10° Journée de Pathologie Vertébrale - Morphométrie vertébrale et ostéoporose page 1802 Morphométrie Vertébrale et Ostéoporose Sam Charhon L a survenue d’une fracture vertébrale est un évènement majeur dans l’évolution d’une ostéoporose. La présence de fractures vertébrales est associée à une augmentation de la morbidité et même de la mortalité. Mais le diagnostic clinique et radiologique de la fracture est parfois difficile et nombre de fractures vertébrales ne sont pas reconnues soit parce que les radiographies ne sont pas demandées quand les signes cliniques d’appel (douleur, réduction de taille) sont absents ou insuffisamment bruyants, soit parce que l’interprétation des déformations vertébrales radiologiques peut être équivoque. On estime que deux tiers des fractures vertébrales, principalement les fractures légères ou modérées, chez des femmes de plus de 60 ans ne sont pas correctement diagnostiquées. Or la fracture vertébrale est en soi un facteur de risque de fractures, indépendamment de la densité osseuse et de l’âge et il importe donc de la reconnaître rapidement. L’étude de cohortes de femmes ménopausées participant à des essais thérapeutiques montre qu’une femme qui a déjà fait une fracture vertébrale a un risque de faire une nouvelle fracture qui est multiplié par 3 à 5 par rapport à une femme n’en ayant pas fait et ayant la même densité osseuse. La récidive de fracture est rapide puisque 12% des femmes ayant fait une fracture récidive dans l’année suivant la première fracture et le taux de récidive est d’environ 20% chez les femmes ayant plus d’une fracture vertébrale (Lindsay et al, 2001). La présence d’une ou plusieurs fractures vertébrales est également un facteur de sur-risque pour les fractures de l’extrémité supérieure du fémur (RR x 2) et les fractures de l’extrémité inférieure du radius. Clinique du Parc, 84 Bd des Belges, 69 006 Lyon Résonances Européennes du Rachis - Volume 14 N° 43 - 2006 L’ANALYSE VISUELLE RADIOGRAPHIQUE La radiographie du rachis dorsal et lombaire, face et profil, est l’examen clé pour porter le diagnostic de fracture vertébrale. Ce diagnostic est basé sur la modification de la forme du corps vertébral dont la hauteur est réduite. Afin de standardiser le diagnostic une analyse visuelle semi-quantitative a été proposée par H. Genant. Cette méthode a été par la suite affinée et comparée valablement à la morphométrie quantitative mesurant les hauteurs des corps vertébraux (hauteurs antérieure, moyenne et postérieure) à partir du positionnement de 6 points (un à chacun des 4 angles du corps vertébral et un à la partie médiane des plateaux vertébraux supérieur et inférieur) sur la radiographie de profil. Une vertèbre est considérée fracturée si la réduction d’une des hauteurs (antérieure, moyenne ou postérieure) du corps vertébral atteint 20%. La fracture de grade I (légère) correspond à une réduction de hauteur de 20 à 25%, la fracture de grade II (modérée) à une réduction de hauteur de 26 à 40% et la fracture de grade III (sévère) à une réduction de plus de 40%. La réduction de la hauteur antérieure d’une vertèbre lui confère un aspect cunéiforme et la réduction de la hauteur moyenne conduit à une vertèbre exagérément concave ou biconcave. La réduction de la hauteur postérieure est plus rare et donne le plus souvent un aspect en galette. 10° Journée de Pathologie Vertébrale - Morphométrie vertébrale et ostéoporose L’analyse est effectuée sur les vertèbres de T4 à L4 et un index de déformation vertébrale ou SDI (Spinal Deformity Index) peut être établi en attribuant 0 à une vertèbre normale, 1 à une vertèbre de grade I, 2 à une vertèbre de grade II et 3 à une vertèbre de grade III. Le score obtenu permet d’apprécier le degré de sévérité de l’ostéoporose et plus le score est élevé, plus le risque de nouvelle fracture, à densité osseuse égale, est grand (Figure 2, d’après Siris et al.2005). page 1803 concaves des vertèbres liés à des disques inter-vertébraux volumineux. Mais parfois certaines déformations « limite » peuvent faire hésiter à porter le diagnostic de fracture. Il faut alors s’aider de l’anamnèse, des signes cliniques et si possible de la comparaison des clichés avec les radiographies antérieures pour affirmer le caractère acquis de la déformation du corps vertébral. Dans le doute il est vraisemblablement préférable de porter le diagnostic de fracture car cela déclenchera un bilan complémentaire avec réalisation d’une densitométrie osseuse, ce qui permettra dans la majorité des cas de faire le diagnostic d’ostéoporose et de proposer un traitement efficace. L’ANALYSE MORPHOMETRIQUE PAR OSTEODENSITOMETRE Une analyse visuelle et morphométrique peut également être faite avec les nouveaux ostéodensitomètres qui produisent une image contrastée de qualité proche des radiographies Cette analyse semi-quantitative est simple à réaliser et très pratique pour le clinicien. Elle réduit le caractère subjectif de la lecture des radiographies mais elle ne résout pas tous les problèmes de lecture et d’interprétation. Elle méconnaît certaines authentiques fractures qui affectent un plateau vertébral sans réduire la hauteur vertébrale de 20%. Ces fractures nécessitent parfois le recours à des clichés centrés et une analyse attentive des radiographies en comparant la vertèbre aux vertèbres sus- et sous-jacentes. Il peut être également parfois difficile d’affirmer le caractère « fracturaire » d’une vertèbre de grade I. La maladie de Scheurmann avec des vertèbres d’aspect cunéiforme sont assez facilement distinguées. Il en est de même pour la scoliose qui donne de fausses images de fractures ainsi que pour les aspects exagérément Résonances Européennes du Rachis - Volume 14 N° 43 - 2006 10° Journée de Pathologie Vertébrale - Morphométrie vertébrale et ostéoporose L’examen se fait lors de la mesure des densités osseuses. L’irradiation est bien moindre que celle induite par les radiographies et l’acquisition des images est très rapide (10-15 secondes). La corrélation avec les radiographies est très bonne (95%), surtout pour les fractures de grade II et III, mais comme pour les radiographies l’analyse des vertèbres dorsales supérieures reste difficile et source de discordance. Un T score inférieur à - 2,5 en ostéodensitométrie (seuil de définition de l’ostéoporose) et la présence de fractures vertébrales sont deux éléments principaux du diagnostic de l’ostéoporose. Mais bien souvent la densitométrie osseuse est faite alors que le malade n’a pas eu de radiographies du rachis dorsal et lombaire et on peut alors ignorer la présence d’une fracture. Or 15 à 20% des sujets ayant une fracture vertébrale ont un T score supérieur à – 2,5 (ostéopénie, et non ostéoporose). En l’absence de radiographies, ceux-ci ne seront pas classés comme ostéoporotiques à l’issue de l’examen densitométrique alors qu’il devraient l’être sur la base des fractures. Il parait donc intéressant de pouvoir réaliser dans le même temps que la mesure de la densité osseuse une analyse morphométrique complète du rachis de T4 à L4 de façon à dépister d’éventuelles fractures méconnues. Cela peut permettre de classer correctement certains patients comme ostéoporotiques et leur proposer un traitement adapté à leur risque élevé de fractures. Selon les recommandations de l’AFSSAPS, la décision thérapeutique est en effet fonction de l’âge, de la valeur de densité osseuse, de la présence de fractures et éventuellement d’autres facteurs de risque associés. Résonances Européennes du Rachis - Volume 14 N° 43 - 2006 page 1804 En conclusion le diagnostic de fracture vertébrale doit bénéficier d’une attention particulière de la part - du clinicien qui doit demander des radiographies en cas de rachialgies, pas toujours importantes, chez une personne de plus de 60 ans et éviter le diagnostic clinique trop rapide de lumbago. - du radiologue dont le compte rendu devrait utiliser une terminologie commune, non équivoque, de fracture vertébrale (plutôt que de tassement vertébral), adopter les critères de l’analyse semi-quantitative de Genant et mentionner la ou les fractures vertébrales dans le résumé. Ces dernières mesures à l’initiative de l’ « lnternational Osteoporosis Foundation » et de l’ « European Society of Skeletal Radiology », ainsi que l’intégration de la morphométrie vertébrale à l’examen de densitométrie, devraient permettre d’améliorer le diagnostic de l’ostéoporose et la prise en charge thérapeutique des malades qui reste actuellement très insuffisante.