DONNER LE POUVOIR
AU CONSOMMATEUR
ancéevia un simpletweet le 13 août,enpleine
torpeur estivale, l’informations’est propagée
comme une traînéedepoudre surlaToile:
un «hurluberlu »s’est misentête de mettre sur
le marché la premièrebriquedelaitaucahier
des charges entièrementétablipar le
consommateur.Toutlemonde est invité à
participer,via un court questionnaire en ligne.
Rien de bien compliqué:ilsuffit d’indiquer ses
préférences concernant le mode de production.
Le prix de base incompressible est de
69 centimes le litre. Puis,ilaugmente en fonction
des exigences du consommateur:7centimes
de plus pour assurer une rémunération
convenableàl’éleveur;plus6centimes pour
que la nourriture des vaches laitières soient
sansOGM;3centimes supplémentairepour
un fourrage d’origine locale. Et ainsidesuite.
Coup de chance, les manifestationsdes
producteurs de lait contre Lactalis donnent
un écho retentissantàl’initiative.Enàpeine
quinze jours,plus de 5000 «consommateurs»
se prêtent au jeu. Et prennent l’engagement
«théorique »d’acheter ce produit,s’il était
disponible dans le commerce.
L’occasion va leur être bientôt donnée
de tenir leur promesse. Car le promoteur de
l’initiativeadéjà priscontact avecuncollecteur
de laitetundistributeur.Lapremière brique
estampillée La Marque du consommateur,issue
de la consultation, sera miseenvente dans tous
les points de vente Carrefour (5200 magasins)
àpartir de début novembre. Dans un premier
temps, si l’initiativefonctionne, plus de
L7millions de litres devraientêtreécoulés.
De quoi permettre à51producteursaubord
de la faillite de retrouver le sourire.
Nicolas Chabanne aencore frappé.Car
l’hurluberlu àl’origine de ce coup, c’estlui.
Depuis unebonne décennie, le quadra,issu
de la communication territoriale, s’est taillé
une réputation d’iconoclaste dans l’univers
de la production agricole. On luidoitdeux
des initiatives les plus originales de
ces dernières années:les marquesLePetit
Producteur et Les Gueules Cassées.Avec
la première,ils’est attaqué àlarevalorisation
du travail des petits exploitants de fruits
et légumes,souvent obligés de brader leur
récolte, en affichant leur photo et leur adresse,
notamment surles barquettes vendues en
grandes surfaces. Avec la deuxième, il s’efforce
depuis deux ansderéhabiliter les fruits et autres
produits alimentairesavecdes défauts
d’aspect –vendus 30% moinscher pour
des qualités gustatives identiques,etqui,
sinon, partiraient au rebut.
La troisième initiative, la Marquedu
consommateur,vaencoreplus loin.«Jeveux
redonner du pouvoir au consommateur tout
en le mettant face àses responsabilités»,
précise Nicolas Chabanne. Les industriels
sont résolument preneurs. «C’est une démarche
de transparence en résonance avec les attentes
de nosclients:toutes les données sont mises
sur la table, àeux de choisir,enconscience,
pour quoi ils sontprêts àpayer», commente
David Garbous, directeur du marketing de
Il asoutenu les agriculteurs modestes avec le label Le Petit Producteur, puis sauvé
du rebut les fruits et légumes amochés avec Les Gueules Cassées. Nicolas Chabanne veut
désormais nous impliquer dans le mode de fabrication des aliments. Premier test
avec une brique de lait qui devrait arriver en rayon début novembre.
Par Stefano Lupieri. Photographe :Yannick Labrousse
disponible dans le commerce.
Les Gueules
Cassées, un logo
sympathique
pour faire
acheter des fruits
et légumes
pas calibrés.
«Nicolas Chabanne ?C’est un «réjoui »animé
par une vraie bienveillance!Loin de participer
àladépression collectiveambiante, il estdeceux
qui, face àunproblème, quelque chose qui
ne tourne pas rond, ne peuvent s’empêcher
de fabriquer dessolutions. Après LesGueules
Cassées,LaMarque du consommateur est
une petiterévolution. Il acompris qu’aujourd’hui
lesgens veulent compter,qu’ils rejettent
L’ENTHOUSIASME DE L’ÉCRIVAINALEXANDRE JARDIN
lespouvoirsverticaux,les systèmesoùl’onpense
àleur place. Presque sans moyens, il acréé
un outil qui permet aux consommateurs
de peser dans la fabrication desproduitsqu’ils
consomment.Illes inviteàprendreleurs
responsabilités àdevenir acteurs. Et,croyez-moi,
si vous faites confianceaux gens, si vous leur
donnezlepouvoir,ilfauts’attendre
àcequ’ils l’exercent !»