Math´ematiques et finitude
Premier voyage: Il n’y a pas d’exil heureux
Pierre Lochak
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Les m´etaphysiciens de Tl¨on ne cherchent pas la v´erit´e, ni mˆeme la
vraisemblance: ils cherchent l’´etonnement. Ils jugent que la m´eta-
physique est une branche de la litt´erature fantastique. Ils savent
qu’un syst`eme n’est pas autre chose que la subordination de tous
les aspects de l’univers `a l’un quelconque d’entre eux.
J.L.Borges, Tl¨on Uqbar Orbis Tertius
Kant est l’inventeur du motif d´esastreux de notre “finitude”.
A.Badiou, Logiques des mondes, Renseignements, III.2
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Avant Propos
J’´ecris ces quelques lignes apr`es coup. Ce seront essentiellement les seules du genre;
car si le mot ‘exploration’ revient ci-dessous un peu trop souvent, il n’en est pas moins
v´eridique pour cela. Je me suis bien lanc´e `a l’aventure sans trop m’inqui´eter de savoir o`u
j’allais, et je ne me suis gu`ere retourn´e sur mes traces par la suite. J’ai r´ecrit tel ou tel
paragraphe, tel ou tel chapitre, certes, mais j’ai ensuite laiss´e intacts ces blocs d’´ecriture
r´eput´es achev´es, pr´ef´erant continuer d’avancer, redoutant les haltes trop prolong´ees. J’ai
enfin relu l’ensemble, c’est vrai, corrig´e des coquilles – il en reste –, rabot´e des transitions
qui n’en ´etaient pas etc. Je n’ai pas voulu en revanche effacer les signes de ce qui pour moi
avait constitu´e tout le plaisir d’une navigation `a vue.
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A qui souhaiterait se plonger dans ce texte je dirai d’abord que l’absence assum´ee
d’un dessin initial trop fix´e fait que la complexit´e va assez nettement en croissant, jusqu’`a
dessiner d’ailleurs la possibilit´e d’un second voyage `a l’itin´eraire encore pour moi myst´erieux.
De mˆeme les divers chapitres sont pour une bonne part ind´ependants tout en retra¸cant, me
semble-t-il, une forme de progression vagabonde. Le premier repr´esente un cas extrˆeme:
pourquoi en suis-je venu `a commencer par quelques remarques qui ne touchent en rien aux
math´ematiques et qui auraient pu, on le comprendra sans peine, s’´etendre plus largement,
`a propos des tribulations et du roman autobiographique in´edit de la m`ere d’Alexandre
Grothendieck? Je ne saurais tout `a fait l’expliquer moi-mˆeme mais j’ai cru devoir con-
server cet improbable incipit; il a bel et bien donn´e le signal ou la commotion n´ecessaire au
d´epart et il demeure `a mes yeux tout `a fait pertinent. Il n’empˆeche que celle ou celui qui
n’a jamais entendu ce nom de Grothendieck peut fort bien passer ce premier chapitre sans
dommage, quitte `a y revenir un jour et aller, pourquoi pas?, plus loin dans ces directions
que je ne m’y suis risqu´e. J’ajouterai aussi que j’ai ´evit´e de me poser trop de questions sur
la nature des outils qui se r´ev´elaient utiles `a un moment ou un autre, me contentant de
saisir ceux qui me tombaient sous la main. Certains pourront paraˆıtre curieux, cryptiques,
voire ´esot´eriques, peu importe. Le mieux est de ne pas trop y prˆeter garde et l’essentiel
d’avancer sans s’embourber dans des orni`eres plus ou moins factices. Un dernier mot:
si je n’ai jamais ou presque entretenu quelque chose comme une vis´ee p´edagogique dans
la mati`ere ni dans l’´ecriture, je me suis efforc´e avec une joyeuse persistence d’exorciser le
triste spectre de l’ennui, celui de la lectrice ou du lecteur potentiel d’abord, le mien ensuite.
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A chacun(e) de juger pour son compte si j’y ai r´eussi en quelque fa¸con.
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