200 Laurence Picard •Francis Eustache •Pascale Piolino
de conscience, la conscience autonoétique, implique pour le sujet
d’appréhender son existence au travers du temps subjectif, de percevoir
le présent comme suite de son passé et prélude de son futur (Wheeler et
al., 1997), et de reconnaître l’unicité et la continuité qui le caractérisent,
assurant ainsi son sentiment d’identité (le self). Le voyage mental dans le
temps serait donc le fruit de trois concepts : le sens du temps subjectif,
le self et la conscience autonoétique (Tulving, 2001, 2002). Cette faculté
impliquerait préférentiellement les lobes frontaux (Wheeler et al., 1997) ;
elle n’est partagée par aucun autre système mnésique, propre à l’Homme, et
fait de la mémoire épisodique le système mnésique le plus évolué au niveau
onto- et phylogénétique (Tulving, 1995). Ainsi, avant l’âge de 4 ans environ
les enfants vivraient sans véritable mémoire épisodique (Tulving, 2005) et
utiliseraient des systèmes mnésiques basiques émergeant successivement :
mémoire procédurale, système de représentations perceptives, mémoire
sémantique, puis mémoire de travail (Tulving, 1995). L’augmentation
tardive des capacités de la mémoire épisodique pourrait notamment
être due aux relations inter-systémiques auxquelles elle est assujettie
et à sa position au sein du modèle. L’encodage s’effectuant de façon
sérielle entre les quatre systèmes représentationnels, les capacités de
la mémoire épisodique resteraient sujettes à maturation tant que les
systèmes inférieurs ne sont pas parfaitement fonctionnels. Le stockage
s’effectuerait en revanche en parallèle et la récupération indépendamment
des autres systèmes mnésiques (Tulving, 1995). Le souvenir spécifique
d’un événement pourrait ainsi être récupéré en mémoire épisodique,
indépendamment des autres systèmes mnésiques.
Même si la définition de la mémoire épisodique suggère qu’elle
s’apparente à la mémoire autobiographique, ces deux concepts ne sont
pas superposables. En effet, la mémoire autobiographique ne concerne pas
uniquement la mémoire épisodique. Depuis l’observation du cas K.C. deux
composantes sont distinguées au sein de la mémoire autobiographique,
l’une épisodique et l’autre sémantique (Tulving, Schacter, McLachlan, &
Moscovitch, 1988). Ainsi, la mémoire autobiographique stocke l’ensemble
des informations (composante sémantique) et des souvenirs spécifiques
(composante épisodique) à un individu accumulés depuis son plus jeune
âge et qui lui permettent de construire un sentiment d’identité et de
continuité (Piolino, Desgranges, & Eustache, 2000). L’aspect composite
de la mémoire autobiographique a été souligné par différents auteurs,
notamment par Conway.
L’année psychologique, 2009, 109, 197-236