36 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 2 - mars-avril 2011
ÉDITORIAL
Que serait une vie sans mémoire ? Si l’absence de souvenirs
douloureux nous éviterait peine et culpabilité, nous n’au-
rions cependant pas non plus de souvenirs heureux. Chaque
moment serait une expérience nouvelle, chaque personne
un inconnu, chaque langage serait étranger, chaque activité,
comme lire, faire du vélo, serait une chose inconnue…
Dans le cas d’une amnésie antérograde, les troubles de la
mémoire touchent les événements en train de se produire.
Ils peuvent aussi affecter la mémoire du passé ; il s’agit alors
d’une amnésie rétrograde. Toutefois, on considère aujourd’hui
que la mémoire n’est pas unitaire (voir “Mémo ‘mémoire’”,
p. 43), et un trouble de la mémoire peut concerner élective-
ment un des systèmes de mémoire ou une procédure parti-
culière à l’intérieur d’un système.
La mémoire, à la fois fascinante et inquiétante, a de tout
temps inspiré poètes, écrivains, savants et philosophes, et
nombreux sont ceux qui y sont allés de leur petite phrase,
sérieuse ou drôle, tendre ou cruelle, assassine ou rêveuse.
Quand on interroge les dictionnaires ou les ouvrages de
psychologie, on apprend que la mémoire est une “activité
biologique et psychique qui permet d’emmagasiner, de
conserver et de restituer des informations”(dictionnaire Le
petit Larousse), mais aussi qu’elle consiste dans la “capacité
cognitive à réactiver, partiellement ou totalement, de façon
véridique ou erronée, les événements du passé” (G. Tieber-
ghien, chercheur en psychologie expérimentale) [Tieber-
ghien G. La mémoire oubliée ; Liège : Mardaga, 1997].
“Il est tellement facile d’écrire ses souvenirs quand on a
une mauvaise mémoire”, prétend A. Schnitzler. F. Berna,
M. Bennouna-Greene et J.M. Danion nous montrent
comment les études portant sur la mémoire autobiogra-
phique des patients souffrant de schizophrénie permettent
de mieux comprendre les troubles de l’identité subjective
chez ces patients.
Dans ses Maximes, F. de La Rochefoucauld constate que “Tout
le monde se plaint de sa mémoire et personne ne se plaint
de son jugement.” Or la pertinence de notre comportement
et la réussite de la tâche mnésique que nous accomplissons
dépendent de la qualité de la conscience que nous avons du
contenu de notre mémoire. M. Izaute et E. Bacon démon-
trent que, chez les patients schizophrènes, la conscience du
savoir présente des perturbations, mais aussi des composantes
préservées, ce qui est encourageant pour la mise en place de
stratégies de remédiation cognitive.
Selon V. Hugo, “Les enfants ont la mémoire courte, mais ils
ont le souvenir rapide.” H. Poissant et H. Carbonneau nous
expliquent que, d’après les travaux récents sur le trouble
déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH),
c’est la mémoire de travail spatiale qui serait la plus atteinte,
probablement du fait d’une hypoactivité cérébrale droite
fréquemment observée chez les personnes concernées.
Selon M. Chapelin, journaliste et écrivain : “L’homme
est parfois assez fou pour préférer le chagrin à l’oubli.”
Et pourtant… Pourtant, l’article de M.V. Sheveleva-Chopin
et C.S. Peretti montre bien que, chez les sujets anxieux,
le chagrin et l’oubli peuvent malheureusement coexister.
La mémoire est donc une fonction essentielle. Nous termine-
rons par conséquent ce petit florilège par une note mi-figue,
mi-raisin, proposée par F.P. Adams, chroniqueur américain de
la fin du
e
et du début du
e
siècle : “Rien n’est plus respon-
sable de bons vieux souvenirs qu’une mauvaise mémoire”…
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