Morphométrie Vertébrale et Ostéoporose Sam Charhon

10° Journée de Pathologie Vertébrale - Morphométrie vertébrale et ostéoporose page
Résonances Européennes du Rachis - Volume 14 N° 43 - 2006
Morphométrie Vertébrale et Ostéoporose
Sam Charhon
La survenue d’une fracture vertébrale est
un évènement majeur dans l’évolution
d’une ostéoporose. La présence de fractures
vertébrales est associée à une augmentation
de la morbidité et même de la mortalité. Mais le
diagnostic clinique et radiologique de la fracture est
parfois dif cile et nombre de fractures vertébrales ne
sont pas reconnues soit parce que les radiographies
ne sont pas demandées quand les signes cliniques
d’appel (douleur, réduction de taille) sont absents ou
insuf samment bruyants, soit parce que l’interprétation
des déformations vertébrales radiologiques peut être
équivoque. On estime que deux tiers des fractures
vertébrales, principalement les fractures légères ou
modérées, chez des femmes de plus de 60 ans ne sont
pas correctement diagnostiquées.
Or la fracture vertébrale est en soi un facteur de
risque de fractures, indépendamment de la densité
osseuse et de l’âge et il importe donc de la reconnaître
rapidement. L’étude de cohortes de femmes
ménopausées participant à des essais thérapeutiques
montre qu’une femme qui a déjà fait une fracture
vertébrale a un risque de faire une nouvelle fracture
qui est multiplié par 3 à 5 par rapport à une femme
n’en ayant pas fait et ayant la même densité osseuse.
La récidive de fracture est rapide puisque 12% des
femmes ayant fait une fracture récidive dans l’année
suivant la première fracture et le taux de récidive est
d’environ 20% chez les femmes ayant plus d’une
fracture vertébrale (Lindsay et al, 2001).
La présence d’une ou plusieurs fractures vertébrales est
également un facteur de sur-risque pour les fractures
de l’extrémité supérieure du fémur (RR x 2) et les
fractures de l’extrémité inférieure du radius.
L’ANALYSE VISUELLE RADIOGRAPHIQUE
La radiographie du rachis dorsal et lombaire, face
et pro l, est l’examen clé pour porter le diagnostic
de fracture vertébrale. Ce diagnostic est basé sur la
modi cation de la forme du corps vertébral dont la
hauteur est réduite. A n de standardiser le diagnostic
une analyse visuelle semi-quantitative a été proposée
par H. Genant. Cette méthode a été par la suite
af née et comparée valablement à la morphométrie
quantitative mesurant les hauteurs des corps vertébraux
(hauteurs antérieure, moyenne et postérieure) à partir
du positionnement de 6 points (un à chacun des 4
angles du corps vertébral et un à la partie médiane
des plateaux vertébraux supérieur et inférieur) sur la
radiographie de pro l. Une vertèbre est considérée
fracturée si la réduction d’une des hauteurs (antérieure,
moyenne ou postérieure) du corps vertébral atteint
20%.
La fracture de grade I (légère) correspond à une
réduction de hauteur de 20 à 25%, la fracture de grade
II (modérée) à une réduction de hauteur de 26 à 40%
et la fracture de grade III (sévère) à une réduction de
plus de 40%. La réduction de la hauteur antérieure
d’une vertèbre lui confère un aspect cunéiforme et
la réduction de la hauteur moyenne conduit à une
vertèbre exagérément concave ou biconcave. La
réduction de la hauteur postérieure est plus rare et
donne le plus souvent un aspect en galette.
Clinique du Parc, 84 Bd des Belges, 69 006 Lyon
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L’analyse est effectuée sur les vertèbres de T4 à L4 et
un index de déformation vertébrale ou SDI (Spinal
Deformity Index) peut être établi en attribuant 0 à une
vertèbre normale, 1 à une vertèbre de grade I, 2 à une
vertèbre de grade II et 3 à une vertèbre de grade III.
Le score obtenu permet d’apprécier le degré de sévérité
de l’ostéoporose et plus le score est élevé, plus le risque
de nouvelle fracture, à densité osseuse égale, est grand
(Figure 2, d’après Siris et al.2005).
Cette analyse semi-quantitative est simple à réaliser
et très pratique pour le clinicien. Elle réduit le
caractère subjectif de la lecture des radiographies mais
elle ne résout pas tous les problèmes de lecture et
d’interprétation. Elle méconnaît certaines authentiques
fractures qui affectent un plateau vertébral sans réduire
la hauteur vertébrale de 20%. Ces fractures nécessitent
parfois le recours à des clichés centrés et une analyse
attentive des radiographies en comparant la vertèbre
aux vertèbres sus- et sous-jacentes.
Il peut être également parfois dif cile d’af rmer le
caractère « fracturaire » d’une vertèbre de grade I. La
maladie de Scheurmann avec des vertèbres d’aspect
cunéiforme sont assez facilement distinguées. Il en est
de même pour la scoliose qui donne de fausses images
de fractures ainsi que pour les aspects exagérément
concaves des vertèbres liés à des disques inter-vertébraux
volumineux. Mais parfois certaines déformations
« limite » peuvent faire hésiter à porter le diagnostic de
fracture. Il faut alors s’aider de l’anamnèse, des signes
cliniques et si possible de la comparaison des clichés avec
les radiographies antérieures pour af rmer le caractère
acquis de la déformation du corps vertébral. Dans le
doute il est vraisemblablement préférable de porter le
diagnostic de fracture car cela déclenchera un bilan
complémentaire avec réalisation d’une densitométrie
osseuse, ce qui permettra dans la majorité des cas de
faire le diagnostic d’ostéoporose et de proposer un
traitement ef cace.
L’ANALYSE MORPHOMETRIQUE PAR
OSTEODENSITOMETRE
Une analyse visuelle et morphométrique peut également
être faite avec les nouveaux ostéodensitomètres qui
produisent une image contrastée de qualité proche des
radiographies
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L’examen se fait lors de la mesure des densités osseuses.
L’irradiation est bien moindre que celle induite par les
radiographies et l’acquisition des images est très rapide
(10-15 secondes). La corrélation avec les radiographies
est très bonne (95%), surtout pour les fractures de
grade II et III, mais comme pour les radiographies
l’analyse des vertèbres dorsales supérieures reste difcile
et source de discordance.
Un T score inférieur à - 2,5 en ostéodensitométrie
(seuil de dénition de l’ostéoporose) et la présence de
fractures vertébrales sont deux éléments principaux
du diagnostic de l’ostéoporose. Mais bien souvent la
densitométrie osseuse est faite alors que le malade n’a
pas eu de radiographies du rachis dorsal et lombaire
et on peut alors ignorer la présence d’une fracture.
Or 15 à 20% des sujets ayant une fracture vertébrale
ont un T score supérieur à 2,5 (ostéopénie, et non
ostéoporose). En l’absence de radiographies, ceux-ci
ne seront pas classés comme ostéoporotiques à l’issue
de l’examen densitométrique alors qu’il devraient l’être
sur la base des fractures. Il parait donc intéressant de
pouvoir réaliser dans le même temps que la mesure de la
densité osseuse une analyse morphométrique complète
du rachis de T4 à L4 de façon à dépister d’éventuelles
fractures méconnues. Cela peut permettre de classer
correctement certains patients comme ostéoporotiques
et leur proposer un traitement adapté à leur risque élevé
de fractures. Selon les recommandations de l’AFSSAPS,
la décision thérapeutique est en effet fonction de l’âge,
de la valeur de densité osseuse, de la présence de
fractures et éventuellement d’autres facteurs de risque
associés.
En conclusion le diagnostic de fracture vertébrale doit
bénécier d’une attention particulière de la part
- du clinicien qui doit demander des radiographies
en cas de rachialgies, pas toujours
importantes, chez une personne de plus de 60
ans et éviter le diagnostic clinique trop
rapide de lumbago.
- du radiologue dont le compte rendu devrait
utiliser une terminologie commune, non
équivoque, de fracture vertébrale (plutôt que
de tassement vertébral), adopter les critères
de l’analyse semi-quantitative de Genant et
mentionner la ou les fractures vertébrales dans
le résumé.
Ces dernières mesures à l’initiative de l’ « lnternational
Osteoporosis Foundation » et de l’ « European Society
of Skeletal Radiology », ainsi que l’intégration de la
morphométrie vertébrale à l’examen de densitométrie,
devraient permettre d’améliorer le diagnostic de
l’ostéoporose et la prise en charge thérapeutique des
malades qui reste actuellement très insufsante.
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